PROJET DE LOI

(Texte présenté par le Gouvernement)

Article unique

Est autorisée la ratification de la convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif, faite à New York le 12 janvier 1998, et dont le texte est annexé à la présente loi 8 ( * ) .

ANNEXE :
ÉTUDE D'IMPACT9 ( * )

1. Etat de la question

La convention internationale pour la répression des attentats terroristes à l'explosif a été adoptée par l'Assemblée Générale des Nations-Unies à New York, par consensus, le 12 janvier 1998, à l'issue d'un travail préparatoire réalisé en deux sessions, en février et octobre 1997, par le Comité Spécial (6ème commission) créé à cet effet par la résolution 51/210 du 17 décembre 1996. Elle a été signée le même jour par la France.

Cette convention internationale a pour but de réprimer les attentats terroristes à l'explosif commis dans des lieux publics. Elle vise toute personne qui, intentionnellement, livre, pose, ou fait exploser ou détonner, ou tente de le faire, un engin explosif dans un lieu public, un système de transport public ou une infrastructure (tout équipement public ou privé fournissant des services d'utilité publique), pour peu que cet attentat vise à provoquer la mort ou des dommages corporels graves ou à causer des destructions massives entraînant ou risquant d'entraîner des pertes économiques considérables.

Nota : "engin explosif" s'entend de toute arme ou tout engin de type explosif ou incendiaire ; de toute arme ou engin à émission, à dissémination ou à impact de produits chimiques toxiques, d'agents biologiques, toxines ou substances analogues ou de rayonnements ou de matières radioactives, conçus pour provoquer la mort, des dommages corporels graves ou d'importants dégâts matériels, ou en avoir la capacité.

La tentative et la complicité de tels actes sont également réprimées.

Cette convention prévoit plusieurs dispositions (dernier alinéa du préambule, article 1/4, article 19/2) relatives à l'exclusion des forces armées de son champ d'application.

La France n'entend pas faire de réserve sur la procédure du règlement des différends, au terme de laquelle tout différend entre les Etats parties sur l'interprétation ou l'application de la convention, qui ne peut être réglé par la négociation, est soumis à l'arbitrage à la demande de l'un d'eux. Si dans les six mois qui suivent la date de la demande d'arbitrage les parties ne parviennent pas à se mettre d'accord sur l'organisation de l'arbitrage, l'une quelconque d'entre elles peut soumettre le différend à la Cour Internationale de Justice, en déposant une requête conformément au statut de la Cour.

Cette convention a été élaborée au lendemain d'attentats ayant profondément marqué l'opinion publique. C'est à partir des attentats terroristes à l'explosif au Moyen-Orient (et en particulier les attentats suicides en Israël), puis en Europe et en particulier en France, que la nécessité de réaliser une convention internationale dans ce domaine est apparue. C'est en fait depuis le sommet de mars 1996 des "bâtisseurs de la paix" de Charm El Cheik, décidé après la vague d'attentats qui à l'époque frappait Israël, que l'idée d'une telle convention a commencé à apparaître. C'est la présidence française du G8 qui, en juillet 1996, inscrit un tel projet au sein des "25 recommandations de Paris" pour lutter contre le terrorisme. Ce projet de convention est alors repris par les Nations Unies, dont la résolution 51/210 du 17 décembre 1996 prévoit précisément la mise en place d'un comité spécial destiné à élaborer cet instrument.

Cette convention est une convention d'incrimination, surtout destinée à mettre en place des mesures de coopération internationale renforcées, contraignantes pour les auteurs de tels actes. Elle demande aux Etats d'ériger en infraction pénale les faits précités, et comporte un dispositif juridique de coopération internationale fondé sur le principe "juger ou extrader", et des modalités classiques d'entraide et d'extradition.

Parallèlement, elle contient des garanties relatives à la protection des droits de la personne soupçonnée, en particulier quant à sa détention et à son extradition.

