AVIS N° 88 TOME III - PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 1998 - COOPERATION


Mme Paulette BRISEPIERRE, Sénateur


Commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces arméesAvis n° 88 Tome III - 1997/1998

Table des matières






N° 88

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 20 novembre 1997.

AVIS

PRÉSENTÉ

au nom de la commission des Affaires étrangères, de la défense et des forces armées (1) sur le projet de loi de finances pour 1998 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE,

TOME III

COOPÉRATION

Par Mme Paulette BRISEPIERRE,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Xavier de Villepin, président ; Yvon Bourges, Guy Penne, Jean Clouet, François Abadie, Mme Danielle Bidard-Reydet, MM. Jacques Genton, vice-présidents ; Michel Alloncle, Jean-Luc Mélenchon, Serge Vinçon, Bertrand Delanoë, secrétaires ; Nicolas About, Jean Arthuis, Jean-Michel Baylet, Jean-Luc Bécart,  Daniel Bernardet, Pierre Biarnès, Didier Borotra, André Boyer, Mme Paulette Brisepierre, MM. Michel Caldaguès, Robert Calmejane, Mme Monique Cerisier-ben Guiga,
MM. Charles-Henri de Cossé-Brissac, Pierre Croze, Marcel Debarge, Jean-Pierre Demerliat, Xavier Dugoin, André Dulait, Hubert Durand-Chastel, Claude Estier, Hubert Falco, Jean Faure, Philippe de Gaulle, Daniel Goulet , Jacques Habert, Marcel Henry, Roger Husson, Christian de La Malène, Edouard Le Jeune, Maurice Lombard, Philippe Madrelle, Pierre Mauroy, Mme Lucette Michaux-Chevry, MM. Paul d'Ornano, Charles Pasqua, Alain Peyrefitte, Bernard Plasait, Régis Ploton, André Rouvière, André Vallet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 230 , 305 à 310 et T.A. 24 .

Sénat : 84 et 85 (annexe n° 2 ) (1997-1998).

Lois de finances.

Mesdames, Messieurs,

1,25 milliard d'habitants en 2025 : en trente ans, le nombre d'Africains aura doublé et représentera 18 % de la population mondiale.

Plus que les vicissitudes du quotidien, les perspectives démographiques à moyen terme doivent éclairer notre diplomatie en Afrique et notre politique de coopération.

Il y a là en effet pour la France un défi majeur mais aussi une chance qu'il faudra saisir. Notre pays devra apporter sa part au développement économique nécessaire aux besoins d'une population plus nombreuse. Mais en retour, l'influence dont il bénéficiera sur le continent africain lui assurera sur la scène internationale un rôle et un rayonnement conformes à sa tradition historique et à sa vocation.

Il importe que notre coopération soit résolument tournée vers l'avenir. L'Afrique change. Ces mutations requièrent une analyse lucide. Notre action doit s'adapter en conséquence et s'ouvrir en particulier aux nouvelles générations d'Africains dont dépendra bientôt le destin du continent.

Et il n'est pas sûr que le projet de budget de la coopération, en baisse de 3,5 % par rapport à l'an passé soit à la mesure des enjeux décisifs que représente notre présence en Afrique.

*

* *

I. L'AFRIQUE EN QUÊTE DE NOUVEAUX ÉQUILIBRES

Les événements récents en Afrique Centrale ne se réduisent pas aux péripéties familières au continent : révolutions de palais, coups d'Etat... Ils traduisent à l'échelle d'une région, des mutations plus profondes. A cet égard, leur analyse peut fournir un préalable utile à une réflexion sur la politique française en Afrique.

A. QUEL ÉQUILIBRE POLITIQUE POUR L'AFRIQUE CENTRALE ?

L'année politique s'achève en Afrique centrale par une large redistribution des cartes : effondrement du régime du Maréchal Mobutu Sese Seko au Zaïre, rebaptisé République démocratique du Congo (RDC), retour au pouvoir par la force au Congo-Brazzaville de l'ancien Président Sassou N'Guesso au terme d'un conflit sanglant. Au-delà de ces bouleversements, de nouvelles solidarités se dessinent, de nouveaux équilibres géopolitiques se cherchent. En toile de fond cependant ce sont toujours les mêmes scènes de désolation : l'odyssée tragique des réfugiés dans l'est zaïrois, les souffrances des populations civiles victimes de conflits fratricides et implacables.

Mais l'Afrique centrale ne résume pas toute l'Afrique. A l'ouest, la plupart des pays connaissent une stabilité favorable à la poursuite de la croissance économique. Au sud, Pretoria, malgré les difficultés intérieures, s'affirme comme une puissance continentale avec laquelle désormais il faudra compter.

1. Les mutations de la scène politique

a) La fin du Zaïre de Mobutu Sese Seko

Octobre 1996 : les troupes rwandaises appuyées par l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo de Laurent-Désiré Kabila pénètrent dans l'est du Zaïre où se trouvent réfugiés, dispersés dans des camps de fortune, plusieurs centaines de milliers de Rwandais d'origine hutue.

Quelques dizaines de milliers de réfugiés regagnent le Rwanda. D'autres -la majorité- fuient plus à l'ouest sous la pression des troupes rebelles de Kabila. Ces dernières, animées par la volonté de conquête du pouvoir de leur chef, mettent en déroute les troupes de l'armée régulière zaïroise. Après trente-deux ans d'un pouvoir sans partage ou presque, le Président Mobutu est contraint à l'exil.

Au-delà du fleuve Zaïre à Brazzaville, l'échéance présidentielle prévue pour le 27 juillet aiguise les ambitions et met aux prises l'ancien chef de l'Etat, le général Denis Sassou N'Guesso soutenu par sa milice (les " Cobras ") et son successeur élu en août 1992, Pascal Lissouba.

Après de longs combats qui ont débuté le 5 juin, le général Sassou N'Guesso s'assure, le 14 octobre dernier, le contrôle de Brazzaville et, le lendemain, de Pointe-Noire, capitale pétrolière et poumon économique du pays, ceci grâce au concours décisif des troupes et des blindés angolais venus de l'enclave de Cabinda.

b) Incertitudes en Centrafrique

Plus au nord, en Centrafrique, le Président Ange Félix Patassé, pourtant démocratiquement élu, s'est trouvé confronté à des mutineries à répétition dont la dernière en date, en novembre 1996, ébranla très sévèrement les fondements de son autorité. La mise en place d'une force interafricaine de 700 hommes détachés par six pays (Burkina Faso, Gabon, Mali, Sénégal, Tchad et Togo) à la suite des accords de paix signés à Bangui le 25 janvier 1( * ) , grâce au soutien financier et logistique de la France, n'a pas permis de mettre fin immédiatement aux troubles et aux violences.

2. Le fruit logique d'alliances régionales

a) L'émergence de nouvelles puissances régionales

De Kigali à Brazzaville en passant par Kinshasa, existe-t-il un fil conducteur qui permette de comprendre la succession des événements ? Certes, la fragilité des pouvoirs en place trouve son explication première dans les dévoiements de l'autorité publique. Toutefois, à l'exception de la Centrafrique dont la situation apparaît principalement commandée par des déterminants internes, l'intervention de forces extérieures a représenté un élément souvent décisif dans le dénouement de crises politiques.

A travers les différents événements dont l'Afrique centrale est le théâtre, de nouvelles alliances régionales semblent en effet à l'oeuvre où l'Ouganda, le Rwanda, l'Angola et désormais la République démocratique du Congo et le Congo-Brazzaville jouent chacun leur rôle.

Pour accéder au pouvoir, le Président ougandais Yoweri Museveni s'était appuyé sur le Rwandais Paul Kagamé, en retour il a procuré au chef du Front patriotique rwandais (FPR) à dominante tutsie les moyens d'abattre le régime en place à Kigali (juillet 1994) après les terribles massacres dont furent victimes les populations tutsies du Rwanda ainsi que les Hutus modérés.

Minoritaires au Rwanda comme au Burundi, les Tutsis s'inquiétaient de la menace représentée par les menées de certains responsables Hutus à partir des camps de réfugiés installés dans le Kivu, au Zaïre. En outre, le Maréchal Mobutu apportait un appui constant aux militaires Hutus défaits dans leur propre pays. L'alliance des Tutsis du FPR et des hommes de l'Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo de Laurent-Désiré Kabila repose sur cet antagonisme commun vis-à-vis de Mobutu.

L'Angola , deuxième puissance pétrolière, représente une autre pièce essentielle de cette nouvelle logique d'alliance. José Eduardo Dos Santos, ancien révolutionnaire devenu Président de l'Angola, s'est trouvé en butte à l'hostilité du régime de Mobutu. Le Zaïre a ainsi accordé son soutien à l'Unita, le mouvement de rébellion angolais placé sous l'autorité de Jonas Savimbi. La victoire de M. Kabila a naturellement changé la donne et rapproché le Zaïre du pouvoir en place à Luanda.

Cependant le conflit angolais connaissait également des prolongements au Congo où le Président Lissouba bénéficiait de l'appui de l'Unita tandis que le général Sassou N'Guesso recevait une aide très active des forces angolaises. Compte tenu de la solidarité nouvelle entre l'Angola et le Zaïre, la tentative du Président Lissouba d'obtenir un soutien militaire 2( * ) de Kinshasa se trouvait condamnée à l'échec.

A la faveur de ces événements, l'Afrique du Sud a su se poser comme arbitre et apparaître comme une puissance régionale de premier plan. Les dénouements des crises politiques en Afrique centrale servent plutôt ses intérêts.

Grâce au développement, et à la qualité de ses réseaux d'infrastructure ferroviaires et énergétiques, Pretoria pourrait s'assurer la maîtrise de l'énergie électrique produite à partir du barrage d'Inga dans l'ancien Zaïre et l'évacuation de l'ensemble des minerais d'Afrique australe. La vente de matériels militaires constitue un autre enjeu d'importance : ainsi l'Afrique du Sud aurait fourni aux autorités du nouveau Congo, pour un montant de 330 000 dollars, des équipements destinés aux forces de police de Kinshasa... dont l'entraînement est par ailleurs assuré par des cadres ougandais.

b) Un jeu diplomatique autonome

Une leçon se dégage de la succession de ces événements. Les alliances ont ignoré les clivages traditionnels entre Afrique francophone, anglophone ou lusophone. Elles se sont déterminées avant tout en fonction d'amitiés politiques, de solidarités régionales mais aussi de liens ethniques comme le soulignait à juste titre un observateur 3( * ) : les références traditionnelles aux statuts de " maîtres " ou de " dépendants " et à une hiérarchie fondée, non sur l'antériorité de l'accès à la terre, mais sur la prise de possession sous une forme pacifique ou conquérante d'un territoire, créent des connivences souvent méconnues par les puissances occidentales.

Le poids de ces facteurs régionaux explique que les événements aient, en grande partie, échappé à l'influence des grandes puissances. Le jeu diplomatique dans la région a ainsi conquis une autonomie certaine. Le sommet de Luanda (27 octobre 1997) où les Présidents Dos Santos, Sassou N'Guesso, Kabila et Bongo ont adopté une déclaration commune récusant toute forme d'ingérence 4( * ) dans leurs affaires intérieures en a apporté une nouvelle preuve.

B. UNE CROISSANCE ENCORE FRAGILE

1. Des économies mieux orientées

a) Une croissance fortifiée

L'Afrique a renoué avec la croissance. Depuis la dévaluation du franc CFA en janvier 1994, les pays de la zone franc, en particulier, se distinguent par des résultats particulièrement remarquables avec une progression de 5,5 % du produit intérieur brut en 1996 -contre 5 % en moyenne pour les pays situés hors de la zone franc. Ainsi, pour la première fois depuis de nombreuses années, ces pays connaissent un taux de croissance réel supérieur au taux d'accroissement naturel de la population et partant, une amélioration du revenu par habitant.

En outre pour la première fois également, depuis 1990, le continent a connu en 1996 une croissance de ses échanges supérieure à celle du commerce mondial avec une hausse de 8,5 % pour les exportations et de 5,5 % pour les importations.

Ces performances reposent en premier lieu sur la hausse des revenus de la production agricole . Trois facteurs ont en effet joué dans un sens favorable : les bonnes conditions climatiques, le niveau encore soutenu du cours des matières premières, la restructuration des filières de cultures de rente.

A titre d'exemple, le Burkina Faso, à la faveur de la campagne 1996/1997, a augmenté de plus de 30 % sa production de coton-graine et de coton-fibre grâce à une meilleure organisation de la production (adhésion massive des paysans aux groupements de producteurs, amélioration du rapport qualité/prix des intrants et remise de 2,2 milliards de francs CFA d'arriérés de dettes aux groupements villageois). Ainsi, à la faveur de la hausse des recettes globales de la campagne, les revenus distribués aux paysans progresseront de 44,4 % pour dépasser 35 milliards de francs CFA.

