RAPPORT N° 256 - PROPOSITION DE LOI, ADOPTEE PAR L'ASSEMBLEE NATIONALE, TENDANT A OUVRIR LE DROIT A UNE ALLOCATION SPECIFIQUE AUX CHOMEURS AGES DE MOINS DE SOIXANTE ANS AYANT QUARANTE ANNUITES DE COTISATIONS D'ASSURANCE VIEILLESSE


M. Jean MADELAIN, Sénateur


COMMISSION DES AFFAIRES SOCIALES - RAPPORT N° 256 -1997/1998

Table des matières






N° 256

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1997-1998

Annexe au procès-verbal de la séance du 28 janvier 1998

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires sociales (1) sur la proposition de loi, adoptée par l'Assemblée nationale, tendant à ouvrir le droit à une allocation spécifique aux chômeurs âgés de moins de soixante ans ayant quarante annuités de cotisations d'assurance vieillesse,

Par M. Jean MADELAIN,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean-Pierre Fourcade, président ; Jacques Bimbenet, Mme Marie-Madeleine Dieulangard, MM. Guy Fischer, Claude Huriet, Bernard Seillier, Louis Souvet, vice-présidents ; Jean Chérioux, Charles Descours, Roland Huguet, Jacques Machet, secrétaires ; François Autain, Henri Belcour, Paul Blanc, Mmes Annick Bocandé, Nicole Borvo, MM. Louis Boyer, Jean-Pierre Cantegrit, Francis Cavalier-Benezet, Gilbert Chabroux, Philippe Darniche, Mme Dinah Derycke, M. Jacques Dominati, Mme Joëlle Dusseau, MM. Alfred Foy, Serge Franchis, Alain Gournac, André Jourdain, Jean-Pierre Lafond, Pierre Lagourgue, Dominique Larifla, Dominique Leclerc, Marcel Lesbros, Jean-Louis Lorrain , Simon Loueckhote, Jean Madelain, Michel Manet, René Marquès, Serge Mathieu, Georges Mazars, Georges Mouly, Lucien Neuwirth, Mme Nelly Olin, MM. Sosefo Makapé Papilio, André Pourny, Mme Gisèle Printz, MM. Henri de Raincourt, Gérard Roujas, Martial Taugourdeau, Alain Vasselle, Paul Vergès, André Vézinhet.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 583 , 608 , et T.A. 71 .

Sénat : 220 rect. (1997-1998).

 
Retraites : généralités.

TRAVAUX DE LA COMMISSION

Le mercredi 28 janvier 1998 , sous la présidence de M. Jean-Pierre Fourcade , président , la commission a procédé à l' examen du rapport de M. Jean Madelain sur la proposition de loi n° 220 (1997-1998), adoptée par l'Assemblée nationale en première lecture, tendant à ouvrir le droit à une allocation spécifique aux chômeurs âgés de moins de soixante ans ayant quarante annuités de cotisations d'assurance vieillesse .

M. Jean Madelain, rapporteur, a indiqué que la proposition de loi transmise par l'Assemblée nationale apportait une réponse au problème important posé par les personnes qui ont validé au cours de leur vie professionnelle plus de 40 annuités de période d'assurance au régime de retraite et qui sont en situation de chômage de longue durée et titulaires d'un minimum social, alors que, n'ayant pas encore atteint l'âge de 60 ans, elles ne peuvent prétendre au versement d'une retraite à taux plein.

Il a rappelé qu'il s'agissait de travailleurs qui avaient commencé leur carrière très tôt, parfois dès l'âge de 14 ans, et qui avaient travaillé dans des conditions souvent difficiles, en majorité comme ouvrier, dans le secteur de l'industrie.

Il a souligné qu'en l'état actuel du marché du travail, ces chômeurs étaient ceux qui avaient le moins de chance de retrouver un emploi après un licenciement en raison de leur âge. Il a précisé que, dans la mesure où ils n'avaient pas atteint l'âge de 60 ans, ces chômeurs, au-delà d'un certain délai, n'étaient plus indemnisés par le régime d'assurance chômage géré par l'Union nationale pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (UNEDIC), et relevaient soit de l'allocation spécifique de solidarité (ASS), soit du revenu minimum d'insertion (RMI).

M. Jean Madelain, rapporteur, a considéré que la proposition de loi répondait non seulement à un impératif de justice sociale, mais également à un souci d'équité car elle contribuait à corriger les fortes disparités existantes, dans notre pays, pour l'admission à la retraite.

Il a évoqué, en particulier, le dispositif de l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE), qui permet à des salariés privés d'activité de bénéficier d'une allocation, égale à 65 % de leur salaire de référence, sous réserve de l'engagement, pris par leur entreprise, de procéder à des embauches compensatrices. Il a présenté également l'allocation chômeurs âgés (ACA), mise en place par l'UNEDIC au 1 er janvier 1997 en faveur des anciens salariés ayant validé 160 trimestres de période d'assurance, en soulignant que l'ACA était exclusivement réservée aux chômeurs pris en charge par l'assurance chômage.

Puis, M. Jean Madelain, rapporteur, a rappelé les différentes étapes de l'adoption de la proposition de loi.

Il a indiqué que diverses initiatives avaient été prises par différents groupes parlementaires au cours de la précédente législature, afin de permettre un départ à la retraite anticipée aux personnes ayant cotisé pendant plus de 140 trimestres. Il a souligné que ces propositions présentaient l'inconvénient de menacer l'équilibre financier du régime d'assurance vieillesse.

Il a rappelé les conditions dans lesquelles M. Jacques Barrot, alors ministre du travail et des affaires sociales, avait dû opposer l'article 40 de la Constitution à une proposition de loi déposée par M. Michel Berson, député, visant à instituer une allocation complémentaire en faveur des personnes concernées ; à l'occasion de ce débat, M. Jacques Barrot s'était néanmoins engagé à présenter, lors de la discussion du projet de loi d'orientation relatif au renforcement de la cohésion sociale, un dispositif spécifique en faveur des chômeurs âgés.

M. Jean Madelain, rapporteur, a souligné que l'Assemblée nationale avait voté, le 18 avril 1997, un dispositif proposé par le précédent Gouvernement, à la conception très proche du texte examiné aujourd'hui.

Il a précisé que ce dispositif prévoyait une allocation complémentaire et forfaitaire, en fonction du type de minimum social dont relevait le bénéficiaire, afin de répondre à un objectif de simplicité et pour avantager, notamment, les titulaires de revenus modiques.

Il a regretté le retard avec lequel était aujourd'hui mis en oeuvre un dispositif techniquement prêt dès le printemps dernier. Il a souligné que la décision du Gouvernement, prise le 23 décembre 1997, était intervenue au moment où commençait à prendre naissance le mouvement des chômeurs témoignant du caractère urgent de la mise en oeuvre d'une loi contre les exclusions.

Puis, M. Jean Madelain, rapporteur, a présenté le dispositif de la proposition de loi en rappelant que le montant de l'ASS majoré était de 3.253 francs par mois et que celui du RMI était de 2.430 francs pour une personne isolée et de 3.644 francs pour un ménage sans enfant à charge. Il a précisé que les bénéficiaires continueraient à percevoir le minimum social dont ils relevaient aujourd'hui, plus une allocation spécifique d'attente (ASA), dont le montant était annoncé à 1.750 francs, ce qui permettrait d'atteindre un niveau de ressources de 5.003 francs pour un titulaire de l'ASS ou de 5.394 francs pour un ménage au RMI. Il a précisé que l'allocation serait versée sans condition d'âge minimum jusqu'à ce que la personne concernée puisse obtenir sa retraite à taux plein, c'est-à-dire à 60 ans.

Il a observé que la nouvelle allocation serait imposée au titre de la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), ce qui lui a semblé acceptable au regard du niveau de revenu atteint et du fait que la CRDS était payable au premier franc sur le montant des retraites.

Il a précisé que le dispositif représentait une dépense évaluée par le Gouvernement à 375 millions de francs en année pleine, qui serait prise en charge par l'Etat, vraisemblablement dans le cadre du fonds de solidarité créé par la loi du 4 novembre 1982.

Puis, M. Jean Madelain, rapporteur, a indiqué que le dispositif soulevait une première question portant sur le choix entre un dispositif d'allocation forfaitaire et un dispositif d'allocation proportionnelle au dernier revenu d'activité de l'intéressé.

Il a rappelé que le dispositif voté par l'Assemblée nationale avant la dissolution d'avril 1997, repris dans une proposition de loi déposée par Mme Nicole Catala et M. Philippe Seguin en août 1997, proposait une allocation à caractère forfaitaire.

Il a précisé que la proposition de loi déposée par M. Alain Bocquet, député, avait été amendée en commission à l'Assemblée nationale, afin de reprendre la disposition d'une proposition de loi déposée par MM. Jean-Marc Ayrault et Laurent Fabius, députés, visant à instituer une allocation égale à 57 % du salaire brut moyen de la dernière année de travail.

M. Jean Madelain, rapporteur, a indiqué qu'un amendement avait été adopté à l'Assemblée nationale en séance publique, revenant à un dispositif d'allocation forfaitaire.

