Projet de loi de finances pour 1999

MARINI (Philippe), Rapporteur général ; HAENEL (Hubert), Rapporteur spécial

RAPPORT GENERAL 66 (98-99), Tome III, Annexe 33 - COMMISSION DES FINANCES

Table des matières




N° 66

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès verbal de la séance du 19 novembre 1998.

RAPPORT GÉNÉRAL

FAIT

au nom de la commission des Finances, du contrôle budgétaire et des comptes économiques de la Nation (1) sur le projet de loi de finances pour 1999 , ADOPTÉ PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE ,

Par M. Philippe MARINI,

Sénateur,

Rapporteur général.

TOME III

LES MOYENS DES SERVICES ET LES DISPOSITIONS SPÉCIALES

(Deuxième partie de la loi de finances)


ANNEXE N° 33

JUSTICE

Rapporteur spécial : M. Hubert HAENEL

(1) Cette commission est composée de : MM. Alain Lambert, président ; Jacques Oudin, Claude Belot, Mme Marie-Claude Beaudeau, MM. Roland du Luart, Bernard Angels, André Vallet, vice-présidents ; Jacques-Richard Delong, Marc Massion, Michel Sergent, François Trucy, secrétaires ; Philippe Marini, rapporteur général ; Philippe Adnot, Denis Badré, René Ballayer, Jacques Baudot, Mme Maryse Bergé-Lavigne, MM. Roger Besse, Maurice Blin, Joël Bourdin, Gérard Braun, Auguste Cazalet, Michel Charasse, Jacques Chaumont, Jean Clouet, Yvon Collin, Jean-Pierre Demerliat, Thierry Foucaud, Yann Gaillard, Hubert Haenel, Claude Haut, Alain Joyandet, Jean-Philippe Lachenaud, Claude Lise, Paul Loridant, Michel Mercier, Gérard Miquel, Michel Moreigne, Joseph Ostermann, Jacques Pelletier, Louis-Ferdinand de Rocca Serra, Henri Torre, René Trégouët.

Voir les numéros :

Assemblée nationale ( 11 ème législ.) : 1078 , 1111 à 1116 et T.A. 193 .

Sénat : 65 (1998-1999).


Lois de finances.

PRINCIPALES OBSERVATIONS

1. Un effort budgétaire réel dont l'efficacité risque d'être amoindrie par la multiplication des réformes

Le projet de budget 1999 poursuit l'effort budgétaire entrepris depuis le vote de la loi de programme relative à la justice en 1995 et accentué par le gouvernement actuel. Ainsi, le budget de la justice voit ses crédits augmenter de 5,6 % par rapport à l'année dernière et atteindre 26,3 milliards de francs. Les augmentations précédentes s'élèvent à 4,04 % en 1998, 1,84 % en 1997 et 6,06 % en 1996.

Toutefois, votre rapporteur tient à relativiser cette hausse par trois remarques.

D'une part, l'augmentation des crédits ne sera efficace que si elle s'inscrit dans la durée . Votre rapporteur estime que le service public de la justice ne pourra fonctionner correctement que s'il dispose d'un budget d'environ 35 milliards de francs, ce qui nécessiterait, au-delà de la loi de programme, une augmentation annuelle de 2 milliards du budget de la justice pendant 5 ans.

D'autre part, cette hausse des crédits risque d'être en partie absorbée par la multiplication des réformes proposées par la Chancellerie . Ainsi, la réforme des tribunaux de commerce mobiliserait 350 postes de magistrats tandis que 150 à 200 magistrats seraient nécessaires pour la réforme de la détention provisoire. L'effort réalisé depuis 1995 pour augmenter les effectifs des magistrats se trouverait non seulement réduit à peu de choses, mais si ces réformes étaient adoptées, elles risqueraient de ne pas pouvoir entrer en application faute de magistrats en nombre suffisant. A cet égard, votre rapporteur rappelle que l'actuel Garde des Sceaux avait abandonné fort justement la réforme des cours d'assises entreprise par son prédécesseur parce qu'elle estimait ne pas disposer des crédits pour la financer. La même objection pourrait être soulevée pour les réformes en cours si elles ne devaient pas s'accompagner des moyens nécessaires à leur application.

Enfin, votre rapporteur tient à rappeler que le Garde des Sceaux s'était engagé à ce que le budget de la justice ne soit affecté par des annulations de crédits. Or, par arrêté du 16 janvier 1998, dans le cadre de l'aide apportée aux chômeurs, la Chancellerie a supporté une annulation de crédits d'un montant de 63,28 millions de francs en autorisations de programme et de 16 millions de francs en crédits de paiement .

2. Un effort budgétaire qui doit s'accompagner de réformes de structure

Votre rapporteur tient à rappeler que même si des moyens supplémentaires sont indispensables pour assurer un fonctionnement normal de la justice, cette dernière ne répondra aux défis auxquels elle est confrontée que par la mise en oeuvre de réformes structurelles. La réforme de la carte judiciaire constitue, avec celles des méthodes, des procédures civiles, pénales et commerciales l'une des plus urgentes.

Votre rapporteur attend donc avec impatience les propositions de la mission interministérielle mise en place par le Garde des Sceaux chargée de la réforme de la carte judiciaire et dont la mission prioritaire concerne la rationalisation de la carte des tribunaux de commerce. A cet égard, il tient à souligner sa préférence pour une expérimentation dans trois ressorts de cours d'appel d'une meilleure implantation judiciaire accompagnée des moyens financiers nécessaires pour en assurer le succès . D'autres réformes sont également nécessaires, concernant notamment les modes de recrutement des magistrats qui doivent être élargis afin de "décloisonner" cette profession.

3. Un décalage trop grand entre emplois budgétaires et emplois réels

L'étude de l'Union syndicale des magistrats d'octobre 1997 a permis d'appréhender le nombre réel d'emplois vacants. 482 emplois de magistrats ne seraient pas occupés sur 6.117 postes budgétaires, dont 298 emplois vacants, 57 mises à disposition, 18 décharges d'activité pour activité syndicale et 59 congés divers.

Or, cette distorsion entre l'effectif budgétaire et l'effectif réel entraîne d'importantes difficultés de gestion pour les chefs de juridiction et entrave le bon fonctionnement du service public de la justice. Au Tribunal d'instance de Paris, sur les 337 emplois budgétaires dont il dispose en théorie, seuls 302 sont réellement occupés par leurs titulaires, 35 postes étant soit vacants soit de facto inoccupés du fait des mises à disposition de magistrats dans d'autres services du ministère de la justice, voire dans d'autre administrations de l'Etat. De même, alors que 109 magistrats sont budgétairement affectés au Parquet du Tribunal de grande instance de Paris, seuls 94 y exercent effectivement leurs fonctions.

Votre rapporteur plaide donc pour une plus grande transparence réclamée également par la Cour des comptes, qui, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1997, écrivait :  " il est difficile de présenter l'utilisation de ses emplois par le ministère de la justice au regard des seuls emplois inscrits chaque année au titre de la loi de programme. [...] L'approche en termes d'emplois budgétaires ne coïncide pas avec celle d'emplois réellement ouverts en raison des pratiques de mises en réserves d'emplois et de l'existence de surnombres de gestion ".

En outre, il apparaît indispensable de prendre en compte de manière plus réaliste les besoins de certains services. Ainsi, les effectifs prévus pour assister les chefs de cours sont systématiquement sous-évalués. Ils sont dont amenés à faire appel à des magistrats ou des greffiers supplémentaires travaillant dans les juridictions, ce qui tend à désorganiser le fonctionnement de ces dernières. De même, la Chancellerie, au-delà des effectifs qui lui sont affectés budgétairement, attire un grand nombre de magistrats, greffiers et fonctionnaires. Il est donc grand temps de répertorier le nombre d'emplois assurés par des mises à disposition et nécessaires au bon fonctionnement des services bénéficiaires et de les créer budgétairement.

4. Des réformes intéressantes mais qui ne s'attaquent pas aux dysfonctionnements de la Justice les plus choquants pour les citoyens

L'actuel Garde des Sceaux a lancé toute une série de réformes qui sont certes importantes, mais qui ne correspondent pas aux attentes des citoyens français. En effet, les préoccupations de ces derniers sont très concrètes et visent la diminution du taux de classement sans suite, le raccourcissement des délais de jugement ou encore la réduction de la surpopulation carcérale. A cet égard, votre rapporteur doute que la réforme du Conseil supérieur de la magistrature ou encore la réforme des relations entre le Garde des Sceaux et le Parquet constitue pour les Français une véritable priorité.

5. Le bilan de l'exécution de la loi de programme pour la justice

La loi de programme relative à la justice votée en 1995 visait à augmenter les moyens des juridictions de 8,1 milliards de francs sur cinq ans et à créer 5.760 emplois budgétaires pendant la période 1995-1999. En 1997, l'exécution de cette loi avait été étalée sur six ans. Toutefois, le rattrapage opéré depuis 1998 permet de dresser un bilan dès cette année.

Votre rapporteur se félicite de l'exécution très satisfaisante de la loi de programme pour les services judiciaires, pour la protection judiciaire de la jeunesse et pour les juridictions administratives. En revanche, il tient à faire remarquer qu'en ce qui concerne l'administration pénitentiaire, si les objectifs fixés en matière d'équipement ont été atteints, seuls 46 % des emplois prévus ont été créés.

En outre, votre rapporteur estime que l'effort en faveur du service public de la justice doit être poursuivi et se déclare donc favorable à l'adoption d'une nouvelle loi de programme visant à adapter les moyens de la justice aux besoins réels de cette institution.

6. La prise en compte des observations de votre rapporteur par le Garde des Sceaux


Votre rapporteur se félicite de voir que nombre de ses préoccupations sont partagées par le Garde des Sceaux et ont en conséquence reçu une suite favorable. Ainsi, tout une série de mesures ont été prises pour lutter contre l'explosion des frais de justice. De même, la réforme des tribunaux de commerce semble désormais être amorcée, tandis qu'une  mission interministérielle chargée de la réforme de la carte judiciaire devrait annoncer les premières mesures sur la réorganisation du réseau des tribunaux de commerce avant la fin de l'année. Par ailleurs, le Sénat a adopté le 4 novembre 1998 un projet de loi relatif à l'accès au droit et à la résolution amiable des conflits qui répond au souci de votre rapporteur exprimé dans son rapport l'année précédent de distinguer accès au droit et accès à la justice et de favoriser les voies de médiation et de transaction. Enfin, votre rapporteur tient à souligner que le renforcement de la troisième voie proposé dans son rapport sur le classement sans suite a fait l'objet d'un projet de loi relatif aux alternatives aux poursuites et renforçant l'efficacité de la procédure pénale adopté par le Sénat le 18 juin 1997.

7. Le renouveau attendu de l'Ecole nationale de la magistrature

La nomination de M. Claude Hanoteau comme directeur de l'Ecole nationale de la magistrature apparaît comme une volonté de renouveau des méthodes et des pratiques de cette école et votre rapporteur s'en félicite. Cette école devrait devenir à brève échéance le lieu de formation de l'ensemble des magistrats professionnels ou occasionnels comme les magistrats consulaires ou les conseillers des prud'hommes. En effet, la qualité des magistrats dépend en grande partie de la qualité du recrutement et de la formation qu'ils ont reçoivent. Une attention toute particulière doit donc être portée sur le contenu de cette dernière et sur le niveau des maîtres de conférences, qui doivent disposer d'une forte expérience professionnelle.

Actuellement, les maîtres de conférence appartiennent soit au 2ème grade, soit sont passés au 1er grade du 1er groupe au cours de leur séjour à l'Ecole nationale de la magistrature. Votre rapporteur estime que le corps de maîtres de conférences devrait être repyramidé, de telle manière qu'il soit constitué par tiers de magistrats appartenant au second grade, de magistrats du 1er grade du 1er groupe et de magistrats de 1er grade du 2ème groupe. Cette mesure pourrait en outre être réalisée dès l'année prochaine puisque le projet de budget pour 1999 prévoit 18 millions de francs pour la réforme du statut de la magistrature et que, jusqu'à présent, aucune décision concrète sur l'affectation précise de ces sommes n'a été arrêtée. Il conviendrait également de prévoir dans un nouveau décret que des magistrats inscrits au tableau d'avancement pourraient réaliser leur tableau, par voie d'affectation à un poste de maître de conférences du 1er grade du 1er groupe. Enfin, l'Ecole nationale de la magistrature attirera d'autant plus de maîtres de conférence de talent qu'elle servira de tremplin à leurs carrières. C'est pourquoi votre rapporteur est favorable à l'instauration d'un dispositif qui prévoit très en amont l'affectation du maître de conférence après son passage à l'Ecole nationale de la magistrature, qu'on pourrait appeler " contrat de carrière ".

