EXAMEN DES ARTICLES

ARTICLE PREMIER

Résultats généraux de l'exécution
des lois de finances pour 1995

Commentaire : le présent article a pour objet d'arrêter les résultats définitifs de l'exécution des lois de finances pour 1995.

Le présent article a pour objet de présenter, sous forme de tableau synthétique, les résultats définitifs de l'exécution de 1995, conformément à l'article 35 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959 qui dispose que " le projet annuel de loi de règlement constate le montant définitif des encaissements de recettes et des ordonnancements de dépenses se rapportant à une même année ".

L'article premier fixe, d'une part, le résultat des opérations à caractère définitif du budget général ainsi que des budgets annexes et des comptes d'affectation spéciale, et d'autre part, le résultat des opérations à caractère temporaire en le présentant par catégorie de comptes spéciaux.

Le solde des opérations définitives de l'Etat est arrêté à - 301,91 milliards de francs (il était de - 275,89 milliards de francs en 1994).

Le solde des opérations temporaires est de - 20,77 milliards de francs (- 23,72 milliards de francs en 1994).

Le solde global hors opérations avec le FMI est de - 322,68 milliards de francs (- 299,61 milliards de francs en 1994).

Le solde global hors opérations avec le FMI et hors fonds de stabilisation des changes est de - 322,95 milliards de francs (- 299,08 milliards de francs en 1994).

Ce solde représente 4,10 % du PIB de 1995.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 2

Recettes du budget général

Commentaire : le présent article a pour objet d'arrêter le montant des recettes du budget général pour 1995.

Le montant des recettes du budget général est arrêté à 1.514,95 milliards de francs pour l'année 1995, soit une progression de 1,8% par rapport à 1994.

Ces recettes se décomposent comme suit :

- 1.523,86 milliards de recettes fiscales , soit une progression de 4 % par rapport à 1994.

- 164,68 milliards de recettes non fiscales , soit une diminution de 17,6 % par rapport à 1994.

- 61,32 milliards de fonds de concours et recettes assimilées , soit une progression de 3,2 % par rapport à 1994.

- 234,92 milliards de prélèvements sur recettes de l'Etat venant en déduction des recettes totales, soit une diminution de 0,8 % par rapport à 1994.

En prenant en compte les dégrèvements et remboursements d'impôts, les recettes nettes du budget général s'élèvent à 1.292,76 milliards de francs, soit une augmentation de 1,23 % par rapport à 1994.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 3

Dépenses ordinaires civiles du budget général

Commentaire : Le présent article a pour objet d'arrêter le montant définitif des dépenses ordinaires civiles du budget général en 1995.

Le montant définitif des dépenses ordinaires civiles brutes s'établit à 1.537,32 milliards de francs, contre 1.466,29 milliards de francs en 1994, soit une progression de 4,8 %. Nettes des dégrèvements et remboursements, celles-ci s'élèvent à 1.315,13 milliards de francs, en hausse de 4,7 % par rapport à 1994.

Par titre, l'évolution de ces dépenses est la suivante :

pour le titre I : + 9,9 %, soit 470,06 milliards de francs ;

pour le titre II : + 3,6 %, soit 3,96 milliards de francs ;

pour le titre III : + 3,4 %, soit 599,53 milliards de francs ;

pour le titre IV : + 1,9 %, soit 463,76 milliards de francs.

Le présent article demande :

l'ouverture de crédits complémentaires à hauteur de 16,01 milliards de francs, essentiellement au profit du titre I (+ 8,52 milliards de francs) et du titre IV (+ 6,81 milliards de francs) ;

l'annulation de crédits non consommés pour 12,95 milliards de francs répartis principalement entre le titre I (3,84 milliards de francs), le titre III (3,77 milliards de francs) et le titre IV (5,33 milliards de francs), soit au total un solde positif de 3,06 milliards de francs.

L'ensemble des ouvertures de crédits complémentaires telles qu'elles sont détaillées dans le tableau B annexé à la présente loi, porte sur des crédits évaluatifs à deux exceptions près :

- un dépassement de 2.008,06 francs sur le chapitre 31-05 du budget des services du Premier ministre (services généraux) qui n'avait pas été doté en loi de finances initiale ;

- un ajustement de 3,33 francs sur l'ensemble des ministères correspondant au fait que si les crédits sont arrêtés en francs, les comptes publics sont, eux tenus en centimes.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 4

Dépenses civiles en capital du budget général

Commentaire : le présent article a pour objet d'arrêter le montant définitif des dépenses civiles en capital du budget général en 1995.