Il a précisé que l'allocation forfaitaire de 1.750 francs devait permettre à 63 % des bénéficiaires du dispositif d'obtenir une allocation complémentaire plus élevée que celle qui aurait été attribuée dans le cadre du mécanisme proportionnel.

Puis, M. Jean Madelain, rapporteur, a évoqué la seconde question relative aux modalités de la distribution de la nouvelle allocation.

Il a estimé raisonnable que, pour les titulaires du RMI, la nouvelle allocation spécifique soit distribuée par les caisses d'allocations familiales et les caisses de la Mutualité sociale agricole, qui sont déjà chargées du versement du RMI.

Il a estimé toutefois qu'il serait nécessaire de prévoir dans la loi une convention, afin de permettre l'engagement de négociations sur les modalités de mise en oeuvre du dispositif et sur les frais éventuels de sa prise en charge.

Sous réserve de cet amendement, M. Jean Madelain, rapporteur, a proposé l'adoption de la proposition de loi transmise par l'Assemblée nationale.

Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est félicitée que l'on réponde enfin à la situation " d'injustice intolérable " subie par les personnes âgées de plus de 55 ans et titulaires de minima sociaux. Elle a constaté que la proposition de loi constituait l'aboutissement d'un long processus retracé par le rapporteur. Elle a noté que le dispositif proposé s'inscrivait dans une logique de solidarité, fondée sur la mise en place d'un minimum de revenu, plutôt que dans une logique d'instauration d'un mécanisme de préretraite.

M. Louis Souvet a souligné le manque de transparence de la décision prise à l'Assemblée nationale qui avait conduit à l'adoption, en séance publique, d'un texte très différent du texte retenu en commission. Il a souligné que le dispositif forfaitaire pénalisait particulièrement les cadres au chômage qui n'obtiendraient pas une allocation proportionnelle au revenu atteint au cours de leur vie professionnelle.

M. Guy Fischer a souligné que tous les groupes politiques avaient été alertés sur l'injustice à laquelle la proposition de loi s'efforçait aujourd'hui d'apporter une réponse. Il a constaté que la solution retenue prenait vraisemblablement en compte des contraintes de coût. Il a estimé que la proposition de loi représentait un " pas en avant ", au moment où chacun était " interpellé " par le mouvement des chômeurs et l'émergence d'interrogations nouvelles qui se structuraient sous des formes novatrices et rendaient nécessaires la mise en oeuvre rapide de la loi contre l'exclusion.

En réponse, M. Jean Madelain, rapporteur, a souligné que le problème abordé par la proposition de loi était posé depuis longtemps, tout en regrettant le retard pris pour le résoudre.

Il a estimé que la communication, devant l'Assemblée nationale, par le Gouvernement, des statistiques révélant que deux chômeurs âgés sur trois retireraient un avantage du mécanisme d'allocation forfaitaire par rapport au dispositif proportionnel, avait été probablement le " déclic " de la décision, tout en reconnaissant que le débat en séance publique n'avait pas été explicite sur ce point.

Il a précisé que le montant de l'allocation, évalué à 1.750 francs, ne résultait que des intentions exprimées par le Gouvernement sur le contenu du futur décret d'application.

Il a constaté que la mise en place envisageable d'un double système instituant, à la fois, une allocation forfaitaire minimale et un complément de ressources proportionnel au revenu, entraînerait un surcoût par rapport au dispositif actuel.

M. Louis Souvet a estimé le dispositif proposé par le Gouvernement pénalisait environ 7.000 personnes, dont la carrière professionnelle méritait une certaine attention. Il a indiqué que, selon certaines estimations, la mise en oeuvre d'une majoration de l'allocation spécifique forfaitaire proportionnelle au revenu assortie d'un plancher minimal, entraînerait une dépense de l'ordre de 150 millions de francs et il a considéré que le débat devrait être abordé.

M. Jean Chérioux a souligné que l'approbation de la proposition de loi, par la commission, ne devrait pas préjuger son avis sur les dispositifs, plus avantageux, résultant des amendements qui viendraient compléter le texte.

Puis, après les interventions de M. Jean Madelain, rapporteur, la commission a adopté un amendement tendant à prévoir que le service de l'allocation serait assuré dans le cadre de conventions passées avec la Caisse nationale des allocations familiales, la Caisse centrale de la Mutualité sociale agricole et les Associations pour l'emploi dans l'industrie et le commerce (ASSEDIC).

Mme Marie-Madeleine Dieulangard s'est abstenue sur cet amendement en soulignant qu'il n'était pas compatible avec une logique qui viserait à instaurer un mécanisme de préretraite.

La commission a adopté la proposition de loi ainsi modifiée .


Mesdames, Messieurs,

La proposition de loi transmise par l'Assemblée nationale et soumise à votre examen, institue une allocation spécifique en faveur de près de 20.000 de nos compatriotes qui méritent toute notre attention et posent un problème important au regard des règles de mise en oeuvre de nos régimes de retraite : il s'agit des personnes qui ont validé, au cours de leur vie professionnelle, plus de quarante annuités de période d'assurance à l'assurance vieillesse et qui se trouvent en situation de chômage de longue durée et titulaires d'un minimum social alors que, n'ayant pas encore atteint l'âge de 60 ans, elles ne peuvent prétendre à l'obtention d'une retraite à taux plein.

Votre rapporteur s'est attaché à souligner que cette mesure répondait à un impératif de justice sociale vis-à-vis de personnes qui, après une vie professionnelle souvent assumée dans des conditions exigeantes, se trouvent aujourd'hui particulièrement vulnérables sur le marché du travail.

Il a fait valoir aussi que la proposition de loi allait dans le sens d'une meilleure équité en corrigeant, en partie, les disparités qui existent aujourd'hui entre les personnes qui sont proches de l'âge de la retraite, selon qu'elles relèvent du régime de l'assurance chômage ou de la solidarité nationale.

Votre commission a tenu également à retracer la genèse du dispositif que nous examinons aujourd'hui. Celui-ci est le résultat des initiatives prises par les différents groupes parlementaires de la majorité ou de l'opposition depuis 1993 ; nul ne peut s'arroger aujourd'hui exclusivement la paternité du nouveau mécanisme de solidarité.

A cet égard, votre commission a tenu à souligner la part prise par les travaux conduits par l'ancien Gouvernement, sous l'égide de M. Jacques Barrot, alors ministre du Travail et des Affaires sociales, qui avaient abouti à l'adoption de dispositions appropriées dans le " défunt " projet de loi de renforcement de la cohésion sociale et qui auraient pu au demeurant être remises sur le métier plus rapidement.

S'agissant du dispositif lui-même, votre commission a reconnu les avantages du mécanisme d'allocation forfaitaire dont il convient de préserver l'acquis, tout en s'interrogeant sur les améliorations qui pourraient être apportées pour mieux tenir compte des efforts fournis et du niveau atteint au cours de la carrière professionnelle des intéressés.

Enfin, votre commission a adopté un amendement prévoyant la conclusion de conventions entre, d'une part, l'Etat et d'autre part, la CNAF, la Caisse centrale de Mutualité sociale agricole et les ASSEDIC, afin de clarifier les conditions dans lesquelles chacun procédera au service de la nouvelle allocation.

Sous ces réserves, votre commission a émis un avis favorable à l'adoption de cette proposition de loi qui permet de réparer en partie l'injustice faite à des personnes qui sont en droit d'exiger un effort particulier de la solidarité nationale, à laquelle elles ont, pour leur part, largement contribué au cours d'une vie professionnelle accomplie.

I. UNE MESURE QUI RÉPOND À UN DOUBLE OBJECTIF DE JUSTICE ET D'ÉQUITÉ

La proposition de loi transmise par l'Assemblée nationale vise à instituer une allocation nouvelle appelée " allocation spécifique d'attente " destinée à assurer un complément de revenu significatif aux personnes sans travail qui ont cotisé plus de quarante ans au régime d'assurance vieillesse de la sécurité sociale et qui sont aujourd'hui titulaires soit de l'allocation spécifique de solidarité soit du revenu minimum d'insertion.

Le dispositif proposé répond à la fois à un impératif de justice sociale vis-à-vis d'anciens travailleurs qui méritent notre considération et à un objectif d'équité en matière de protection sociale.

A. UNE MESURE DE JUSTICE VIS-À-VIS DE CITOYENS DONT LA VIE PROFESSIONNELLE A ÉTÉ BIEN REMPLIE

Le dispositif envisagé vise des travailleurs qui ont cotisé pendant 40 ans au moins à la Sécurité Sociale.

Comme le montrent les statistiques transmises par l'UNEDIC, il s'agit souvent de personnes qui ont assumé leur parcours professionnel dans des secteurs d'activité traditionnellement considérés comme les plus pénibles.

1. Une carrière professionnelle bien remplie

Il s'agit, dans certains cas, de personnes qui ont commencé à travailler très tôt, parfois dès l'âge de 14 ou 15 ans. Il convient de rappeler, à cet égard, que l'obligation d'assiduité scolaire jusqu'à 16 ans a été instituée par l'ordonnance n° 59-45 du 6 janvier 1959 portant prolongation de la période d'obligation scolaire pour tous les élèves ayant atteint l'âge de 6 ans en 1959.