De façon plus générale, dans la plupart des pays de la zone franc, l'augmentation des revenus ruraux a donné un nouvel élan à la consommation des ménages.

Le retour des financements extérieurs publics constitue l'autre facteur, décisif, de la croissance dans les pays de la zone franc. Dans le cadre des programmes destinés à atténuer le choc de la dévaluation, en effet, le soutien des bailleurs de fonds internationaux a représenté 10 % du produit intérieur brut de la zone en 1994, 8 % en 1995 et 6 % en 1997.

D'après le Fonds monétaire international, le taux de croissance approchera 4 % en 1997. La croissance dans les Etats de la zone franc pourrait se stabiliser légèrement au-dessus de ce niveau. Grâce au dynamisme de l'économie ivoirienne, l'Union économique et monétaire ouest-africaine (UEMOA) enregistrera un point de croissance de plus que les Etats de la Communauté économique et monétaire d'Afrique centrale (CEMAC).

Ces résultats apparaissaient d'autant plus remarquables qu'ils ont été obtenus dans le respect des grands équilibres financiers

b) Un assainissement de la situation économique

. Une inflation et des déficits mieux maîtrisés

Dans les pays de la zone franc l'inflation a été contenue au-deçà de 5 % en 1996. Elle dépassait 31 % en 1994 et encore 11 % en 1995.

De même, les déficits budgétaires se sont réduits de 9 à 10 % du PIB dans les années 80 à 5,6 % aujourd'hui. Ici encore, les finances publiques des pays de la zone franc se trouvent dans une situation plus favorable avec un déficit budgétaire inférieur à 5 % du PIB.

Hors intérêts et hors concours extérieur, la zone connaît même un excédent budgétaire de l'ordre de 4 % du PIB (contre un déficit de 2,8 % du PIB en 1993).

Au-delà de l'assainissement des finances publiques, plusieurs pays ont entrepris de rénover en profondeur les cadres de l'organisation économique. La libéralisation se poursuit à travers la suppression des prix administrés, les privatisations, le développement de la concurrence.

. Une adaptation progressive des circuits financiers

L'année qui s'achève s'est caractérisée par un effort particulier de restructuration des circuits financiers et du secteur bancaire mais aussi par la mise en place d'une politique monétaire fondée sur des instruments de marché, le développement des systèmes de financement coopératifs ou d'organismes de microcrédits. Symbole de ces changements, une bourse des valeurs regroupant les entreprises privées les plus notables d'Afrique de l'Ouest verra le jour avant la fin de l'année à Abidjan. Les pays d'Afrique centrale nourrissent également, à plus longue échéance, un projet comparable.

Pour l'heure, la place financière d'Abidjan peut se prévaloir d'un véritable succès : depuis le 1er janvier 1994, l'indice boursier a progressé de 363 % et la capitalisation boursière de 404 % pour atteindre 615 milliards de francs CFA 5( * ) . Une trentaine de sociétés y sont cotées dont la plupart ont été récemment privatisées. La réussite de la bourse d'Abidjan reflète l'amélioration de la situation économique de la Côte d'Ivoire et peut avoir un véritable effet d'entraînement sur les pays voisins.

. la mise en place de dynamiques régionales

Des pôles régionaux de développement autour de la Côte d'Ivoire mais aussi, à une échelle plus vaste encore, autour de l'Afrique du Sud paraissent aujourd'hui en voie de se constituer. Ces pays connaissent, en effet, des évolutions prometteuses : une économie déjà diversifiée ou encore un taux d'utilisation de l'appareil productif encore très élevé (plus de 90 %). L'intégration régionale a progressé dans le cadre des organisations comme l'UEMOA, la CEMAC et la communauté de développement de l'Afrique australe (SADC).

L'UEMOA et la CEMAC se sont efforcées de renforcer la cohérence de leurs zones respectives. Ainsi, l'harmonisation des réglementations et l'exercice des contrôles au niveau régional ont fortement contribué à l'assainissement du système bancaire. Par ailleurs, les politiques communes en matière d'assurance ont conduit à l'émergence d'un véritable marché régional de l'assurance . Les caisses de prévoyance sociale sont également soumises à des contrôles régionaux et disposeront à partir du ler janvier 1998 d'un plan comptable commun. Enfin, les Etats ont adopté les premiers textes communs en matière de droit des affaires.

Toutes ces initiatives s'inscrivent naturellement dans la durée. Toutefois elles constituent un jalon essentiel du retour à la confiance, indispensable pour renforcer l'intérêt des investisseurs privés pour l'Afrique.

L'insuffisance de l'investissement privé apparaît en effet aujourd'hui encore comme l'une des principales faiblesses des économies africaines.

2. Les facteurs de fragilité

Le retour de la croissance repose sur des bases encore fragiles : un afflux d'aides extérieures dont le renouvellement n'apparaît guère assuré, un niveau soutenu du cours des matières premières sur des marchés par nature fluctuants...

a) Une dépendance excessive

Les économies dépendent trop exclusivement de la vente d'un nombre limité de produits primaires. Sans doute, au Sénégal ou en Côté d'Ivoire, l'exportation de produits agricoles transformés ouvre-t-elle des perspectives prometteuses. Mais, ailleurs, la diversification du tissu productif avance très lentement.

b) L'insuffisance de l'investissement

Le taux d'investissement global moyen depuis la dévaluation représente dans la zone franc 16 % du PIB en Afrique de l'Ouest et 20 % en Afrique centrale. Cependant le continent apparaît sur ce point, décisif pour le développement, en net retrait par rapport aux économies asiatiques qui ont connu un taux d'investissement global moyen de 28 % par an sur la période 1975-1995.

L'épargne intérieure reste difficile à mobiliser, même si, paradoxalement, elle apparaît relativement abondante. Ainsi, selon certaines estimations, l'Afrique centrale connaît actuellement une situation de surliquidités. En 1996 le montant des liquidités aurait atteint 160 milliards de francs CFA dans les six Etats-membres de la Banque des Etats d'Afrique centrale et s'investissait à l'étranger ou dans des biens non productifs comme l'immobilier. La fragilité des systèmes bancaires demeure encore l'une des principales explications de cette défiance très préjudiciable au développement des économies africaines.

L'augmentation de l'investissement passe dès lors nécessairement par une mobilisation de l'épargne extérieure.

Or comme le rappelait en mai dernier le rapport de la Conférence des Nations unies pour la coopération et le développement, l'Afrique n'a attiré entre 1991 et 1995 que 2 % du total des investissements étrangers, soit 45 milliards de dollars. Encore ces flux se sont-ils concentrés sur un nombre réduit de pays (le Nigeria, l'Egypte et le Maroc ont attiré la moitié des fonds) et de secteurs (les services et le pétrole).

En 1996, d'après la Banque mondiale, les flux de capitaux nets vers les pays en développement sont passés de 230 milliards de dollars à 285 milliards de dollars, soit une hausse de 17,5 %. Cette progression repose essentiellement sur l'afflux des capitaux privés -80 % des flux. L'Afrique subsaharienne apparaît en marge de ce mouvement. L'an passé, elle n'a reçu que 12 milliards de dollars de capitaux privés alors que, dans le même temps, un montant de quatorze milliards de dollars s'investissait au Brésil.

L'harmonisation des règles de droit doit encore être intensifiée. Il faut regretter à cet égard que la "charte pour l'investissement" préparée par un groupe franco-africain d'experts indépendants n'ait pu être adoptée lors de réunion semestrielle de la zone franc en avril dernier. Plutôt que de mettre en place une inspection générale des douanes et l'établissement d'une fiscalité foncière dans les pays de la zone, les ministres ont préféré s'en tenir à de grands principes peu contraignants. La mise en place d'un cadre juridique constitue pourtant une condition indispensable, il faut le répéter, pour mobiliser les investisseurs privés aujourd'hui souvent découragés par l'instabilité politique et l'insuffisance de l'Etat de droit.

Aujourd'hui, l'Afrique doit s'efforcer de surmonter ces facteurs de fragilité et en particulier l'insuffisance de l'investissement privé pour créer les conditions d'une croissance durable.

Dans cette perspective, le soutien de la communauté internationale lui est encore indispensable.

II. LA POLITIQUE DE LA FRANCE EN AFRIQUE À L'ÉPREUVE

Parce que la France n'a jamais délaissé l'Afrique, parce qu'elle est restée fidèle aux liens tissés par l'histoire et a voulu soutenir le développement du continent, en un mot, parce que, seule parmi les anciennes puissances coloniales, elle peut se prévaloir d'une vraie politique en Afrique, elle s'est exposée plus que d'autres aux critiques et aux reproches.

L'année 1997 s'est ainsi caractérisée par une attaque en règle contre notre diplomatie en Afrique. La France a été accusée d'ignorer les évolutions profondes du continent, et de s'en tenir à ses liens avec des chefs d'Etat autoritaires et corrompus au mépris des principes affichés au sommet franco-africain de La Baule. Considérée comme la première pièce d'un jeu de domino qui allait emporter toute l'Afrique centrale, la chute du Maréchal Mobutu a été considérée comme un grave revers de notre politique africaine. Ces sombres pronostics ne se sont pas vérifiés. Les troubles n'ont touché que le Congo et le retour au pouvoir d'un homme, Sassou N'guesso, jugé plutôt favorable à la France semble ouvrir à moyen terme une période de stabilité. En outre, faut-il le rappeler, la France n'a jamais eu d'intérêts économiques essentiels au Zaïre. La communauté française ne compte guère que six cents personnes. Enfin, la théorie des dominos ne s'est pas, jusqu'à présent, vérifiée.

Les jugements portés sur la politique de notre pays méritent ainsi plus de nuances. Est-ce à dire que notre action sur le continent ne doive pas s'adapter ? Au contraire, des changements paraissent souhaitables. Encore faut-il, pour en prendre la juste mesure, se reposer sur une analyse sereine et objective de la situation et non sur je ne sais quels partis pris.

A. LES RISQUES DE LA FIDÉLITÉ

La France demeure le premier bailleur de fonds du continent africain. Son aide s'inscrit dans le cadre d'une politique de coopération mise en place depuis la période de la décolonisation. Cependant, la position de la France apparaît aujourd'hui contestée. Cette remise en cause tien à la fois aux mutations du continent africain mais aussi à certaines erreurs ou lacunes dans la gestion de notre politique africaine.

1. La France, premier partenaire de l'Afrique

Tandis que l'aide publique au développement connaît depuis plusieurs années déjà un mouvement préoccupant de recul, la France a su maintenir une aide substantielle.

a) Le reflux historique de l'aide publique au développement

Dans son rapport " coopération pour le développement " (février 1997), l'OCDE dressait un constat alarmant de l'évolution de l'aide publique au développement. L'effort consenti par les pays industrialisés au profit des pays en développement a chuté de 14 % entre 1992 et 1995. Il est passé de 59,14 milliards de dollars en 1994 à 58,89 milliards de dollars en 1995.

L'aide représente en moyenne 0,27 % du produit national brut des pays membres du Comité d'aide au développement : un résultat bien en deçà de l'objectif de 0,7 % fixé par les Nations unies en 1970. Autour de cette moyenne, il existe d'importants écarts entre la participation des Etats-Unis (0,12 %), la plus faible au regard des moyens disponibles, et l'effort consacré à l'aide au développement par les pays scandinaves (au dessus de 0,80 %).

Aide publique au développement en pourcentage du PIB

En % du PIB

1995

1996

France hors TOM

0,48

0,43

Allemagne

0,31

0,32

Canada

0,38

0,31

Etats-Unis

0,10

0,12

Italie

0,15

0,20

Japon

0,28

0,20

Norvège

0,87

0,85

Pays-Bas

0,81

0,83

Royaume-Uni

0,28

0,27

Suède

0,77

0,82

. Un exemple de désengagement : le Japon

L'évolution de l'aide publique japonaise paraît exemplaire d'un certain désengagement de la communauté internationale vis à vis des pays en développement. Au premier rang mondial, en valeur absolue, l'aide publique japonaise a baissé de 35 % en 1996. En outre, le gouvernement japonais envisage une baisse de 10 % de l'aide publique au développement dans la prochaine loi de finances pour 1998. Cette réduction s'inscrit dans la logique -commune à la plupart des autres pays industrialisés- de maîtrise des dépenses publiques, mais elle s'explique également par la volonté de réformer le dispositif de l'aide, sinon l'esprit même de la coopération japonaise. Ainsi, le gouvernement souhaite favoriser une meilleure combinaison des capitaux privés à l'aide publique et d'une certaine façon, cette préoccupation fait écho au souci manifesté par les entreprises japonaises de bénéficier plus directement des concours publics destinés au monde en développement.