Le montant définitif des dépenses civiles en capital s'établit à 101,67 milliards de francs contre 104,89 milliards de francs en 1994, soit une diminution de 3,1 %.

Pour des raisons comptables, la loi de règlement propose des ouvertures de crédits complémentaires à hauteur de 10,97 francs et des annulations de crédits non consommés pour 31,85 francs.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 5

Dépenses ordinaires militaires du budget général

Commentaire : Le présent article a pour objet d'arrêter le montant définitif des dépenses ordinaires militaires du budget général en 1995.

Le montant définitif des dépenses ordinaires militaires du budget général s'établit, en 1995, à 105,23 milliards de francs, en progression de 1,5 % par rapport à 1994.

En outre, le présent article demande l'ouverture de crédits complémentaires détaillés dans le tableau D annexé à la présente loi, pour un montant de 14,2 millions de francs, correspondant à des crédits évaluatifs concernant des frais de contentieux (règlements des dommages et accidents du travail) ainsi qu'un ajustement comptable de 0,49 franc.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 6

Dépenses militaires en capital du budget général

Commentaire : le présent article a pour objet d'arrêter le montant définitif des dépenses militaires en capital du budget général pour 1995.

Le montant définitif des dépenses militaires en capital s'élève, en 1995, à 74,73 milliards de francs, soit une diminution de 15,5 % par rapport à 1994.

En outre, le présent article demande des ouvertures de crédits de 1,23 franc rendues nécessaires par la tenue en centimes et non en francs des comptes publics.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 7

Résultat du budget général de 1995

Commentaire : le présent article a pour objet d'arrêter, compte tenu des montants de recettes et de dépenses fixés aux articles précédents, le solde du budget général en 1995.

L'excédent des dépenses (1.818,95 milliards de francs) sur les recettes (1.514,95 milliards de francs) est arrêté par le présent article à 304,00 milliards de francs.

Ce résultat représente une augmentation de 10,1 % par rapport à 1994, mais une réduction de 6,6 % si l'on tient compte des recettes de privatisation inscrites au budget général de 1994.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 8

Résultats des budgets annexes

Commentaire : le présent article a pour objet d'arrêter les résultats des budgets annexes et d'autoriser des ajustements de crédits sur ces budgets.

Les résultats des six budgets annexes pour 1995 sont arrêtés, en recettes et en dépenses, à 100,49 milliards de francs. Ils augmentent de 3,7 %.

Les ajustements demandés s'élèvent à :

- 1.324 millions de francs en ouvertures de crédits complémentaires dont l'essentiel au budget annexe des prestations agricoles ;

- 1.666 millions de francs en annulations de crédits non consommés, dont :

1.416 millions de francs au budget annexe des prestations sociales agricoles (BAPSA),

196 millions de francs au budget annexe de l'aviation civile (BAAC).

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 9

Comptes spéciaux dont les opérations se poursuivent en 1996

Commentaire : cet article a pour objet, en application des dispositions de l'article 35 de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, d'établir les profits et les pertes constatés dans l'exécution des comptes spéciaux du Trésor. Le solde des comptes d'affectation spéciale est, en application de l'article 24 de l'ordonnance, reporté en 1996.

Le paragraphe I de l'article
arrête les résultats des comptes spéciaux du Trésor dont les opérations se poursuivent en 1996. Il retrace les modifications de crédits (ouvertures de crédits complémentaires et annulations de crédits non consommés) et les autorisations de découverts complémentaires.

Les ajustements de la loi de règlement portent sur l'ouverture de 1420,4 milliards de francs de crédits complémentaires, l'annulation de 21,4 milliards de francs de crédits non consommés et une autorisation de découvert complémentaire de 42,8 milliards de francs (sur les comptes d'opérations monétaires).

L'ampleur des ouvertures de crédits complémentaires s'explique par le dépassement constaté du compte d'avances n°903-58 ("Avances à divers services de l'Etat ou organismes gérant des services publics"), doté de crédits évaluatifs. Il concerne, à hauteur de 1396,1 milliards de francs, les avances faites à l'agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS), qui n'ont pas été évaluées correctement en loi de finances initiale. Les avances ont été remboursées dans l'année, mais l'autorisation de les consentir doit être validée.

Le paragraphe II de l'article arrête les soldes des comptes spéciaux du Trésor à la date du 31 décembre 1995. Les soldes débiteurs représentent un total de 280 milliards de francs, en augmentation par rapport à 1994, alors que le montant des soldes créditeurs est relativement stable, à 25,8 milliards de francs. Les soldes débiteurs proviennent essentiellement des comptes d'opérations temporaires (comptes de prêts et d'avances).