Il est utile, en outre, de se référer aux caractéristiques des populations concernées par les dispositifs mis en place par l'UNEDIC concernant spécifiquement des salariés justifiant de quarante années de cotisations à l'assurance chômage et sur lesquels nous reviendrons ultérieurement 1( * ) .

Il apparaît qu'il s'agit en majorité d'hommes (66,2 %) qui à 87,2 % sont nés avant 1940 et qui sont en majorité des anciens ouvriers (41 %) ou des employés (28 %). Il n'est pas inutile de rappeler que les ouvriers représentent en moyenne 30 % des salariés cotisant à l'assurance chômage.

Il est frappant de constater que 46 % des bénéficiaires de l'ARPE occupent un emploi dans l'industrie alors que cette proportion est de 28 % pour l'ensemble des effectifs affiliés au régime d'assurance chômage.

Ayant commencé à travailler plus précocement que leurs cadets, astreints à des tâches souvent plus exigeantes, ces salariés sont aussi ceux qui ont le moins de chance de retrouver un emploi après un licenciement, dans l'état actuel du marché du travail.

Selon l'enquête emploi de l'INSEE de mars 1997, 58,9 % des chômeurs âgés de 50 ans ou plus sont au chômage depuis plus d'un an contre 38,9 % en moyenne nationale.

Comme l'a rappelé récemment le Commissariat au Plan 2( * ) " ce sont surtout les plus âgés qui restent le plus longtemps au chômage " : en 1996, les chômeurs de plus de 50 ans étaient en moyenne au chômage depuis 24,8 mois, soit plus de deux ans, alors que cette durée était de 15,3 mois en moyenne pour les chômeurs âgés de 25 à 49 ans.

Principales caractéristiques des bénéficiaires de l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE) et de l'allocation chômeurs âgés (ACA) au 30 novembre 1997
par rapport aux effectifs du régime d'assurance chômage (RAC)

Le public des dispositifs susvisés est majoritairement masculin à 66,2 % pour l'ARPE et à 64,4 % pour l'ACA.

S'agissant de l'ARPE, l'effectif se concentre dans les classes d'âge de 58 ans (36,7 %) et de 59 ans (48,1 %). La répartition selon l'année de naissance reflète celle de l'âge : 87,2 % de la population est née avant 1940 et 46,3 % en 1938.

Concernant l'ACA, la répartition en fonction de l'âge est plus variée : 13 % des bénéficiaires sont âgés de 55 ans et moins, 14 % âgés de 56 ans, 20 % âgés de 57 ans, 26,6 % âgés de 58 ans et 26,4 % âgés de 59 ans ou plus.

Les bénéficiaires de l'ARPE ou de l'ACA sont en majorité des anciens ouvriers ou employés . Les anciens cadres représentent environ 10 % de l'effectif :

ARPE ACA

Ouvriers, manoeuvres
41 % 43,8 %

Employés 28 % 25,3 %

Cadres 8 % 9,5 %

Les bénéficiaires de l'ARPE et de l'ACA occupaient en majorité des emplois de l'industrie et du secteur de la construction :

ARPE ACA RAC

Industrie
46 % 40,6 % 28 %

Construction 8 % 11,9 % 8 %

Tertiaire 31 % 35,2 % 47 %

Autres 15 % 12,3 % 17 %

Les allocataires de l'ARPE étaient plutôt employés par des établissements de taille moyenne ou grande :

ARPE ACA RAC

Moins de 10 salariés
11 % 26,3 % 26 %

de 10 à 49 salariés 23 % 25,6 % 29 %

de 50 à 199 salariés 26 % 20,8 % 23 %

de 200 salariés ou plus 40 % 27,3 % 22 %

Source : UNEDIC : Direction de l'Action Statistique

2. Des anciens travailleurs réduits à vivre de la solidarité nationale

Le dispositif proposé s'adresse aux plus vulnérables de ces salariés ayant cotisé 160 trimestres à l'assurance vieillesse, à savoir ceux qui sont éligibles à l'un des minima sociaux que sont l'allocation spécifique de solidarité (ASS) ou le revenu minimum d'insertion (RMI).

a) L'allocation spécifique de solidarité (ASS)

L'allocation spécifique de solidarité (ASS) est destinée aux chômeurs qui ont épuisé leurs droits à l'assurance chômage parce qu'ils sont arrivés à la fin de période de versement de l'allocation unique dégressive (AUD).

L'AUD est constituée par la somme d'une partie proportionnelle au salaire de référence (40,4 %) et d'une partie fixe. En tout état de cause, l'allocation de base ne peut être inférieure à 57,4 % du salaire de référence ni supérieure à 75 % de celui-ci. Cette AUD est affectée d'un coefficient dégressif variable en fonction de l'âge et de la durée préalable de cotisation de l'intéressé. Aux termes de la convention UNEDIC du 1 er janvier 1997 3( * ) , la période d'indemnisation ne peut dépasser cinq ans dans les conditions les plus favorables.

Lorsque le versement de l'AUD s'interrompt, le chômeur relève de l'ASS ouverte aux chômeurs de longue durée qui ont épuisé leurs droits à l'assurance chômage ou aux bénéficiaires des allocations d'assurance âgés d'au moins 50 ans qui ont opté pour cette allocation.

Les bénéficiaires de l'ASS, gérée par les ASSEDIC, doivent disposer de ressources inférieures à un plafond et doivent justifier d'une durée minimale d'activité professionnelle.

Quatre conditions sont requises pour bénéficier de l'ASS :

- justifier de 5 ans d'activité salariée dans les 10 ans précédant la rupture du contrat de travail qui a ouvert droit à indemnisation au titre de l'assurance chômage ;

- être reconnu effectivement à la recherche d'un emploi ; toutefois, les chômeurs de plus de 55 ans peuvent, à leur demande, être dispensés de remplir cette condition ;

- être apte à occuper un emploi ;

- justifier de ressources inférieures à un plafond .

Par décret n° 97-1220 du 26 décembre 1997, le Gouvernement a procédé à la revalorisation rétroactive de l'ASS de 2 % à compter du 1 er juillet 1997.

Le montant de l'ASS qui est de 75,49 francs par jour, soit 2.264,70 francs par mois, pour les salariés de moins de 55 ans, a été porté à 108,43 francs par jour, soit 3.252,90 francs par mois , pour les personnes âgées de plus de 55 ans et justifiant de vingt années d'activité salariée ou pour les allocataires âgés de 57 ans et demi ou plus justifiant de dix années d'activité salariée.

La majorité des personnes visées par la proposition de loi relèvent de l'ASS " majorée " compte tenu de la durée de leur période d'affiliation. Toutefois, certaines personnes qui n'ont pas conservé le statut de salarié suffisamment longtemps peuvent être bénéficiaires de l'ASS de droit commun. S'il s'agit d'un ménage et lorsque le conjoint n'a pas de ressources, la personne concernée peut demander à bénéficier du RMI dont le montant sera alors un peu supérieur à l'ASS.

Pour mémoire, il est à noter que le plafond des ressources mensuelles , calculé en ajoutant le montant de l'ASS non majorée aux ressources du bénéficiaire est de :

- 5.284,30 francs pour une personne seule ;

- 10.568,60 francs pour un couple, lorsque la décision d'attribution de l'allocation a pris effet avant le 1 er janvier 1997 ;

- 8.303,90 francs pour un couple, lorsque la décision d'attribution a pris effet à compter du 1 er janvier 1997.

Le décret précité prévoit d'ores et déjà une revalorisation de 1 % de l'allocation de solidarité spécifique qui interviendra à compter du 1 er juillet 1998 : l'allocation passera à 3.285,30 francs pour les salariés âgés de plus de 55 ans remplissant les conditions pour obtenir la majoration.

b) Le revenu minimum d'insertion (RMI)

Un certain nombre des personnes visées par le dispositif de la proposition de loi bénéficient du RMI. Tel est le cas, en particulier, des personnes qui n'ont pas le statut de salariés au moment de leur entrée au chômage.

Le RMI, géré par les Caisses d'allocations familiales (CAF) et les caisses de Mutualité sociale agricole (MSA), vise à assurer un ultime filet de sécurité en garantissant un minimum de ressources de subsistance aux plus démunis ainsi que l'accès à des droits sociaux essentiels.

Le RMI consiste en une allocation différentielle égale à la différence entre un plafond de ressources calculé en fonction de la composition de la famille et l'ensemble des ressources dont dispose l'intéressé ou son foyer.

A compter du 1 er janvier 1998, le montant du revenu minimum d'insertion pour un allocataire est fixé à 2.429,42 francs par mois contre 2.402,99 francs depuis le 1 er janvier 1997, soit une augmentation de 1,1 %.

Le montant du RMI est déterminé en valeur absolue pour une personne seule ; les majorations pour personnes supplémentaires sont fixées en pourcentage de ce montant ; elles sont de :

- 50 % pour la première personne ;

- 30 % pour chacune des suivantes ;

- 40 % pour chaque enfant à charge à partir du troisième.