. L'Afrique, principale bénéficiaire de l'aide .

L'aide publique au développement bénéficie principalement à l'Afrique qui n'a toutefois reçu que 21,8 milliards de francs en 1995 contre 25 milliards en 1992 (suivent, en ordre décroissant : l'Asie, l'Amérique latine et l'Europe méridionale -par pays, la Chine reste le plus important bénéficiaire de l'aide publique au développement).

b) La France, un effort soutenu

Avec une aide publique au développement de 8,44 milliards de dollars en 1995, la France se situe parmi les premiers bailleurs de fonds derrière le Japon (14,48 milliards de dollars), mais devant les Etats-Unis (7,36 milliards de dollars). Rapporté au nombre d'habitants, l'aide française s'élève à 12 dollars par mois, tandis qu'elle ne dépasse pas deux dollars par mois aux Etats-Unis.

I - Aide bilatérale

24 751

- Dons

19 799

Coopération technique

10 175

Aide projets

2 775

Aide programme

1 749

Allégements de dettes

5 100

- Prêts

3 401

Aide projet

2 437,8

Consolidation de dettes

- 156

Coûts de gestion

- 1 551

II - TOM

4 686

III - Aide multilatérale

8 682

Aide européenne

4 321

- Banques et fonds multilatéraux

3 210

- Nations unies

746

- FASR-FMI

405

TOTAL APD

38 119

2. Des choix contestés

a) Un " pré carré " remis en cause

La présence française en Afrique a subi le contrecoup de deux évolutions dont la maîtrise échappait complètement à notre pays : la crise économique et financière de la fin des années 80 et du début de la décennie suivante dans le continent africain, la fin de la guerre froide et la remise en cause des positions diplomatiques figées par l'antagonisme Est-Ouest.

. L'influence croissante des institutions financières internationales

Lorsque les pays africains se sont trouvés tour à tour, en particulier dans la zone franc, confrontés à une grave crise financière, la France a pris conscience qu'elle ne pouvait assumer, seule, la responsabilité d'un assainissement économique de ses partenaires africains. Le recours au Fonds monétaire international (FMI) et à la Banque mondiale s'est révélé indispensable. La logique économique défendue par ces institutions fondée sur les axiomes du libéralisme a trouvé droit de cité dans des pays marqués encore par l'étatisation des structures de production et des réglementations très lourdes (sinon toujours respectées).

A bien des égards, les préoccupations des institutions de Bretton-woods s'accordaient avec les changements souhaités par la France. Elles leur ont permis parfois de se concrétiser. La dévaluation du franc CFA en 1994 apparaît à cet égard exemplaire.

Avec les années, la France a pu faire valoir auprès des représentants du FMI et de la Banque mondiale une sensibilité plus respectueuse des réalités locales et corriger ainsi ce que pouvait avoir d'excessif un libéralisme par trop dogmatique.

A titre d'exemple la Banque mondiale a retenu pour thème dans son dernier rapport consacré au développement " l'Etat dans un monde en mutation ". Longtemps partisan de la réduction du rôle de l'Etat, la Banque reconnaît la nécessité d'un Etat efficace pour favoriser la mise en place d'une économie de marché efficace.

Il n'en reste pas moins que la France ne peut plus apparaître, même pour les pays qui nous sont les plus liés, comme un interlocuteur exclusif.

. Les Etats-Unis, un nouvel acteur sur le continent

Dans la logique d'opposition entre deux blocs antagonistes, les Etats-Unis s'accommodaient fort bien de l'influence française sur le continent africain, influence inspirée à la fois par un souci de stabilité et de solidarité avec les intérêts des démocraties occidentales. Ce partage des rôles, héritage de la guerre froide, s'est trouvé remis en cause à la suite de l'effondrement de l'empire soviétique. Désormais essentiellement guidés par des intérêts nationaux, les Etats-Unis pouvaient souhaiter jouer leur propre partie en Afrique.

D'autres facteurs ont contribué à aiguiser l'intérêt de Washington pour le continent africain : l'émergence d'une nouvelle puissance régionale, l'Afrique du Sud, affranchie des liens de l'apartheid mais aussi l'exploitation des richesses minières, en particulier dans le golfe de Guinée où les perspectives de prospection pétrolière apparaissent très prometteuses.

La politique américaine en Afrique s'est toutefois montré hésitante. Les derniers événements dans l'ancien Zaïre en ont apporté le témoignage.

Tandis que le 15 novembre 1996, ils soutenaient une résolution appelant au respect de l'intégrité territoriale du Zaïre, les Etats-Unis apportaient un appui politique, financier voire militaire à l'offensive de Laurent-Désiré Kabila. Double jeu ou confusion ? Il est difficile de le dire. Cependant, les manoeuvres du chef de l'Alliance ont bientôt échappé au contrôle des Etats-Unis dont il faut tout de même rappeler qu'ils ont été les principaux soutiens du régime de Mobutu Sese Seko pendant de nombreuses années. Les difficultés liées à l'envoi d'une commission d'enquête des Nations unies sur les massacres commis contre les réfugiés dans le Kivu illustrent encore les ambiguïtés de la diplomatie de Washington qui, à cette occasion, a montré les limites de son influence sur le nouvel homme fort installé à Kinshasa.

Si la diplomatie américaine apparaît hésitante, la politique économique des Etats-Unis répond à une stratégie plus déterminée.

Certes, pour l'heure, l'Afrique demeure pour les Etats-Unis un partenaire économique marginal. Elle représente 1 % de ses exportations (5,8 milliards de francs) et 2 % de ses importations (15 milliards de dollars). Les échanges se concentrent sur un petit nombre de pays (l'Afrique du Sud, le Nigeria, l'Angola et le Gabon représentent 80 % des importations américaines) et sur un nombre limité de produits avec au premier rang, les hydrocarbures.

En outre, les conditions d'accès au marché américain demeurent restrictives : 67 % des ventes africaines supportent des droits de douane. Moins de 4 % d'entre elles bénéficient du système de préférences généralisé dont le dispositif, du reste, est aujourd'hui suspendu à une prorogation du Congrès.

Par ailleurs, les mécanismes d'incitation destinés aux entreprises américaines ont subi les effets de la contrainte budgétaire. Les engagements de l'agence américaine de garantie des investissements privés à l'étranger (l'OPIC) se sont réduits de 237 millions de dollars en 1994 à 174 millions de dollars en 1995.

Quant à l'aide bilatérale destinée à l'Afrique, elle a connu une contraction sévère entre 1993 et 1996 passant de 850 millions de dollars à 550 millions de dollars (0,1 % du produit intérieur brut américain).

Par ailleurs, le fonds de développement pour l'Afrique a été démantelé en 1996 et l'aide à l'Afrique relève désormais du fonds général d'intervention de l'agence américaine.

Cependant, les Etats-Unis paraissent aujourd'hui résolus à imprimer un nouvel élan à leur présence économique en Afrique. En juin 1997, avant le sommet du groupe des huit pays les plus industrialisés à Denver, le Président Bill Clinton a présenté une initiative économique pour le continent dont il n'est pas inutile d'évoquer ici les grandes lignes. D'après Washington, la faiblesse des performances africaines s'explique par la conjonction de trois facteurs : l'instabilité politique marquée par de nombreuses guerres civiles, les déséquilibres macro-économiques, les distorsions des mécanismes d'allocations de ressources et, en particulier, un niveau de protection douanière trop élevé (soit un coût additionnel de 11 milliards de dollars presque équivalent au montant de l'aide publique reçue). Cependant, le redressement des économies africaines, sensible depuis 1995 (avec un taux de croissance du PIB de l'ordre de 4 % en moyenne), ouvre la perspective de débouchés intéressants pour les exportations américaines.

Le renforcement de la présence américaine ne passe toutefois pas par l'aide au développement mais par une utilisation efficace des mécanismes de marché et de l'initiative privée. Ces orientations se sont traduites par un projet de loi (" African growth and opportunity Act ") en cours d'examen devant le congrès. Ce texte comporte deux volets principaux :

- une extension du système de préférences généralisées à des produits sensibles (textile et habillement) jusque là exclus du dispositif ;

- la mise en place de nouveaux programmes d'appui à l'investissement privé sous les auspices de l'OPIC à travers un fonds de prise de participation de 150 millions de dollars et un fonds de 500 millions destinés aux investissements privés dans les infrastructures.

Ces objectifs rencontrent toutefois un faisceau d'oppositions. Le système de préférences généralisées n'est plus en vigueur depuis plusieurs mois et son extension au textile-habillement ne s'accorde pas aux intérêts de l'industrie textile américaine bien défendue au sein du congrès -déjà des contingents ont été imposés aux productions du Kenya et de l'île Maurice. En outre, les programmes de l'OPIC demeurent une cible privilégiée pour les adversaires de " l'assistance sociale aux entreprises " et pourraient subir de nouvelles réductions au nom de la rigueur budgétaire.

Cependant, les entreprises américaines n'ont pas attendu les choix définitifs des autorités publiques pour passer à l'offensive sur les marchés africains : les investissements industriels directs des Etats-Unis progressent rapidement. D'un montant de 173 millions de dollars en 1994 ils s'élevaient à 1,2 milliard de dollars en 1996 dont 30 % en Afrique du Sud.

Désormais, la France doit compter avec ces concurrents, même sur les terres traditionnelles de la francophonie.

b) Les erreurs françaises

L'analyse des erreurs de notre diplomatie ne doit pas s'arrêter aux positions arrêtées par le gouvernement français au moment de la crise zaïroise. Il lui faut également tenter d'expliquer l'origine de ces choix malheureux mais aussi s'interroger sur certaines orientations qui, à l'épreuve des réalités africaines, ont montré leurs limites.

. Les déconvenues diplomatiques dans la région des grands lacs

Le soutien accordé jusqu'au dernier moment au maréchal Mobutu exposait la France à de sérieuses déconvenues dans la crise zaïroise. La capacité d'arbitrage et la liberté de manoeuvre diplomatique française dans la région apparaissaient, il est vrai, sérieusement limitées par les positions prêtées à la France dans la région des grands lacs et, en particulier, l'appui -apprécié avec une certaine injustice- accordé au président Habyarimana du Rwanda avant son assassinat par des Hutus extrémistes.

. La multiplicité des centres de décision

La multiplicité des centres de décision dans la politique africaine constitue un handicap sérieux pour la mise en oeuvre d'une diplomatie cohérente et déterminée. Comme le soulignait M. Michel Roussin 6( * ) " la gestion de [la crise zaïroise], qu'il s'agisse des quatre responsables Afrique de l'Elysée, des services du Quai d'Orsay, du ministère de la défense, sans oublier les pseudo-réseaux, ne pouvait qu'engendrer télescopages, appréciations approximatives et absence d'anticipation ".

La " diplomatie " des réseaux -plus ou moins occultes- paraît aujourd'hui particulièrement préjudiciable à la politique française en Afrique. Elle double souvent -lorsqu'elle ne la contredit pas- l'action de nos ambassadeurs sur place, elle sert souvent plus utilement les intérêts de certains de nos interlocuteurs africains -qui savent habilement jouer des concurrences entre plusieurs réseaux- que l'intérêt national, elle repose sur un système de relations fondé sur d'anciennes connaissances et ignore les jeunes élites qui représentent pourtant l'espoir de l'Afrique et l'Afrique de demain.

. Une politique des visas trop restrictive vis-à-vis de nos partenaires africains

Un nombre croissant d'étudiants et de chercheurs africains préfèrent ainsi se former au sein des universités américaines plus accessibles. A terme, cette orientation trop rigoureuse de la France risque de peser durablement sur son rayonnement et sur son influence. La politique des visas et des bourses doit être organisée de façon plus généreuse.

La relève des générations en Afrique constitue un défi pour la France qui doit s'assurer, auprès des prochains responsables, du capital de confiance dont la créditaient les élites africaines de l'époque postcoloniale.

. Une application excessivement formelle des critères démocratiques

Les valeurs affirmées au sommet franco-africain de La Baule en 1990, si louables soient-elles dans leur principe, ont montré leurs limites à l'épreuve des réalités africaines. Le conditionnement de l'aide française aux progrès de la démocratie a entraîné des dérives.

Pour satisfaire les bailleurs de fonds, certains chefs d'Etats ont adopté tous les attributs de la démocratie sans suivre en rien l'esprit des institutions démocratiques. Comme le soulignait récemment l'ambassadeur de France, M. Stéphane Hessel, " ce n'est pas parce qu'un président a été démocratiquement élu qu'il est un bon porteur de la démocratie. Et ce n'est pas parce qu'un président a pris le pouvoir par un coup d'Etat qu'il n'est nécessairement pas porteur d'une évolution démocratique ".