8. Le développement d'études d'impact

Tout projet de loi devrait s'accompagner d'une étude de l'impact financier de cette réforme. Le Garde des Sceaux actuel devrait se sentir d'autant plus lié par cette obligation qu'il a abandonné la réforme des cours d'assises en l'absence des moyens financiers nécessaires pour la mettre en oeuvre. Or, votre rapporteur constate que les études d'impact menées par les services de la chancellerie sur les projets de loi ne sont pas très réalistes et n'associent pas les cours et les tribunaux à ces travaux d'avaluation. C'est pourquoi il propose qu'à chaque fois que le Sénat est saisi d'un texte important dans le domaine de la justice, la commission des finances confie à son rapporteur spécial soit l'examen attentif de l'étude d'impact s'il en existe une, soit l'élaboration d'une étude d'impact qui puisse éclairer le Sénat sur les effets financiers de la réforme proposée. Cette pratique pourrait d'ailleurs être étendue à tous les textes d'importance dans la mesure où la Chancellerie est loin d'être le seul ministère à considérer les études d'impact comme une obligation formelle.

9. Le lancement d'une mission de contrôle sur l'administration pénitentiaire

Les services pénitentiaires sont soumis à de nombreuses difficultés. D'une part, ils doivent gérer une surpopulation carcérale importante. D'autre part, faute d'un entretien régulier des bâtiments, ils sont confrontés à un délabrement inquiétant du parc immobilier auquel l'insuffisance de crédits ne permet pas de remédier dans des délais rapides. Enfin, alors que des mesures récentes ont été prises en faveur du personnel de l'administration pénitentiaire, les contestations persistent. Face à ce constat, votre rapporteur a décidé d'engager une mission de contrôle sur les crédits affectés aux services pénitentiaires en liaison avec le rapporteur pour avis de la commission des lois, M. Georges Othily. Cette mission aura pour objectif, d'une part, de vérifier l'affectation des crédits et de contrôler la pertinence des priorités affichées et, d'autre part, de constater les besoins, relever les insuffisances et contribuer à l'amélioration du fonctionnement de ce service public.

CHAPITRE PREMIER

PRÉSENTATION DES CRÉDITS

I. PRÉSENTATION GÉNÉRALE DES CRÉDITS

1. Un budget en augmentation

Les crédits demandés pour la justice en 1999 progressent de 1,39 milliard de francs et atteignent 26,26 milliards de francs (5,59 %) . Cette hausse intervient après une augmentation de 4 % du budget en 1998 qui mérite d'être soulignée.

Votre rapporteur constate cependant que près de la moitié de cette augmentation résulte de la progression de trois postes : les rémunérations (319 millions de francs) dont 265 millions de francs liés à l'application de l'accord salarial dans la fonction publique et 54 millions de francs pour financer des mesures statutaires et indemnitaires ; l'aide juridictionnelle (215 millions de francs) et les frais de justice (121 millions de francs).

En outre, la part du budget de la justice dans le budget de l'Etat ne progresse que lentement, passant de 1,56 % en 1998 à 1,61 % en 1999.

2. Un budget qui révèle de très nombreuses priorités

Le tableau ci-dessous retrace l'évolution des crédits de 1998 à 1999 :



Selon les informations recueillies par votre rapporteur, ces priorités peuvent se résumer ainsi :

- une justice au service des citoyens à travers le développement de l'accès au droit et des règlements alternatifs des différends, la simplification des procédures civiles et le renforcement de l'efficacité dans la lutte contre la délinquance ;

- une justice au service des libertés avec le renforcement de la présomption d'innocence et de la protection des atteintes à la vie privée ;

- une justice indépendante et impartiale grâce à la suppression des instructions aux parquets dans les affaires individuelles, l'accroissement du rôle d'un Conseil supérieur de la magistrature rénové et le renforcement de la responsabilité des magistrats.

En outre, l'exécution de la loi de programme se poursuit.

Votre rapporteur , tout en se félicitant de la volonté du gouvernement d'améliorer le fonctionnement de la justice, s'inquiète de la multiplication des réformes sans que des moyens financiers suffisants les accompagnent . A cet égard, il rappelle que l'actuel Garde des Sceaux avait abandonné la réforme des cours d'assise, qui faisait pourtant l'objet d'un très large consensus, faute des moyens financiers nécessaires pour la faire entrer en vigueur. Or, votre rapporteur estime que les réformes visant les tribunaux de commerce et la détention provisoire exigeront une augmentation significative du nombre des magistrats que la Chancellerie a tendance à sous-estimer. Il ne faudrait pas que la multiplication des réformes contrarie l'effort engagé depuis plusieurs années d'augmenter les effectifs des magistrats, des greffiers et des fonctionnaires du service public de la justice à tâche constante .


FICHE D'IMPACT BUDGÉTAIRE
RÉALISÉE PAR LA CHANCELLERIE

1 - Article 1er du projet de loi modifiant les articles 10 et 39 de la loi du 10 juillet 1991

La nouvelle rédaction de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1991 prévoyant la rétribution au titre de l'aide juridictionnelle de la transaction conclue avant toute introduction d'instance contentieuse ne devrait pas entraîner de charge budgétaire supplémentaire par rapport au droit actuel puisque toute affaire réglée par transaction est en principe une affaire contentieuse en moins. Il y a donc transfert de charge du contentieux vers le transactionnel.

Les second et troisième alinéas nouveaux de l'article 39 posent le principe que les pourparlers qui n'ont pas pu aboutir à la conclusion d'une transaction méritent rémunération au titre de l'aide juridictionnelle, le niveau de cette rémunération étant fixé par décret en Conseil dEtat.

Pour la commodité du raisonnement, il a été considéré dans la suite de la présente fiche que cette rémunération ferait l'objet d'un abattement de 50 % par rapport à celle versée au terme d'une procédure contentieuse, par référence aux dispositions du troisième alinéa de l'article 111 du décret du 19 décembre 1991 portant application de la loi actuelle et traitant de la transaction en cours d'instance.

A périmètre d'affaires constant , les nouvelles dispositions ne devraient pas générer de charges budgétaires nouvelles. Deux hypothèses sont en effet possibles :

- la tentative de transaction débouche sur une action contentieuse et la rétribution versée par l'Etat au titre de la tentative s'impute sur la rétribution versée au terme du procès dans des conditions qui seront définies par décret en Conseil dEtat ;

- la tentative de transaction n'est pas suivie d'une action contentieuse et le coût pour l'Etat est inférieur de moitié à celui de la procédure contentieuse à laquelle la tentative de transaction s'est substituée.

La seule question qui doit être posée est donc celle de savoir si ces dispositions nouvelles vont avoir un effet "d'attrait" , c'est-à-dire si elles vont conduire des personnes concernées par un litige, à s'engager dans la voie de la transaction, puis le cas échéant dans celle du procès, alors qu'elles ne l'auraient pas fait à droit constant.

Pour tenter d'apprécier ce "risque" budgétaire, il faut dans un premier temps déterminer l'importance du domaine juridique concerné en utilisant les données contentieuses disponibles les plus récentes, à savoir celles de l'année 1996.

Il y a eu, au cours de cette année, 1.102.848 affaires nouvelles devant les tribunaux d'instance et de grande instance qui sont les juridictions les plus consommatrices d'aide juridictionnelle. 1( * )

Le contentieux de la famille et de l'état des personnes ainsi que celui de l'exécution peuvent être écartés de cette base, le premier parce qu'en droit il ne peut donner lieu à transaction hors saisine du juge que dans un nombre très limité de cas, le second parce qu'il est nécessairement contentieux s'agissant de demander au juge d'aménager les modalités d'exécution d'une décision de Justice ou d'en faciliter l'exécution. Ces deux contentieux représentaient en 1996, 649.746 affaires.

Le contentieux patrimonial général qui est donc celui qui peut donner lieu à transaction extra-judiciaire a représenté en 1996, 453.102 affaires.

Si l'on applique à cette base, les taux de couverture AJ observés au cours du même exercice dans ces deux catégories de juridiction (26,33 % devant les TGI, 13 % devant les TI) on obtient les résultats suivants :

Contentieux patrimonial général ayant donné lieu à aide juridictionnelle :

TGI 37.723 affaires

TI 40.380 affaires

78.103 affaires

Ce premier chiffre montre que le domaine susceptible de donner lieu à tentative de transaction rémunérée au titre de l'aide juridictionnelle reste un domaine relativement limité, le contentieux de l'aide juridictionnelle étant, en effet, un contentieux majoritairement familial (divorce, post-divorce, contentieux de la famille naturelle...).

L'hypothèse de travail retenue ici est que l'effet d'"attrait" n'excédera pas 10 % de ce volume, soit 7.800 affaires.

Un certain nombre de ces dossiers donneront lieu à la conclusion d'une transaction et donc à un paiement de l'AJ à taux plein, un certain nombre d'entre eux déboucheront sur une procédure contentieuse et donneront lieu également au paiement de l'AJ à taux plein, enfin un certain nombre se limiteront à la tentative de transaction et donneront donc lieu au paiement de PAJ au taux réduit de 50 %.

Il est proposé de considérer que la moitié de ces affaires nouvelles donnera lieu à paiement d'une AJ à taux plein et l'autre moitié au taux réduit.

Si l'on applique à l'hypothèse de 7.800 affaires supplémentaires les coûts moyens de rétribution au titre de l'aide juridictionnelle observé dans ces deux catégories de juridiction, les résultats suivants sont observés :

TGI

1.886 x 142.20 F 2( * ) x 20 3( * ) x 1,045

= 5,6 MF

TI

2.019 x 142,20 F 1 x 14 2 x 1,045

= 4,2 MF

TGI

1.886 x 50 % 4( * ) x 142,20 F 1 x 20 3 x 1,045 5( * )

= 2,8 MF

TI

2.019 x 50 % 3 x 142,20 F 1 x 14 2 x 1,045 4

= 2,1 MF

 

Risque de surcoût (base 1996)

14,7 MF

 

arrondi à

15 MF

(compte non tenu de l'économie résultant de la substitution de la simple tentative de transaction à une action contentieuse).

Il - Chapitre Il du projet de loi

Les principales dispositions de ce second chapitre précisent le contenu de l'accès au droit et modifient les règles de constitution et de composition des actuels conseils départementaux de l'aide juridique créés par la loi du 10 juillet 1991 qu'il est proposé de transformer en conseils départementaux de l'accès au droit et de la résolution amiable des litiges.

Ces dispositions qui ont pour but de favoriser et d'accélérer la mise en place de ces conseils sur l'ensemble du territoire, n'ont pas vocation à générer un surcoût budgétaire spécifique par rapport à la mise en oeuvre du dispositif des CDAJ organisé par la loi de 1991 relative à l'aide juridique.

Le projet de loi de finances pour 1999 contient deux mesures nouvelles destinées à accompagner la mise en oeuvre du volet "accès au droit" du présent projet de loi :

- la première de 5,5 MF sur le chapitre 46.01 permettant d'accroître fortement l'enveloppe de crédit d'intervention attribuée aux conseils départementaux ;

- la seconde de 6 MF sur le chapitre 37-92 permettant aux tribunaux de grande instance des chefs-lieux de département de disposer de moyens supplémentaires pour assurer le fonctionnement courant des conseils départementaux.

III - Articles 12, 13 et 14 du projet de loi (chapitre III)

Ces trois articles prévoient la rétribution au titre de l'aide juridictionnelle de l'avocat intervenant en matière de médiation pénale (mesure alternative aux poursuites devant la juridiction de jugement créée par l'article 41, 7ème alinéa du code de procédure pénale). L'avocat peut intervenir soit pour assister la personne mise en cause soit pour représenter la victime.

Le chiffrage ci-dessous a été établi sur les bases suivantes

- nombre de médiation pénales en 1996 : 38.918.

- proposition de mise en cause satisfaisant aux conditions de ressources de la loi de juillet 1991 et sollicitant l'assistance d'un conseil : 25 %

- proposition de victimes satisfaisant aux conditions de ressources de la loi de juillet 1991 et sollicitant l'assistance d'un conseil : 5 %

- rétribution de l'avocat : 2 unités de valeur

Calcul :

- mise en cause : 25 % de 38.918 = 9.729
arrondis à 10.000 x 285 F = 2.850.000 F

- victimes : 5 % de 38.918 = 1.945
arrondis à 2.000 x 285 F = 570.000 F

TOTAL = 3.420.000 F

TOTAL général (1 + 11) = 18.420.000 F


arrondis à 18,5 MF

IV - Titre II, article 17

Cet article a pour objectif de donner un fondement juridique à l'existence des maisons de la justice et du droit, dont les créations ont été, jusqu'à présent, purement prétoriennes. Il existe actuellement 30 maisons de la justice et du droit auxquelles s'ajoutent à Marseille 13 antennes (1 par arrondissement) et sur l'île de la Réunion, 20 antennes.

Le coût unitaire de création d'une MJID se décompose de la sorte :

- 0,6 emploi de magistrat 202.000F

- 1 emploi de greffier : 160.000F

- 1 emploi d'éducateur 165.000F

- crédit de fonctionnement lié à l'activité
de l'éducateur 35.000F

- 1 emploi-jeune 85.000F 6( * )

TOTAL 647.000F/an

auxquels s'ajoutent les crédits de premier équipement en matériel informatique (50.000F).

