C. UN DISPOSITIF ADAPTÉ AU CONTEXTE ÉCONOMIQUE ET SOCIAL ACTUEL

1. Un dispositif coordonné avec l'évolution de la politique de l'emploi

Depuis quelques années, la politique de l'emploi cherche à apporter une réponse spécifique aux difficultés des chômeurs âgés.

Les chômeurs âgés sont en effet ceux qui ont le moins de chance de retrouver un emploi. Deux enquêtes récentes ont confirmé ce constat.

Selon l'enquête emploi de l'INSEE de mars 1997, 58,9 % des chômeurs âgés de 50 ans ou plus sont au chômage depuis plus d'un an, contre 38,9 % en moyenne nationale.

Une récente enquête du commissariat général au Plan 5( * ) a montré qu'en 1996 les chômeurs de plus de 50 ans étaient en moyenne au chômage depuis 24,8 mois, soit plus de deux ans, alors que cette durée était de 15,3 mois en moyenne pour les chômeurs âgés de 25 à 49 ans.

Face à cette situation, la Nation a affiché sa solidarité avec les chômeurs âgés de plus de 55 ans ayant cotisé pendant 160 trimestres. Trois dispositifs ciblés sur ce public ont été mis en place depuis 1995 : l'ARPE, l'ACA et l'ASA.

L'allocation de remplacement pour l'Emploi (ARPE)

L'accord UNEDIC du 6 septembre 1995 a permis la mise en oeuvre d'un mécanisme original " d'activation des dépenses passives du chômage ".

Cet accord, reconduit en 1996 et 1997, permet aux salariés qui ont cotisé 40 ans et plus à la sécurité sociale de mettre fin à leur activité professionnelle et de bénéficier de l'ARPE égale à 65 % de leur salaire de référence, sous réserve de l'engagement de leur entreprise de procéder à des embauches en contrepartie.

Depuis l'entrée en vigueur du dispositif, 90.000 personnes avaient bénéficié de l'ARPE à la fin 1997.

L'allocation chômeurs âgés (ACA)

Aux termes de la convention UNEDIC du 1er janvier 1997, les allocataires du régime d'assurance chômage qui justifient de 160 trimestres validés par l'assurance vieillesse au titre des régimes obligatoires du régime général de la sécurité sociale, peuvent bénéficier de l'ACA jusqu'à l'âge de 60 ans.

Le montant de l'ACA est égal à celui de l'allocation unique dégressive (AUD), mais elle ne subit pas de coefficient dégressif.

Depuis l'entrée en vigueur du dispositif, 54.000 entrées ont été enregistrées. Le montant moyen de l'ACA est de 7.726 francs par mois.

L'allocation spécifique d'attente (ASA)

La loi n° 98-285 du 17 avril 1998 a créé l'ASA. Peuvent en bénéficier les bénéficiaires de l'ASS ou du RMI justifiant, avant soixante ans, de 160 trimestres de cotisations d'assurance vieillesse.

L'ASA, d'un montant de 1.750 francs par mois, s'ajoute à l'ASS ou au RMI, sans que le montant total des ressources du bénéficiaire ne puisse être inférieur à 5.000 francs par mois.

La présente proposition de loi est en totale cohérence avec cette nouvelle orientation de la politique de l'emploi.

Elle offre une nouvelle solution pour répondre aux difficultés spécifiques de réinsertion professionnelle des chômeurs âgés ayant cotisé pendant plus de 40 ans et qui, n'ayant pas encore atteint l'âge de la retraite tout en ayant travaillé longtemps dans des conditions souvent très pénibles, ne peuvent prétendre au versement d'une retraite à taux plein.

A cet égard, votre rapporteur serait favorable à la mise en place complémentaire de dispositifs permettant le départ à la retraite anticipée d'anciens combattants toujours en activité, qui permettraient alors de libérer des emplois pour les jeunes et les chômeurs.

Ces dispositifs complémentaires pourraient viser en priorité les anciens combattants qu'une durée validée insuffisante empêche de prendre leur retraite à 60 ans ou ceux qui sont exclus du bénéfice de l'allocation de remplacement pour l'emploi (ARPE) pour ne pas avoir cotisé 160 trimestres.

2. Un coût supportable pour les finances publiques

La présente proposition de loi entraîne un coût pour les finances publiques : les caisses de retraite vont devoir verser, par anticipation, des pensions de vieillesse, qu'elles n'auraient jusqu'à présent pas eu à verser.

Ce coût reste pourtant très supportable.

D'une part, la mesure proposée ne s'adresse qu'à un faible nombre de bénéficiaires potentiels : les anciens combattants d'Afrique du Nord qui sont chômeurs en fin de droit et qui ont cotisé pendant 40 ans. Votre commission en évalue le nombre aux environs de 15.000.

D'autre part, cette charge nouvelle se substitue à des charges déjà existantes : aides du fonds de solidarité, minima sociaux (ASS et RMI notamment). Dès lors, la mise en oeuvre de la réforme proposée se traduira par des économies sur les crédits budgétaires. Le coût net total de la mesure est donc bien inférieur au coût brut total.