Ainsi, la forme des institutions importe parfois moins que le fonctionnement effectif du pouvoir. Paradoxalement certains régimes présidentiels forts paraissent mieux à même que des démocraties fragiles et d'ailleurs souvent factices d'assurer une véritable transition vers l'Etat de droit. L'erreur est parfois de vouloir aller trop vite en réagissant avec notre propre mentalité sans tenir compte des différences et de la nécessité d'une évolution progressive. Sans doute, dès lors, faut-il encourager les avancées concrètes de l'Etat de droit -mise en place de règles juridiques transparentes, bon fonctionnement de la justice ...- et ne pas se satisfaire seulement d'un respect de façade des procédures démocratiques.

B. LES VOIES DU CHANGEMENT

Les observations précédentes doivent permettre de mieux discerner les orientations de la politique africaine de la France pour les années à venir. L'enjeu est capital car l'influence de la France sur le continent constitue un élément décisif du statut de grande puissance dont notre pays peut se prévaloir sur la scène internationale. Rappelons-le, 150 000 Français vivent et travaillent en Afrique. La France demeure pour le continent le premier pourvoyeur d'aide, mais aussi le premier investisseur. Elle est représentée par 121 groupes industriels et 68 banques ou compagnies d'assurances. Elle contrôle 21 % des parts du marché africain. En 1996, ses exportations vers le continent ont progressé de 9,5 % et ses importations de plus de 6 %. Les échanges se sont soldés par un excédent français supérieur à 11 milliards de francs.

La politique africaine de la France doit s'articuler autour des deux axes qui font sa spécificité : une volonté de présence, une coopération renouvelée.

1. Une présence renforcée dans une Afrique élargie

La présence de la France sur le continent africain soulève deux questions majeures : dans quel cadre géographique doit-elle s'inscrire ? Quels efforts doivent être accomplis en faveur de la communauté française ?

a) L'Afrique, partenaire privilégié

Selon votre rapporteur, l'aide publique doit se concentrer sur l'Afrique. Aussi la disparition de la notion de " champ " et l'extension des attributions du secrétariat d'Etat à la coopération à l'ensemble des pays en développement pouvait faire craindre une dilution des concours publics sur un nombre excessif de pays. Ce risque paraît conjuré. En 1997, l'Afrique bénéficie de 72 % des ressources procurées par les programmes de coopération destinés aux 34 nouveaux pays d'Afrique, du Pacifique Sud et des Caraïbes.

La coopération avec les pays Caraïbe représente 8 % des moyens engagés. Mais les programmes demeurent modestes. Le plus important, destiné à la République dominicaine, ne dépasse pas 7 millions de francs. En outre, un fonds Caraïbe (doté de 7 millions de francs) dont les crédits sont délégués au Préfet de la Guadeloupe finance des projets permettant de favoriser l'insertion des départements d'outre-mer dans la région.

La part dévolue aux pays du Pacifique Sud (20 % du financement au titre des programmes attribués aux nouveaux pays du champ) peut surprendre au regard des besoins de développement et du poids démographique de ces micro-Etats.

Même si la présence de la France dans le Pacifique Sud représente un enjeu géostratégique majeur, la concentration de l'aide sur le Vanuatu (plus de 26 millions de francs -soit 72 % du montant des programmes bilatéraux) soulève quelques interrogations.

La priorité dévolue à l'Afrique demeure cependant préservée. De ce point de vue, les programmes de coopération s'inscrivent dans la cohérence des choix retenus pour l'attribution des aides au titre du Fonds d'aide et de coopération (FAC). Toutefois, les programmes de coopération permettent d'ouvrir notre aide à de nouveaux pays africains. Il convient de s'en réjouir. Certes, les pays d'Afrique francophone doivent demeurer privilégiés mais ils ne sauraient cependant, aujourd'hui, recueillir l'exclusivité du soutien français en Afrique.

En effet, l'Afrique bouge. De nouvelles puissances régionales émergent. Des perspectives de développement intéressantes se dessinent. Or souvent, les autres anciennes puissances coloniales, longtemps indifférentes, ne peuvent se prévaloir d'aucune " chasse gardée ". Au contraire, dans de nombreux pays, la présence française est sollicitée et notre aide présente un fort impact en termes politiques, à la différence des pays francophones où du fait de la fidélité de notre pays aux liens tissés par l'histoire, l'appui de la France revêt presque un caractère " normal ". Il y a donc là dans les pays du champ des opportunités politiques et économiques dont il faut jouer.

Les étapes retenues lors de la première tournée en Afrique du ministre des affaires étrangères -du 8 au 11 octobre dernier- apparaissent significatives à cet égard : au Gabon et à la Côte d'Ivoire sont en effet venus s'ajouter l'Afrique du Sud et l'Ethiopie. Il n'est d'ailleurs pas indifférent que ces deux derniers pays, avec le Nigeria et le Kenya, figurent au premier rang des pays africains bénéficiaires des programmes de coopération destinés aux nouveaux pays du champ.

Trois programmes méritent à cet égard l'intérêt :

- le développement du français au Nigeria pour répondre au souhait manifesté par ce pays de développer l'enseignement de notre langue (devenue deuxième langue officielle de ce pays qui compte 112 millions d'habitants) à travers le renforcement des actions en cours (écoles pilotes, alliances françaises, centres de formation) mais aussi une initiative plus originale à laquelle le Togo et le Bénin ont été associés (envoi d'enseignants béninois en français et utilisation pour la formation des maîtres nigérians de structures béninoises et togolaises) ;

- l'amélioration de l'élevage (situation sanitaire des troupeaux, modernisation des structures d'encadrement, organisation des éleveurs) dans la Corne de l'Afrique (Djibouti, Erythrée et Ethiopie) ;

- la coopération avec la Communauté de développement de l'Afrique australe avec pour premier axe, une assistance technique auprès de l'unité chargée du problème de l'eau (localisée au Lesotho).

La coopération privilégie l'Afrique du Sud qui, avec une dotation de 36 millions de francs en 1997, apparaît comme notre premier partenaire parmi les pays africains non francophones. Les enjeux commerciaux sont ici de première importance et les échanges entre nos deux pays ont d'ailleurs progressé de 20 % sur les six premiers mois de l'année.

b) Appuyer la présence française en Afrique

Notre influence en Afrique repose principalement sur cette communauté de Français -chefs d'entreprises, salariés du secteur privé, coopérants et leurs familles- qui oeuvre au quotidien et parfois dans des conditions très difficiles au développement, et à la pérennité de la solidarité entre la France et l'Afrique. C'est pourquoi il convient de donner à ces Français les moyens d'exercer leur activité dans les meilleures conditions. Votre rapporteur insistera en particulier sur trois aspect.

. Un effort nécessaire en faveur des PME-PMI françaises

En premier lieu, les crédits aux petites et moyennes entreprises françaises installées en Afrique devraient faire l'objet d'une attention particulière. Or, la Caisse française de développement ne met aucune ligne de crédit particulière à disposition de cette catégorie d'entreprises -alors même qu'à l'instar des sociétés africaines analogues, elles vivifient et renforcent le tissu industriel d'un pays.

. Un socle de garanties pour les travailleurs français en Afrique

Un socle de garanties doit être apporté aux travailleurs français en Afrique. A cet égard, une réponse enfin satisfaisante à la question des retraités pensionnés par les caisses de retraites d'Etats africains de la zone franc pourrait avoir une valeur exemplaire. On le sait, après avoir accompli tout ou partie de leur carrière professionnelle en Afrique, les Français rencontrent des difficultés récurrentes pour percevoir leurs droits à pension acquis auprès des régimes locaux d'assurance vieillesse. Surtout, la valeur de ces pensions s'est trouvée réduite de moitié à la suite de la dévaluation du franc CFA. Une mission tripartite dirigée par l'inspection générale des affaires sociales, menée avec les services du ministère des affaires étrangères et de la coopération a certes reconnu que la France ne pouvait se substituer à des Etats souverains pour garantir la valeur des prestations servies par leurs régimes de sécurité sociale et libellées dans leur monnaie nationale. On peut toutefois objecter que la dévaluation du franc CFA est intervenue sur une initiative française. Notre pays, qui a apporté une aide importante aux pays africains, doit assumer sa part de responsabilité vis à vis de ses propres ressortissants. Du reste, afin de tenir compte du préjudice subi en 1994, la France avait institué une aide exceptionnelle plafonnée et versée sous condition de ressources. Le gouvernement a décidé de réexaminer, sans tenir compte de la date limite, les quelques dossiers de demandes d'aide exceptionnelle au titre du dispositif pour 1994 qui avaient été déposés hors délai.

La mission tripartite a également formulé cinq propositions intéressantes sur le versement des retraites par les régimes de pension africains : une centralisation par le centre de sécurité sociale des travailleurs migrants -l'organisme de liaison français- des dossiers des personnes rencontrant des difficultés ; l'évocation systématique de cette question lors des rencontres bilatérales ou multilatérales entre le gouvernement français et ses homologues africains ; une aide, dans le cadre de la politique de coopération, au fonctionnement des caisses de retraite en complément de l'action déjà menée au sein de la Conférence interafricaine des institutions de prévoyance sociale en matière de contrôle de gestion et d'assistance technique ; en cas de carrière mixte accomplie en France et dans un Etat lié à la France par une convention libérale de coordination, une liquidation autonome et sans délais des pensions, afin que les retards ou les carences des institutions étrangères ne se traduisent pas également par des retards du côté français ; les moyens de favoriser la preuve de leurs activités en Afrique pour les personnes ayant cotisé à des caisses locales afin d'améliorer la prise en compte de ces périodes pour le calcul des pensions françaises.

Il faut espérer que ces propositions puissent se concrétiser rapidement. Votre rapporteur, pour sa part, y apportera une attention vigilante.

Il ne faut jamais l'oublier, l'expatriation demeure en particulier pour tous les travailleurs indépendants, un choix risqué mais aussi un choix coûteux. Elle conduit à renoncer au double avantage que représentent la gratuité de l'enseignement et une protection sociale nationale généreuse.

C'est pourquoi il importe de soutenir nos compatriotes quand ces derniers se trouvent confrontés à des situations difficiles comme ce fut le cas à la suite de la dévaluation du franc CFA en 1994 ou encore dans des périodes de trouble telles que la crise congolaise. Dans ces circonstances il conviendrait d'examiner de façon urgente les conditions d'une indemnisation directe ou indirecte. Ainsi au Congo, une formule adéquate reposerait sur l'exonération de droits de douane ou des dégrèvements d'impôt pour les opérateurs français installés dans ce pays.

Certes, ces mesures dépendent avant tout du gouvernement congolais. Mais, dans le contexte actuel, la France apparaît en mesure d'obtenir des autorités de Brazzaville des initiatives en faveur des Français du Congo.

. Le dispositif militaire français en Afrique : un élément essentiel pour la sécurisation de la communauté française

La pérennité de notre présence en Afrique dépend du maintien d'un dispositif militaire propre à sécuriser nos concitoyens dans un environnement régional souvent marqué par l'instabilité. Les événements du Congo Brazzaville ont souligné tout l'intérêt d'une présence militaire française. En juin dernier, dans le cadre de l'opération Pélican, l'armée française a déployé à Brazzaville 1 250 soldats et procédé à l'évacuation en quelques jours de 5 700 personnes dont 1 523 Français. A cette occasion les militaires français ont, une fois de plus, montré leur efficacité et leur courage. Il convient ici, de leur rendre un nouvel hommage.

Ce n'est donc pas sans une profonde inquiétude que votre rapporteur envisage les redéploiements de notre dispositif militaire sur le continent.