Montants du plafond RMI au 1 er janvier 1998 en fonction de la composition de la famille

(en francs par mois)

Nombre d'enfants à charge

Personne isolée

Ménage

0

2.429,42

3.644,13

1

3.644,13

4.372,95

2 (+ 30 %)

4.372,95

5.101,78

3 (+ 40 %)

5.344,72

6.073,55

4 (+ 40 %)

6.316,49

7.045,31

Par enfant en plus

971,76

971,76

Qu'ils bénéficient du RMI ou de l'allocation de solidarité spécifique, les personnes concernées par la proposition de loi vivent de ressources modestes qui les mettent en situation de précarité alors même qu'elles ont cotisé aux divers régimes d'assurance sociale pendant 40 ans et plus.

Cette situation est d'autant plus injuste que, depuis 1995, divers dispositifs ont été mis en place pour assurer des ressources convenables à certaines catégories de chômeurs âgés de plus de 55 ans.

B. UNE MESURE D'ÉQUITÉ QUI TEND À RÉDUIRE LES DISPARITÉS DE TRAITEMENT EN MATIÈRE D'AIDE AUX CHÔMEURS DE 55 ANS ET PLUS

La France est l'un des pays de l'OCDE qui fait le moins participer au marché du travail sa population des plus de 55 ans , en particulier des hommes.

Ainsi, le taux d'inactivité des personnes de 55 à 64 ans est-il de 58,5 % en France contre 45,5 % en Allemagne, 37,5 % au Royaume-Uni et 34 % aux Etats-Unis.

Cela est largement dû à la montée en puissance, jusqu'en 1984, des dispositifs de préretraite. Il est a noter également qu'à compter de juillet 1985, les allocataires du régime d'assurance chômage ont pu, à partir de 57 ans et demi, demander à être dispensés de recherche d'emploi tout en conservant leurs indemnités.

Selon le rapport précité du Commissariat général au Plan, au 1 er janvier 1996, sur une population de 2,8 millions de personnes de 55 à 59 ans, 467.000 était retirées du marché du travail -dont 200.000 dans le cadre d'un mécanisme de préretraite- 125.000 étaient au chômage 4( * ) et 1,5 millions restaient en activité.

Il reste que, parmi les personnes âgées encore en âge de travailler, il existe de fortes disparités de traitement.

Dans le cadre des conventions UNEDIC, des mesures protectrices ont été prises en faveur des personnes ayant cotisé 160 trimestres dans le cadre de l'assurance chômage.

Par ailleurs, il n'est pas inutile de rappeler que la loi de finances pour 1995 a mis en place un dispositif spécifique d'allocation de préparation à la retraite réservé aux anciens combattants d'Afrique du Nord en raison des services rendus à la Nation.

1. L'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE)

L'accord UNEDIC du 6 septembre 1995 a permis la mise en place d'un mécanisme original " d'activation des dépenses passives du chômage ".

Cet accord permet aux salariés qui ont cotisé 40 ans et plus à la sécurité sociale de mettre fin à leur activité professionnelle et de bénéficier de l'ARPE égale à 65 % de leur salaire de référence, sous réserve de l'engagement de leur entreprise de procéder à des embauches en contrepartie . L'accord précité a été reconduit successivement en décembre 1996, puis en décembre 1997.

Le bénéfice de l'ARPE est ouvert aux salariés nés en 1940, c'est-à-dire de 58 ans et plus, remplissant certaines conditions : justifier de 160 trimestres validés par l'assurance vieillesse ; faire état d'un an d'ancienneté chez le dernier employeur ; justifier de 12 ans d'appartenance au régime d'assurance chômage.

Toutefois, les personnes qui totalisent au moins 172 trimestres de cotisations à l'assurance vieillesse sont admises au bénéfice de l'ARPE sans condition d'âge.

L'employeur doit procéder à l'embauche d'un demandeur d'emploi dans un délai de trois mois à compter du départ du salarié ayant cessé son activité en maintenant le volume des heures de travail de celui-ci.

L'ARPE garantit à son bénéficiaire un revenu égal à 65 % du salaire antérieur de référence jusqu'à son 60 ème anniversaire. Cette allocation est soumise à la CRDS de 0,5 %, à une cotisation sociale de 5,5 % et à la CSG.

Depuis l'entrée en vigueur du dispositif, 90.657 décisions d'admission ont été prononcées dans le dispositif de l'ARPE. 65.318 dossiers étaient en cours fin novembre 1997.

Le coût net du dispositif de l'ARPE (compte des économies d'indemnisation du chômage au titre des embauches compensatrices et du différentiel de salaire) est évalué globalement par l'UNEDIC à 17,5 milliards de francs depuis la création du dispositif.

Il reste que le dispositif de l'ARPE ne peut s'appliquer qu'aux salariés actuellement en activité pour lesquels l'entreprise entre dans le dispositif de l'embauche compensatrice . Il ne concerne pas les personnes qui sont actuellement au chômage.

2. L'allocation chômeurs âgés (ACA)

Aux termes de la convention UNEDIC du 1 er janvier 1997 relative à l'assurance chômage, agréée par arrêté ministériel du 18 février 1997, les allocataires du régime d'assurance chômage qui justifient de 160 trimestres validés par l'assurance vieillesse au titre des régimes obligatoires du régime général de sécurité sociale, peuvent bénéficier de l'ACA jusqu'à l'âge de 60 ans.

La mesure a pris effet à compter du 1 er janvier 1997 : elle intéresse les allocataires en cours d'indemnisation à cette date ou postérieurement. L'ACA a donc pu concerner des personnes qui étaient au chômage depuis longtemps, voire parvenaient à la limite de l'extinction de leur droit à l'AUD. En revanche, les chômeurs relevant du régime de solidarité financé par l'Etat et non par l'UNEDIC ne peuvent en bénéficier.

Le montant de l'ACA est égal à celui de l'allocation unique dégressive (AUD). Comme on l'a vu, cette dernière ne peut être inférieure à 57,4 % du salaire journalier de référence au titre des 12 derniers mois. L'ACA ne subit pas de coefficient dégressif.

Depuis l'entrée en vigueur du dispositif, 54.168 entrées ont été enregistrées ; 48.406 allocataires de l'ACA sont dénombrés au 30 novembre 1997.

Ces derniers percevaient en moyenne une allocation représentant 7.726 francs par mois; Le coût total du dispositif en fonctionnement sur une année est donc de 4,5 milliards de francs environ.

Il reste que, du point de vue de l'UNEDIC, le surcoût correspond en fait à la différence entre le coût de l'ACA et celui de l'AUD laquelle, en tout état de cause, devait être versée aux intéressés. Ce surcoût est évalué à 550 millions de francs contre 300 millions de francs envisagés lors du protocole pour un effectif de 30.000 allocataires.

L'UNEDIC estime que le nombre de bénéficiaires devrait progressivement se stabiliser aux alentours de 55.000, sachant que le pourcentage de titulaires de 160 trimestres d'activité est plus important dans la population des chômeurs que dans celle des actifs occupés.

3. Le cas des anciens d'Afrique du Nord

Il convient de rappeler que les anciens appelés ayant participé aux opérations d'Afrique du Nord entre le 1 er janvier 1952 et le 2 juillet 1962 peuvent bénéficier sous certaines conditions d'une allocation de préparation à la retraite (APR).

Celle-ci a été mise en place sous l'impulsion de M. Edouard Balladur, alors Premier ministre, par l'article 79 de la loi de finances pour 1995. Il s'agit, au titre de la reconnaissance de la Nation, d'apporter une réponse partielle aux revendications des anciens combattants d'Afrique du Nord qui demandent à bénéficier des mêmes droits en matière de retraite que ceux reconnus aux autres " générations du feu ".

Quatre conditions doivent être remplies par l'ancien combattant :

- avoir bénéficié de l'allocation différentielle spécifique versée par le Fonds de solidarité des anciens d'Afrique du Nord pendant au moins six mois, c'est-à-dire avoir eu des ressources inférieures à 4.500 francs par mois pendant six mois ;

- être âgé de moins de 65 ans ;

- résider habituellement en France ;

- être privé d'emploi depuis plus d'un an.

L'APR représente un revenu complet, égal à 65 % de la moyenne des revenus mensuels bruts d'activité professionnelle des 12 derniers mois travaillés avant la privation d'activité. Elle est plafonnée à 7.000 francs nets par mois sans pouvoir être inférieure à 4.500 francs mensuels. L'intéressé doit renoncer à exercer toute activité professionnelle.

Financée par le budget de l'Etat sur les crédits du ministère des Anciens Combattants, l'APR est versée à environ 4.000 anciens d'Afrique du Nord.

Dans la loi de finances pour 1998, le Gouvernement a prévu que le montant net de l'allocation différentielle serait porté à 5.600 francs par mois pour les chômeurs qui justifient d'une durée d'assurance vieillesse de 160 trimestres, y compris les périodes équivalentes et notamment le temps passé en Afrique du Nord.

Cette disposition rendra possible, le cas échéant, le versement de la future ASA pendant un délai de six mois, suivi d'un passage sous le régime de l'APR qui permettra à l'intéressé d'obtenir une allocation proportionnelle à son dernier revenu d'activité.