L'ouverture d'une MJD ne nécessite pas nécessairement de créations d'emploi dans tous les cas : les besoins ci-dessus énumérés peuvent être satisfaits, sur certains sites, par redéploiement.

V - Réduction de charges

Le rôle nouveau donné aux conseils départementaux de l'accès au droit de développement des modes non judiciaires de résolution des litiges ainsi que l'incitation financière résultant pour les avocats de l'octroi de l'aide juridictionnelle en matière de transaction avant contentieux permettent d'envisager une réduction de certaines catégories de contentieux. Cette réduction des flux d'entrée dégagera des équivalents temps pleins de magistrat et de fonctionnaire de greffe qui pourront être redéployés sur des activités de résorption des stocks entrainani une accélération des délais de jugement des affaires contentieuses et participant ainsi à la réalisation de l'un des objectifs principaux du plan de réforme pour la Justice, présenté le 29 octobre 1997 : mettre la justice au service des citoyens en la rendant plus accessible pour tous et plus rapide.

En outre, devant les dysfonctionnements persistants les plus choquants pour les citoyens (fort taux de classement, délais de jugement très longs), votre rapporteur insiste sur la nécessité de donner la priorité à l'amélioration du service offert aux justiciables avant de lancer toute autre réforme, sans préjuger de leur utilité.

I. L'EXÉCUTION DU PROGRAMME PLURIANNUEL POUR LA JUSTICE

Le 6 janvier 1995, la loi de programme n ° 95-9 relative à la justice a été publiée, qui visait à augmenter les moyens des juridictions de 8,1 milliards de francs sur cinq ans, répartis de la manière suivante :

- services judiciaires 4,5 milliards de francs

- administration judiciaire 3 milliards de francs

- protection judiciaire de la jeunesse 0,4 milliard de francs

- juridictions administratives 0,2 milliard de francs

Cette loi avait également prévu la création de 5.760 emplois budgétaires pendant la période 1995-1999 et devait permettre d'augmenter de 6.100 les effectifs disponibles :

- services judiciaires 1.400

dont :


• magistrats
300


• fonctionnaires
1.020


• magistrats exerçant à titre

temporaire (en équivalent temps plein)
80

-
Conseil d'Etat et juridictions administratives 380

dont :


• magistrats
180


• fonctionnaires
200

- Administration pénitentiaire 3.920

- Protection judiciaire de la jeunesse 400

En 1997, le Gouvernement a décidé d'étaler sur une année supplémentaire l'exécution de cette loi de programme.

Pourtant, le rattrapage opéré à partir de 1998 permet dès aujourd'hui de dresser un bilan de l'exécution de la loi de programme.

1. Les créations d'emplois

A la fin de l'année 1999, les quatre grands secteurs de la Justice auront connu, au titre du programme, 3.947créations d'emplois nets, soit 64,7 % de l'ensemble.

Cette moyenne cache cependant de fortes disparités par secteur.

- En ce qui concerne les services judiciaires, 1384 emplois ont été créés au titre de la loi de programme sur les 1.400 prévues au total, soit un taux de réalisation de 98,9 % ;

- La protection judiciaire de la jeunesse a bénéficié de la création de 400 emplois sur les 400 prévus au total, soit un taux de réalisation de 100 % ;

- Dans les juridictions administratives, 361 emplois sur les 380 prévus ont été créés, ce qui représente le taux de réalisation à 95 % ;

- En revanche, l'administration pénitentiaire a connu un taux de réalisation très bas , puisque seulement 1.802 emplois sur 3.920 ont été créés, soit 46 %. Ce résultat s'explique par les retards observés dans la mise en oeuvre du programme de construction "4.000" et des 1.200 places nouvelles en centres de semi-liberté.

2. Les équipements

S'agissant des équipements, la loi de programme a prévu une enveloppe de 8.100 millions de francs en autorisations de programme.

Entre 1995 et 1999, 7.961 millions de francs ont été inscrits dans les lois de finances successives, soit 98,3 % de l'ensemble des autorisations de programmes prévues initialement.

Les services ont été dotés de la manière suivante :

- services judiciaires : 4.500 millions de francs sur 4.500 millions prévus, soit une taux d'inscription de 100 % ;

- services pénitentiaires : 2.848 millions de francs sur 3.000 millions prévus, soit un taux d'inscription de 94,9 % ;

- protection judiciaire de la jeunesse : 400 millions de francs sur 400 millions prévus, soit un taux d'inscription de 100 % ;

- juridictions administratives : 213 millions de francs sur 200 millions prévus, soit une taux d'inscription de 106,5 %.

Votre rapporteur se félicite de la bonne exécution globale de la loi de programme pour la justice votée en 1994. Toutefois, il estime que si les crédits votés à cette époque ont permis de lancer le programme de réhabilitation du service public de la justice, l'effort financier doit être poursuivi pour permettre à la justice de répondre de manière satisfaisante aux attentes des justiciables. C'est pourquoi votre rapporteur plaide en faveur d'une nouvelle loi de programmation en pour la justice.

II. LES GRANDS SECTEURS

A. LES SERVICES DE L'ADMINISTRATION CENTRALE

Cet agrégat regroupe les moyens :

- de l'administration centrale du ministère, y compris les unités délocalisées à Nantes (Casier judiciaire national, bureau des pensions, centre d'exploitation statistique) ;

- des services communs destinés à soutenir, au plan local, l'action des services déconcentrés dans des domaines tels que l'informatique (centres de prestations régionaux), l'équipement (antennes régionales d'équipement) et les services sociaux ;

- de la commission nationale de l'informatique et des libertés ;

- de la commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques ;

- pour les subventions aux ordres de la Légion d'Honneur et de la Libération ainsi que la recherche dans le domaine de la justice (budget civil de recherche et de développement technologique).

En 1999, les crédits de paiement alloués à l'administration générale progressent de 3,4% pour atteindre 3,59 milliards de francs . Toutefois, cette augmentation est proportionnellement plus faible que la hausse générale des crédits du budget de la justice. C'est pourquoi leur part relative diminue par rapport à 1998 et passe de 14 % à 13,7 % de l'ensemble.

1. Une très légère hausse des effectifs

Les effectifs budgétaires de l'administration centrale s'élèvent à 1770 pour 1999. Le projet de budget pour 1999 prévoit la création de 5 emplois d'inspecteurs des services judiciaires et le pyramidage de 75 emplois. En outre, 2 emplois de professeurs techniques de la protection judiciaire de la jeunesse sont transférés à l'administration centrale.

Votre rapporteur tient cependant à faire remarquer qu'au 31 décembre 1997, les effectifs réels en fonction à l'administration centrale s'élevaient à 2.271 agents, dont 42  agents de services déconcentrés en poste à l'administration centrale, alors que le nombre d'emplois budgétaires pour l'année 1997 s'élevait à 1.763. Or, ce phénomène est très dommageable pour les autres services, et notamment pour le bon fonctionnement des juridictions qui voient leur effectif réel amputé d'autant.

Une dotation de 3 millions de francs est inscrite pour revaloriser les primes des agents de catégorie A.

Au total, les moyens en personnel augmentent de 1 % pour s'élever à 3,04 milliards de francs.

2. Des moyens matériels en augmentation

Les moyens de fonctionnement sont en augmentation de 3,7 % par rapport à 1998 et s'élèvent à 278,3 millions de francs. Toutefois, cette diminution cache des évolutions contrastées.

Les crédits " informatique " sont en hausse de 7,8 % et s'élèvent à 134,2 millions de francs, essentiellement du fait de l'augmentation des moyens mis à la disposition des services communs.

En revanche, les crédits de fonctionnement sont en baisse, même si la subvention de fonctionnement à l'Ordre de la Libération et la Légion d'honneur progresse.

3. Des crédits d'équipement en hausse

Sont inscrits dans le projet de loi de budget pour 1999 5 millions de francs en autorisations de programme et 9 millions de francs en crédits de paiement destinés à diverses opérations de réfection et de réhabilitation.

B. LES SERVICES JUDICIAIRES

Cet agrégat regroupe les moyens des juridictions de l'ordre judiciaire, du conseil supérieur de la magistrature, de l'école nationale de la magistrature et de l'école des greffes.

Les dotations de crédits couvrent non seulement les crédits en personnel et de fonctionnement, mais également les subventions aux associations oeuvrant dans le domaine judiciaire et au système de formation professionnelle des avocats, les subventions correspondant aux remboursements aux collectivités locales d'annuités d'emprunts pour des opérations d'équipement, les crédits relatifs à l'aide juridictionnelle, les crédits liés aux frais de justice et les crédits d'équipement consacrés à la modernisation et à l'extension du parc immobilier judiciaire.

Les crédits des services judiciaires progressent de 5,7 % et s'élèvent à 11,67 milliards de francs. Leur part relative dans le budget de la justice reste stable à 44,4 %. Votre rapporteur tient à faire remarquer que la part de l'aide juridique et des frais de justice reste élevée puisque ces crédits représentent 27,6 % des crédits des services judiciaires et 12,3 % de ceux du ministère de la justice.

1. La poursuite de la hausse des effectifs

En 1998, 300 emplois avaient été créés dont 70 postes de magistrats et 230 emplois de fonctionnaires de justice.

Le projet de budget pour 1999 prévoit la création de  emplois de magistrats et 230 emplois de fonctionnaires et de contractuels, à savoir 10 greffiers en chef, 112 greffiers, 72 agents de catégorie C, 35 techniciens informatiques et 1 technicien spécialisé en équipement immobilier.

La loi de programme sera donc dès 1999 pratiquement exécutée puisque les 300 emplois de magistrats et les 1020 emplois de fonctionnaires ont été créés. Sur les 80 emplois de magistrats à titre temporaire, 64 ont en outre déjà été créés.

Votre rapporteur tient cependant à tempérer l'optimisme qui pourrait résulter de ces chiffres en rappelant l'étude menée par l'Union syndicale des magistrats en octobre 1997 qui chiffrait à 482 le nombre d'emplois de magistrats non occupés . La Chancellerie a par la suite reconnu de chiffre qui se décompose ainsi :

- 298 emplois vacants ;

- 57 mises à dispositions et 18 décharges d'activité pour activité syndicale ;

-59 congés divers.

Or, cette distorsion entre l'effectif budgétaire et l'effectif réel entraîne d'importantes difficultés de gestion pour les chefs de juridiction et entrave le bon fonctionnement du service public de la justice.

Liste des mises à disposition

 

Organismes d'accueil

Provenance

11

Sénat

Administration centrale

2

Magistrat de liaison avec l'Espagne

Créteil

3

Magistrat de liaison avec l'Italie

Paris

4

Magistrat de liaison avec Washington

Paris

5

Ministère de la justice à Banja Luba

Strasbourg

6

Ministère de la justice fédéral en Allemagne

Nanterre

7

Institut des Hautes Etudes sur la justice

Paris

8

Représentation permanente de la France auprès de l'Union européenne

Bobigny

9

Mission permanente de la France auprès des Nations unies

Paris

10

Commission européenne

Orléans

11

Conseil de l'Union européenne

Lyon

12

Mission d'étude sur la spoliation des juifs de France

Administration centrale

13

Mission de recherche droit et justice

Administration centrale

14

Mission interministérielle de la lutte contre la drogue et la toxicomanie

Nanterre

15

Mission interministérielle d'enquête sur les marchés publics

Paris

16

MissiMission interministérielle d'enquête sur les marchés

Administration centrale

17

Mission de liaison interministérielle pour la lutte contre le travail clandestin et les trafics de mains d'oeuvre

Marseille

18

Institut des Hautes Etudes de la sécurité intérieure

Versailles

 
 
 

19

Conseil de l'Europe

Créteil

20

Institut du Monde arabe

Paris

21

Ecole nationale de la magistrature

Paris

22

Ecole nationale de la magistrature

Paris

23

Conseil national des villes

Administration centrale

24

Cour des comptes

Administration centrale

25

Cour des comptes

Paris

26

Secrétariat général du comité interministériel pour les questions de coopération économiques et européennes

Versailles

27

Conseiller technique du ministère délégué à la ville

Bobigny

28

Délégué adjoint à la mission interministérielle aux professions libérales

Paris

29

Directeur de l'antenne luxembourgeoise à l'institut européen d'administration publique

Strasbourg

30

Groupement d'intérêt public chargé de l'informatisation du livre foncier Alsace-Moselle

Illkirch-Graffenstaden

31

Cour de cassation (2 au siège, 2 au parquet)

Paris

32

Cour d'appel (4 au siège, 1 au parquet)

Paris

33

Tribunal de grande instance (1 au siège, 1 au parquet)

Paris

34

Ministère de la justice (cabinet du garde des sceaux

5 à Paris

1 Administration centrale

1 à Melun

1 à Bordeaux

35

Ministère de l'emploi et de la solidarité

1 à Paris

1 à Nanterre

1 à Bobigny

36

Ministère de l'intérieur

Pontoise

37

Ministère de l'aménagement du territoire et de l'environnement

Administration centrale

38

Ministère de l'éducation nationale

Versailles

Par ailleurs, sur les 264,3 millions de francs supplémentaires mis à la disposition du chapitre 31-90 (rémunérations des personnels), une provision de 18 millions de francs est inscrite au titre de la réforme du statut de la magistrature.