Le dispositif militaire actuel

Pays

8 125 hommes

SENEGAL

1 265 hommes/évolution possible : 1 100 hommes

Bataillon à 2 unités de combat

Unité Marine - détachement SURMAR (Atlantique)

Air : 1 Base air -1 avion de transport C 160 - 1 hélicoptère (HL)

COTE D'IVOIRE

580 hommes/maintien

Bataillon à 1,5 unité de combat

Air : 1 hélicoptère (HL)

GABON

600 hommes/évolution possible : 550 hommes

Bataillon à 2 unités de combat

Air : 1 avion de transport C 160 - 1 hélicoptère (HL)

TCHAD

840 hommes/évolution possible : 550 hommes

Groupement Terre à 2,5 unités de combat - 1 détachement ALAT

Base Air - 2 C 160

RCA

(Hors Almandin et MISAB)

1 390 hommes/évolution attendue : 0

Terre : 4 unités de combat - 1 détachement ALAT

Air : 5 avions de combat - 2 C 160

DJIBOUTI

3 450 hommes/évolution possible : 2 800 hommes

Terre : 8 unités de combat - 1 détachement ALAT

Marine : Batellerie

Air : 1 Base air - 8 avions de combat - 1 C 160 (HL)

Le dispositif actuel s'articule autour de 6 bases, fortes de quelque 8 000 hommes -dont 5 000 en zone subsaharienne. Il développe capacité de prévention (fondée sur les forces prépositionnées et la synergie avec la coopération militaire technique) et capacité d'action avec une panoplie de moyens peu nombreux mais facilement projetables et les possibilités de renforcement du dispositif par des forces de métropole grâce aux plates-formes portuaires ou aéroportuaires protégées par nos éléments stationnés.

Dans le cadre de la réforme des armées, les travaux du comité stratégique ont conduit à un réexamen de l'ensemble de notre dispositif outre-mer et à une réduction des effectifs prépositionnés. Les capacités opérationnelles reposeront dès lors sur un dispositif resserré constitué à terme par des unités entièrement professionnalisées, composées, pour les deux tiers, de personnels d'unités détachées en renfort de la métropole pour une durée de 4 à 6 mois et pour le reste, de personnels affectés sur le territoire.

La révision du dispositif devait également entraîner la fermeture d'une base. Le choix s'est porté sur les bases centrafricaines. Choix surprenant au regard de l'importance des infrastructures concernées et surtout de la position centrale particulièrement adaptée au déploiement de nos forces sur l'ensemble de la zone Afrique centrale. Certes les ambiguïtés du Chef de l'Etat centrafricain expliquent en partie la solution retenue. Mais ces considérations politiques sont-elles à la mesure des enjeux stratégiques que présente le dispositif militaire français en Centrafrique ?

Si la rationalisation de notre présence militaire apparaît inévitable dans le contexte actuel, trop d'incertitudes demeurent encore sur les moyens de préciser nos capacités opérationnelles.

La sécurisation de nos compatriotes ne suppose pas nécessairement un déploiement de forces considérables. Mais il faut au moins une présence qui soit dissuasive.

A titre d'exemple, il aurait sans doute suffi de compléter l'effectif de douze soldats affectés à la surveillance de notre Consulat à Pointe-Noire, par un nombre équivalent de militaires chargés de patrouiller en ville pour intimider les fauteurs de troubles et rassurer ainsi la communauté française restée sur place pendant les événements.

2. Une coopération mieux adaptée

Chaque année le thème de la réforme de notre dispositif de coopération revient avec une telle constance que votre rapporteur se fait quelque scrupule d'évoquer de nouveau cette question à l'occasion de la présentation du projet de budget. Cependant, la réorganisation revêt une actualité particulière cette année car le Conseil des ministres devrait présenter les grandes lignes d'une réforme avant la fin du mois de novembre. L'attention accordée aux questions institutionnelles ne doit toutefois pas détourner la réflexion des objectifs de notre coopération et de leur éventuelle adaptation.

a) La nécessité d'une direction politique

La dispersion des moyens dévolus à l'aide publique au développement n'est que le reflet de l'éclatement des centres de décision dans ce domaine. Le secrétariat d'Etat à la coopération maîtrise moins de 14 % des ressources totales destinées à l'aide.

Chaque ministère tend à conduire sa propre politique au risque d'une perte de cohérence et de transparence.

Répartition de l'aide publique au développement de la France

(TOM inclus)

Années 1995-1996

Versements nets en MF

1995

1996

Montant

%

Montant

%

Ministère de l'Economie et des Finances

18 719,15

44,42

15 420,87

40,45

. Aide multilatérale

9 493,09

7 935,74

. Prêts du trésor

2 261,28

1 659,94

. Dons associés aux prêts du trésor

512,86

546,93

. Consolidation de dettes

118,65

156,15

. Annulations de dettes

5 366,86

4 985,60

. Garanties diverses

147,65

197,72

. Bonifications La Baule 5 %

171,98

114,95

. Dons projets dons et à l'ajustement structurel

646,78

136,14

Ministère Coopération et Développement

4 985,54

11,83

5 264,90

13,81

. Coopération technique

2 456,37

2 376,70

. Fonds d'aide et de coopération

1 302,40

1 187,70

. Concours budgétaires

139,12

302,40

. Dons projets dons et à l'ajustement structurel

853,75

1 169,54

. Transport d'aide alimentaire

94,00

85,95

. Autres dons

139,90

142,61

Ministère des Affaires étrangères

3 176,42

7,54

3 312,31

8,69

Coopération technique

2 544,02

2 483,54

. Aide d'urgence

70,85

82,78

. Nations unies

561,55

745,99

Caisse française de développement

2 885,91

6,85

1 897,02

4,98

. Prêts du premier guichet

1 019,64

777,91

. Prêts d'ajustement

1 866,27

1 119,11

Ministère de la Recherche et de la Technologie

2 811,86

6,67

2 705,54

7,10

. Recherche

2 811,86

2 705,54

Ministère de l'Education nationale

1 625,03

3,86

1 982,48

5,20

. Ecolage

1 625,03

1 982,48

Autres ministères

1 484,42

3,52

1 299,29

3,41

. Aide alimentaire

218,57

272,38

. Aide aux réfugiés

620,00

400,00

. Autres

645,85

626,91

TOM

4 873,70

11,57

4 685,75

12,29

Coûts administratifs

1 577,14

3,74

1 551,05

4,07

TOTAL

42 139,17

100,00

38 119,21

100,00

La multiplicité des centres de décision politique soulève des difficultés particulières pour l'exercice d'une tutelle partagée entre les ministères des finances, des affaires étrangères et le secrétariat d'Etat à la coopération, sur un organe d'exécution comme la Caisse française de développement. Faute d'orientation politique, cet organisme, dont le rôle est crucial pour l'aide française, est souvent conduit à définir lui-même ses priorités. Certes, le gouvernement précédent avait entrepris de renforcer la coordination de la politique de coopération grâce à la mise en place d'un comité interministériel de l'aide au développement -le CIAD- (et ses relais sur le terrain, les comités locaux d'aide au développement). Cependant le CIAD s'est réuni une fois seulement depuis sa création et ne paraît pas s'être affranchi d'un certain formalisme.

Plutôt que de céder à cette tentation bien française de créer de nouvelles structures chaque fois qu'une institution existante ne donne pas satisfaction, il convient de s'attacher à quelques objectifs simples et clairs. Votre rapporteur en distinguera trois :

- la politique africaine et la coopération font partie intégrante de notre diplomatie : dans ces domaines, la direction politique doit appartenir, sous l'autorité du Président de la République et du Premier ministre, au ministre des affaires étrangères ;

- l'identité de la politique africaine doit être préservée et nos partenaires africains ont besoin d'un interlocuteur spécifique : à cet égard le maintien au sein du gouvernement (sous la forme d'un ministre délégué ou d'un secrétaire d'Etat) d'un responsable politique en charge de la coopération apparaît indispensable ;

- sur le terrain, les " métiers " doivent être mieux distingués : aux missions de coopération les missions de conseil et d'assistance technique, aux agences de la Caisse française de développement la responsabilité opérationnelle des projets en particulier pour les infrastructures même dans des domaines comme l'éducation ou la santé qui relèvent traditionnellement des missions de coopération.

b) Pour une coopération rénovée

La coopération française change peu à peu de visage. Trois inflexions en particulier attirent l'attention car elles éclairent peut-être les grandes orientations de l'avenir :

. Un effort prioritaire pour le développement de proximité

Le développement de proximité apparaît désormais comme une priorité. Il requiert des moyens financiers plus limités, il n'expose pas aux déconvenues associées trop souvent aux grands projets d'infrastructure dont les coûts de fonctionnement peuvent s'avérer prohibitifs, enfin il bénéficie directement aux populations concernées et contribuent ainsi à terme à limiter les flux d'immigration non maîtrisés. Les exemples pourraient être multipliés. Votre rapporteur se bornera à citer la réanimation des circuits de crédits pour remédier aux insuffisances du système bancaire, à travers l'aide apportée par la coopération française en Côte d'Ivoire au réseau des coopératives rurales d'épargne et des coopératives d'épargne et de crédit. Ce réseau créé en 1976 mais fragilisé par les défaillances successives de l'office national de la promotion rurale et de la Banque nationale de développement agricole, constituait souvent pour une population aux moyens très modestes le seul recours pour obtenir un crédit. L'appui des bailleurs de fonds a permis d'assainir le système qui, pour les 95 caisses de Côte d'Ivoire, réunit aujourd'hui 77 500 adhérents et 4,7 milliards de francs CFA.

Les CREP-COOPEC offrent quatre lignes de crédit : investissement, campagne, consommation, scolaire. Dans un pays où le système de sécurité sociale présente nombre de déficiences, elles permettent par exemple d'octroyer des avances représentant 70 % des dépenses liées aux ordonnances médicales. A terme, les bailleurs de fonds cherchent à assurer l'autofinancement des caisses et à garantir ainsi la pérennité du dispositif en place.

. La recherche de partenariats

La coopération doit s'inscrire dans le cadre d'un véritable partenariat. Les procédures choisies doivent permettre de responsabiliser les autorités locales et fixer des engagements réciproques pour la mise en oeuvre d'un projet. A cet égard la formule de " contrats de partenariat et de développement " étudiée par le secrétariat d'Etat à la coopération sur le modèle des contrats de plan français ouvre une piste intéressante.

. Une meilleure synergie avec les autres bailleurs de fonds

Enfin l'aide française doit savoir mieux utiliser les synergies avec les autres bailleurs de fonds tout en valorisant sa part d'initiative mais aussi sa participation financière (qui représente le quart des ressources du Fonds européen de développement par exemple) au sein de ces instances.

Au chapitre des expériences prometteuses, le programme de développement de la région de Kayes au Mali devait permettre de fédérer les efforts de la France (responsable de la modernisation du chemin de fer, de la construction de 100 km de routes goudronnées, des travaux d'électrification et d'assainissement) et de l'Union européenne (chargée de financer une route Bamako-Dakar). Le désenclavement de la région déshéritée de Kayes ne constitue pas seulement un facteur important du développement du Mali, il présente aussi des enjeux pour la France : 95 % des immigrés maliens installés dans notre pays, soit au total 37 000 personnes selon les chiffres officiels, mais plus vraisemblablement une centaine de milliers, sont originaires de la région de Kayes.

De façon générale, il faut, dans notre coopération, privilégier la rapidité d'exécution qui constitue le meilleur gage de l'efficacité.

III. L'ÉVOLUTION PRÉOCCUPANTE DES CRÉDITS DESTINÉS À LA COOPÉRATION

Le projet de budget de la coopération pour 1998 s'élèvera à 6 485 millions de francs soit une baisse de 3,55 % par rapport à la loi de finances initiale pour 1997. Les autorisations de programmes se contractent de 14,5 % (2 321,8 millions de francs au lieu de 2 425,6 millions de francs en 1997).

(en millions de francs)

Catégorie de dépenses

PLF

97

LFI

98

Evolution (en %)

Part dans les crédits du ministère (en %)

97/96

98/97

LFI 97

PLF 98

Assistance technique civile (chap.42-23-10)

1 445

1 370

- 3,1

- 5,2

21,5

21

Aide projet (chap.68-91)

. AP

. CP

2 375

1 891

2 299

2 027

- 14,8

- 10,8

- 3,2

+ 7,2

28

31

Coopération technique (Bourses, formation, échanges, appui aux organismes concourant au développement)

547

541

- 4,5

- 1

8

8,3

Concours financiers (chap.41-43)

810

570

- 21,6

- 29

12

8,7

Assistance technique et coopération militaire (chap.41-42)

739

703

- 4,7

- 4,8

11

10,8

Appui aux initiatives privées et décentralisées (chap.42-44)

153

150

+ 3,8

- 2

2,2

2,3

Le projet de budget s'inscrit dans la continuité des grandes orientations arrêtées l'an passé :

- la réduction des concours financiers à hauteur de 223 millions de francs, responsable pour l'essentiel de la baisse des crédits dévolue à la coopération (238,7 millions de francs) ;

- la déflation des effectifs de l'assistance technique parvenus aujourd'hui à un niveau préoccupant ;

- la priorité accordée à l'aide projet, même si la contrainte budgétaire ne permet pas de lui accorder encore l'effort nécessaire.