Enfin, le bénéfice de la retraite anticipée reste un droit facultatif. Il n'est donc pas certain que tous les bénéficiaires potentiels demandent une liquidation anticipée de leur pension de vieillesse, les dispositifs de solidarité existante pouvant être, dans certains cas, plus favorables.

Le secrétariat d'Etat aux anciens combattants a réalisé un essai de chiffrage de la mesure pour les seuls appelés. Il conclut à un coût brut total de 6,8 milliards de francs sur 3 ans pour les régimes de base.

Toutefois, cette évaluation repose sur l'hypothèse d'une application du droit à la retraite anticipée à l'ensemble des anciens combattants chômeurs en fin de droit. Or, la mesure proposée par votre commission ne s'appliquera uniquement qu'à ceux qui ont cotisé pendant 40 ans, soit environ 15 % de cette population. Le coût brut total serait alors ramené à 1,02 milliard de francs pour les seuls appelés.

Il semble donc, dans ces conditions, que le coût brut total de cette mesure est plus proche de 1,3 milliard de francs sur quatre ans.

Cette charge sera d'ailleurs dégressive, le nombre de bénéficiaires de la mesure diminuant chaque année. Ainsi, la charge serait de 720 MF en 1999, de 410 MF en 2000, de 150 MF en 2001 et de 18 MF en 2002.

ESSAI DE CHIFFRAGE DE LA MESURE 6( * ) :

I - Estimation du nombre de personnes concernées

1. Effectifs des anciens combattants (appelés et engagés) survivants à l'âge de la retraite anticipée :


- classe 1959 : 130.000 appelés + 15.000 engagés soit un total de 145.000

- classe 1960 : 112.000 appelés + 14.000 engagés soit un total de 126.000

- classe 1961 : 83.000 appelés + 16.000 engagés soit un total de 99.000

- classe 1962 : 15.000 engagés.

2. Estimation de la proportion de chômeurs en fin de droit

25 %

3. Proportion de cette population réunissant 160 trimestres ou plus d'assurance

15 %

soit :

- classe 1959 : 5.400

- classe 1960 : 4.700

- classe 1961 : 3.700

- classe 1962 : 600

II - Montant moyen de la pension de vieillesse servie par le régime général

5.130 francs pour les hommes (en 1993)

III - Durée moyenne d'anticipation par classe d'âge

- classe 1959 : 6 mois

- classe 1960 : 18 mois

- classe 1961 : 30 mois

- classe 1962 : 42 mois

IV - Coût brut cumulé de la mesure

- classe 1959 : 5.130 F x 6 x 5.400 = 166 MF

- classe 1960 : 5.130 F x 18 x 4.700 = 434 MF

- classe 1961 : 5.130 F x 30 x 3.700 = 569 MF

- classe 1962 : 5.130 F x 42 x 600 = 129 MF

Total : 1.298 MF sur 4 ans

Cette charge supplémentaire ne doit pas peser sur les régimes de retraite de base. Leur équilibre financier reste en effet fragile.

S'agissant de la compensation de la mesure, nécessaire au regard de la procédure de recevabilité financière de la présente proposition de loi, votre commission propose que le fonds de solidarité vieillesse, qui a pour vocation de prendre en charge les mesures relevant de la solidarité nationale, prenne à sa charge les dépenses supplémentaires des régimes de base. En conséquence, les droits de consommation sur les alcools, qui constituent l'une des ressources du fonds de solidarité vieillesse, seront majorés à due concurrence.

Il n'en reste pas moins que les évaluations présentées ci-dessus n'intègrent pas la charge qui pèsera sur les régimes complémentaires. Or, la mesure proposée doit également s'appliquer aux retraites complémentaires : la retraite anticipée doit être une retraite totale et pas seulement la pension versée par les régimes de base.

Votre rapporteur estime donc nécessaire que le Gouvernement engage, si la présente proposition de loi est adoptée définitivement, une négociation avec les régimes complémentaires pour que cette mesure s'applique au plus vite aux retraites complémentaires.

Votre rapporteur entend, en outre, au vu de la position qui sera celle du Gouvernement à l'égard de la présente proposition de loi, l'interroger sur l'éventualité d'introduire dans le prochain projet de loi de finances, une disposition permettant un assouplissement des conditions requises pour bénéficier de l'allocation de préparation à la retraite versée par le Fonds de solidarité.

Il serait en effet souhaitable que les anciens combattants chômeurs en fin de droit et justifiant de quarante annuités de cotisations à l'assurance vieillesse puissent toucher l'allocation de préparation à la retraite sans devoir passer pendant six mois par le stade préalable de l'allocation différentielle. De nombreux anciens combattants sont en effet réticents à bénéficier de l'allocation différentielle qu'ils assimilent bien souvent à une forme d'assistance dégradante.

Une telle mesure, en l'absence de réelle retraite anticipée incluant les régimes complémentaires, aurait alors un double avantage. D'une part, elle permettrait aux anciens combattants les plus en difficulté de sortir de la logique de l'assistanat tout en bénéficiant d'un revenu raisonnable compris entre 5.600 et 7.177 francs nets par mois. D'autre part, elle n'aurait aucune influence sur la situation financière des régimes de retraite complémentaire, l'allocation de préparation à la retraite étant financée par l'Etat.

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