Attribué au titre de la reconnaissance de la Nation, le mécanisme de l'APR ne concerne pas les salariés ayant cotisé 160 trimestres qui n'ont pas la carte d'ancien combattant ou le titre de reconnaissance de la Nation.

II. UNE MESURE PRÉPARÉE SOUS LE GOUVERNEMENT PRÉCÉDENT, QUI AURAIT PU ÊTRE ADOPTÉE PLUS TÔT

Le dispositif de cette proposition de loi est le fruit d'un long travail de réflexion dont il convient de rappeler les étapes.

A. UN DISPOSITIF D'ORIGINE MULTIPLE DÉJÀ PRÉPARÉ SOUS L'IMPULSION DU PRÉCÉDENT GOUVERNEMENT

La question du caractère injuste du sort réservé aux chômeurs âgés de plus de 55 ans qui se retrouvent sans emploi alors qu'ils ont cotisé sur une période qui leur ouvre droit à une retraite à taux plein, au-delà de 60 ans, a été évoquée par les différents groupes parlementaires , et notamment par les députés de la majorité, sous la précédente législature.

Ainsi, le 7 février 1996, Mme Catherine Nicolas et d'autres députés du groupe RPR avaient déposé une proposition de loi visant à permettre aux chômeurs bénéficiant de l'ASS de faire valoir leur droit à la retraite avant 60 ans dès lors qu'ils avaient régulièrement cotisé pendant 40 ans à la sécurité sociale 5( * ) .

Par ailleurs, le 6 juin 1996, avait été présentée une proposition de loi de M. Joël Sarlot et d'autres membres du groupe UDF qui visait également à permettre à tous les chômeurs âgés de plus de 55 ans de bénéficier d'une retraite à taux plein dès lors qu'ils avaient cotisé le nombre de trimestres minima requis 6( * ) .

S'agissant du Sénat, on retiendra qu'une proposition de loi n° 124 du 27 novembre 1997 de notre collègue Guy Fischer et les membres du groupe CRC vise également à avancer l'âge de la retraite à taux plein pour les salariés titulaires de 40 annuités de cotisations et bénéficiaires de l'ASS ou du RMI.

Ces dispositifs présentent néanmoins l'inconvénient de menacer l'équilibre de la branche vieillesse qui a dû faire l'objet de mesures de rééquilibrage dans le cadre de la loi n° 93-936 du 16 juillet 1993 présentée par Mme Simone Veil.

Le 12 décembre 1997 , s'est tenue à l'Assemblée nationale, la discussion de la proposition de loi de M. Berson et d'autres membres du groupe socialiste qui prévoyait un dispositif original consistant à permettre aux chômeurs en question de bénéficier d'une allocation d'attente pour la retraite " équivalente à 65 % du salaire brut moyen de la dernière année de travail ".

Le dispositif visait à la fois les allocataires de l'AUD, de l'ASS et du RMI et prévoyait une prestation nouvelle prise en charge par le fonds paritaire d'intervention en faveur de l'emploi, c'est-à-dire par l'UNEDIC, avec l'aide d'une subvention de l'Etat.

Le mécanisme avait alors été qualifié d'" ingénieux " par M. Jacques Barrot, car il était le premier à prévoir que la nouvelle allocation devrait être une majoration des allocations perçues par les personnes concernées, le surcoût étant égal à la différence entre le montant des prestations déjà versées et l'application du plafond de ressources.

Toutefois, la discussion de cette proposition de loi avait dû être ajournée dans la mesure où l'article 40 de la Constitution lui était applicable, mais surtout parce que comme l'avait alors rappelé M. Jacques Barrot, les partenaires sociaux étaient engagés au sein de l'UNEDIC dans la négociation qui devait déboucher sur la mise en place de l'allocation chômeurs âgés (ACA).

Il convient en effet de souligner que le champ d'application de l'allocation proposée par la proposition de loi de M. Michel Berson et de ses collègues portait non seulement sur les chômeurs titulaires de l'ASS ou du RMI mais également sur les chômeurs relevant de l'AUD financée par l'assurance chômage : l'idée d'une prise en charge par l'Etat de l'aide complémentaire attribuée à cette catégorie de chômeurs ne pouvait avoir qu'un effet démobilisateur auprès des partenaires sociaux.

Toutefois, M. Jacques Barrot avait pris l'engagement très ferme le 22 janvier 1997 , en séance publique à l'Assemblée nationale, lors d'une communication du président de la commission des Finances sur l'irrecevabilité de la proposition de loi de M. Berson , de mettre à l'étude le dispositif.

M. Pierre Méhaignerie, alors Président de la commission des Finances, soulignait que, malgré l'amélioration qui avait été apportée par les partenaires sociaux avec la création de l'ACA, le Gouvernement " devait se pencher sur la situation des travailleurs sans emploi qui, après une vie professionnelle pleine, au demeurant commencée très jeune, en étaient réduits à vivre de la seule solidarité nationale ".

En réponse, M. Jacques Barrot soulignait que le débat soulevait une question légitime qui méritait d'être traitée comme une " priorité nationale " et s'engageait à dégager dans le cadre de la loi de cohésion sociale, l'ensemble des moyens de financement nécessaires afin d'assurer le traitement le plus équitable possible du problème des chômeurs âgés.

L'engagement pris par le Gouvernement de M. Alain Juppé d'examiner cette question en priorité a bien été tenu puisque au cours de la discussion du projet de loi d'orientation relatif au renforcement de la cohésion sociale , interrompu par la dissolution de la précédente Assemblée, le Gouvernement a fait adopter un dispositif très voisin de celui qui est soumis à notre examen aujourd'hui.

Lors de l'examen du rapport de Mme Roselyne Bachelot-Narquin sur le projet de loi précité, les 26 et 27 mars 1997, la commission des Affaires culturelles familiales et sociales de l'Assemblée avait adopté un amendement de Mme Catherine Nicolas visant à faciliter le départ à la retraite à taux plein avant l'âge de 60 ans des chômeurs ayant cotisé 160 trimestres 7( * ) .

En réponse à cette demande de la commission et faisant suite aux débats intervenus à la fin de l'année 1997, M. Jacques Barrot a présenté un dispositif novateur qui a été voté par la précédente Assemblée, le 18 avril 1997, peu avant la dissolution.

Le dispositif proposé consistait à créer une " allocation spécifique de chômage " destinée comme la présente allocation spécifique d'attente, aux titulaires du RMI et de l'ASS justifiant, avant l'âge de 60 ans, d'une durée au moins égale à 160 trimestres de périodes d'assurance.

M. Jacques Barrot avait apporté en séance publique plusieurs précisions sur la nature des dispositions réglementaires envisagées qui témoignaient du degré élevé de préparation du dispositif.

Article 11 ter du projet de loi d'orientation relatif au renforcement de la cohésion sociale voté par l'Assemblée nationale le 18 avril 1997

Les personnes visées au premier alinéa de l'article L. 351-10 du code du travail, lorsque leurs ressources sont inférieures à un montant fixé par décret en Conseil d'Etat, et les bénéficiaires de l'allocation de revenu minimum d'insertion prévue à l'article 2 de la loi n° 88-1088 du 1 er décembre 1988 précitée, qui justifient avant l'âge de 60 ans d'une durée au moins égale à 160 trimestres de périodes d'assurance ou reconnues équivalentes dans les régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse peuvent bénéficier d'une allocation spéciale de chômage versée par l'Etat.

Le montant de cette allocation n'est pas pris en compte pour le calcul de l'allocation de revenu minimum d'insertion des intéressés.

Un décret en Conseil d'Etat fixe le montant et les conditions d'attribution de cette majoration.

Les bénéficiaires de l'allocation spécifique de chômage devaient bénéficier d'une majoration égale à environ 50 % du minimum social dont ils relevaient. La majoration devait être de 1.100 francs à 1.600 francs pour les salariés bénéficiant de l'ASS, selon qu'ils aient ou non 55 ans, et de 1.200 francs pour les titulaires du RMI. L'objectif était de parvenir à un niveau de ressources équivalent à celui de la " retraite à taux plein d'un salarié au SMIC " non compris les retraites complémentaires.

Le ministre des Affaires sociales avait alors fait le choix d'une allocation non proportionnelle au revenu d'activité en soulignant que celle-ci avait l'avantage d'être plus simple et de favoriser les plus modestes : la majoration de l'ASS de 50 %, quel que soit le niveau de revenu permettait " d'avantager notamment les revenus modestes ".

On notera que le groupe socialiste s'était alors abstenu sur ce dispositif estimant, par la voix de M. Michel Berson, qu'il était nécessaire de faire référence à 57 % du montant du salaire brut moyen revalorisé de la dernière année par cohérence avec le dispositif prévu en faveur des salaires relevant de l'UNEDIC. 8( * )

B. UNE MESURE QUI AURAIT PU ÊTRE MISE EN OEUVRE PLUS RAPIDEMENT

Le Gouvernement semble avoir pris conscience de l'urgence de la situation des chômeurs de longue durée ayant cotisé plus de 160 trimestres de cotisations au moment où prenait naissance le mouvement des chômeurs.