Le paragraphe III de l'article procède au report des soldes arrêtés au paragraphe II, à l'exception du solde débiteur du compte "pertes et bénéfices de change" de 197,9 millions de francs, et du solde créditeur de 1 milliard de francs figurant aux comptes de prêts, en raison de remises de dettes aux pays les moins avancés.

En application des dispositions particulières figurant dans le décret de répartition des crédits ouvert au titre de la loi de finances de l'année, le solde du compte "pertes et bénéfices de change" est porté en atténuation des découverts du Trésor (article 16 du projet de loi de règlement).

Le solde débiteur des comptes de prêts correspondant à des remises de dette aux pays les moins avancés est porté en augmentation des découverts du Trésor (article 16 du projet de loi de règlement).

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 10

Pertes et profits sur emprunts et engagements de l'Etat

Commentaire : le présent article arrête le solde des pertes et profits à la somme de 15,22 milliards de francs au 31 décembre 1995.

Conformément au 5ème alinéa (c) de l'article 35 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, le projet de loi de règlement établit le compte de résultat de l'année qui comprend : " les profits ou les pertes résultant éventuellement de la gestion des opérations de trésorerie dans des conditions prévues par un règlement de comptabilité publique ".

Les opérations de gestion de trésorerie ont dégagé un solde négatif de 15,22 milliards de francs en 1995, contre 156,5 milliards de francs en 1994 6( * ) et 18 milliards de francs en 1993.

Au titre des dépenses, 10,63 milliards de francs sont imputables aux annuités non supportées par le budget général, ou un compte spécial du trésor, qu'il s'agisse du remboursement de créances de TVA (7,37 milliards de francs) ou du remboursement d'emprunts pris en charge par l'Etat (3,26 milliards de francs), et 9,15 milliards de francs correspondent à des pertes sur adjudications de titres.

Compte tenu de 5,46 milliards de francs de profits sur adjudications de titres, le solde s'établit, au total, à - 15,22 milliards de francs.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 11

Pertes en trésorerie sur devises

Commentaire : le présent article a pour objet d'apurer une perte en trésorerie correspondant à la contre-valeur de devises détenues par les régies auprès des ambassades de France en Irak, au Rwanda et en Georgie.

L'article 35 de l'ordonnance n°59-2 du 2 janvier 1959 relative aux lois de finances dispose que le résultat de l'année comprend notamment "les profits et pertes résultant éventuellement de la gestion des opérations de trésorerie dans des conditions prévues par un réglement de comptabilité publique".

Le présent article propose le transport de pertes en trésorerie sur devises en augmentation des découverts du Trésor pour un montant total de 9.486,60 francs.


Poste

Montant en francs

Observations

Bagdad

4,22

billets démonétisés

Kigali

9467,25

billets démonétisés

Tbilissi

15,13

petites coupures de coupons georgiens non échangeables contre des laris

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 12

Remise de dettes consentie au Vietnam

Commentaire : le présent article autorise une remise de dettes d'un montant en capital de 28,4 millions de francs restant dû par l'ancienne République du Vietnam.

Le prêt, de 70 millions de francs, accordé par la France à l'ancienne République du Vietnam, dans le cadre d'un protocole conclu le 24 mars 1960, constitue la partie la plus ancienne de la dette de l'ex-Vietnam du Sud.

Les arriérés de ce prêt s'élèvent au 31 décembre 1995 à 28,4 millions de francs en principal et 50,6 millions de francs en intérêts.

Suite à des négociations financières avec le gouvernement français, il a été conclu que la République socialiste du Vietnam honorerait l'ensemble des dettes de l'ancien Vietnam du Sud restant dues, à l'exception de ce prêt accordé en 1960.

Il est donc proposé d'apurer, par transport en augmentation des découverts du Trésor, la somme en principal de ce prêt, soit 28,4 millions de francs inscrits au compte n°903-07 "Prêts du Trésor à des Etats étrangers et à la Caisse française de développement".

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 13

Abandon de créances détenues à l'encontre de l'ex-ORTF

Commentaire : le présent article autorise le ministre de l'Economie et des finances à procéder à la remise d'une somme en capital de 75 millions de francs, correspondant à deux avances accordées à l'Office de la Radiodiffusion Télévision Française.

Deux avances, d'un montant global de 75 millions de francs ont été accordées le 14 septembre 1974, à l'Office de la Radiodiffusion-télévision Française (ORTF).

Ces avances ont été consolidées sous forme de prêt imputable au compte spécial n° 903-15 "Avances du Trésor consolidées par transformation en prêts du Trésor" par la loi de finances rectificative pour 1978 (article 15).