2. Des moyens de fonctionnement en forte progression

Le chapitre 37-92 (moyens de fonctionnement et de formation) regroupe les moyens de fonctionnement de l'ensemble des catégories de juridictions ainsi que des crédits affectés à des dépenses de nature diverse (fonctionnement, travaux courants d'entretien immobilier, véhicules, modernisation, informatique déconcentrée, frais de déplacement).

Pour 1999, ces crédits augmentent de 5,2% par rapport à ceux pour 1998 (soit 64,4 millions de francs) et s'élèvent à 1,31 milliard de francs.

Cette hausse des crédits est destinée à financer principalement :

- le développement des conseils départementaux d'aide juridique et la poursuite du programme de maisons de Justice et du Droit (6 millions de francs) ;

- la modernisation des juridictions et la mise en service des nouveaux bâtiments (32,1 millions de francs) ;

- la constitution des pôles de lutte contre la délinquance économique et financière à Paris, Marseille, Lyon et en Corse (15 millions de francs) ;

- l'accompagnement de la réforme de la carte judiciaire (5 millions de francs).

La subvention de fonctionnement à l'Ecole Nationale de la Magistrature (chapitre 36-10, article 21) augmente de 9,9 % pour s'élever à 172 millions de francs. Les 15,4 millions de francs supplémentaires sont destinés à financer les ajustements salariaux ainsi que le recrutement, par concours, de 40 auditeurs supplémentaires.

Les frais de justice (chapitre 37-11) recouvrent principalement, au profit du traitement individuel de chaque affaire, les prestations demandées par les magistrats ou requises par les procédures.

Ils représenteront en 1999 1.776,5 millions de francs, soit une progression de 7,3 % après une augmentation de 8,4 % en 1998, de 7,8 % en 1997 et de 7,6 % en 1996.

Toutefois, cette augmentation globale de 120,5 millions de francs masque des évolutions contraires :

- 129,5 millions de francs sont liés à l'ajustement des crédits de frais de justice à l'évolution des dépenses de cette nature ;

- les mesures nouvelles s'élèvent à 42 millions de francs et visent à financer l'impact de la loi relative à la prévention et la répression des infractions sexuelles et à la protection des mineurs ;

- en revanche, 51 millions de francs de crédits ne sont pas reconduits suite aux mesures de maîtrise de la dépense mises en oeuvre en 1998 et 1999.

Le Garde des Sceaux a fait procéder à une enquête sur les causes de la forte augmentation des dépenses de frais de justice. Une grande partie de ces dépenses apparaît inéluctable du fait de la technicité croissante des affaires et du recours beaucoup plus systématique aux expertises et contre-expertises. Toutefois, une liste de dysfonctionnements a également été dressée, qui concerne principalement les dépenses de fourrière et de scellés ainsi que les réquisitions aux opérateurs de télécommunication.

Pour y remédier, la Chancellerie a élaboré un avant-projet de décret modifiant le code de procédure pénale et relatif aux frais de justice, qui vise à renforcer les moyens de maîtrise de la dépense en dotant les juridictions d'une outil réglementaire plus complet. Désormais, les frais de garde des véhicules placés sous scellés ou immobilisés, les frais de recherche de documents et de délivrance de copies, les réquisitions aux opérateurs de télécommunication, les frais de mise en oeuvre au profit de l'autorité judiciaire seront tarifés par le code de procédure pénale.

En outre, le contrôle préalable du Parquet sur les devis d'expertises supérieurs à 3.000 francs est rendu obligatoire.

Par ailleurs, les frais de garde des véhicules immobilisés pourront être recouvrés par l'Etat contre les condamnés.

Ce projet fait actuellement l'objet d'une concertation interministérielle avant sa transmission au Conseil d'Etat. Il transcrit également dans la réglementation les revalorisations tarifaires obtenues en loi de finances pour 1998 (tarif des experts psychiatriques et des interprètes traducteurs).

Quant au projet de loi relatif aux alternatives aux poursuites et renforçant l'efficacité de la procédure pénale, il réforme le régime de conservation des objets placés sous main de justice et généralise l'utilisation de la télécopie pour les notifications faites à un avocat en matière pénale.

Votre rapporteur se félicite de ces mesures qui devraient permettre de mieux contrôler l'évolution des dépenses liées aux frais de justice. A cet égard, il souhaite rappeler qu'il avait dénoncé l'année dernière dans son rapport sur les crédits de la justice l'explosion desdites dépenses qui absorbent une grande partie de l'effort budgétaire consenti en faveur du budget de la justice.

Ses remarques avaient été confirmées par la Cour des comptes qui, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 1997, avait également constaté l'importante progression des dépenses de frais de justice et s'était étonnée de la progression inexpliquée " des dépenses relatives aux scellés, aux interprètes, aux examens toxicologiques, biologiques ou radiologiques ou encore aux locations de matériels d'interception . "

3. L'augmentation des crédits d'intervention

A l'intérieur du chapitre 46-01 (subventions et interventions diverses), le projet de budget pour 1999 prévoit 15 millions de francs en faveur de l'aide à l'accès au droit, de la médiation familiale, des associations d'aide aux victimes et de contrôle judiciaire. En outre, la subvention de l'Etat à la formation des avocats augmente de 2 millions de francs.

Les crédits en faveur de l'aide juridique (chapitre 46-12) sont également en forte augmentation (+7,5 %, soit 215,2 millions de francs). Cette hausse est cependant le résultat de mouvements contrastés.

Ainsi, le projet de budget prévoit une mesure d'économie de 31 millions de francs concernant le fonctionnement des bureaux d'aide juridictionnelle et la maîtrise des coûts des expertises civiles, des enquête sociales et des missions de médiation.

En revanche, 149 millions de francs supplémentaires sont mis à la disposition de l'aide juridique afin d'adapter ces crédits à l'évolution des admissions.

Par ailleurs, 97,4 millions de francs sont prévus en mesure nouvelle afin d'anticiper la hausse des demandes d'aide juridique résultant des diverses réformes engagées (réforme de la saisie immobilière, présence d'un avocat dès la première heure de garde à vue...).

Votre rapporteur approuve les mesures prises par la Chancellerie afin de mieux contrôler les dépenses en matière d'aide juridique dont il avait critiqué le fort développement l'année précédente. Toutefois, il est plus réservé sur les conséquences de la réforme des modalités de la garde à vue.

En effet, il estime que l'augmentation des crédits affectés au budget de la justice contribuera à une amélioration du service public de la justice que si ces derniers sont consacrés aux difficultés déjà importantes que ce ministère doit affronter, aussi bien en matière de manque de personnels que de vétusté des locaux ou d'insuffisance des moyens de fonctionnement, notamment dans le domaine de l'informatique.

Or, la multiplication des réformes ampute d'autant les crédits qui devraient être consacrés aux priorités énoncées ci-dessus. La réforme de la garde à vue en est un exemple manifeste puisqu'elle augmente la dépense en aide juridique de près de 100 millions de francs alors que cet argent aurait pu financer des dépenses plus urgentes visant, par exemple, à accélérer les délais de jugement.

4. La poursuite du renforcement des moyens en faveur de l'équipement

Les crédits de paiement pour l'équipement (chapitre 57-60) s'élèvent à 961,6 millions de francs en 1999, alors qu'ils atteignaient 976 millions de francs en 1998.

Les autorisations de programme atteignent 673 millions de francs (contre 567 millions de francs en 1998) et se répartissent en deux grandes enveloppes :

- 348 millions de francs seront affectés à la poursuite du programme pluriannuel d'équipement des services judiciaires et permettront d'engager les marchés de travaux de Besançon (137 millions de francs) et Toulouse (290 millions de francs), le solde de 2 millions de francs étant réservé au parachèvement des opérations de Béthune et Rennes.

- 325 millions de francs gérés de manière déconcentrée dont plus du tiers sera consacré aux opérations de sécurité urgentes à Roanne, Versailles, Lisieux, Nanterre, Saint-Etienne, Rouen, Belfort et Rodez. De même, la mise en sécurité du palais de justice de Paris restera un objectif prioritaire puisque 50 des 83 millions de francs attribués à cette juridiction financeront les 14 points de mise en sécurité d'urgence identifiés à l'issue des études de schémas directeurs. 190 millions de francs serviront à compléter le financement d'opérations de rénovation et de restructuration du parc immobilier.

C. LES SERVICES PÉNITENTIAIRES

Cet agrégat regroupe l'ensemble des moyens permettant à l'administration pénitentiaire d'assurer l'exécution des décisions pénales, à savoir :

- la prise en charge, au sein des établissements pénitentiaires, des personnes en détention provisoire ou condamnées à une peine privative de liberté ;

- la prise ne charge, par les comités de probation et d'assistance aux libérés, des personnes relevant des actions de surveillance et d'assistance en milieu ouvert.

Les crédits des services pénitentiaires devraient atteindre en 1999 7,42 milliards de francs, en progression de 5,8 % par rapport à l'année dernière.

1. Une augmentation des crédits de personnel

Les crédits de personnel progressent de 4,4 % pour atteindre 4,329 milliards de francs.

En 1999, 344 nouveaux emplois sont créés répartis ainsi :

- 78 pour la réforme des services pénitentiaires d'insertion et de probation ;

- 58 pour l'ouverture de nouveaux établissements ;

- 180 pour l'amélioration de la prise en charge des détenus ;

- 28 pour la restructuration des métiers de la formation.

En outre, 44 emplois sont transférés des services judiciaires vers les services pénitentiaires pour les secrétariats des services d'insertion et de probation.

De plus, 18 emplois sont transformés pour répondre aux besoins des services.

Au total, les effectifs budgétaires des services pénitentiaires augmentent de 388 pour s'élever à 25.086 personnes, dont 19.987 personnels de surveillance.

Par ailleurs, une autorisation de 400 surnombres temporaires d'élèves surveillants en 1998 a permis de mettre en place une gestion plus dynamique des effectifs et de réduire les vacances d'emplois. Cette autorisation s'ajoute à celle de 150 emplois de personnels de surveillance en surnombre existant depuis 1984.

Votre rapporteur tient cependant à faire remarquer que la Cour des comptes, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1997, a critiqué la pratique des surnombres, peu conforme à l'orthodoxie budgétaire.

En outre, c'est en matière de créations d'emplois dans l'administration pénitentiaire que la loi de programmation a été le moins bien exécutée
: alors que la loi précitée avait prévu la création de 3920 emplois sur 5 ans, soit 784 emplois par an, seuls 1802 ont été créés, soit 45,9 %. En conséquence, votre rapporteur demandera des explications à ce sujet au Garde des Sceaux lors de l'examen des crédits du budget de la justice en séance publique.

12 millions de francs sont également consacrés à des mesures en faveur du personnel de l'administration pénitentiaire et sont ainsi répartis :

- 2 millions de francs à la création d'emplois fonctionnels de directeur de service d'insertion et de probation ;

- 3 millions de francs pour la réforme des personnels techniques et de l'enseignement professionnel ;

- 3,4 millions de francs pour la revalorisation de l'indemnité pour charge pénitentiaire ;

- 0,24 million de francs pour la revalorisation de l'indemnité allouée aux comptables pénitentiaires et 0,1 million de francs pour celle des régisseurs des services d'insertion et de probation ;

- 0,5 million de francs pour la revalorisation de la prime de surveillance de nuit ;

- 0,65 million de francs pour la revalorisation de la prime de responsabilité du personnel de direction et de certains personnels de surveillance ;

- 0,7 million de francs pour la revalorisation de la prime des personnels d'insertion et de probation ;

- 0,48 million de francs pour l'augmentation du taux de la prime de sujétion spéciale du personnel d'insertion et de probation, à compter du 1 er juillet 1999.

2. Une progression des moyens matériels qui reste insuffisante

Les crédits de fonctionnement augmentent de 2,3 % (contre 5,7 % en 1998) et s'élèvent à 2,625 milliards de francs . Ils sont répartis sur trois chapitres :

- le chapitre 34-05 (Dépenses d'informatique et de télématique), dont les crédits augmentent de 10,3 % par rapport à 1998 et s'élèvent à 40,87 millions de francs. Ils doivent financer le déploiement du système de gestion informatisée des détenus en établissement (GIDE) qui fonctionnait jusqu'à présent sur des sites pilotes.