Ainsi, un manifeste appelé " Appel du Louvre " qui exposait les principales revendications des associations et des syndicats se réclamant de la lutte contre le chômage et la précarité a été adopté par un forum de 150 représentants du monde syndical et associatif, réunis au Carrousel du Louvre le 20 décembre 1997 . Ce rassemblement était sans doute l'un des signes précurseurs du mouvement qui devait se développer.

Or, le 23 décembre 1997 , le Premier ministre a reçu M. Alain Bocquet, président du groupe communiste à l'Assemblée nationale, qui a appelé son attention sur les chômeurs les plus en difficulté.

A l'issue de cette réunion, M. le Premier ministre, dans une lettre rendue publique le 26 décembre 9( * ) , a indiqué que des mesures seraient préparées pour améliorer " les conditions d'attente de la retraite des chômeurs de longue durée, à l'ASS et au RMI ayant cotisé 40 années au titre de l'assurance vieillesse " à partir de la proposition de loi déposée le 17 décembre à la présidence de l'Assemblée nationale par le groupe communiste et diffusée le 23 décembre.

La proposition de loi n° 583 de M. Alain Bocquet, qui mentionnait explicitement dans son exposé des motifs la création d'une allocation de 1.750 francs supplémentaires dans le cadre d'une logique de solidarité, a été examinée en commission à l'Assemblée nationale le 7 janvier dernier et examinée en séance publique le 14 janvier dernier .

Le dispositif de la proposition a été présenté comme l'un des éléments des divers dispositifs qui ont été mis en place depuis par le Gouvernement pour faire face aux situations d'urgence sociale.

Il reste que cette proposition de loi, dont on doit se féliciter, permettra au moment de sa promulgation d'appliquer avec près de huit mois de retard un dispositif qui était techniquement quasiment prêt au printemps dernier.

Bien entendu, le présent rapport ne permet pas de procéder à l'analyse des événements de janvier dernier et des diverses décisions qui ont été prises.

Votre rapporteur souligne néanmoins que le mouvement des chômeurs témoigne a posteriori combien la mise en place d'une loi contre l'exclusion répondait à une aspiration forte qui a été trop longtemps retardée.

III. LE DISPOSITIF TRANSMIS PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE

Après avoir rappelé les diverses propositions de loi à l'origine du texte puis évoqué les ajustements intervenus au cours des débats, il conviendra d'examiner les caractéristiques du dispositif et les propositions de votre commission.

A. LES PROPOSITIONS DE LOI À L'ORIGINE DU DISPOSITIF

Le 7 janvier dernier, la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales à l'Assemblée nationale a décidé d'examiner conjointement deux propositions de loi déposées respectivement par les représentants du groupe socialiste et du groupe communiste ; on notera que, de manière peu élégante, elle n'a pas inclus dans son rapport une proposition de loi déposée sur le même thème par M. Philippe Séguin et les membres du groupe RPR.

La proposition de loi n° 583 de M. Alain Bocquet et d'autres membres du groupe communiste , déposée le 17 décembre 1997, vise à instituer une " allocation de solidarité spécifique " pour les chômeurs âgés de 55 ans et plus et ayant validé 160 trimestres au titre de l'assurance vieillesse. Il est indiqué, avec beaucoup de précision, dans son exposé des motifs, que " selon un mécanisme fondé sur une logique de solidarité (...), une même somme serait versée à tous les bénéficiaires de l'ASS et du RMI et donc sans proportionnalité avec la rémunération du dernier emploi ". Le montant de cette somme est évalué à " 1.750 francs supplémentaires afin d'assurer à tous ceux qui perçoivent l'ASS un minimum d'environ 5.000 francs par mois ".

A ce dispositif, la commission a décidé de joindre la proposition de loi n° 370 présentée le 21 octobre 1997 par M. Jean-Marc Ayrault et les autres membres du groupe socialiste qui propose d'instituer une " allocation d'attente pour la retraite ", destinée aux chômeurs bénéficiant de l'ASS ou du RMI et ayant cotisé 160 trimestres à l'assurance vieillesse, sans condition d'âge minimum. Il est précisé que l'allocation d'attente " doit permettre aux intéressés de percevoir un revenu de remplacement équivalant à 57 % du salaire brut moyen de la dernière année de travail ".

Il est regrettable que la commission n'ait pas mentionné la proposition de loi n° 89 déposée par Mme Nicole Catala, M. Philippe Séguin et les membres du groupe RPR et apparentés , qui avait été déposée sur le même thème avant les autres dispositifs, soit dès le 23 juillet 1997 .

Ce dernier texte reprend le dispositif qui avait été adopté par l'Assemblée nationale le 12 avril 1997, lors de l'examen du projet de loi, devenu caduc, relatif au renforcement de la cohésion sociale. Il institue une " allocation spécifique de chômage versée par l'Etat " destinée à tous les chômeurs relevant de l'ASS ou du RMI et faisant état de 160 trimestres de cotisation à l'assurance vieillesse sans condition d'âge. L'exposé des motifs précise que l'allocation devrait prendre la forme d'une majoration de l'ASS et du RMI afin " de rapprocher leurs montants des aides accordées par les partenaires sociaux aux ressortissants de l'UNEDIC ".

S'agissant de textes très proches par leur objet et leur contenu, il est particulièrement peu courtois que la commission n'ait pas procédé à une récapitulation exhaustive des textes déposés sur le même thème.

Comme l'avait fait remarquer M. Pierre Méhaignerie en janvier 1997, le mécanisme d'aide spécifique aux titulaires de minima sociaux ayant cotisé plus de 160 trimestres a été mis à l'étude à la suite des initiatives prises par les différents groupes de l'Assemblée, qu'ils appartiennent à la majorité ou à l'opposition. Nul groupe en particulier ne semble être fondé à s'en arroger exclusivement la paternité .

B. LES AJUSTEMENTS SUCCESSIFS DU TEXTE AU COURS DE SON EXAMEN

Les modifications de la proposition de loi initiale, successivement intervenues à l'issue de la réunion en commission à l'Assemblée nationale, puis au cours du débat en séance publique, témoignent de certaines différences d'appréciation.

Bien que saisie à l'origine de la proposition de loi de M. Alain Bocquet, la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales a, semble-t-il, été attachée à faire prévaloir un dispositif plus proche de celui qui avait été préconisé dans la proposition de loi de M. Laurent Fabius et les membres du groupe socialiste.

Ainsi, le dispositif de M. Alain Bocquet avait-il pour objet d'instituer une allocation forfaitaire d'un montant uniforme de 1.750 francs mensuel versée par l'Etat. Le montant de cette allocation fixé par décret était précisé dans l'exposé des motifs. Il était prévu, en outre, une condition d'âge minimum : la prestation ne devait être versée qu'aux personnes âgées de plus de 55 ans. Enfin, il était indiqué que la nouvelle allocation ne devait pas donner lieu à prélèvements sociaux.

Le texte issu des travaux de la commission à l'Assemblée nationale incorpore sur bien des points les caractéristiques du dispositif prévu par la proposition de loi de M. Laurent Fabius et de ses collègues.

Si le nom générique de la nouvelle allocation -allocation spécifique d'attente (ASA)- et le principe de sa prise en charge par l'Etat sont maintenus, plusieurs aspects sont différents par rapport au texte de M. Alain Bocquet.

- Tout d'abord, il a été prévu que le montant de la nouvelle allocation de solidarité devrait être proportionnel au revenu d'activité de l'intéressé, c'est-à-dire à 57 % du salaire brut moyen de sa dernière année de travail.

- Le principe d'une exonération totale de tout prélèvement social n'a pas été repris dans le texte adopté par la commission.

- Sur le plan rédactionnel, le nouveau dispositif de l'ASA a été inséré dans le code du travail sous la section relative aux mesures de solidarité en faveur des travailleurs privés d'emploi, c'est-à-dire rattachée à l'ASS.

Par ailleurs, la commission a adopté un amendement présenté par M. Maxime Gremetz visant à supprimer la fixation d'une condition d'âge minimum à 55 ans qui pénalisait injustement ceux qui avaient travaillé le plus tôt, dès 14 ans.

Toutefois, au cours du débat en séance publique, les informations transmises par le Gouvernement ont fait à nouveau prévaloir la logique d'une allocation à caractère forfaitaire mise en oeuvre dans la proposition de loi de M. Alain Bocquet et de ses collègues.

Ainsi l'Assemblée, de manière assez peu transparente, a-t-elle finalement adopté un amendement déposé par Mme Muguette Jacquaint, rapporteur, et M. Jean Le Garrec tendant à supprimer la mention d'une allocation proportionnelle au revenu et précisant, en outre, que le montant de l'ASA n'était pas pris en compte pour le calcul de l'allocation de RMI et de l'ASS.

Mme Muguette Jacquaint, rapporteur, a précisé que " après une étude plus fine, il était apparu que beaucoup de chômeurs qui avaient interrompu leur activité ou qui n'avaient perçu que des salaires peu élevés, risquaient de ne pas percevoir plus qu'aujourd'hui " si le principe d'une allocation proportionnelle au revenu était maintenu.

