II. LE CONSEIL SUPÉRIEUR DE LA MAGISTRATURE ITALIEN : SYMBOLE DE L'INDÉPENDANCE DE LA JUSTICE OU INSTANCE D'" AUTOGOUVERNEMENT " DES JUGES ?

L'indépendance totale à l'égard du pouvoir exécutif dont jouissent les magistrats du Parquet, et plus généralement l'ensemble des magistrats italiens, a pour corollaire l'existence d'un Conseil supérieur de la magistrature puissant qui est chargé de gérer leurs nominations et leurs carrières.

Prévu par la Constitution de 1946 mais mis en place à partir de 1958 seulement, le Conseil supérieur de la magistrature italien, majoritairement composé de magistrats élus par leurs pairs, dispose d'attributions étendues. Comme en France, il fait actuellement l'objet d'un projet de réforme constitutionnelle, mais qui semble au premier abord s'orienter dans une direction inverse de celle qui est aujourd'hui envisagée dans notre pays.

A. LA SITUATION ACTUELLE

1. Une formation unique composée en majorité de magistrats

Le Conseil supérieur de la magistrature italien (CSM) comprend actuellement une formation unique compétente à l'égard des magistrats du Parquet comme à l'égard des magistrats du siège.

Le Président de la République en est le président de droit, mais le CSM est en fait administré par son vice-président élu par ses membres parmi ceux qui ont été désignés par le Parlement.

Sont en outre membres de droit le Premier président et le Procureur général de la Cour de cassation.

Les autres membres (au nombre de 30) sont élus pour les deux tiers par l'ensemble des magistrats en leur sein et pour un tiers par le Parlement parmi les professeurs de droit et les avocats totalisant plus de quinze ans d'exercice de leur profession, ainsi que le prévoit l'article 104 de la Constitution.

- 20 membres sont des magistrats élus par l'ensemble des magistrats du siège et du Parquet sans distinction de grade ni de catégorie.

Deux sièges sont toutefois réservés aux magistrats de la Cour de cassation (au nombre de 300 sur un total de 8.000 magistrats environ). Les deux magistrats représentant la Cour de cassation sont élus par un collège national regroupant l'ensemble des magistrats.

Les autres représentants des magistrats sont élus au scrutin de liste et à la représentation proportionnelle par quatre collèges de magistrats correspondant à la division du territoire italien en quatre circonscriptions 15( * ) .

Pour ces élections, les quatre " courants " composant l'Association nationale des magistrats (ANM) présentent chacun leurs listes. Il en résulte une certaine politisation des membres ainsi élus, qui sont tous des représentants d'une organisation de magistrats.

- Les 10 autres membres (dits membres " laïques " ou " non togati ") sont élus par le Parlement (les deux chambres réunies) au scrutin secret et à la majorité des trois cinquièmes des parlementaires 16( * ) .

Dans la pratique, il semble que la désignation de ces membres " laïques " -choisis parmi les professeurs de droit ou les avocats ayant plus de quinze ans de Barreau-, s'effectue à la proportionnelle des groupes politiques.

Les membres élus du CSM restent en fonction quatre ans et ne sont pas immédiatement rééligibles. Leur fonction est incompatible avec un mandat de parlementaire ou de conseiller régional.

Le Président de la République peut dissoudre le CSM si celui-ci se trouve dans l'impossibilité de fonctionner.

2. De larges attributions

Le Conseil supérieur de la magistrature italien a des attributions étendues à l'égard de l'ensemble des magistrats du siège et du Parquet.

- Il exerce tout d'abord les compétences administratives inhérentes à la gestion des carrières des magistrats et statue ainsi en matière de recrutements, affectations, promotions, mutations, en application de l'article 105 de la Constitution. Il a en ce domaine un pouvoir de décision et non de simple proposition, le ministre de la justice étant tenu d'enregistrer le choix du CSM dans le décret de nomination.

L'avancement s'effectue essentiellement à l'ancienneté, les mécanismes de sélection des juges en fonction de leurs mérites aux différentes étapes de la carrière ayant été supprimés au nom de l'égale dignité de toutes les fonctions judiciaires.

L'organisation et le fonctionnement des services relatifs à la justice relèvent pour leur part de la compétence du ministre de la justice, en vertu de l'article 110 de la Constitution.

- La section disciplinaire , composée de neuf membres élus par le Conseil supérieur de la magistrature en son sein (dont 6 magistrats et 3 " laïques ") et présidée par son vice-président, statue en matière disciplinaire à l'égard de l'ensemble des magistrats.

Le ministre de la justice a l'initiative des poursuites disciplinaires. Les sanctions disciplinaires sont prises à l'issue d'une procédure à caractère juridictionnel et sont susceptibles d'un recours en cassation devant la Cour de cassation. Les audiences de la section disciplinaire sont publiques.

- Enfin, le Conseil supérieur de la magistrature exerce un pouvoir paranormatif qui n'avait pas été prévu par la Constitution.

Lorsque des problèmes d'interprétation des lois se posent dans l'exercice de ses fonctions administratives, il édicte en effet des " résolutions de principe " ou des " circulaires " qui jouent un rôle semblable à celui des normes réglementaires.

Il émet en outre des avis sur les projets ou propositions de loi concernant la justice.

*

Le Conseil supérieur de la magistrature italien joue donc un rôle important qui semble s'être renforcé au cours des dernières années. Selon son actuel vice-président, M. Grosso, il est devenu le symbole de l'indépendance de la magistrature. Ainsi que l'a souligné M. Boato, député, rapporteur du projet de révision constitutionnelle élaboré par la " bicamerale ", on peut aussi y voir une instance d'" autogouvernement des juges " qui apparaît fortement politisée, avec des risques de dérives corporatistes.

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