- le chapitre 34-23 (Services pénitentiaires, dépenses de santé des détenus), qui dispose de 460,7 millions de francs de crédits pour 1999, contre 470,9 en 1998, soit une baisse de 10 % ;

- le chapitre 37-98 (Services pénitentiaires, moyens de fonctionnement et de formation) qui a à sa disposition 2,11 milliards de francs, soit une augmentation de 3,2 % par rapport à 1998. Cette augmentation des crédits traduit la volonté du Garde des Sceaux, exprimée dans sa communication en conseil des ministres du 8 avril 1998, d'améliorer significativement les conditions matérielles des personnes détenues.

Ainsi, 22,8 millions de francs doivent être consacrés à l'approvisionnement gratuit des prisonniers en produits d'hygiène corporelle, à l'augmentation du nombre de douches hebdomadaires et à la préparation d'un petit-déjeuner chaud.

En outre, 10 millions de francs seront consacrés au renouvellement du mobilier des cellules et 12 millions de francs à la mise aux normes des équipements techniques.

6 millions de francs seront destinés à l'amélioration des quartiers recevant les mineurs, 10 millions de francs aux actions de réinsertion et 2  millions de francs à la mise à niveau des aumôneries nationales.

Toutefois, votre rapporteur tient à souligner, comme l'année précédente, l'insuffisance des crédits de fonctionnement mis à la disposition des établissements pénitentiaires. Faute de dotations suffisantes, les travaux de maintenance et de modernisation du parc ne sont pas effectués (renforcement de la sécurité, amélioration des conditions de détention et de travail du personnel), ce qui oblige à effectuer de manière beaucoup trop fréquente de gros travaux de réparation financés sur le titre V.

A cet égard, la comparaison des moyens affectés à l'entretien dans les sites à gestion déléguée et dans le parc classique est éclairante : alors que les dépenses d'entretien immobilier des établissements du " programme 4000 " s'élevaient à 110 francs par mètre carré en 1997, celles dans le parc pénitentiaire classique se montaient à seulement 54 francs par mètre carré.

3. La poursuite du programme immobilier pénitentiaire

Pour 1999, les autorisations de programme atteignent 912 millions de francs, contre 1.032 millions de francs en 1998 et les crédits de paiement s'élèvent à 438 millions de francs, contre 284 millions de francs l'année précédente.

Une dotation de 696 millions de francs permettra la préparation de la construction d'au moins trois établissements du programme " 4.000 places " dont la localisation n'est pas encore définitivement arrêtée. Ces constructions doivent permettre de fermer certains établissements particulièrement vétustes et de décharger les maisons d'arrêt connaissant un taux de surpopulation carcérale très élevé. Ces établissements fonctionneront en gestion déléguée pour la restauration, l'entretien, le travail et la formation professionnelle.

120 millions de francs seront par ailleurs consacrés à la rénovation du parc classique, 50 millions de francs financeront le programme de réhabilitation de Fresnes, Fleury-Mérogis, la Santé et les Baumettes.

Enfin, 20 millions de francs serviront aux travaux de câblage pour le déploiement du système de gestion informatisée des détenus en établissement (GIDE), 10 millions de francs permettront l'aménagement de quartiers de détention pour les mineurs et 16 millions de francs financeront la construction de trois centres pour peines aménagées (CPA). Ces derniers prendront en charge les personnes soumises au régime de la semi-liberté ainsi que des condamnés à de très courtes peines dans la perspective de développer des aménagements de peine pour aider à l'insertion en milieu libre.

D. LES SERVICES DE LA PROTECTION JUDICIAIRE DE LA JEUNESSE

Les crédits des services de la protection judiciaire de la jeunesse dans le projet de budget 1999 enregistrent une augmentation de 6,4 % pour atteindre 2,77 milliards en crédits de paiement .

1. Des moyens en personnel renforcés

Les crédits affectés aux dépenses en personnel progressent de 5,6  % et s'élèvent à 1,13 milliard de francs.

Le projet de budget pour 1999 prévoit la création de 150 emplois , dont 113 sont des emplois d'éducateurs et de chefs de service éducatif. En outre, 52 emplois seront transformés pour répondre aux besoins des services.

En outre, une dotation de 5,28 millions de francs est inscrite dans le projet de budget afin de revaloriser :

- l'indemnité horaire pour travaux le dimanche et les jours fériés et l'indemnité de surveillance de nuit (1,05 million de francs) ;

- le régime indemnitaire des éducateurs et des chefs de service éducatifs (3,73 millions de francs) ;

- l'indemnité de responsabilité des directeurs (0,5 million de francs).

2. La hausse des dépenses de fonctionnement

Les crédits affectés aux dépenses de fonctionnement s'élèvent à 1,53 milliard de francs, en progression de 5,5 %.

Ces crédits recouvrent l'entretien et la rééducation des mineurs (chapitre 34-33, 1,23 milliards de francs), les moyens de fonctionnement des services du secteur public (chapitre 34-34, 297 millions de francs) ainsi que les réparations civiles (chapitre 37-91, 1,6 millions de francs).

La progression enregistrée en 1999 résulte essentiellement de la majoration de 60,8 millions de francs des crédits destinés à la rémunération des prestations du secteur associatif habilité et de l'augmentation de 15 millions de francs de la dotation pour le renforcement des prises en charge par le secteur public aussi bien en milieu ouvert qu'en hébergement ou encore pour l'accueil de jour.

Toutefois, pour mieux appréhender concrètement les dépenses de fonctionnement du service public de la protection judiciaire de la jeunesse, il faut inclure les crédits du chapitre 46-01 (soit 15,7 millions de francs) qui regroupe les subventions et interventions diverses.

3. Les mesures en faveur de l'équipement

Le projet de loi de finances prévoit 84 millions de francs d'autorisations de programme (contre 76 millions de francs en 1998) et 97 millions de francs de crédits de paiement (contre 71 millions de francs l'année dernière).

Les autorisations de programme permettront notamment de financer :

- la création de 2 nouveaux foyers d'hébergement de 18 places à Melun-Sénart et à Mulhouse ;

- la rénovation et l'adaptation d'hébergements anciens existants à Paris, dans le Nord, le Pas-de-Calais, le Rhône et les Bouches-du-Rhône ;

-  a poursuite des créations de places d'hébergement engagées ultérieurement.

E. LES JURIDICTIONS ADMINISTRATIVES

Le budget des juridictions administratives (le Conseil d'Etat, cinq cours administratives d'appel et trente-cinq tribunaux administratifs) devrait atteindre, en 1999, 803 millions de francs en dépenses ordinaires et en crédits de paiement, soit une progression de 9,21 % par rapport à l'année dernière.

Toutefois, cette augmentation doit être relativisée car elle inclut le transfert de crédits du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie jusqu'à présent financés par fonds de concours. A structure constante, les crédits des juridictions administratives n'augmentent que de 4,9 %.

1. La poursuite de l'augmentation des effectifs

Les dépenses en personnel sont en hausse de 9 % et atteignent 603,2 millions de francs.

61 emplois supplémentaires , dont 21 magistrats, sont inscrits au projet de budget 1999 en application de la loi de programme pour la justice. A ces créations d'emplois s'ajoute une autorisation de recrutement en surnombre temporaire de 15 magistrats.

En outre, 32 millions de francs abondent les crédits du chapitre 31-52 au titre du transfert sur le budget de la justice des indemnités versées par le ministère de l'économie, des finances et de l'industrie aux membres du Conseil d'Etat.

En revanche, les crédits de fonctionnement sont en diminution de 9,3  %. Plus de 90 % des crédits réservés aux mesures nouvelles (chapitre 34-05) seront consacrés à la mise en place d'un nouvel outil informatique.

2. Des crédits d'équipement également en augmentation

Les crédits du titre V s'élèvent à 51 millions de francs en autorisations de programme (contre 40 millions de francs en 1998) et 51 millions de francs en crédits de paiement (contre 44 millions de francs en 1998).

Ces crédits d'équipement permettront de restaurer et de moderniser le Palais Royal, de financer la cour administrative d'appel de Douai et les travaux dans les tribunaux administratifs de Lille, Rennes et Melun.

CHAPITRE II

LES DYSFONCTIONNEMENTS DE LA JUSTICE

I. LES DYSFONCTIONNEMENTS LIES A L'ACTIVITÉ DES JURIDICTIONS

A. LA POURSUITE DE LA TENDANCE À LA HAUSSE DU NOMBRE D'AFFAIRES EN STOCK MALGRÉ LA BAISSE DU NOMBRE D'AFFAIRES NOUVELLES ENREGISTRÉES

Sauf pour les conseils de prud'hommes, toutes les juridictions ont enregistré une baisse du nombre d'affaires dont elles ont été saisies. Pour autant, seule la Cour de cassation voit diminuer le stock d'affaires qu'elle est amenée à juger.

A cet égard, votre rapporteur s'étonne que les seules statistiques à la disposition de la Chancellerie concernent l'activité des juridictions en 1997, alors que la discussion du budget intervient en décembre 1998. Cela signifie que l'outil informatique ne permet pas d'élaborer des tableaux de bord mensuels sur l'activité des juridictions et d'établir des comparaisons en glissement annuel .

1. la Cour de cassation

La Cour de cassation a été saisie de 19.987 affaires nouvelles contre 20.275 en 1996, soit une baisse modérée de 1,4 %. En dix ans, le nombre d'affaires nouvelles a augmenté de 8,2 %.

Malgré la diminution du nombre d'affaires terminées (20.103 contre 20.420 en 1996), la Cour de cassation parvient à poursuivre la légère diminution du stock d'affaires entamée en 1995.

2. Les cours d'appel

Les cours d'appel ont enregistré 213.766 affaires nouvelles, soit une baisse de 2,5  % par rapport à 1996. Ceci confirme le ralentissement observé dès 1996, qui faisait suite à une croissance ininterrompue du nombre d'affaires nouvelles pendant 10 ans de 49,5 %.

Le nombre d'affaires terminées a continué de croître mais à un rythme plus lent que les cinq dernières années et ne permet pas d'empêcher une nouvelle augmentation du stock d'affaires en cours (315.522 contre 307.171 en 1996).

3. Les tribunaux de grande instance

Les tribunaux de grande instance ont été saisis de 644.900 affaires nouvelles, soit une baisse de 4,6 % par rapport à 1996. Il s'agit d'une rupture puisqu' en dix ans, le nombre d'affaires civiles nouvelles dont ont été saisis les tribunaux de grande instance a connu une hausse ininterrompue (+57,6 % de 1986 à 1996), avec une accélération depuis 1993 . En effet, la réforme relative au juge des affaires familiales a transféré un nombre important de contentieux du tribunal d'instance vers le tribunal de grande instance. En outre, la création du juge de l'exécution a provoqué de nouveaux contentieux de l'exécution.

La diminution de 39 % des procédures contentieuses de l'exécution est en grande partie responsable de cette évolution.

Le nombre d'affaires terminées baisse de 2,8 % et s'élève à 640.476. Cette diminution marque là aussi une rupture même si elle s'inscrit dans une tendance à la décélération observée depuis 1995.

Le stock d'affaires en cours progresse de moins de 1% mais il atteint son niveau le plus haut depuis 10 ans.

4. Les tribunaux d'instance

Le nombre d'affaires nouvelles devant les tribunaux d'instance est en baisse continue depuis 1993 et s'élève, en 1997, à 469.444. Cette diminution, modérée en 1996, se prolonge de façon plus marquée en 1997 (-2,9 %) et s'explique en grande partie par l'achèvement du transfert du contentieux du surendettement des particuliers vers les commissions de surendettement.

Le nombre d'affaires terminées a chuté parallèlement de 2,3 %. Le nombre d'affaires terminées en 1997 étant inférieur à celui des affaires nouvelles, il en résulte une nouvelle augmentation de 6,2  % du stock d'affaire en cours, qui atteint en fin d'année son niveau le plus élevé depuis dix ans.

5. Les conseils de prud'hommes

Le nombre d'affaires nouvelles enregistrées en 1997 devant les conseils de prud'hommes s'élève à 170.758, soit une progression de 1,7 %. On se rapproche ainsi des niveaux d'activité de 1992 et 1993, après une période de baisse marquée par différents événements comme les grèves de décembre 1995.

Par ailleurs, le nombre d'affaires terminées a également augmenté en 1997 de 4 %, renversant ainsi la tendance observée ces deux dernières années. Toutefois, le flux d'affaires terminées est encore inférieur à celui des affaires nouvelles, le stock d'affaires en cours augmente donc sensiblement (+2,6 %).

6. Les tribunaux de commerce

Les statistiques fournies par la Chancellerie sur les activités des tribunaux de commerce sont beaucoup moins précises. Ainsi, votre rapporteur n'a pu se procurer que des informations sur le nombre des affaires terminées. Ce dernier est en diminution de 7,6 % par rapport à 1996 et s'établit à 248.988.

Votre rapporteur regrette la caractère partiel de ces renseignements qui limite la mission d'information du Parlement et demandera des explications au Garde des Sceaux sur l'absence de statistiques plus précises.