Mme Martine Aubry s'est engagée, en séance publique, à ce que l'allocation dont le montant sera fixé par décret, permette d'augmenter les ressources des intéressés de 1.750 francs par mois.

C. LES PRINCIPAUX ASPECTS DU DISPOSITIF PROPOSÉ

1. L'insertion du dispositif au sein du régime de solidarité des travailleurs sans emploi

La proposition de loi propose d'insérer un nouvel article L. 351-10-1 dans le code du travail qui viendrait donc s'insérer à l'intérieur de la section 2 " régime de solidarité " au chapitre II " Garanties de ressources des travailleurs privés d'emploi " du titre V relatif aux travailleurs privés d'emploi, au sein du livre troisième " Placement et emploi ".

Pour mémoire, parmi les " revenus de remplacement " versés aux chômeurs, il est opéré une distinction entre l'allocation d'assurance prise en charge par l'UNEDIC, les allocations de solidarité prises en charge par le Fonds de solidarité et diverses autres indemnisations relevant de certains régimes particuliers.

L'ASA viendra donc constituer une troisième allocation de solidarité en plus des deux allocations de solidarité déjà existantes, à savoir :

- l'allocation d'insertion destinée notamment à faciliter l'insertion des détenus, des réfugiés et des apatrides ( art. L. 351-9 du code du travail ) ;

- l'allocation de solidarité spécifique prévue en faveur des chômeurs de longue durée ayant épuisé leurs droits à l'assurance chômage ( art. L. 351-10 du code du travail ) ;

2. Les bénéficiaires du dispositif

L'ASA est réservée aux personnes remplissant deux conditions :

- avoir validé au moins 160 trimestres, c'est-à-dire quarante annuités, dans les régimes de base obligatoires d'assurance vieillesse ou des périodes reconnues équivalentes ;

- être allocataire, soit de l'allocation de solidarité spécifique (ASS) mentionnée à l'article L. 351-10 du code du travail , soit du revenu minimum d'insertion (RMI) prévu à l'article 2 de la loi du 1 er décembre 1988 susvisée.

Selon les informations communiquées à votre rapporteur, le nombre de bénéficiaires du dispositif est estimé à près de 20.000 personnes . Parmi celles-ci, le nombre de titulaires du RMI équivaudrait à 10 % de l'ensemble, soit environ 2.000 personnes. Il s'agit généralement de non-salariés ou d'anciens salariés qui ont achevé leur carrière professionnelle sous le statut de non-salariés.

S'agissant des titulaires de l'ASS, une très forte majorité d'entre eux -de l'ordre de 90 % et plus- sont titulaires de l'ASS majorée. Les conditions de versement de la majoration -à savoir être âgé de plus de 55 ans et justifier de 20 ans d'activité salariée ou être âgé de 57 ans et demi et justifier de 10 années de travail- sont généralement remplies par les salariés qui ont cotisé 160 trimestres ou plus à l'assurance vieillesse.

3. Le choix d'une allocation forfaitaire favorise les chômeurs aux revenus d'activité les plus modestes

S'agissant des modalités de calcul de l'ASA, le projet de loi se borne à renvoyer au domaine réglementaire. Comme on l'a vu supra , la disposition adoptée en commission, dans l'esprit de la proposition de loi n° 370 de M. Jean-Marc Ayrault, n'a finalement pas été retenue en séance publique.

Le projet de loi renvoie à un décret en Conseil d'Etat pour fixer les mesures d'application du dispositif. Le montant de l'allocation sera lui fixé par décret simple, ce qui permettra d'en assurer plus aisément la revalorisation.

Le caractère forfaitaire de l'allocation et son montant annoncé de 1.750 francs ne résultent donc pas de la loi, mais des déclarations de Mme la ministre de l'Emploi et de la Solidarité faite en séance publique.

Mme Martine Aubry a précisé que le décret d'application -dont elle a souhaité qu'il soit publié " dans les délais les plus brefs "- prévoirait une allocation forfaitaire unique de 1.750 francs par mois.

Niveaux de ressources résultant du dispositif

(En francs)

 

Montant actuel du minimum social
(par mois)

Montant du minimum majoré par l'ASA
(par mois)

ASS majorée

3.252,90

5.002,90

ASS de droit commun

2.264,70

4.014,70

RMI (1 personne isolée)

2.429,42

4.179,42

RMI (1 ménage sans enfant à charge)

3.644,13

5.394,13

Il est à noter que l'ASA sera assujettie uniquement à la contribution pour le remboursement de la dette sociale (CRDS), soit un prélèvement de 8,75 francs par mois.

Deux raisons semblent avoir pesé en faveur du choix d'une allocation forfaitaire qui était d'ailleurs proche de celui qui avait été retenu par M. Jacques Barrot en avril 1997.

Tout d'abord, cette mesure qui assure le versement d'une allocation de solidarité, permet d'avantager notablement les revenus les plus faibles.

Ainsi, les statistiques de l'UNEDIC font apparaître que les bénéficiaires de l'ASS âgés de plus de 55 ans et ayant validé 40 annuités de cotisations ont eu un revenu d'activité de 8.400 francs par mois, en moyenne. 63 % de ces personnes ont un salaire de référence inférieur à 8.600 francs par mois . Or, 57 % de 8.600 francs représentent 4.900 francs.

Si l'ASA devait donc être calculée par référence au barème applicable pour le calcul de l'AUD, c'est-à-dire sur la base de 57 % du dernier revenu mensuel d'activité, près de deux bénéficiaires sur trois obtiendraient une allocation moins avantageuse que l'allocation forfaitaire qui est préconisée.

Pour 20 % des chômeurs concernés dont les revenus sont les plus faibles, l'application d'une allocation proportionnelle aboutirait à une majoration de 300 francs environ par mois par rapport au montant de l'actuelle ASS, ce qui serait quasiment insignifiant.

Répartition des bénéficiaires de l'ASS âgés de plus de 55 ans
et ayant validé 40 ans en fonction du salaire de référence

Salaire de référence

%

0 - 2.800 F

3

2.800 F - 4.000 F

6

4.000 F - 5.200 F

4

5.200 F - 6.300 F

6,2

6.300 F - 7.500 F

16,6

7.500 F - 8.600 F

27,4

8.600 F - 9.700 F

11,4

9.700 F - 11.000 F

7,4

11.000 F - 12.600 F

6,6

12.600 F - 15.000 F

4,2

15.000 F - 17.000 F

2,1

17.000 F - 20.500 F

1,8

20.500 F - 25.800 F

1,4

25.800 F - 31.500 F

0,8

31.500 F

1,0

Source UNEDIC

La seconde raison qui peut expliquer le choix d'une allocation forfaitaire tient au fait que les chômeurs de longue durée, qui ont pris au cours de leur dernière année d'activité un travail salarié rémunéré à un niveau de rémunération modeste ou qui ont exercé une activité non salariée pour subvenir à leurs besoins, seraient presque automatiquement pénalisés par le choix de l'allocation proportionnelle.

Enfin, d'une manière générale, il est parfois complexe de déterminer le niveau du revenu de la dernière année d'activité d'une personne ayant le statut de non-salarié en particulier si celle-ci se trouvait en situation difficile.

4. Une allocation prise en charge par l'Etat

Le coût de la mesure est évalué par le Gouvernement à 375 millions de francs en année pleine, compte tenu des entrées et des sorties dans le dispositif. S'agissant de l'année 1998, le coût pourrait néanmoins être moins élevé dans la mesure où le dispositif devrait entrer en vigueur en février ou en mars de cette année.

L'ASA est intégrée dans la même section du code du travail que l'ASS : elle a donc vocation à être prise en charge par le Fonds de solidarité.

Créé en 1984, le Fonds de solidarité est financé par une subvention de l'Etat et par une " contribution de solidarité " de 1 % sur le traitement des agents de l'Etat au-dessus d'un seuil de rémunération, dans la limite de quatre fois le plafond de la sécurité sociale. Le versement est effectué par l'employeur. Comme on l'a vu, ce régime permet sous certaines conditions d'assurer un revenu de remplacement aux personnes qui ne sont pas ou ne sont plus couvertes par l'assurance chômage.

Le Fonds de solidarité finance deux types de prestations :

- l'allocation d'insertion (AI), destinée aux anciens détenus, aux réfugiés, aux apatrides ou à certains salariés expatriés ;

- l'allocation de solidarité spécifique (ASS).

La contribution de solidarité sur les fonctionnaires de l'Etat représente un montant de recettes nettes de 6,082 milliards de francs en 1996, évaluée à 6,093 milliards de francs en prévision pour 1997.

La subvention de l'Etat au Fonds de solidarité égale à 7,577 milliards de francs en loi de finances pour 1997 est portée à 8,115 milliards de francs dans la loi de finances initiale pour 1998, en progression donc de 538 millions de francs.

Selon les informations fournies à votre rapporteur, cette mesure nouvelle devrait permettre de financer, compte tenu d'un report de crédits de l'exercice 1997 de 200 millions de francs sur le Fonds de solidarité :

- le coût de la revalorisation de l'ASS, intervenue par le décret du 26 décembre 1997, qui représente une augmentation de 2 % à effet rétroactif au 1 er juillet 1997 et de 1 % au 1 er juillet 1998 ;

- et le coût de la création de l'ASA.