En 1984, elles ont été consolidées par transformation en prêts remboursables en 10 annuités, avec un taux d'intérêt annuel de 8,75%.

Cependant, les établissements publics et sociétés nationales issus de l'ORTF ont contesté dès 1984 le montant et la nature de la créance de l'Etat, ainsi que le bien-fondé du remboursement d'une dette contractée par l'ex-ORTF.

A cette contestation de la réalité de la créance se sont ajoutées les modifications du paysage audiovisuel français. Ainsi, lors de la privatisation de TF1, cette dette à l'égard de l'Etat ne figurait pas au passif de la chaîne.

Aucun versement n'a donc été effectué selon l'échéancier prévu.

Aucun des organismes issus de l'ORTF n'ayant réglé les annuités de remboursement, le montant global dû s'élève aujourd'hui à 115,6 millions de francs, dont 75 millions de francs en capital et 40,6 millions de francs en intérêts comme le montre le tableau d'amortissement ci-dessous.

(en francs)

Dates d'échéance

Montant des annuités de remboursement

 

Capital

Intérêts

Total

31 décembre 1985

4.995.724

6.562.500

11.558.224

31 décembre 1986

5.432.850

6.125.374

11.558.224

31 décembre 1987

5.908.224

5.650.000

11.558.224

31 décembre 1988

6.425.194

5.133.030

11.558.224

31 décembre 1989

6.987.399

4.570.725

11.558.224

31 décembre 1990

7.598.796

3.959.428

11.558.224

31 décembre 1991

8.263.691

3.294.533

11.558.224

31 décembre 1992

8.986.764

2.571.460

11.558.224

31 décembre 1993

9.773.106

1.785.118

11.558.224

31 décembre 1994

10.628.252

929.972

11.558.224

Totaux

75.000.000

40.582.240

115.582.240

Source : Ministère de l'Economie et des finances

Il apparaît d'autant plus difficile de recouvrer cette créance aujourd'hui, que la diversité des statuts des organismes de l'audiovisuel ne permet pas de trouver une solution simple et équitable.

La diversité de statuts a en effet conduit à ne pas retenir la solution préconisée par la Cour des comptes. Celle-ci avait proposé d'utiliser une partie des crédits provenant de la redevance audiovisuelle, c'est-à-dire des crédits figurant au chapitre 05 "Dépenses diverses" du compte d'emploi de la redevance (compte 902-15).

Cette solution ne serait pas satisfaisante, car elle ne concernerait que les sociétés bénéficiant de la redevance, à l'exclusion d'autres chaînes concernées par la créance de l'Etat (TDF, la SFP, TF1), et pénaliserait des sociétés qui, bénéficiant de la redevance, ne sont toutefois pas concernées par la créance (La Cinquième, la Sept-ARTE).

Il apparaît donc, qu'à défaut d'avoir pris en compte les conséquences de l'éclatement de l'ORTF, par exemple pour transformer dès 1984 le prêt de l'Etat en subvention, aucune solution ne peut aujourd'hui être trouvée.

Il est donc proposé d'abandonner la créance détenue à l'encontre de l'ex-ORTF, pour un montant total de 75 millions de francs, les intérêts correspondant au prêt étant versés en recettes du budget général, au compte de prêt intéressé (compte n° 903-15), conformément aux dispositions de l'article 29 de l'ordonnance organique du 1959.

L'abandon de créance se traduira par un transport en augmentation des découverts du Trésor de 75 millions de francs (article 16 du présent projet de loi).

Bien qu'il soit devenu impossible de recouvrer aujourd'hui la créance, votre rapporteur ne peut que déplorer la mauvaise gestion de l'Etat sur ce dossier. Il aurait dû, soit admettre la transformation du prêt en subvention, compte tenu des difficultés financières des sociétés, soit assurer un suivi rigoureux de la créance après l'éclatement de l'ORTF, pour s'assurer de la continuité des contrats avec les sociétés qui en sont issues.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 14

Reconnaissance d'utilité publique de dépenses comprises
dans des gestions de fait

Commentaire : le présent article vise à reconnaître d'utilité publique des dépenses comprises dans la gestion de fait des deniers de l'Etat.