A. LA PRÉSENCE FRANÇAISE EN QUESTION

1. Les moyens du ministère sous contrainte

a) La réduction des crédits dévolus au service

. Les emplois et les rémunérations

Le ministère de la coopération perdra 12 emplois dont 7 dans l'administration centrale, 2 dans les missions de coopération et d'action culturelle et 3 dans les centres médico-sociaux. La réduction des effectifs dans les services extérieures traduit, en particulier, l'effort de rationalisation conduit sous l'égide du comité interministériel sur les moyens extérieurs de l'Etat (CIMEE) : un emploi de chef de mission est ainsi supprimé de nouveau en 1998 par fusion des fonctions d'ambassadeur et de chef de mission.

En fait, depuis 1993, les services extérieurs se caractérisent par la stabilité de leurs effectifs de fonctionnaires (de 167 à 175 entre 1993 et 1995) et par la diminution du nombre des contractuels (de 380 à 354).

Parallèlement, les crédits dévolus aux rémunérations progressent de 0,4 % entre 1997 et 1998 en raison de l'ajustement de l'indemnité de résidence à l'augmentation constatée du coût de la vie dans de nombreux pays.

. La réduction des dépenses de matériel et de fonctionnement courant

La baisse de près de 8 % des crédits destinés au matériel et au fonctionnement concerne principalement les services extérieurs. Elle prolonge la tendance observée au cours des années passées avec la rationalisation des services, la suppression de certains avantages (comme la prise en charge des coûts de l'électricité au domicile des agents) et un contrôle renforcé de la gestion des achats au sein de chaque mission.

Les mesures d'économie ont pour contrepartie un effort de productivité appuyé sur le développement des applications informatiques. Ainsi, en 1998, les moyens dévolus à l'informatique progresseront de 3 %.

b) Le rayonnement culturel de la France dans les pays du champ soumis à la stricte contrainte budgétaire

. Les centres culturels

L'augmentation de la dotation destinée aux centres culturels s'explique en fait par un double transfert des charges

- des actions en faveur de livres inscrites auparavant au Fonds d'aide et de coopération et désormais imputées aux centres culturels sur le chapitre 34-98-30 ;

- des rémunérations des personnels expatriés des alliances françaises.

. L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger (AEFE)

Chargée de la gestion de l'ensemble des établissements d'enseignement français à l'étranger, l'Agence rémunère les enseignants sur ses crédits (supposés couvrir ainsi le traitement brut, les indemnités d'expatriation et de résidence, les rémunérations supplémentaires pour enfants à charge, les mesures de revalorisation, les indemnités et avantages statutaires à l'exception des primes de vie chère et autres rémunérations supplémentaires).

L'Agence pour l'enseignement français à l'étranger est placée sous la double tutelle du ministère des affaires étrangères et du ministère de la coopération. Ce dernier ne participe toutefois que pour un cinquième aux ressources totales de l'Agence.

Les subventions de fonctionnement (au chapitre 36-30 art. 10) à l'AEFE s'élèvent à un montant de 368,4 millions de francs, très proche de la dotation accordée en 1997.

. Les équipements

Par ailleurs, les dotations pour les équipements se contractent de 54 % pour les autorisations de programme (de 47,660 millions de francs à 22 millions de francs) et de 34 % pour les crédits de paiement (de 43,3 millions de francs à 28,7 millions de francs).

Dans ces conditions, les opérations se limiteront à l'achèvement des grands travaux entrepris (en particulier pour le lycée de Tananarive) et à la reconstruction du centre culturel de Port au Prince.

. Les bourses

Les crédits dévolus aux bourses et à la formation (chapitre 42-43, art. 10) s'élèvent à 245 millions de francs. En 1996, les bourses ont été attribuées à 4 474 bénéficiaires (contre 4 439 en 1995). Désormais, conformément au souci de privilégier des formations courtes et ciblées, le nombre de stagiaires dépasse celui des étudiants (qui représentaient encore 60 % des boursiers africains en 1994). Près de 80 % des formations s'accomplissent en France.

L'orientation de ces bourses demeure un sujet de perplexité. Correspond-elle vraiment aux besoins d'économies en développement ? En effet 37 % des stages concernent l'administration et les services, 21 % les lettres et sciences humaines mais seulement 2,7 % l'agriculture, 2 % l'informatique. Ce n'est qu'en 1997 qu'un progamme de bourses d'entreprise a été mis en place.

2. La baisse prolongée de l'assistance technique : une remise en cause, à terme, de l'une des caractéristiques essentielles de notre coopération

La déflation continue des effectifs de l'assistance technique ne saurait se poursuivre dans les années à venir sans remettre en cause un élément fondamental de notre coopération fondé sur une forte présence humaine sur le terrain.

a) L'assistance civile

En 1998, 225 postes d'enseignants et 10 postes de techniciens seront de nouveau supprimés. En 8 ans, les effectifs de l'assistance civile auront ainsi été réduits de plus de moitié. Cette évolution répondait au souci de limiter le nombre de postes de coopérants dits de substitution. Elle a du reste principalement concerné les postes d'enseignants réduits de 62 % entre 1990 et 1998 (tandis que, sur la même période, les postes de techniciens se contractaient de 46 %).

Toutefois, aujourd'hui, le seuil est atteint en deçà duquel notre coopération changerait de nature. Notre pays dispose en effet grâce aux connaissance et à l'expérience acquise des coopérants, d'une capacité d'expertise sur les questions de développement sans exemple dans les autres pays industrialisés. En outre, la présence sur le terrain d'hommes et de femmes compétents constitue une garantie certaine pour une bonne utilisation, sur place, de notre aide. C'est pourquoi, votre rapporteur appelle le gouvernement à revoir désormais la politique menée continuellement ces dernières années en matière de réduction des effectifs.

ASSISTANCE TECHNIQUE - POSTES ETATS ET INTER-ETATS
EFFECTIFS TOUS STATUTS

Etat

Enseignants

Techniciens

Total

Angola

10

5

15

Bénin

25

38

63

Burkina Faso

76

69

145

Burundi

0

2

2

Cambodge

4

17

21

Cameroun

112

98

210

Cap-Vert

6

6

12

Centrafrique

42

38

80

Comores

27

29

56

Congo

28

52

80

Côte d'Ivoire

350

102

452

Djibouti

148

66

214

Gabon

195

76

271

Gambie

4

1

5

Guinée

25

38

63

Guinée B

6

13

19

Guinée E

9

15

24

Haïti

13

13

26

Madagascar

120

87

207

Mali

50

57

107

Maurice

17

8

25

Mauritanie

87

53

140

Namibie

4

13

17

Mozambique

11

9

20

Niger

48

67

115

La Dominique

2

10

12

La Grenade

2

5

7

Ste Lucie

4

9

13

St. Vincent

1

3

4

St. Christophe

1

1

2

Trinidad

0

1

1

Rwanda

0

5

5

St. Thomas

4

8

12

Sénégal

190

117

307

Seychelles

9

9

18

Tchad

40

73

113

Togo

20

14

34

Zaïre

2

0

2

France

60

72

132

Total

1 752

1 299

3 051

La disparition programmée de nombreux postes a nourri chez les assistants techniques un climat de doute. Parallèlement, les missions des coopérants s'inscrivent dans un cadre plus exigeant : définition de lettres de missions de plus en plus précises et limitation de la durée de séjour dans un Etat à six ans afin de favoriser la mobilité et renouveler les compétences.

Dès lors les attentes de ces personnels devraient être mieux prises en compte et il convient de relever à cet égard trois évolutions favorables :

- l'amélioration du dispositif de concertation à travers les commissions consultatives paritaires ministérielles et locales pour les questions d'ordre individuel, et dans les pays dont les effectifs de l'assistance technique civile atteignent cinquante coopérants, les commissions techniques paritaires locales -relais essentiel pour la préparation des comités techniques paritaires centraux ;

- une meilleure prise en compte de l'importance des responsabilités exercées dans la définition des primes de fonction et la reprise des ajustements change-prix en zone franc ;

- l'instauration d'une indemnité de logement aujourd'hui limitée aux coopérants de Côte d'Ivoire, mais dont l'extension à d'autres pays doit être envisagée sous certaines conditions.

Cependant votre rapporteur regrette de nouveau que la titularisation des contractuels de l'assistance technique autorisée par la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 (dite loi " Le Pors ") n'ait reçu qu'une appréciation très partielle. Quelque deux cents ayants-droit parvenus après juillet 1993 au terme de leur mission en coopération demeurent rémunérés par le ministère des affaires étrangères et le secrétariat d'Etat à la coopération dans l'attente de leur réinsertion dans une administration. Certes, certaines mesures ponctuelles ont permis de nouveaux départs en coopération, des mises à disposition ou quelques réinsertions dans des ministères techniques. Mais ces initiatives ne sont pas à la mesure d'un problème qui appelle un règlement global au niveau interministériel.

Enfin, votre rapporteur souhaiterait souligner sa profonde inquiétude sur le sort des postes de coopérants aujourd'hui pourvus par des appelés . En effet, après la suppression de l'obligation du service national, le remplacement de plus de 800 coopérants du service national (CSN) actuels par des professionnels, pourrait entraîner une dépense supplémentaire de 200 millions de francs venant s'ajouter aux 77 millions de francs consacrés aujourd'hui aux CSN par le budget de la coopération. En outre, la qualité des personnels recrutés dans le cadre du volontariat soulève de fortes incertitudes pour l'avenir.

b) L'assistance militaire technique : une double priorité pour la formation et le renforcement des capacités africaines de maintien de la paix

Les crédits liés à la coopération militaire (chapitre 41-42) s'élèveront à 703 millions de francs en 1998 contre 739 millions de francs en 1997, soit une réduction de 5 %. Cette baisse s'appliquera exclusivement à l'assistance militaire technique.

Quant aux deux autres volets traditionnels de la coopération militaire, ils connaissent une évolution contrastée : l'aide en matériel est maintenue à son niveau de 1997 (soit 180 millions de francs) tandis que la formation des stagiaires bénéficie d'une dotation (104,2 millions de francs) en hausse de 13,7 %. Parallèlement, notre coopération militaire s'efforcera de promouvoir les capacités africaines de maintien de la paix.

. Des effectifs réduits de 11 %

La décrue progressive des effectifs d'assistants militaires techniques se poursuit cette année avec la suppression de 70 postes en 1998 (de 640 à 570 assistants). Elle s'inscrit dans une tendance de fond commandée par deux facteurs principaux : la contrainte budgétaire d'une part, la finalité de la coopération d'autre part -les cadres nationaux devant se substituer à terme aux coopérants militaires.

Toutefois, il est impératif de maintenir un taux d'encadrement suffisant pour l'utilisation de l'aide en matériel.

A l'avenir, les missions d'assistance militaire devront justifier leurs effectifs en formulant, dans l'esprit qui prévaut pour l'assistance civile, des projets d'action précis sur un échéancier déterminé.

Répartition des effectifs de coopérants militaires

Evolution des postes AMT 1996-1997 et prévisions 1998

1996

1997

Prévisions 1998

Angola

2

2

4

Bénin

24

22

22

Burkina Faso

14

14

15

Burundi

24*

0

0

Cambodge

17*

15

15

Cameroun

54

50

45

Cap Vert

1

0

0

Centrafrique

63

59

59

Comores

34

28

16

Congo

25

23

7

Côte d'Ivoire

50

45

40

Djibouti

47

41

34

Gabon

60

51

40

Guinée

29

27

26

Guinée équatoriale

4

4

4

Madagascar

25

24

22

Malawi

1

1

1

Mali

25

23

21

Mauritanie

52

47

42

Mozambique

4

2

0

Niger

50

44

42

Sénégal

32

31

31

Tchad

60

55

55

Togo

34

32

29

TOTAL

714

640

570

*Burundi : Fermeture de la Mission d'assistance militaire à l'été 96.

*Cambodge - Pour mémoire, effectifs sur le budget des affaires étrangères.

. L'aide en matériels

Après une baisse de 10 % en 1996, les crédits dévolus à l'aide en matériels avaient été rétablis en 1997 à leur niveau de 1995 -soit 180 millions de francs. Le projet de loi de finances initiale pour 1998 préserve cette dotation. En effet, l'aide directe demeure très sollicitée par les pays africains. L'aide, même s'il convient de ménager une certaine souplesse dans son attribution, devrait à l'avenir répondre davantage à l'application de projets bilatéraux inscrits dans la stratégie d'une coopération contractuelle.

La mission militaire de coopération portera notamment ses efforts sur le développement des établissements centralisés de réparation et de reconstruction du matériel automobile des armées afin de réhabiliter au moindre coût le plus grand nombre de véhicules anciens et d'en éviter le remplacement prématuré et coûteux par des matériels neufs.