2. Un impact principal : l'amélioration de la lutte internationale contre le terrorisme

Cette convention cible la menace terroriste principale actuelle : en effet, elle traite d'un mode opératoire terroriste, les attentats à l'explosif qui représentent environ 60 % des actes du terrorisme international (selon les statistiques publiées par le Département d'Etat américain, en 1997, sur 304 actes de terrorisme international répertoriés, 194 concernaient les attentats à l'explosif couverts par cette convention ; 187 sur 296 en 1996 ; 304 sur 440 en 1995). Dans ce cadre, cette Convention présente des avantages sur le plan opérationnel pour la France, qui, Etat victime de ce type de terrorisme (cf. attentats de 1995 et 1996 à Paris) pourra utilement bénéficier des mesures prévues par cette convention (notamment l'extradition des auteurs ou des complices de tels actes).

Cette convention a été "portée", depuis l'origine, par la France . La France a demandé, dans le cadre des "vingt-cinq recommandations pour lutter contre le terrorisme" émises par le G8 sous sa Présidence en juillet 1996 à Paris, qu'une telle convention soit négociée. Elle en a élaboré le texte avec ses partenaires du G8 en novembre 1996. Elle l'a présentée aux Nations unies au nom du G8 en décembre 1998. Elle l'a soutenue avec ses partenaires du G8 et de l'UE à l'occasion des deux sessions du comité spécial de la Sixième Commission (février et octobre 1997) chargées d'en rédiger le texte. Elle a joué un rôle important lors des ultimes discussions de novembre 1997, en Sixième Commission, qui ont abouti à la résolution proposant l'adoption du texte.

Cette convention est destinée à favoriser la coopération internationale contre le terrorisme. Elle permet :

- à l'instar des autres conventions anti-terroristes, une prohibition du refus d'extrader pour motif politique contrebalancée par la possibilité réaffirmée de refuser l'extradition dans un certain nombre de cas : "pour les besoins de l'extradition ou de l'entraide judiciaire entre Etats Parties, aucune des infractions... n'est considérée comme une infraction politique, comme une infraction connexe à une infraction politique ou comme une infraction inspirée par des mobiles politiques. En conséquence, une demande d'extradition ou d'entraide judiciaire fondée sur une telle infraction ne peut être refusée pour la seule raison qu'elle concerne une infraction politique, une infraction connexe à une infraction politique, ou une infraction inspirée par des mobiles politiques" (art. 11). Cet article est contrebalancé par le suivant : "aucune disposition de la présente Convention ne doit être interprétée comme impliquant une obligation d'extradition ou d'entraide judiciaire si l'Etat Partie requis a des raisons sérieuses de croire que la demande d'extradition pour les infractions visées à l'article 2 ou la demande d'entraide concernant de telles infractions a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de race, de religion, de nationalité, d'origine ethnique ou d'opinions politiques, ou que donner suite à cette demande porterait préjudice à la situation de cette personne pour l'une quelconque de ces considérations".

- de mettre en place un dispositif juridique de coopération internationale fondé sur le principe "juger ou extrader" : l'Etat Partie sur le territoire duquel se trouve l'auteur présumé de l'infraction est tenu, s'il ne l'extrade pas, de soumettre l'affaire, sans retard excessif et sans aucune exception, que l'infraction ait été ou non commise sur son territoire, à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale selon une procédure conforme à la législation de cet Etat" (art. 8) ;

-une mise en oeuvre classique des modalités d'extradition et d'entraide judiciaire : "les Etats Parties s'accordent l'entraide judiciaire la plus large possible pour toute enquête ou procédure pénale ou procédure d'extradition relative aux infractions visées à l'article 2, y compris pour l'obtention des éléments de preuve dont ils disposent et qui sont nécessaires aux fins de la procédure" (art. 10). Le transfert d'un individu vers un autre Etat partie aux fins de témoignage ou d'identification est également possible, dans certaines circonstances (art. 13). Enfin, ils enquêtent sur les faits portés à leur connaissance par un autre Etat partie (art. 7).

- la collaboration opérationnelle entre les Etats Parties. Ceux-ci échangent des renseignements, et coordonnent les mesures prises. Le cas échéant, grâce à la recherche-développement portant sur la détection d'explosifs , ils procèdent à des consultations sur l'établissement de normes pour le marquage des explosifs ; à des échanges d'informations relatives aux mesures de prévention ; au transfert de technologie (art. 15).