En outre, votre rapporteur tient à rappeler que dans son rapport sur la gestion administrative et financière des cours et tribunaux administratifs, la Cour des comptes a critiqué la médiocrité et le manque de fiabilité des statistiques sur l'activité des juridictions. Celle-ci a fait remarquer que " si les données propres à une juridiction pouvaient être généralement être comparées d'une année à l'autre, il n'en va pas de même entre plusieurs juridictions. Cette critique s'applique à toutes les juridictions, mais sont particulièrement visés les conseils de prud'hommes et les tribunaux de commerce. Les notions retenues et leurs modalités de calcul sont entachées de trop d'incertitude pour être utilisables. "

Votre rapporteur ne peut que confirmer les conclusions de la Cour des comptes.

B. DES DÉLAIS EXCESSIFS POUR LE RÈGLEMENT DES AFFAIRES CIVILES

Pour les cours d'appel, la durée des affaires terminées augmente en 1997 d'un demi mois après une hausse de près d'un mois en 1996 et s'établit à 16,3  mois. Ce chiffre s'éloigne de plus en plus de l'objectif fixé par le programme pluriannuel pour la Justice (12 mois). Il faut remonter à 1988 pour retrouver un délai aussi élevé de règlement des affaires.

Pour les tribunaux de grande instance, la durée moyenne de traitement des affaires s'établit à 9,1 mois
, soit une durée légèrement supérieure à celle observée sur les trois dernières années. Elle reste assez éloignée de l'objectif de 6 mois fixé par le programme pluriannuel pour la Justice.

Pour les tribunaux d'instance, la durée moyenne de traitement des affaires se maintient à 5 mois . L'objectif de trois mois fixé par le programme pluriannuel pour la Justice est donc loin d'être atteint.

En revanche, pour les tribunaux de commerce, la durée de traitement des affaires est plus courte qu'en 1996, elle s'établit à 5,8 mois comme en 1994.

De même, en ce qui concerne les affaires traitées par les tribunaux des prud'hommes, la durée moyenne s'est plutôt améliorée puisqu'elle est passée de 10,1 mois en 1995 à 9,4 mois en 1996.

Ces délais peuvent s'apparenter à de véritables dénis de justice , surtout pour les procédures qui, par leur nature, requièrent un traitement rapide (appels en matière de référé, affaires familiales, appels des décisions du juge de l'exécution, affaires prud'homales, affaires de presse..).

Votre rapporteur tient à rappeler que le Garde des Sceaux s'est engagé à réduire les délais de jugement des affaires. Ainsi, la loi organique du 24 février  1998 a autorisé l'organisation d'un concours de 100 postes de magistrats en 1998 et 1999. En outre, des magistrats à titre temporaire supplémentaires (16 en équivalent temps plein) devraient renforcer les effectifs des juridictions. Il surveillera donc l'impact de l'augmentation des effectifs sur les délais de jugement.

C. L'ABSENCE D'INDICATEURS DE GESTION

Le rapport précité de la Cour des comptes recommande la mise en place d'instruments de mesure afin d'améliorer la gestion des juridictions. En outre, ces indicateurs de gestion doivent se baser sur des rapports significatifs. Ainsi, pour les conseils de prud'hommes, la Cour des comptes estime que les indicateurs les plus significatifs sont d'une part le nombre d'affaires terminées, d'autre part, le nombre d'heures indemnisables déclarées pour l'année et non le nombre d'heures effectivement indemnisées dans l'année, en raison des décalages souvent importants notés dans les paiements.

Les indicateurs les plus utiles sont en conséquence le nombre d'heures déclarées par affaire terminée, ou encore le nombre d'affaires terminées par conseiller ou par fonctionnaire. Selon la Cour des comptes, ils permettent de comparer le coût du service public de la justice. Celle-ci a pu ainsi constater que le nombre d'heures déclarées par affaire terminée variait en 1995 du simple au double dans le ressort d'Aix-en-Provence entre les conseils de prud'hommes de Fréjus et d'Arles. De même, le coût direct par affaire terminée au conseil de prud'hommes de Créteil était, en 1996, supérieur de 75 % au coût du conseil de prud'hommes de Boulogne-Billancourt.

Toutefois, votre rapporteur souhaite relativiser les remarques de la Cour des comptes qui n'intègre aucun élément qualitatif dans ses calculs. Or, selon la difficulté des affaires, le nombre d'heures par affaire terminée peut varier considérablement.

En revanche, il partage les critiques de la Cour des comptes dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1997 concernant l'explosion des dépenses de vacation, notamment celles afférentes aux conseils des prud'hommes.

En effet, depuis plusieurs années, la Chancellerie est confrontée à l'augmentation considérable des dépenses d'indemnisation des conseillers prud'hommes (chapitre31-96, autres rémunérations principales) que ne justifie pas la progression du contentieux traité par ces juridictions qui reste fort modérée.

Certes, diverses actions ont été entreprises pour essayer de maîtriser l'évolution des dépenses d'indemnisation des conseillers prud'hommes : sensibilisation du Conseil supérieur de la prud'homie ; suivi, par conseil de prud'hommes, des dépenses d'indemnisations constatées et analyse de celles-ci au regard de l'activité en termes d'affaires terminées... Toutefois, il semble que ces mesures aient montré leurs limites et votre rapporteur partage le souci de la Cour des comptes de refondre le dispositif d'indemnisation des conseillers prud'hommes.

Selon les informations obtenues par votre rapporteur, la Chancellerie envisage une réforme du régime d'indemnisation des frais de déplacement des conseillers prud'hommes qui devrait s'accompagner d'une actualisation des taux d'indemnisation applicables ainsi que de l'adoption d'une régime d'indemnisation forfaitaire de l'activité prud'homale.

II. LES DYSFONCTIONNEMENTS LIÉS À LA GESTION DU PERSONNEL

A. DES RECRUTEMENTS EXTÉRIEURS EN NOMBRE INSUFFISANT

L'admission par concours à l'Ecole nationale de la magistrature constitue la voie principale de recrutement des magistrats. Toutefois, il existe d'autres modes de recrutement qui restent cependant trop peu utilisés.

Ainsi en est-il du recrutement par intégration indirecte ouvert aux personnes titulaires d'un diplôme du niveau de la maîtrise et justifiant d'une certaine durée d'exercice professionnel les qualifiant particulièrement pour exercer les fonctions de magistrats. Les nominations interviennent après avis conforme de la commission d'avancement. Or, depuis 1993, le nombre de candidats admis par intégration directe a fortement chuté. Alors qu'ils étaient 66 en 1997, leur nombre s'est réduit à 43 en 1993, 13 en 1994, 8 en 1995, 10 en 1996 et 15 en 1997.

De même, la loi organique du 19 janvier 1995 a introduit, sur proposition du Sénat, des dispositions permettant le recrutement de magistrats exerçant à titre temporaire. Ce mode de recrutement a été instauré pour permettre l'exercice de certaines fonctions judiciaires par des magistrats non professionnels, qui continuent l'exercice d'une activité professionnelle concomitamment à l'exercice de fonctions judiciaires, sous réserve de la compatibilité de ces activités. Les magistrats recrutés dans ce cadre sont nommés pour une durée de 7 ans non renouvelable. Leur nomination intervient après avis conforme de la commission d'avancement. Comme pour les personnes intégrées directement, le nombre de magistrats temporaires est peu élevé : 8 en 1993, 2 en 1994, 4 en 1995, 3 en 1996 et 2 en 1997.

De deux choses l'une :ou les candidats sont en nombre insuffisant ou ne présentent pas les qualités exigées, ou les services judiciaires s'ingénient à faire en sorte que la réforme voulue par le législateur reste lettre morte.

En réalité, le recrutement parallèle semble freiné par le " malthusianisme " de la commission d'avancement dont les critères de sélection sont tellement sévères qu'ils aboutissent à rejeter la plupart des candidats, alors même que beaucoup sont de valeur.


Pourtant, le recrutement de magistrats en dehors de la voie classique représentée par l'Ecole nationale de la magistrature doit être encouragé afin d'" aérer " le corps des magistrats et d'éviter le développement d'un corporatisme lié à un mode de recrutement exclusif. A cet égard, votre rapporteur tient à souligner que tous les grands corps de l'Etat ont recours au recrutement au tour extérieur. Il propose donc d'étendre cette procédure à la magistrature.

En revanche, votre rapporteur se félicite de l'instauration, à la demande du Sénat, par la loi du 8 février 1995 relative à l'organisation des juridictions, d'assistants de justice qui permettent aux magistrats de se consacrer à leurs fonctions en les assistant dans leurs recherches et en assurant les travaux préparatoires à la décision. Le projet de loi pour 1999 prévoit le recrutement de 400 assistants de justice supplémentaires, soit une augmentation de 70 % du nombre d'assistants qui sera ainsi porté à 950. Votre rapporteur tient à ajouter que les nombreux magistrats avec qui il a pu s'entretenir sont unanimes pour reconnaître la qualité du travail fourni par les assistants. Cette réforme est cependant contestée par les organisations professionnelles des greffiers.

B. LE MANQUE DE TRANSPARENCE DES EFFECTIFS

La seule prise en compte des effectifs budgétaires ne permet pas d'appréhender les effectifs réellement au service de la justice. En effet, il faut tenir compte à la fois des vacances de postes et des mises à disposition, mais également des surnombres.

Les vacances de postes

En octobre 1997, l'Union syndicale des magistrats publiait une étude sur les postes vacants et parvenait à un chiffre de 432.

Plusieurs raisons expliquent le nombre élevé de vacances de postes.

D'une part, les magistrats du siège sont inamovibles. En conséquence, si un poste se libère mais qu'aucun candidat ne se déclare pour l'occuper, le poste restera vacant. Le seul moyen rapide pour le pourvoir est de le proposer aux auditeurs en fin de scolarité de l'Ecole nationale de la magistrature ou aux magistrats qui viennent d'être intégrés ou qui ressortent du concours exceptionnel.

D'autre part, les vacances de postes sont liées aux congés divers, notamment de maternité, accordés aux magistrats qui occupent cependant toujours leur emploi. 59 vacances de ce type étaient recensées en octobre 1997.

Enfin, il faut tenir compte des 57 magistrats mis à disposition et des 18 magistrats bénéficiant d'une décharge syndicale, soit 75 personnes occupant des emplois mais ne remplissant pas en réalité leurs fonctions.

Or, les vacances de postes peuvent entraver le bon fonctionnement des juridictions dont les effectifs sont de facto réduits. Ainsi, la charge de travail des magistrats est accrue et les permanences auxquels ils sont soumis ont tendance à se multiplier.

Votre rapporteur tient à faire remarquer que les mises à dispositions ne touchent pas seulement les magistrats, mais également les greffiers et les fonctionnaires. Ainsi, selon les informations obtenues par votre rapporteur auprès de la Chancellerie, 82 agents de catégorie B et 239 agents de catégorie C des services déconcentrés sont mis à la disposition de l'administration centrale.

Votre rapporteur regrette le caractère permanent de certaines mises à disposition qui a deux inconvénients :

- les mises à disposition cachent les réels besoins de l'administration. En effet, il s'agit de répondre à des besoins structurels. A cet égard, l'exemple des secrétaire généraux est révélateur. Les premiers présidents ont vu leurs tâches se multiplier suite à la déconcentration des crédits et au transfert des charges qui en a résulté. Pour pouvoir assumer les nouvelles fonctions, ils se sont entourés d'un secrétaire général chargé de les assister dans la gestion de leur juridiction. Or, la référence au secrétaire général ne figure dans aucun texte ou circulaire si ce n'est pour les juridictions parisiennes. Votre rapporteur demande donc que cette pratique indispensable au bon fonctionnement des juridictions soit officialisée et que des postes de secrétaires généraux soient créés. De manière plus générale, il estime indispensable de recenser les postes remplis par des mises à disposition et de leur donner une traduction budgétaire s'ils répondent à des besoins permanents ;

- les mises à disposition donnent une vision tronquée de l'activité des services qu'elles affectent. En effet, celles-ci reposent sur le principe que la juridiction concernée peut se passer d'une partie de son effectif pour exercer ses missions sans que la qualité de son travail s'en ressente. Votre rapporteur refuse cette logique et estime que soit ladite juridiction a réellement besoin des effectifs budgétaires prévus et dans ce cas, il est anormal qu'elle soit privée d'une partie de ses effectifs, soit ses effectifs peuvent être revus à la baisse et alors il faut officiellement diminuer ses ressources en personnel.