I. LES TROIS GESTIONS DE FAIT CONCERNÉES


Cet article intervient dans la phase ultime de trois procédures juridictionnelles conduites devant la Cour des comptes et concernant des gestions de fait :

- la gestion de fait de la Société française d'études et de réalisations maritimes, portuaires et navales (SOFREMER) mettant en cause le chef du Service technique central des ports maritimes et des voies navigables (STCPMVN), l'ancien délégué général de SOFREMER jusqu'au 31 octobre 1987 et le directeur de SOFREMER à partir du 1 er novembre 1987 ;

- la gestion de fait du " Consulat général de France à Oran " pour laquelle la Cour des comptes a déclaré comptables de fait l'ancien consul général de France à Oran et conjointement et solidairement, l'ancien consul général adjoint de France à Oran, pour des opérations résultant de l'émission de trois mandats fictifs (n °1373 du 2 janvier 1989 et n °1024 et 1025 du 23 octobre 1989) ;

- la gestion de fait de l'Association " Carrefour du Développement " (ACAD) au titre de laquelle ont été déclarés comptables de fait ladite association ainsi que conjointement et solidairement avec le ministre de la coopération, le chef de cabinet et le chef de bureau de l'ordonnancement pour l'ensemble des opérations effectuées du 30 juin 1983 au 6 mai 1986.

Dans la première affaire, la STCPMVN et SOFREMER avaient décidé de mettre en commun leurs moyens pour effectuer des études portuaires et mener des actions de formation. Dans ce cadre, le STCPMVN avait mis à la disposition de SOFREMER certains de ses moyens en personnel et en matériel, la SOFREMER assurant en contrepartie l'organisation de missions des agents du STCPMVN, la prise en charge des frais de transport et de séjours correspondants et la souscription des assurances individuelles nécessaires en cas de mission hors de France.

Chaque année, un bilan financier devait être établi, faisant ressortir les prestations effectuées par chaque partie et dont le solde devait donner lieu à remboursement auprès de l'organisme concerné.

La Cour a considéré que la convention a eu pour effet de faire prendre en charge par SOFREMER des dépenses incombant au STCPMVN alors qu'elle aurait dû verser des honoraires pour la rémunération des prestations fournies par ce dernier. Dans la mesure où la rémunération des prestations qu'il effectue au profit d'un tiers constitue une recette de l'Etat que seul un comptable public a qualité pour recouvrer, la Cour a estimé que SOFREMER s'était ingérée dans le recouvrement des recettes destinées à l'Etat.

S'agissant de la deuxième affaire, la gestion de fait provenait de ce que des factures relatives à des travaux dans les cimetières de la région d'Oran et qui avaient donné lieu à paiement au moyen de crédits ouverts au budget du ministère des affaires étrangères ne correspondaient en réalité à aucun service rendu. Les fonds avaient été utilisés comme fonds de roulement dans l'attente d'autorisations de paiement futures et avaient servi à payer diverses dépenses, se rapportant tant à des travaux dans les cimetières qu'à d'autres usages (travaux et achats de matériel pour le consulat et la résidence du consul).

La troisième affaire concerne l'Association " Carrefour du développement ". Son retentissement particulier aussi bien dans la presse que dans la sphère politique est lié non seulement au fait qu'elle a impliqué un ministre, M. Christian Nucci et son chef de cabinet, M. Yves Chalier, mais également au montant élevé des sommes détournées, respectivement 20,5 millions de francs au profit du premier et 1,4 million de francs au profit du second.

L'association avait été créée en 1983 à l'initiative du ministre de la coopération. Son objet était double : d'une part, elle devait éditer et diffuser la revue " Actuel Développement ", publication traitant de différents sujets liés aux problèmes de développement ainsi que de l'action du ministère ; d'autre part, elle devait réaliser des opérations tendant à informer et à sensibiliser l'opinion sur les questions de développement et de relations avec les pays du " Sud ". Cette association fonctionnait à partir de versements imputés sur les crédits du budget du ministère de la coopération et disposait de deux comptes : un compte bancaire et un CCP.

Lors d'un contrôle effectué par la Cour des comptes au cours de l'année 1996, celle-ci a constaté maintes opérations étrangères à l'objet de l'ACAD et que l'utilisation abusive de la procédure de subvention, le versement d'avances et l'octroi de délais pour rapporter la preuve du service fait avaient permis à l'ACAD de recevoir des sommes importantes sans avoir à justifier de la réalité des prestations. En outre, il a été établi que l'ACAD a fait état de factures surévaluées ou dépourvues de tout objet réel et que des sommes ont été rétrocédées en espèces par les auteurs des fausses factures.

Le contenu détaillé de chacune de ces quatre affaires est rappelé aux pages 88 à 92 de l'exposé des motifs du projet de loi de règlement.

L'objet du présent commentaire se limite donc à souligner les grands traits de la procédure aboutissant à la reconnaissance de l'utilité publique des sommes mentionnées dans le présent article.