. La formation : la priorité accordée désormais à un enseignement à vocation régionale dispensé en Afrique

La formation des cadres officiers et sous-officiers des armées et des gendarmeries des pays d'Afrique francophone constitue l'axe prioritaire de notre coopération militaire. Les crédits qui lui sont destinés progresseront de 13,7 % en 1998 pour s'élever à 104 millions de francs.

Cependant si l'on prend également en compte la part des crédits de l'assistance technique militaire (art. 10) et de l'aide en matériel (art. 40) consacrés plus particulièrement à la formation, l'effort dans ce domaine porte sur un montant de 280 millions de francs, soit près de 40 % du budget total annuel de la mission.

Une forte inflexion sera imprimée en 1998 en faveur de la formation au sein d'écoles africaines à vocation régionale.

Le nombre des stagiaires dans les écoles françaises, soit 1 300 personnes en 1997, devrait être maintenu en 1998. De nouvelles filières spécialisées et adaptées aux besoins des pays partenaires ont été développées dans les écoles militaires françaises pour mieux répondre à la demande de formation (cours supérieur international de Gendarmerie à Melun, cours supérieur du Commissariat de l'armée de terre à Montpellier, cours supérieur de l'Ecole de l'air à Salon de Provence, cours supérieur de l'Ecole navale à Lanvéoc Poulmic).

La formation dans les écoles françaises s'adresse principalement aux personnels de haut niveau -officiers ou spécialistes- appelés à exercer des responsabilités importantes dans leur pays.

L'enseignement dans ce cadre n'apparaît pas toujours adapté aux réalités des armées africaines, en raison notamment du retard technologique des matériels employés (pour l'artillerie par exemple).

C'est pourquoi la coopération militaire entend soutenir le développement d'écoles nationales à vocation régionale . Aucun pays d'Afrique francophone n'a en effet les moyens de disposer d'un système complet de formation. Aujourd'hui trois écoles de ce type fonctionnent à Thiès au Sénégal (formation initiale des officiers), à Abidjan (gendarmerie), à Koulikouro au Mali (formation des officiers et des sous-officiers d'administration). Elles ont accueilli, en 1997, 93 stagiaires officiers et sous-officiers de 19 nationalités différentes. Par ailleurs, plusieurs projets pourraient se concrétiser en 1998 en Mauritanie (Rosso, technique automobile), au Togo (Lomé, médecine).

La mission militaire de coopération prévoit former près de 300 stagiaires africains supplémentaires dans les écoles nationales à vocation régionale.

Au cours des cinq prochaines années, le développement des écoles africaines à vocation régionale se poursuivra afin d'assurer sur le continent africain la moitié de la formation aujourd'hui dispensée en France.

. Le renforcement des capacités africaines de maintien de la paix

Aujourd'hui, trop de conflits meurtrissent encore l'Afrique et nourrissent l'afropessimisme, prétexte au désengagement pour les pays occidentaux. C'est pourquoi la France défend de longue date le concept de force africaine de paix dont le principe avait été adopté lors du sommet franco-africain de 1994.

A l'automne 1996, les Etats-Unis avaient repris ce projet sous la forme d'une " force africaine de réponse aux crises " forte d'une dizaine de milliers d'hommes répartis entre des bataillons mis à disposition par un nombre limité de pays africains et placés " en attente ". L'emploi de ces formations aurait reposé en fait principalement sur un financement international tout en conférant aux Etats-Unis une responsabilité particulière sur le règlement des conflits dans une région particulièrement sensible aux intérêts français.

Le dispositif envisagé s'est toutefois heurté aux réticences de nombreux Etats africains. En mai 1997, les Américains et les Britanniques se sont dès lors ralliés à la formule préconisée par la France d'un renforcement des capacités africaines de maintien de la paix, non par la création d'une force permanente mais par un effort de formation et d'équipement.

L'approche française repose sur un système institutionnel ouvert et multilatéral placé sous l'égide des Nations unies et de l'Organisation de l'unité africaine (OUA) avec un groupe de soutien destiné à informer des efforts en cours les Etats africains intéressés et les donateurs potentiels 7( * ) , un groupe de coordination constitué par les pays engagés dans des actions concrètes, et enfin, des groupes ad hoc plus restreints destinés à organiser un exercice multinational de maintien de la paix, équiper un bataillon ou créer un centre régional de formation au maintien de la paix.

Cette initiative présente un double mérite : la coordination des efforts entrepris par les trois grandes puissances, l'élargissement de la base des donateurs pour des opérations pour lesquelles la France paraissait bien seule jusqu'à présent.

D'ores et déjà la France a commencé à réorienter sa coopération militaire pour participer au renforcement des capacités africaines de maintien de la paix à l'intérieur du cadre multilatéral dont les contours s'esquissent.

Ainsi, dès 1998, la France consacre 50 millions de francs au maintien de la paix.

Ces crédits bénéficieront au programme de renforcement des capacités africaines de maintien de la paix (RECAMP), contribution française au maintien de la paix dans le cadre de l'accord de mai dernier.

De même, les Etats-Unis ont consacré 15 millions de dollars à la formation au maintien de la paix en 1997, de 8 bataillons dans 7 pays africains.

Trois opérations ont été ou seront conduites dans le cadre du programme RECAMP :

- l'organisation à Dakar du 21 au 23 octobre 1997 d'une conférence sur le renforcement des capacités africaines de maintien de la paix suivie en février 1998 de l'exercice franco-africain " Guidimakha " rassemblant près de 3 000 Africains et 500 Français ;

- la création en Côte d'Ivoire, près de Yamoussoukro d'un centre de formation au maintien de la paix ;

- le prépositionnement à Dakar dès la fin de cette année du matériel nécessaire à l'équipement d'un bataillon africain de maintien de la paix disponible pour tous les pays participant au programme RECAMP.

B. UNE AIDE PROJET ENCORE INSUFFISANTE

L'aide publique a principalement vocation à financer des projets de développement. Cependant, au cours des dernières années, l'accumulation des difficultés budgétaires rencontrées par nombre d'Etats africains a contraint la France, ainsi d'ailleurs que les autres bailleurs de fonds, à contribuer de façon toujours plus importante au rééquilibrage de budgets défaillants.

Cette orientation s'est trouvée encore renforcée dans le cadre du plan d'accompagnement de la dévaluation du franc CFA.

En bonne logique, les concours financiers devraient se réduire progressivement. La tendance est amorcée depuis 1997 et il convient de s'en réjouir car elle permet de dégager une marge de manoeuvre -certes encore trop limitée- pour renforcer l'aide projet destinée à devenir le socle de notre coopération.

1. Les concours financiers

Après une baisse de 21,6 % en 1997, les concours financiers se réduisent de nouveau de 30 % en 1998. Cette baisse traduit sans doute l'achèvement du programme exceptionnel d'accompagnement de la dévaluation du franc CFA et le retour à la croissance des économies de la zone franc. Cependant certains équilibres demeurent fragiles et l'évolution des concours financiers anticipe peut-être à l'excès sur un assainissement durable des finances publiques.

a) Une baisse importante des concours financiers

Les concours financiers recouvrent trois volets distincts :

- l'aide budgétaire d'urgence destinée au financement d'opérations exceptionnelles,

- les bonifications de prêts d'ajustement structurel accordés par la Caisse française de développement pour soutenir les programmes économiques et financiers mis en oeuvre par les pays à revenus intermédiaires (Côte d'Ivoire, Cameroun, Gabon, Congo) avec l'approbation du FMI,

- les dons en faveur de l'ajustement structurel accordés par la Caisse française de développement pour soutenir les plans de redressement mis en oeuvre par les pays les moins avancés avec l'approbation du FMI.

Pour 1998, l'aide budgétaire est maintenue au même niveau depuis 1995, soit 90 millions de francs, les crédits de bonifications d'ajustement structurel s'élèvent à 130 millions de francs, soit une baisse de 56 % et les dons en faveur de l'ajustement structurel à 350 millions de francs, soit une baisse de 17,6 %.

Le niveau modeste de consommation des crédits en 1997 justifie sans doute les ajustements opérés dans le projet de loi de finances pour 1998. Cependant le retour aux équilibres financiers ne se présente pas de la même façon dans tous les pays de la zone franc. En outre il s'avère parfois fragile.

b) Un retour aux équilibres financiers contrastés et fragiles

En Côte d'Ivoire, le solde primaire (recettes et dons projets moins dépenses hors intérêts de la dette) s'est progressivement rétabli : d'un déficit de 95 milliards de francs CFA en 1993 il est passé à un excédent de 210 milliards de francs CFA en 1997. Quant au solde budgétaire (solde primaire - intérêts de la dette) le déficit s'est réduit de 354 milliards de francs en 1993 à 105 milliards de francs en 1997. Ce solde a été financé, pour l'essentiel, par des prêts de l'extérieur, la Côte d'Ivoire ayant bénéficié d'allégements de dettes et d'apports en appuis budgétaires et prêts-projets substantiels notamment de la partie française.

Cependant, il existe des facteurs de fragilité :

- le poids de la dette malgré les restructurations opérées en 1997 (et notamment l'accord signé avec le Club de Londres permettant de ramener l'encours de la dette commerciale de 6,8 milliards de dollars à 2,6 milliards) : la Côte d'Ivoire subira encore une contrainte forte en raison de la diminution sensible des financements extérieurs (les appuis budgétaires et les prêts projets passent de 287,7 milliards de francs CFA en 1996 à 229,7 milliards en 1997) ;

- un équilibre encore insuffisant des recettes et dépenses publiques : l'augmentation des recettes, notamment, nécessiterait un élargissement de l'assiette fiscale et donc des mesures politiques difficiles (comme la remise en cause du champ actuel des exonérations).

Au Cameroun, les efforts considérables accomplis depuis trois ans en matière d'ajustement structurel ont permis à ce pays de bénéficier de l'appui des bailleurs de fonds (octroi d'un prêt par le FMI en août 1997 au titre de la facilité d'ajustement structurel renforcée). Toutefois l'assainissement des conditions de la gestion des finances publiques n'a pas été poussé suffisamment loin. Dès lors, les perspectives de recettes demeurent pour l'heure, en-deçà du niveau espéré pour assurer le succès des programmes mis en oeuvre par le FMI.

Ces deux exemples le montrent, si la tendance de fond reste positive, les mauvaises surprises ne peuvent être exclues et justifient une certaine prudence dans l'appréciation de la baisse des concours financiers.

2. L'aide-projet : une priorité confirmée mais vulnérable

a) Des moyens accrus pour le fonds d'aide et de coopération et les dons-projets

Le chapitre 68-91 comprend principalement la dotation du Fonds d'aide et de coopération (art. 10) et les dons-projets relevant de la Caisse française de développement (art. 40).

Les autorisations de programmes liées aux projets mis en oeuvre sur décision du Fonds d'aide et de coopération (FAC) progressent de 4,35 % et 1998 (de 1 195 millions de francs à 1 247 millions de francs) mais les crédits de paiement se réduisent pour leur part de 2 % (de 1 095 millions de francs à 1 073 millions de francs).

Dans la mesure où aucun transfert de crédits n'est intervenu en 1997 entre la direction générale des relations culturelles, scientifiques et techniques et le ministère de la coopération pour prendre en compte l'extension du champ de la coopération décidée en 1996, le Fonds d'aide et de coopération intéresse essentiellement les pays d'Afrique francophone -même si l'Angola et, dans une moindre mesure, le Mozambique et la Namibie bénéficient en 1997 d'un effort particulier. Les programmes de coopération intéressant les 34 nouveaux pays intégrés en 1996 au champ de compétence de la Coopération reposent sur un financement de la DGRSCT mis en oeuvre par une cellule commune aux deux ministères instituée en octobre 1996.