L'existence de surnombres

Le manque de transparence des effectifs budgétaires de la justice est encore aggravé par l'existence des surnombres .Dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour l'année 1997, la Cour des comptes distingue trois types de surnombres :

- les surnombres " légaux ", qui s'expliquent par le maintien en activité de certains magistrats admis à faire valoir leurs droits à la retraite, qui n'occupent pas d'emploi budgétaire mais travaillent effectivement dans les juridictions. Au 30 juin 1998, il en existe 152 ;

- prévus par la loi de programme et gagés par des postes vacants. En 1999, le Conseil d'Etat comptera 71 surnombres de magistrats à titre temporaire ;

- les surnombres " autorisés ", non compris dans les effectifs budgétaires, qui concerne l'administration pénitentiaire. Ainsi, depuis 1993, celle-ci dispose de 150 emplois en surnombre de surveillants. En outre, compte tenu de l'accélération des départs du personnel pénitentiaire de surveillance générée par l'abaissement à 55 ans des limites d'âges, le ministère de la justice a été autorisé, pour prévenir une désorganisation des établissements, à recruter en 1998 et 1999 des élèves surveillants au-delà du nombre d'emplois budgétaires (150) réservés à cette catégorie. Il en résultera, en 1999, une situation d'élèves-surveillants en surnombre variables au cours de l'année compte tenu de la succession des promotion pour la formation de 8 mois : 400 en début d'année, 500 en milieu d'année et 300 en fin d'année. Ces surnombres, qui seront résorbés au moment de la nomination des agents en qualité de surveillant dans les établissements, permettront de pourvoir l'intégralité des emplois vacants.

Votre rapporteur ne peut que critiquer la pratique de ces surnombres qui nuit à la transparence du budget et sert à tourner les rigidités liées au statut du personnel du service public de la justice.

C. LES DIFFICULTÉS LIÉES AU RETOUR DE DÉTACHEMENT

Votre rapporteur défend l'ouverture du corps de la magistrature sur le monde extérieur, à la fois par le recours au tour extérieur mais également par le développement des détachements de magistrats dans d'autres administrations ou auprès d'organismes nationaux ou internationaux.

Or, les initiatives dans ce sens sont freinées par les difficultés que les magistrats peuvent rencontrer pour être de nouveau affectés dans leur corps d'origine. En effet, ces magistrats sont soumis aux mêmes règles de nominations que leurs collègues. Avant d'être nommés dans un poste, il faut donc qu'ils figurent sur le projet de nomination de la Chancellerie (ou du Conseil supérieur de la magistrature, selon le poste), puis que la transparence soit publiée. Après l'expiration du délai de recours contre la proposition de nomination, celle-ci doit être examinée par le Conseil supérieur de la magistrature. Un nouveau délai intervient donc avant la nomination définitive. L'ensemble de la procédure prend donc plusieurs mois. Or, tant que le magistrat en détachement n'est pas nommé définitivement, il ne touche aucune rémunération. Si le détachement s'est terminé de manière anticipée ou sans préavis, le magistrat peut ne pas avoir eu le temps d'organiser son retour et il se retrouve alors sans poste ni salaire.

Une telle situation n'est pas acceptable et votre rapporteur plaide pour une révision des textes de telle sorte que le magistrat puisse être rémunéré en attendant sa nouvelle nomination.

CHAPITRE III

LE TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS : LES SPÉCIFICITÉS ET LES BESOINS D'UNE JURIDICTION HORS DU COMMUN

Votre rapporteur a décidé cette année de consacrer son étude thématique au Tribunal de grande instance de Paris. Deux raisons expliquent ce choix. D'une part, certaines divergences entre la Chancellerie d'une part et le Président du tribunal ainsi que le Procureur de la République d'autre part étaient apparues sur l'évaluation de l'activité du Tribunal de grande instance de Paris. D'autre part, alors que chacun se félicite de l'augmentation des crédits du budget de la justice, il apparaît utile de voir quel est l'impact réel de cette hausse des crédits sur une juridiction donnée. C'est pourquoi votre rapporteur s'est attaché à examiner les caractéristiques du Tribunal de grande instance de Paris ainsi que ses besoins.

I. LES SPÉCIFICITÉS DU TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS

La Chancellerie avait publié, le 23 mars 1998, dans une note relative à la localisation des emplois de magistrats, de fonctionnaires et d'assistants de justice, les chiffres et les classements retenus comme critères pour apprécier la charge des juridictions et procéder à la répartition des emplois.

Pour évaluer la productivité des juridictions, tout le contentieux était globalisé, quelle que soit la matière, et étaient retenus comme critères :

- le nombre d'affaires civiles et correctionnelles nouvelles (flux),

- le nombre d'affaires civiles et correctionnelles terminées (productivité),

- le nombre d'affaires civiles en cours (stock).

Il en résultait le tableau suivant.

Ainsi, la productivité du Tribunal de grande instance de Paris apparaissait inférieure de 40 % à la moyenne nationale et la comparaison des stocks révélait une situation beaucoup plus difficile dans les tribunaux de province qu'à Paris.

Cette analyse a été contestée par le Président et le Procureur de la République du tribunal qui ont estimé que si ces chiffres constituent des éléments d'appréciation du fonctionnement d'une juridiction, en particulier sur la durée pour un même tribunal, ils ne permettent pas de comparer des tribunaux lorsque la structure de leurs contentieux est différente et que ces chiffres ne fournissent aucun élément qualitatif sur le travail effectué.

Votre rapporteur défend les arguments du Président et du Procureur de la République du Tribunal de grande instance de paris et entend démontrer que ce dernier se caractérise par de nombreuses spécificités.

A. DES SPÉCIFICITÉS EN MATIÈRE DE COMPÉTENCE POUR LE TRAITEMENT ET LE JUGEMENT DES DOSSIERS

1. Une compétence quasi nationale du Tribunal de grande instance de Paris dans certains domaines

Au cours des dernières années, la juridiction a progressivement acquis, en droit ou en fait, une compétence quasi nationale dans de nombreux domaines.

Ainsi, en matière de terrorisme , la compétence nationale du TGI de Paris a été reconnue par la loi du 9 septembre 1986. Ce regroupement des procédures a nécessité l'organisation d'audiences correctionnelles et d'audiences criminelles composées exclusivement de magistrats professionnels.

En 1997, 17 affaires de terrorisme corse, basque, turc et islamiste ont nécessité 87 audiences entières. En 1998, avec 8 dossiers, dont l'affaire " Chalabi " regroupant 138 prévenus, ont été tenues ou sont déjà prévues 65 audiences entières.

De même, les problèmes collectifs de santé publique relèvent pour la plupart du TGI de Paris, qu'il s'agisse du sang contaminé, avec les " audiences fleuves " de l'été 1992 et les 100 tomes actuellement instruits, de l'amiante, ou encore de la " vache folle ".

Paris est également le lieu privilégié des affaires à caractère politique ou médiatique, comme celles des écoutes de l'Elysée, des fichiers électoraux parisiens etc. En 1997, 28 affaires de " presse " ont , à elles seules, nécessité la tenue de 31 audiences entières.

Par ailleurs, c'est à Paris qu'est concentrée la majeure partie de la délinquance économique , concernant le droit du travail, la publicité mensongère, les contrefaçons. Au cours de l'année 1997, 13 affaires ont nécessité 21 audiences complètes, tandis qu'en 1991 et 1992 le procès des fausses factures d'Ile-de-France avait à lui seul occupé plus de 60 audiences.

Enfin, en matière financière, la juridiction parisienne a une compétence quasi nationale, qu'il s'agisse de la bourse, des banques, de corruption, d'abus de biens sociaux, d'infractions concernant les marchés publics...

2. Un contentieux particulièrement complexe

En ce qui concerne les affaires civiles, la spécificité du contentieux parisien réside dans le fait que les affaires familiales représente 19 % des affaires civiles du TGI de Paris, alors que la moyenne nationale s'élève à 39 %. Le contentieux général représente 36 % contre 24 % en moyenne nationale. Enfin, le contentieux des référés constitue 27 % du contentieux du TGI de Paris contre 15 % en moyenne nationale.

Il apparaît donc que c'est la répartition des affaires par type de contentieux et, partant, de complexités diverses, qui explique en partie qu'à Paris moins d'affaires soient globalement traitées par magistrat qu'en province.

En 1998, le TGI de Paris traite environ 80 % des affaires de brevets en France . Or, chaque litige relatif à un brevet d'invention, que ce soit au fond ou en référé-interdiction, implique pour les magistrat un travail extrêmement lourd. A l'évidence, un jugement rendu en matière de brevet n'équivaut pas à un autre jugement.

Il en va de même de la plupart des affaires de propriété littéraire et artistique en raison soit de la difficulté des points de droit nationaux et internationaux qu'elles posent, soit de la contestation élevée sur le caractère contrefait de l'oeuvre invoquée, impliquant de lire ou de visionner non seulement les oeuvres en cause pour une nécessaire comparaison, mais encore d'autres oeuvres antérieures.

Le contentieux de la construction , également fort complexe, se déroule essentiellement devant le TGI de Paris, dans le ressort duquel la plupart des compagnies d'assurance ont leur siège.

Les litiges qui sont soumis à la 9 ème chambre civile, spécialisée en droit bancaire, sont en général d'une ampleur financière notable ou concernent des montages financiers sophistiqués, organisés depuis la place financière de Paris.

On pourrait encore citer le contentieux fiscal des droits d'enregistrement, le contentieux successoral, le contentieux de l'immobilier etc... dont la complexité n'est plus à démontrer.

B. DES SPÉCIFICITÉS EN MATIÈRE DES EFFECTIFS RÉELLEMENT CONSACRÉS À L'ACTIVITÉ JURIDICTIONNELLE

1. L'affectation d'une partie non négligeable des magistrats aux tâches d'administration

En raison de la taille du Tribunal de Paris qui a 337 postes budgétaires de magistrats du siège et 778 postes budgétaires de fonctionnaires du greffe, le Président du Tribunal doit être entouré d'une équipe de collaborateurs pour administrer sa juridiction.

La Présidence doit consacrer d'importants moyens pour coordonner les différents secteurs d'activité en liaison avec l'important barreau parisien, l'ensemble des professions judiciaires et les nombreuses instances administratives compte tenu du statut particulier de cette ville, à la fois commune, département et capitale.

Aux côtés immédiats du Président se trouvent trois magistrats : un secrétaire général, un secrétaire général adjoint et un vice-président chargé de mission, ce dernier s'occupant spécialement de la mise en place de la chaîne civile en matière informatique et assistant le Président tant au sein du tribunal que dans les relations du tribunal avec l'extérieur et bénéficiant de l'aide d'un magistrat affecté dans une chambre civile.

Le TGI est divisé en trois secteurs : civil, pénal, administratif, ayant chacun à sa tête un Premier vice-président chargé d'une mission d'organisation et d'administration dans son secteur. Un vice-président est affecté à mi-temps à la direction et au contrôle de la distribution des affaires entre les 28 sections des 11 chambres civiles et à l'organisation de la Chambre des Urgences. Par ailleurs, un juge d'instruction travaille aux côtés du premier vice-président chargé du service pénal afin de l'aider dans l'administration des cabinets d'instruction.

Il convient de noter également le rôle administratif joué par le vice-président responsable du tribunal pour enfants et par celui qui a la charge des affaires familiales ; compte tenu de la taille de leur service, ces vice-présidents ont des responsabilités assez compatibles à celles d'un président de juridiction.

La taille du Tribunal de grande instance de Paris conduit également à affecter des magistrats du parquet à des tâches administratives et de gestion d'intérêt commun très diverses.

La participation nécessairement active du secrétariat général du parquet au fonctionnement de la juridiction a conduit, de façon permanente, à renforcer le poste de secrétaire général par un second magistrat prélevé sur l'effectif des sections.

La montée en puissance des outils informatiques commande l'affectation à temps plein de magistrats aux cellules informatiques. Ainsi, un parquetier assure la responsabilité de la cellule informatique pénale du tribunal.

Le volume du contentieux pénal traité par Paris conjugué à l'insuffisante dotation du parquet en cadres A expérimentés et formés à la gestion d'unités importantes, impose de confier à des magistrats la direction de services, qui dans d'autres juridictions, ne comprennent que des fonctionnaires. Tel est le cas du service de la 13ème section du parquet au sein de laquelle deux magistrats dirigent le service du bureau d'ordre et de l'audiencement correctionnel qui compte 75 fonctionnaires. Cette équipe doit faire face à l'enregistrement de quelques 300.000 procès-verbaux par an et à l'organisation de 90 audiences correctionnelles hebdomadaires.

La multiplication des investissements nouveaux demandés à l'institution dans des domaines aussi divers que l'aide à l'accès au droit, le développement des emplois de proximité, la mise en place et le développement d'outils de communication institutionnels amène également les magistrats du parquet à se consacrer pour une part importante de leur activité à des tâches administratives d'un nouveau genre.

Ainsi, si l'on tient compte en 1997 et 1998 du nombre de magistrats nommés au parquet de Paris mais qui n'y consacrent pas leur activité, c'est environ 18 % de l'effectif du parquet qui ne concourt pas au traitement des procédures civiles, pénales et commerciales.

Il convient en outre de rappeler que l'organisation du parquet de Paris en sections très spécialisées, qui sont les correspondantes attitrées de sections de l'instruction et de chambres correctionnelles également spécialisées, conjuguée à l'éclatement géographique de ces différentes unités sur l'ensemble du site du palais de justice, limite considérablement les possibilités de mouvements non préparés de magistrats d'une section à une autre.