Il convient toutefois dès à présent de rappeler que la reconnaissance d'utilité publique des dépenses comprises dans les gestions de fait précitées se fonde sur les arrêts de la Cour des comptes qui, après enquête, est en mesure de définir le montant exact des sommes qui, bien que n'ayant pas été manipulées selon les règles de la comptabilité publique, ont toutefois le caractère d'utilité publique par leur destination. Quant aux sommes auxquelles la Cour a dénié le caractère d'utilité publique, elles sont soumises à une procédure de recouvrement parallèle qui peut conduire à une procédure contentieuse.

Le présent article a pour objet de donner valeur législative aux arrêts de la Cour.

II. DESCRIPTION DE LA PROCÉDURE

- Dans chacune des affaires susmentionnées, la Cour des comptes a tout d'abord été conduite à déterminer les éléments constitutifs de la gestion de fait en séparant, au sein des masses financières concernées, celles répondant à l'objet qui leur avait initialement été assigné et celles affectées, en-dehors du circuit comptable de l'Etat, à des dépenses à caractère budgétaire. Ces dernières sont seules constitutives de la gestion de fait.

En fonction de la gravité de l'irrégularité et de son caractère frauduleux, la Cour peut infliger des amendes aux gestionnaires de fait. Ainsi, dans la gestion de fait " Consulat général de France à Oran ", elle a condamné le consul général à une amende de 2.000 francs et à 1.000 francs le consul général adjoint, estimant que " la différence marquée entre l'emploi réel des fonds et celui qui était licite donne aux errements relevés un caractère de particulière gravité ".

Dans le cas de la gestion de fait Association " Carrefour du développement ", la Cour a condamné à des peines très lourdes les gestionnaires de fait afin de sanctionner la gravité de ce qui constitue un véritable détournement des fonds publics : 600.000 francs pour le ministre de la coopération, 500.000 francs pour le chef de cabinet et 10.000 francs pour le chef de bureau de l'ordonnancement 7( * ) .

- Conformément aux dispositions de l'article L. 131-2 du code des juridictions financières, la Cour des comptes a alors jugé les comptes que lui avaient rendus les personnes qu'elle avait déclarées comptables de fait.

Elle a ainsi été conduite à établir la ligne de compte de la gestion de fait et à enjoindre au comptable de fait de reverser auprès d'un comptable public l'excédent éventuel des recettes sur les dépenses.

En ce qui concerne la gestion de fait SOFREMER, la Cour, dans son arrêt du 12 juillet 1995, a rendu définitive la déclaration de gestion de fait et a ainsi fixé provisoirement la ligne de compte : 942.735 francs en recettes, provenant des prestations effectuées par le STCPMVN dont le paiement par SOFREMER aurait dû intervenir par un comptable public ; 834.652,37 francs en dépenses, après qu'ait été rejeté un montant de 20.326,34 francs. L'excédent de recettes est fixé à 108.082,63 francs dont le reversement dans la caisse du receveur général des finances a été constaté.

En ce qui concerne la gestion de fait " Consulat général de France à Oran ", la Cour a également fixé provisoirement la ligne de compte.

A propos du mandat du 2 janvier 1989, elle a admis 149.453,70 dinars en recettes et 124.349,70 dinars en dépenses. L'excédent de recettes (25.104 dinars) a été reversé au Trésor public.

A propos des mandats du 23 octobre 1989, elle a admis 67.250 dinars en recettes et en dépenses.

En ce qui concerne la gestion de fait " ACAD ", la Cour a distingué les opérations appropriées par le ministre de la coopération de l'époque et celles appropriées par le chef de cabinet et le chef du bureau de l'ordonnancement.

Ainsi, pour la première catégorie d'opérations, elle a admis 51.648.786,83 francs en recettes et 31.185.517,94 francs en dépenses, soit un excédent de recettes de 20.463.268,89 francs.

Pour la deuxième catégorie d'opérations, elle a admis 30.890.718,21 francs en recettes, 29.461.258,42 francs en dépenses, soit un excédent de recettes fixé à 1.429.459,79 francs.

- Ensuite, la Cour a fait application du troisième alinéa de l'article 60-XI de la loi n °63-156 du 23 février 1963 qui dispose que " les gestions irrégulières entraînent, pour leurs auteurs, déclarés comptables de fait par la Cour des comptes, les mêmes obligations et responsabilités que les gestions patentes pour les comptables publics ".

En d'autres termes, le comptable de fait a été reconnu responsable sur ses propres deniers de la régularité des opérations auxquelles il avait procédé.