5. Une mesure applicable sans condition d'âge minimum

L'Assemblée nationale, sur proposition en commission de M. Maxime Gremetz, a supprimé la condition prévue dans la proposition de loi de M. Alain Bocquet et qui tendait à réserver le bénéfice de l'ASA aux chômeurs de longue durée âgés de plus de 55 ans.

Il est apparu que, compte tenu de la condition tenant aux 40 annuités minimales de cotisation, cette mesure aurait abouti à pénaliser un faible nombre de personnes ayant commencé à travailler dès l'âge de 14 ans, l'âge de la scolarité ayant été porté à 16 ans par l'ordonnance précitée du 6 janvier 1959.

6. Un dispositif applicable jusqu'à la date de liquidation de la pension de vieillesse à taux plein

Les bénéficiaires disposent nécessairement de 160 trimestres de cotisations et ont donc droit à une retraite à taux plein à compter de l'âge de 60 ans.

L'Assemblée nationale avait prévu une disposition prévoyant que l'ASA devrait être versée " jusqu'à ce que la condition d'âge pour demander la liquidation de la pension de vieillesse à taux plein soit atteinte ". Cette mention a été supprimée dans la mesure où elle apparaissait redondante par rapport au dispositif actuel du code du travail.

En effet, l'ASA ne pourra être versée qu'en complément du RMI ou de l'ASS. Les règles applicables en matière d'âge de la retraite ne peuvent donc être que celles qui sont déjà prévues pour ces deux types d'allocations .

Pour ce qui est de l'ASS, l'article L. 351-19 du code du travail dispose que " les revenus de remplacement prévus à l'article L. 351-2, dont font partie l'ASS et l'ASA, cessent d'être versés aux allocataires âgés de plus de soixante ans justifiant de la durée d'assurance requise pour l'ouverture du droit à une pension de vieillesse à taux plein et, en tout état de cause, aux allocataires atteignant l'âge de soixante-cinq ans ".

S'agissant des titulaires du RMI, l'article 22 de la loi du 1 er décembre 1988 précitée dispose que le versement de cette allocation est subordonné à la condition que l'intéressé fasse valoir ses droits aux prestations sociales légales réglementaires et conventionnelles. Le RMI est une prestation subsidiaire.

Pour les avantages de vieillesse, l'intéressé conserve la faculté de retirer sa demande de pension de retraite lorsqu'il est établi que le demandeur n'a pas droit à un taux plein 10( * ) .

7. Le montant de l'allocation ne sera pas intégré, pour le calcul des plafonds de ressources, au RMI et à l'ASS

Cette disposition, introduite par l'amendement de Mme Muguette Jacquaint et de M. Jean Le Garrec en séance publique, est indispensable pour éviter que le versement de l'ASA ne conduise les bénéficiaires à dépasser les plafonds de ressources prévus pour l'attribution de l'ASS et du RMI.

D. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

Votre commission s'est interrogée en premier lieu sur l'opportunité du choix d'une allocation forfaitaire plutôt que d'une allocation proportionnelle aux revenus.

Elle a pris acte du fait qu'à enveloppe budgétaire constante, l'allocation forfaitaire de 1.750 francs annoncée par le Gouvernement représentait une solution plus satisfaisante pour 63 % des personnes concernées par le texte dont les revenus sont modestes et a donc approuvé le dispositif d'ensemble qui lui est présenté.

Il reste que, ce faisant, il n'est guère rendu justice à la longue carrière professionnelle d'un certain nombre de cadres.

Votre commission s'est interrogée, par ailleurs, sur les conditions dans lesquelles sera assuré le service de la nouvelle allocation d'attente.

Le paiement des allocations de solidarité, telles que l'ASS, est effectué par l'ASSEDIC du lieu de résidence. Les titulaires de l'ASS pourront donc percevoir leur allocation spécifique d'attente auprès du même " guichet " que celui qui verse le minimum social de base.

En revanche, la situation est plus complexe pour les allocataires du RMI qui relèvent, aux termes de l'article 19 de la loi n° 88-1088 du 1 er décembre 1988 précitée, soit d'une caisse d'allocations familiales (CAF), soit d'une caisse de mutualité sociale agricole (MSA).

Pour ces derniers, il semble logique de prévoir qu'ils puissent percevoir leur RMI et leur allocation spécifique d'attente auprès d'un même " guichet ". Ce serait une complication administrative peu compréhensible de leur demander chaque mois de retirer le RMI à leur caisse d'allocations familiales puis de se rendre à une ASSEDIC pour obtenir l'allocation complémentaire.

Il reste que le service de la nouvelle allocation nécessitera la mise en place de circuits et de procédures spécifiques pour les CAF et les caisses de MSA.

Il est apparu important à votre commission que la réflexion sur les procédures nouvelles et les frais éventuels qui en résulteront s'effectue dans la plus grande clarté possible entre les partenaires concernés.

C'est pourquoi elle a adopté un amendement prévoyant que le service de l'ASA sera assuré dans les conditions prévues par des conventions entre l'Etat, d'une part, et la Caisse nationale des allocations familiales (CNAF), la Caisse centrale de mutualité sociale agricole et les ASSEDIC, d'autre part.

EXAMEN DES ARTICLES

Article unique
(art. L. 351-10-1 du code du travail)
Ouverture du droit à une allocation spécifique
aux chômeurs âgés de moins de soixante ans
ayant quarante annuités de cotisations d'assurance vieillesse

Votre rapporteur ayant largement commenté le dispositif de l'allocation spécifique d'attente (ASA) dans l'exposé général supra , il ne reprendra ici que les points essentiels du dispositif.

Le premier alinéa de l'article unique permet d'insérer le dispositif de l'ASA dans le code du travail au sein des dispositions consacrées aux allocations de solidarité, prises en charge par l'Etat, destinées aux travailleurs sans emploi. L'article L. 351-10-1 qu'il est proposé d'insérer intervient après l'article L. 351-10 relatif à l'allocation spécifique de solidarité.

Le texte proposé pour cet article comprend trois alinéas.

Le premier alinéa du texte proposé précise les conditions qui doivent être remplies par les bénéficiaires de l'ASA, à savoir :

- être bénéficiaire de l'ASS ou du RMI,

- justifier avant soixante ans de 160 trimestres validés au titre de l'assurance vieillesse.

Cet alinéa précise que l'allocation est prise en charge par l'Etat.

Le deuxième alinéa du texte proposé dispose que le montant de l'ASA ne doit pas être pris en compte pour le calcul des plafonds de ressources qui déterminent l'attribution du RMI et de l'ASS. Cette disposition est logique car ces minima sociaux continueront à être versés aux intéressés pour lesquels l'ASA représentera un complément de ressources.

Le troisième alinéa du texte proposé renvoie à un décret en Conseil d'Etat pour déterminer les mesures d'application du dispositif. Le montant de l'allocation sera fixé par décret simple.

Votre commission a adopté un amendement à cet article unique.

Celui-ci précise que, pour les titulaires du RMI, le service de l'ASA sera assuré dans les conditions prévues par une convention conclue entre, d'une part, l'Etat et d'autre part, la CNAF et la Caisse centrale de mutualité sociale agricole. S'agissant des bénéficiaires de l'ASS, le service sera assuré dans les conditions prévues par une convention conclue entre l'Etat et les ASSEDIC.

Cet amendement permet d'éviter que les bénéficiaires de l'ASA relèvent de deux " guichets " administratifs différents en apportant toute garantie pour le déroulement d'une négociation transparente entre l'Etat et les différentes parties prenantes.

Votre commission vous demande d'adopter cet article ainsi amendé.

*

* *

Sous réserve des observations qu'elle vous a faites et de l'amendement qu'elle vous a proposé, votre commission vous demande d'adopter la présente proposition de loi.



1 Il s'agit de l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE) et de l'allocation chômeurs âgés (ACA) ; cf. I, B, infra.

2 Chômage : le cas français, rapport au Premier Ministre du groupe de travail présidé par M. Henri Guaino, Commissariat Général au Plan

3 Convention du 1 er janvier 1997 relative à l'assurance chômage et règlement annexé à cette convention agréés par arrêté du 18 février 1997 (JO du 20.03.97).

4 Au sens du Bureau international du travail.

5 PPL n° 2526 (Assemblée nationale, Xème législature) du 7 février 1996.

6 PPL n° 2854 (Assemblée nationale, Xème législature) du 6 juin 1996.

7 Amendement portant article additionnel après l'article 12.

8 Pour mémoire, MM Jean-Yves Chamard et Pierre Méhaignerie qui avaient déposé un amendement proche de celui de M. Michel Berson, l'ont retiré en séance publique, considérant que le fait que l'allocation spécifique soit portée à 50 % de l'ASS ou du RMI représentait un progrès considérable et répondait à leurs objectifs
.

9 Liaisons sociales (Bref social n° 12752), mardi 30 décembre 1997.

10 Circulaire DSS/DIRMI n° 93-05 du 26 mars 1993 relative à la détermination de l'allocation de RMI.

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