- enfin, elle engage les Etats parties à prendre des mesures sur le plan interne , destinées à qualifier d'infraction pénale les infractions de la Convention et à les réprimer par des peines prenant dûment en compte leur gravité (art. 4) ; à adopter des mesures internes pour assurer que les faits incriminés ne puissent en aucune circonstances être justifiés par des considérations de nature politique, philosophique, idéologique, raciale, ethnique, religieuse ou d'autres motifs analogues, et qu'ils soient passibles de peines à la mesure de leur gravité (art. 5) ; à prévenir ces infractions en adaptant leur législation interne (art. 15).

Elle comporte aussi plusieurs dispositions de nature à garantir les droits de la personne mise en cause. En particulier, les facilités accordées pour l'extradition et l'entraide judiciaire sont contrebalancées par les dispositions de l'article 12 : "il n'y a pas obligation d'extradition ou d'entraide judiciaire si l'Etat Partie requis a des raisons sérieuses de croire que la demande d'extradition ou d'entraide a été présentée aux fins de poursuivre ou de punir une personne pour des considérations de race, de religion, de nationalité, d'origine ethnique ou d'opinions politiques, ou que donner suite à cette demande porterait préjudice à la situation de cette personne pour l'une quelconque de ces considérations".

En outre, cette convention complète le dispositif normatif existant en matière de terrorisme constitué de dix conventions internationales, toutes "spécialisées" :

- Quatre dans le domaine aérien : la Convention relative aux infractions et à certains autres actes survenant à bord des aéronefs, signée à Tokyo le 14 septembre 1963 : la convention pour la répression de la capture illicite d'aéronefs, signée à La Haye le 16 décembre 1970 ; la Convention pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile, signée à Montréal le 23 septembre 1971 ; le Protocole pour la répression des actes illicites de violence dans les aéroports servant à l'aviation civile internationale, complémentaire à la Convention pour la répression d'actes illicites dirigés contre la sécurité de l'aviation civile, signée à Montréal le 24 février 1988.

- Dans le domaine maritime : la Convention sur la répression d'actes illicites contre la sécurité de la navigation maritime, signée le 10 mars 1988 à Rome par l'Organisation maritime internationale ; le Protocole pour la répression d'actes illicites contre la sécurité des plates-formes fixes situées sur le plateau continental, adopté le 10 mars 1988 à Rome par l'organisation maritime internationale.

-Deux visant des actes de terrorisme particuliers : la Convention sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques adoptée par l'Assemblée générale à New York le 14 décembre 1973 ; la Convention internationale contre la prise d'otage, adoptée par l'Assemblée Générale à New York le 17 décembre 1979.

- Deux visant l'utilisation de certains produits ou dispositifs à des fins terroristes : la Convention sur la protection physique des matières nucléaires adoptée le 26 octobre 1980 à Vienne par l'Agence internationale de l'Energie atomique (AIEA) ; la Convention sur le marquage des explosifs plastiques et en feuilles aux fins de détection, adoptée le ler mars 1991 à Montréal par l'OACI.

La France a ratifié toutes ces conventions à l'exception de la convention de 1979 contre la prise d'otages (procédure de ratification en cours), et la convention de 1973 sur la prévention et la répression des infractions contre les personnes jouissant d'une protection internationale, y compris les agents diplomatiques.

De plus, cette convention amènera la France à préciser le champ qu'elle entend donner à sa compétence :

L'article 6 de la convention prévoyant que "lors de la ratification, de l'acceptation ou de l'approbation de la présente Convention ou de l'adhésion à celle-ci, chaque Etat Partie informe le secrétaire général de l'Organisation des Nations-Unies de la compétence qu'il a établie en vertu de sa législation interne", notre Représentation Permanente devra informer le secrétaire général que, conformément à l'article 6-3, la France établi sa compétence sur les infractions visées à l'article 2 dans tous les cas prévus à l'article 6-1 et 6-2".

L'article 6-1 et 6-2 prévoit que :

"1. Chaque Etat Partie adopte les mesures qui peuvent être nécessaires pour établir sa compétence en ce qui concerne les infractions visées à l'article 2 lorsque :

a) L'infraction a été commise sur son territoire ;

b) L'infraction a été commise à bord d'un navire battant son pavillon ou d'un aéronef immatriculé conformément à sa législation au moment où l'infraction a été commise ;

c) L'infraction a été commise par l'un de ses ressortissants.