En ce qui concerne la gestion de fait " ACAD ", la Cour a enjoint dans son arrêt du 7 décembre 1995 complété par l'arrêt des 24 septembre et 2 octobre 1996 aux gestionnaires de fait d'apporter, dans un délai de deux mois à compter du jour de la notification du dernier arrêt, la preuve du reversement au Trésor public de l'excédent resté entre leurs mains, soit 20.463.268,89 francs pour le ministre de la coopération et 1.429.459,79 francs pour le chef de cabinet et le chef du bureau de l'ordonnancement. Le non reversement entraîne l'ouverture d'une procédure contentieuse de recouvrement.

Il est à noter que pour le calcul de la dépense dans la gestion de fait SOFREMER, la Cour a rejeté un montant de 20.326,34 francs au motif qu'il ne correspondait à aucune dépense à caractère d'utilité publique.

Pour les mêmes raisons, elle a rejeté dans la gestion de fait " Consulat général de France à Oran ", un montant de 22.202 francs du consulat d'Oran. Ces deux sommes doivent donc être reversées au Trésor public.

Le Parlement doit ensuite statuer sur l'utilité publique des dépenses de la gestion de fait. En effet, lui seul est habilité, dans le cadre d'une loi de finances, à déterminer la nature, le montant et l'affectation des charges de l'Etat.

Ainsi, en application des dispositions précitées de l'article 60-XI de la loi de finances pour 1963, la Cour a également enjoint les comptables de fait " de produire une décision du Parlement, prise en la forme constitutionnellement requise pour le vote des lois de finances, statuant sur l'utilité publique des dépenses de la gestion de fait ".

Le comptable de fait, muni des dispositions prises dans le cadre du présent article, pourra alors se retourner vers la Cour des comptes afin d'être définitivement déchargé de l'obligation de restituer les sommes correspondantes.

Le présent article propose de reconnaître d'utilité publique, pour un montant de 834.652,37 francs, 142.167,73 francs, 31.185.517,94 francs et 29.461.258,42 francs les dépenses comprises dans la gestion de fait des deniers de l'Etat respectivement au titre du ministère de l'équipement, du logement, des transports et du tourisme et du ministère des affaires étrangères. Pour le calcul de ces sommes, la Cour des comptes a pris en compte les éventuels reliquats à reverser au Trésor public dont le recouvrement constitue une procédure parallèle.

Toutefois, on peut craindre que les 27.847.781,20 francs de dépenses non justifiées résultant de la gestion de fait " Association Carrefour du Développement " ne soient jamais recouvrées. En effet, les sommes ont été dépensées à l'époque des faits et les intéressés sont à l'heure actuelle insolvables.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification.

ARTICLE 15

Apurement du compte 427.9 "Ecart d'intégration des dépôts CCP de l'ex-budget annexe des PTT"

Commentaire : le présent article tend à apurer une distorsion comptable apparue lors de la clôture du budget annexe des PTT par l'article 65 de la loi de finances pour 1991.

Par la loi n° 90-568 du 2 juillet 1990, La Poste a été transformée en exploitant public autonome.

Par conséquent, l'article 65 de la loi de finances pour 1991 a procédé à la suppression, à compter du 1er janvier 1991, du budget annexe des postes et télécommunications.

Depuis son changement de statut en 1991, La Poste est donc comptée parmi les correspondants du Trésor. Celui-ci a en dépôt les comptes courants postaux des personnes physiques et des personnes morales non dotées d'un comptable public.

La situation des avoirs des comptes chèques postaux (CCP) que La Poste est tenue de déposer au Trésor est retracée au compte 427 - Comptes au Trésor de la Poste.

Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances en vue du règlement du budget de l'exercice 1994, la Cour des Comptes a toutefois relevé "une importante anomalie au compte 427 - Comptes au Trésor de la Poste".

En effet, un sous-compte 427-9 "Ecart d'intégration des dépôts CCP, ex-budget annexe des PTT" a été ouvert en 1992 et débité, par opérations successives, de 18,16 milliards de francs.

La Cour estime que cet écart de 18,16 milliards de francs a "pour origine les pertes cumulées de La Poste sous le régime du budget annexe : en l'absence d'une gestion distincte des flux de trésorerie, des prélèvements sur les avoirs des CCP ont été opérés, pour ce montant, pour couvrir les besoins de financement courants de l'exploitation".

La Cour des Comptes note que "lors de l'établissement du bilan d'ouverture de La Poste..., cette situation a fait l'objet d'une analyse détaillée".