DÉCISIONS OUVERTES EN 1997 - RÉPARTITION PAR PAYS

TOTAL

%

OPÉRATIONS D'INTÉRÊT GÉNÉRAL

343 300 000,00

52,24

OPÉRATIONS INTER-ETATS

20 000 000,00

3,03

PROGRAMME DES ETATS

295 750 000,00

44,74

ANGOLA

17 000 000,00

2,57

ANTIGUA

0,00

0,00

BÉNIN

14 000 000,00

2,12

BURKINA-FASO

2 000 000,00

0,30

BURUNDI

3 000 000,00

0,45

CAMBODGE

0,00

0,00

CAMEROUN

32 0000 000,00

4,84

CAP-VERT

2 000 000,00

0,30

CENTRAFRIQUE

0,00

0,00

COMORES

0,00

0,00

CONGO

10 250 000,00

1,55

COTE D'IVOIRE

41 000 000,00

6,20

DJIBOUTI

9 000 000,00

1,36

DOMINIQUE

0,00

0,00

GABON

3 500 000,00

0,53

GAMBIE

0,00

0,00

GRENADE

0,00

0,00

GUINÉE

0,00

0,00

GUINÉE-BISSAO

2 000 000,00

0,30

GUINÉE EQUATORIALE

2 000 000,00

0,30

HAÏTI

12 000 000,00

1,82

ILE MAURICE

2 000 000,00

0,30

MADAGASCAR

18 200 000,00

2,75

MALI

15 000 000,00

2,27

MAURITANIE

18 500 000,00

2,80

MOZAMBIQUE

9 000 000,00

1,36

NAMIBIE

3 0000 000,00

0,45

NIGER

3 000 000,00

0,45

RWANDA

20 000 000,00

3,03

SAO TOMÉ

1 800 000,00

0,27

SÉNÉGAL

27 500 000,00

4,16

SEYCHELLES

0,00

0,00

ST-KITTS ET NEVIS

0,00

0,00

ST-VINCENT

0,00

0,00

STE-LUCIE

5 000 000,00

0,76

TCHAD

0,00

0,00

TOGO

9 000 000,00

1,36

ZAÏRE

14 000 000,00

2,12

TOTAL GÉNÉRAL

661 050 000,00

100,00

Les priorités sectorielles du FAC n'ont pas été marquées par des inflexions notables par rapport à l'année 1996. L'enseignement, la francophonie, la santé et le développement social demeurent dans l'ordre décroissant les trois principaux domaines concernés par l'aide projet.

Ces données toutefois, revêtent de plus en plus un caractère indicatif. Le FAC constitue en effet l'une des principales variables d'ajustement dans la contribution de la coopération aux régulations budgétaires. Ainsi en 1997 les gels ont porté sur 594 millions de francs en autorisations de programme (soit 25 % de l'enveloppe, dont 228 millions annulés par l'arrêté du 9 juillet 1997) et sur 80 millions de francs en crédits de paiement (soit 4 % de la dotation, dont 57 millions annulés). Indolores sur le papier, ces coupes budgétaires ont hélas des conséquences très pratiques sur le terrain. Ainsi, cette année, quatre projets d'intérêt général, pour un montant de 42 millions de francs, ont été remis en cause, parmi lesquels deux programmes de lutte contre la mortalité maternelle (10 millions de francs) et contre le paludisme (12 millions de francs).

La part dévolue à la gestion déconcentrée des crédits du FAC s'est développée et représente, aux termes d'une instruction ministérielle applicable au 1er janvier 1996, au moins 15 % de l'enveloppe programmée chaque année en faveur de chaque pays.

Dans les pays de la zone franc et les pays pour lesquels la programmation annuelle des crédits du FAC dépasse 12 millions de francs, les crédits déconcentrés sont divisés en deux guichets : le premier, destiné à financer les projets bénéficiant à l'Etat et à ses démembrements, le second doté des deux tiers des crédits au minimum, affecté aux projets présentés par les acteurs de la société civile et les collectivités territoriales. Ce second guichet forme le Fonds social de développement , prolongement du Fonds spécial de développement institué entre 1994 et 1996 pour accompagner la dévaluation du franc CFA.

Dans les autres pays, les crédits déconcentrés sont regroupés en un guichet unique.

Dans les deux cas, la procédure retenue vise à rapprocher la prise de décision et la mise en oeuvre des projets FAC au coût limité (entre 50 00 F et 20 millions de francs) de leur bénéficiaire sur le terrain. Cette orientation répond à une préoccupation majeure d'efficacité et de proximité qui caractérise l'évolution de notre aide.

. Les dons projets

Financés par la Caisse française de développement sur des crédits délégués par le secrétariat d'Etat à la coopération, les dons projets interviennent dans les domaines traditionnels de la compétence de la Caisse (développement économique, infrastructures, aménagement urbain, environnement). L'utilisation de ces crédits ne fait pas l'objet d'une programmation particulière : en fonction de leur degré de maturation, les projets seront présentés par la CFD à ses instances de décision.

Les dons projets connaissent une évolution contrastée : une baisse de 9 % des autorisations de programme (qui s'élèent à 1 milliard de francs) et une hausse de 25,7 % des crédits de paiement (qui représentent 900 millions de francs). Après une baisse continue des crédits de paiement depuis plusieurs années, cette dernière mesure permet de procéder à un rattrapage nécessaire et d'accorder enfin le rythme des décaissements aux engagements pris par la Caisse.

b) La coopération privée et décentralisée : quelle priorité ?

Depuis plusieurs années déjà l'appui aux initiatives privées et décentralisées figure au rang des priorités de notre coopération. En novembre 1997, le Congrès des Maires de France, à Paris, a retenu la coopération décentralisée pour thème central de ses débats. Toutefois, il existe un décalage entre le discours officiel et la réalité du soutien financier apporté par l'Etat.

La coopération décentralisée en particulier bénéficie d'une dotation fort modeste de l'ordre de 12,5 millions de francs en 1998 (en baisse de 17 % par rapport à 1997) au chapitre 42-24. En outre, cette année le tiers des opérations de partenariat avec les collectivités locales ont été annulées ou différées du fait de la régulation budgétaire

Il est vrai que la coopération décentralisée bénéficie également d'une dotation au titre du FAC (24 millions de francs en 1997). Les deux imputations budgétaires ne clarifient certes pas l'effort financier de l'Etat mais elles correspondent à deux axes distincts : les crédits du chapitre 42-24 bénéficient en priorité aux contrats de plan Etat-région (le secrétariat d'Etat à la coopération a noué des engagements avec 9 régions métropolitaines et d'outre-mer) ; les crédits du FAC s'inscrivent dans le cadre d'engagements pluriannuels contractés avec les collectivités locales en dehors du cadre fixé par les contrats de plan.

Les dotations destinées aux organisations non gouvernementales (11,3 millions de francs soit une baisse de 15 %) et aux associations de volontaires (126 millions de francs soit une légère diminution de 1,6 %) ne permettent pas davantage d'affirmer une priorité particulière pour ces nouvelles formes de coopération.

CONCLUSION

L'avenir de notre coopération repose sur quatre priorités :

- le maintien, au sein du gouvernement, d'un interlocuteur particulier pour nos partenaires africains, gage de la pérennité d'un lien privilégié avec le continent ;

- l'encouragement de la présence française (à travers nos entreprises comme nos coopérants) en Afrique ;

- une mobilisation de l'Europe en faveur de l'aide au développement dans la perspective de la mise en place à l'échéance 2000 d'un nouvel accord entre l'Union européenne et les pays ACP (Afrique-Caraïbes-Pacifique) alors même que, comme l'ont montré les négociations sur le montant du huitième Fond européen de développement, beaucoup de nos voisins sont tentés par un désengagement ;

- la sauvegarde de l'effort consacré par la France à l'aide publique au développement.

A cet égard, même si le projet de budget de la coopération prolonge certaines des évolutions intéressantes engagées les années passées (en faveur du redressement de l'aide-projet en particulier), il accentue encore la baisse des crédits dévolus à ce volet majeur de notre rayonnement international.

Il apparaît aujourd'hui urgent d'infléchir cette tendance extrêmement préoccupante.

Nos amis africains ne comprendraient toutefois pas que nous rejetions les moyens, même modestes, consacrés à la coopération ; c'est pourquoi votre rapporteur vous invite à donner un avis favorable à l'adoption des crédits du secrétariat d'Etat à la coopération.

EXAMEN EN COMMISSION

La commission des Affaires étrangères, de la Défense et des Forces armées a examiné le présent avis au cours de sa réunion du mercredi 19 novembre 1997.

A la suite de l'exposé du rapporteur pour avis, M. Philippe de Gaulle s'est interrogé sur les liens existant aujourd'hui entre le Gabon, l'ex-Zaïre et le Congo. Il a par ailleurs rejeté le jugement selon lequel les événements récents en Afrique centrale devaient être mis au débit du précédent gouvernement. Il s'est enfin interrogé sur l'attitude des gouvernements des pays concernés au regard de la politique d'immigration adoptée par la France.

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a évoqué les liens existant entre le Congo, le Gabon et l'ex-Zaïre. Elle a également souligné le rôle important joué par l'Angola et estimé que la situation dans l'ex-Zaïre apparaissait plus fluctuante compte tenu des incertitudes liées aux positions adoptées par M. Laurent-Désiré Kabila. Elle a par ailleurs rappelé les enjeux économiques majeurs que constituait l'existence de ressources pétrolières considérables dans le Golfe de Guinée. Après avoir évoqué le récent déplacement qu'elle avait effectué au Congo-Brazzaville, elle a estimé que pour l'heure, ce pays avait besoin de tous ses ressortissants dans le cadre de la politique de réconciliation nationale pour procéder à la reconstruction économique. En outre, Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a estimé que ses interlocuteurs congolais, au plus haut niveau, avaient souhaité un retour rapide d'une présence française renforcée dans leur pays.

M. Jacques Habert a d'abord relevé que le souhait manifesté par le Président de la République, lors de son intervention au sommet de la francophonie à Hanoi, de favoriser l'obtention de visas pour les jeunes Africains désireux de venir étudier en France, avait rencontré une chaleureuse approbation des autres pays membres de la francophonie. Il a également reconnu, avec le rapporteur pour avis, la mise en place de nouveaux regroupements régionaux en Afrique, où l'Angola tenait désormais une place importante. Il s'est par ailleurs inquiété de l'avenir des coopérants du service national. Enfin, il a regretté que la Caisse française de développement (CFD) privilégie le soutien aux grandes entreprises au détriment des PME-PMI.

M. Xavier de Villepin, président, a précisé que le Sénat comptait l'un de ses membres au sein du conseil de surveillance de la Caisse française de développement et a estimé que la concertation entre cet organisme et le secrétariat d'Etat à la coopération s'organisait dans des conditions globalement satisfaisantes.

Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a estimé que, sur le terrain, les missions de coopération et les agences de la CFD avaient su nouer, en général, de bonnes relations. En outre, elle a indiqué que la CFD disposait d'agents compétents et expérimentés mais qu'il convenait de développer l'appui apporté par cet acteur majeur de la coopération aux PME-PMI françaises.

Le rapporteur pour avis a par ailleurs précisé, à l'intention de M. Jacques Habert, que l'indemnisation, souhaitable, de nos compatriotes qui avaient tout perdu au Congo, pouvait reposer sur des aides indirectes telles que des dégrèvements d'impôts ou des exonérations de taxes que le gouvernement français paraissait en mesure de pouvoir obtenir de son homologue congolais. Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a insisté sur la nécessité d'agir rapidement dans ce pays où la France pouvait retrouver une position majeure.

M. Jean Clouet s'est interrogé sur le rôle joué par le Royaume-Uni dans ses anciennes colonies en Afrique. Mme Paulette Brisepierre, rapporteur pour avis, a rappelé que le Royaume-Uni s'était largement désengagé du continent africain. Elle a également souligné que ce pays n'avait pas tissé des liens aussi forts que ceux noués par la France avec les pays africains francophones. Elle a cité en exemple la réussite de l'enseignement français à l'étranger qui avait permis de créer une relation privilégiée entre les Français expatriés et les ressortissants des Etats africains. Elle a souligné que les pays d'Afrique anglophone sollicitaient de plus en plus l'aide de la France. Enfin, elle a souligné à nouveau la nécessité d'une présence française forte sur le continent africain.

M. Xavier de Villepin, président, a ajouté que les relations tissées entre le Royaume-Uni et l'Afrique apparaissaient davantage d'ordre économique que culturel et que si les entreprises britanniques investissaient en Afrique anglophone, elles le faisaient à leurs propres risques et sans le soutien de leur pays. Il a également estimé que la France devait rechercher l'appui de nouveaux alliés sur le continent, tels que l'Afrique du Sud ou l'Ethiopie.

A la suite de ce débat, la commission a donné un avis favorable à l'adoption des crédits de la coopération inscrits dans le projet de loi de finances pour 1998.



1 La Mission interafricaine de suivi des accords de Bangui (La Misab).

2 Il est aujourd'hui avéré que les tirs d'obus sur Kinshasa étaient provoqués par les forces du Président Lissouba dans le cadre d'une stratégie d'internationalisation du conflit.

3 " L'éclatement africain " in Ramsès 1998.

4 " Aucun pays ne peut permettre que son territoire soit utilisé par des groupes ou des mouvements armés pour déstabiliser politiquement ou militairement les autres pays voisins ".

5 Evolutions calculées en mai 1997.

6 Le Monde, 28 juin 1997.

7 Les réunions de ce groupe se tiendront alternativement à New York, au siège des Nations unies et à Addis Abeba au siège de l'OUA.


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