2. Chaque Etat Partie peut également établir sa compétence sur de telles infractions lorsque

a) L'infraction est commise contre l'un de ses ressortissants ;

b) L'infraction est commise contre une installation publique dudit Etat située en dehors de son territoire, y compris une ambassade ou des locaux diplomatiques ou consulaires dudit Etat ;

c) L'infraction est commise par un apatride qui a sa résidence habituelle sur son territoire ;

d) L'infraction est commise avec pour objectif de contraindre ledit Etat à accomplir un acte quelconque ou à s'en abstenir ;

e) L'infraction est commise à bord d'un aéronef exploité par le gouvernement dudit Etat".

Enfin cette convention, qui reconnaît la compétence de la Cour Internationale de Justice une fois épuisées les autres voies de règlement des différends, est susceptible d'amener un retour prudent de notre pays vers la Cour Internationale de Justice.

3. Impact sur l'emploi, impact d'intérêt général, impact financier

L'impact de cette Convention sur l'emploi est nul, cette convention ne contenant aucune disposition de ce champ.

L'impact financier de cette Convention est inexistant, cette Convention ne contenant aucune disposition contraignante en la matière.

Cette Convention n'a pas non plus d'impact en matière "d'intérêt général". Comme les dix autres conventions relatives au terrorisme, elle cerne une menace particulière (en l'occurrence les attentats à l'explosif).

4. La ratification de cette convention entraînerait les conséquences suivantes en termes de complexité de l'ordonnancement juridique, ainsi qu'en termes de formalités administratives.

L'article 53, premier alinéa, de la Constitution dispose que "les Traités de paix, les traités de commerce, les traités ou accords relatifs à l'organisation internationale, ceux qui engagent les finances de l'Etat, ceux qui modifient des dispositions législatives, ceux qui sont relatifs à l'état des personnes, ceux qui comportent cession, échange, ou adjonction de territoire, ne peuvent être ratifiés ou approuvés qu'en vertu d'une loi". A cet égard, on rappellera qu'aux termes de l'article 34 de la Constitution, la loi fixe les règles concernant la détermination des crimes et délits, ainsi que les peines qui leur sont applicables. La loi fixe également les règles concernant la procédure pénale.

Les mesures pénales à prendre qui font l'objet de l'article 4 de la convention ("qualifier d'infraction pénale au regard de son droit interne les infractions visées" ; les "réprimer par des peines prenant dûment en compte le caractère grave de ces infractions"), entraînent la modification des textes suivants :

- l'article 421-1 du Code Pénal : en effet, cet article n'incrimine, au titre des infractions terroristes, la détention, l'acquisition, le transport ou l'emploi de substances explosives ou d'engins, que dans le cas où ces substances ou engins sont de nature classique, biologique, ou chimique. Il n'y a donc pas d'incriminaiton prévue pour les matières radioactives, et il conviendra en conséquence de modifier le code pénal dans son article 421-1 sur ce point.

- éventuellement, la loi n° 70-575 du 3 juillet 1970 portant réforme du régime des poudres et substances explosives. En effet, ce texte ne prévoit pas d'incriminations spécifiques pour la production, l'importation, l'exportation, le commerce, l'emploi, le transport et la conservation des poudres et substances explosives quand celles-ci sont réalisées à des fins terroristes. Néanmoins, ces incriminations spécifiques font l'objet de l'article 421-1/4 du Code Pénal.

En outre, aux termes de l'article 6, paragraphe 4, chaque Etat partie "adopte les mesures qui peuvent être nécessaires pour établir sa compétence en ce qui concerne les infractions visées dans les cas où l'auteur présumé de l'infraction se trouve sur son territoire et où il ne l'extrade pas vers l'un quelconque des Etats parties qui ont établi leur compétence". Cette disposition concerne directement la procédure pénale puisqu'elle permet aux juridictions pénales françaises de bénéficier de ce que l'on appelle une "compétence universelle".

Enfin, cette convention n'emporte aucune modification de l'organisation particulière, et notamment des compétences, des Territoires d'Outre-Mer. Il n'y a donc pas lieu de consulter les Assemblées territoriales.

* 8 Voir le texte annexé au document Sénat n° 4 (1998-1999).

* 9 Texte transmis par le Gouvernement pour l'information des parlementaires.

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