Malgré des demandes maintes fois réitérées, aussi bien auprès de La Poste que de son ministère de tutelle, votre rapporteur général n'a pu obtenir cette analyse détaillée, ni aucun autre document d'explication avant la rédaction du présent rapport.

En l'absence de toute information, et compte tenu du caractère succinct de l'exposé des motifs attaché au présent article, votre rapporteur général n'est donc pas en mesure de donner une justification précise à cet écart comptable, qui correspondait à 11% des avoirs des CCP portés au crédit du compte 427 fin 1994.


La situation déficitaire de l'exploitation de La Poste n'est pas un élément de justification suffisant.

En effet, jusqu'au 31 décembre 1990, le secteur postal et le secteur des télécommunications faisaient l'objet d'un budget annexe : les comptes étaient séparés, sauf en matière de trésorerie. Or, l'unicité de trésorerie dissimulait une situation financière différente entre les deux directions générales : celle des télécommunications était structurellement excédentaire et celle de La Poste était structurellement déficitaire, au moins jusqu'en 1996.

Le manque de clarté et de transparence induit, avant 1991, par cette trésorerie unique, avait fait l'objet de rapports de l'Inspection générale des finances, notamment en 1978 et en 1981.

Mais cette unicité de trésorerie n'explique pas la situation rencontrée à l'ouverture du compte d'exploitation de La Poste, car la Cour des comptes indique que des prélèvements ont porté sur les avoirs des comptes chèques postaux pour financer des charges de fonctionnement courant.

Il n'est pas suffisant de constater que la Poste était déficitaire : il faut savoir dans quelles conditions il a été possible d'effectuer des prélèvements sur les avoirs des comptes chèques postaux sans porter atteinte aux garanties dont devraient bénéficier les déposants.

Il s'agit également d'avoir la certitude que les règles budgétaires et comptables ont été correctement respectées. 8( * )


Le présent article met en oeuvre une solution retenue par la Cour des Comptes afin de remédier à une anomalie comptable, en opérant le transport de l'écart de 18,16 milliards de francs en augmentation des découverts du Trésor.

S'il est évidemment nécessaire de corriger une telle "anomalie", compte tenu de son montant, elle ne peut l'être sans justification.

Décision de la commission : votre commission vous propose de supprimer cet article

ARTICLE 16

Transport aux découverts du Trésor

Commentaire : conformément à l'article 35 de l'ordonnance du 2 janvier 1959 portant loi organique relative aux lois de finances, le présent et dernier article de la loi de règlement récapitule le compte de résultat de l'année et autorise son transfert (" transport ") au compte permanent des découverts du Trésor.

Le paragraphe I
porte en augmentation des découverts du Trésor les sommes mentionnées aux articles 7, 10, 11 et 15, soit :


l'excédent des dépenses sur les recettes du budget général de 1995


304,001 milliards de francs

les pertes et profits sur emprunts et engagements


15,219 milliards de francs

les pertes en trésorerie sur devises

9.486,60 francs

l'apurement du compte 427-9 " Etat d'intégration des dépôts des comptes chèques postaux de l'ex-budget annexe des PTT "


18,158 milliards de francs.

Le paragraphe II porte en atténuation des découverts du Trésor :


le résultat net du compte spécial du Trésor "Pertes et bénéfices de change"

0,198 milliard de francs

Le paragraphe III porte en augmentation des découverts du Trésor les sommes correspondant à diverses remises de dettes opérées par des lois de finances antérieures, au total 1.005,47 milliards de francs (dont la ventilation figure en annexe au projet de loi).

Le paragraphe IV transporte en augmentation des découverts du Trésor les sommes correspondant aux remises de dettes consenties au Viêt-nam (article 12) et à l'abandon de créances détenues envers l'ex-ORTF, soit 103,43 millions de francs.

Le paragraphe V régularise (en atténuation) une écriture transportée à tort aux découverts du Trésor au titre de la remise de dette consentie à la compagnie de chemin de fer franco-éthiopien, soit 1,53 millions de francs.

Après inscription du résultat de 1995, soit - 338,29 milliards de francs, le montant net des découverts du Trésor devrait s'élever à 2.927,53 milliards de francs.

Compte tenu de l'absence d'explication concernant l'apurement du compte 427-9 " Etat d'intégration des dépôts des comptes chèques postaux de l'ex-budget annexe des PTT " 9( * ) , il est proposé de ne pas porter en augmentation des découverts du Trésor la somme correspondante de 18,158 milliards de francs, ce qui ramènerait le montant net des découverts du Trésor à 2.909,372 milliards de francs.

Décision de la commission : votre commission vous propose d'adopter cet article ainsi amendé.

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