Enfin, il doit être rappelé que l'effectif budgétaire du parquet de Paris a connu une baisse puisque de 112 magistrats en 1987, il n'est plus que de 109 en 1998.

2. L'importance des mises à disposition

Comme l'a fait remarquer votre rapporteur lors de l'examen des crédits affectés aux services judiciaires, le Tribunal de grande instance de Paris est particulièrement affecté par les mises à disposition, que ce soit au niveau des magistrats du siège, du parquet ou encore des greffiers. Ainsi, sur 337 postes budgétaires de magistrats du siège, 19 sont en réalité ne sont pas occupés suite à une mise en disposition.

En ce qui concerne le parquet, de nombreux magistrats sont mis à disposition d'autres entités, et notamment à ce jour au bénéfice :

-  des secrétariats généraux de la Cour d'Appel de Paris et de la Cour de Cassation : six magistrats du parquet sont dans cette situation ;

- des juridictions ou administrations, les plus diverses : services du premier ministre, ministère des affaires étrangères, autorités administratives indépendantes, parquet général de la Cour des Comptes...; six magistrats du parquet sont à ce jour dans cette situation.

Cette pratique gèle de façon constante de dix à douze postes de magistrats du parquet.

Cette ponction sur les effectifs du parquet de Paris est particulièrement contestable en ce qu'elle se fait fréquemment avec un préavis limité voire inexistant et sans que le remplacement du magistrat affecté dans un autre service soit préalablement assuré. Lorsqu'ils concernent une section très spécialisée ou un magistrat en charge de dossiers sensibles et complexes, ces départs précipités perturbent considérablement l'organisation du travail des sections et celle du parquet dans son ensemble.

En outre, votre rapporteur rappelle que le parquet de Paris supporte en permanence un équivalent plein temps de quatre postes de magistrats bénéficiant de décharges d'activité pour des motifs divers : élection au Conseil Supérieur de la Magistrature ou à la commission d'avancement, mandats syndicaux, congé formation, mi-temps familial...

Enfin, sur 385 greffiers, 50 sont en réalité mis à disposition auprès de la Chancellerie.

II. DES BESOINS À SATISFAIRE

Alors que le budget de la justice pour 1999 est en hausse de 5,6 %, les ressources du TGI de Paris ne répondent qu'imparfaitement aux spécificités de cette direction.

Suite aux entretiens avec le président et le procureur de la République du Tribunal de grande instance de Paris, votre rapporteur a essayé d'évaluer le montant du budget qui permettrait un meilleur fonctionnement du TGI de Paris.

D'une part, il faudrait envisager un budget de base de 16 millions de francs afin de couvrir les dépenses de fonctionnement courant de la juridiction : menues réparations, marché blanchisserie/sanitaires, frais de correspondance, fournitures...

D'autre part, le budget de programme devrait être augmenté de 5 millions de francs afin de pouvoir réaliser tous les travaux de rénovation des locaux, des installations téléphoniques, du matériel technique... A cet égard, votre rapporteur rappelle que le TGI occupe une superficie de 45.000 m2 hors sous-sol, comprenant de nombreux couloirs de circulation, de multiplies bureaux, mais également une vingtaine de salles d'audience avec des dépendances dont la plupart n'ont pas été refaites depuis plusieurs dizaines d'années. Or, le coût moyen d'une réfection complète de salle d'audience oscille entre 600.000 et 900.000 francs.

Face à ces besoins urgents, le budget du TGI de Paris diminue. Ainsi, il s'élevait à 29,877 millions de francs en 1997 contre 26,113 millions de francs en 1998. Pour l'année 1999, une demande de crédits de 30,808 millions de francs a été déposée, mais aucun arbitrage n'a encore été rendu.

C'est pourquoi votre rapporteur souhaite insister sur les besoins en effectif, en matériel informatique et en locaux.

A. LES BESOINS EN PERSONNEL

Alors que l'effectif budgétaire des magistrats du siège s'élève à 337, l'effectif réel se réduit à 302, du fait des vacances de postes et des mises à disposition (respectivement 109 et 94 pour les magistrats du parquet et 778 et 621 pour les fonctionnaires du Greffe).

En outre, l'équilibre de la répartition des tâches est trop souvent mis en danger par l'absence de concomitance entre les départs et les arrivées des magistrats.

Enfin, le TGI de Paris contribue de manière disproportionnée aux mises à disposition du fait de sa proximité géographique avec la Chancellerie et l'ensemble des institutions politiques.

Votre rapporteur demande donc que soient mis à la disposition du Président et du Procureur de la République les effectifs correspondant aux effectifs budgétaires prévus.

B. LES BESOINS EN INFORMATIQUE

En 1998, une demande globale de 3,3 millions de francs avait été formulée pour couvrir les besoins en informatique civile (évalués à 1,5 million de francs) et en informatique pénale (estimés à 1,8 million de francs). Or, la dotation mise à disposition du Tribunal de grande instance de Paris s'est élevée à 1,323 million de francs, entraînant le report de nombreuses opérations jugées pourtant nécessaires.

En matière d'informatique pénale, 4 priorités étaient recensées :

- l'équipement informatique du tribunal pour enfants. Celui-ci date de 1991, le matériel n'a fait l'objet d'aucun renouvellement tandis que le logiciel n'a connu aucune évolution depuis l'origine ;

- l'informatisation du service de démarchage financier, qui s'occupe de la délivrance des cartes professionnelles et des autorisations sollicitées par les entreprises de recouvrement ;

- l'équipement informatique des magistrats du service pénal.

Seule cette dernière priorité a été réalisée.

En matière d'informatique civile, 6 opérations à caractère inéluctable (renouvellement du parc informatique de 11 magistrats, extension du réseau interne pour permettre une connexion de tous les utilisateurs...) et 13 opérations prioritaires étaient avancées. Faute de crédits, seules les opérations à caractère inéluctable et une opération prioritaire ont pu être financées.

Par ailleurs, votre rapporteur souhaite rappeler que les retard en informatique sont également considérables au parquet. De plus, alors que la présence d'un ingénieur informatique serait indispensable pour gérer l'ensemble des applications et assurer le bon fonctionnement des outils informatiques, cette mission est déléguée à un magistrat qui dirige l'instance "informatique, moyen et formation".

C. LES BESOINS EN LOCAUX

Les études menées dans le cadre du schéma directeur immobilier du palais de justice de Paris ont mis en évidence pour le Tribunal de grande instance une surface utile totale (hors circulation et sous-sol) de 37.435 m², alors que 74.881 m² seraient nécessaires pour satisfaire les besoins de cette juridiction, soit une surface double à celle qui existe.

A cet égard et alors que de nombreux magistrats ne disposent pas de bureaux et sont obligés d'emporter les dossiers sur lesquels ils travaillent à leur domicile, avec tous les risques de perte ou de vol que ces manipulations entraînent, votre rapporteur s'étonne de la présence du barreau dans les locaux du palais.

Dans son rapport sur la gestion administrative et financière des cours et tribunaux judiciaires présenté au Garde des Sceaux le 20 mai 1998, la Cour des comptes constate en effet : " le palais de justice de Paris, où l'espace est mesuré, est une illustration du caractère non seulement irrégulier, mais surprenant de la situation constatée dans les bâtiments judiciaires. Jusqu'à une période récente en effet, le barreau n'avait pratiquement pas d'autre implantation que le palais, où travaillaient tous ses salariés, soit environ 150 agents dans trois emprises distinctes totalisant plus de 3.000 m². La création d'un centre de formation à l'extérieur du palais, puis l'ouverture d'une maison de l'avocat, en face du palais, n'avaient entraîné, lors du contrôle de la Cour, aucune restitution de locaux aux juridictions. "

Votre rapporteur ne manquera pas d'interroger le Garde des Sceaux sur cette situation.

Outre l'exiguïté des locaux, votre rapporteur regrette leur mauvais état. Trois constats transmis par le président du tribunal de grande instance de Paris à votre rapporteur témoignent de la situation :

- le constat fonctionnel : manque de surfaces ; dispersion des services, imbrication des espaces, éclatement des fonctions ; conditions de travail très difficiles, pertes de temps, difficultés de communication ; impossibilité d'évolution et coûts de fonctionnement élevés ; difficulté d'accès pour les handicapés ;

- le constat de l'état technique du bâtiment : une structure saine, mais des charpentes métalliques corrodées et d'une tenue au feu insuffisante ; des installations de chauffage vétustes ; une ventilation inadaptée ou inexistante ; des réseaux électriques non conformes ; des réseaux de distribution et d'évacuation des eaux vétustes et non conformes ;

- le constat sécurité incendie : des risques de départ de feu nombreux ; des risques de propagation élevés ; des systèmes de détection et d'alarme lacunaires ou inexistants ; des systèmes d'extinction insuffisamment entretenus ; une évacuation insuffisamment organisée. Selon les informations recueillies par votre rapporteur, il convient toutefois de nuancer ce constat établi lors de l'élaboration du schéma directeur d'une part, un poste central de sécurité dirigé par un colonel des pompiers et comprenant un groupe de pompiers a été mis en place. D'autre part, une étude mise en sécurité a été effecutée par la Cour d'appel et les travaux devraient commencer en 1999.

Par ailleurs, le Tribunal de grande instance de Paris ne dispose pas d'une salle d'audience susceptible d'accueillir plusieurs centaines de personnes. Or, cette absence se fera gravement sentir dans la perspective des dossiers comme l'affaire dite du Sentier ou encore l'affaire des syndics d'Ile de France que le tribunal aura à juger prochainement.

Votre rapporteur plaide donc en faveur de la construction d'un nouveau palais de justice . Certes, le coût est élevé (3 milliards de francs environ), mais cette dépense paraît inévitable pour doter la capitale de la France d'un palais de justice adapté à l'ampleur de ses activités. Il questionnera donc le Garde des Sceaux sur l'état d'avancement de ce dossier.

En attendant, votre rapporteur tient à signaler que la délocalisation d'une partie des services financiers et de l'instruction va libérer 1.200 m² environ qui devraient être partagés entre la cour de cassation, la cour d'appel et le tribunal de grande instance, offrant l'opportunité d'une amélioration de l'organisation des services sur le site du palais de justice.

Toutefois, pour éviter une occupation désordonnée de ces locaux ou leur inoccupation prolongée, un programme de travaux immédiats de rénovation s'impose. L'importance de cette opération, qui peut être évaluée entre 8 et 10 millions de francs, interdit son financement sur les crédits de fonctionnement du tribunal.

Votre rapporteur demandera au Garde des Sceaux lors de l'examen des crédits du ministère de la justice en séance publique que des moyens financiers soient prévus pour réaliser les travaux nécessaires.

CHAPITRE IV

LA RÉFORME DES TRIBUNAUX DE COMMERCE

Le rapport de la commission d'enquête parlementaire et le rapport d'inspection conjointe de l'inspection générale des services judiciaires et de l'inspection générale des finances ont révélé de nombreux dysfonctionnements dans l'organisation de la justice commerciale. Les principaux constats de ces rapports sont les suivants :

- une qualité très hétérogène des décisions rendues ;

- une grande diversité dans la pratique des procédures, notamment en ce qui concerne le principe du contradictoire et de la collégialité ;

- des connaissances juridiques et une formation parfois insuffisantes de certains juges consulaires ;

- une disponibilité insuffisante pour piloter les procédures et contrôler les mandataires de justice. Les juges consulaires doivent en effet concilier les contraintes de leur vie professionnelle et leur fonction au sein de la juridiction ;

- des risques de conflits d'intérêt liés à la proximité avec les justiciables.

Devant ce constat, le Garde des Sceaux a fort justement lancé une réforme de structure de la justice commerciale, visant notamment à revoir la carte judiciaire, à introduire la mixité dans les tribunaux de commerce, à renforcer le contrôle des greffiers et à revoir leurs tarifs 7( * ) .

I. LA RÉFORME DE LA CARTE JUDICIAIRE

Les tribunaux de commerce, composés de juges élus et d'un greffe privé, constituent la forme dominante mais non exclusive de l'organisation de la justice commerciale en France. Dans les circonscriptions où il n'existe pas de tribunal de commerce, c'est le Tribunal de grande instance qui est responsable du contentieux commercial.

Aujourd'hui, il existe :

- 227 tribunaux de commerce ;

- 23 juridictions composées de magistrats professionnels statuant en matière commerciale, au sein des Tribunaux de grande instance ;

- 14 juridictions échevinées, à savoir les 7 chambres des tribunaux de grande instance d'Alsace Moselle et les 7 tribunaux mixtes de commerce d'oure-mer.

Or, la carte judiciaire n'est manifestement plus adaptée à la réalité économique et géographique des bassins d'emplois : elle n'a pas été retouchée depuis la loi du 16 octobre 1809. Elle néglige les techniques et les infrastructures modernes de communication qui permettent des relations rapides, régulières et sûres : les temps de trajet importent désormais plus que les distances, ce qui oblige à repenser la notion de proximité.

Par ailleurs, la carte des tribunaux de commerce est très émiettée, ce qui conduit, dans un grand nombre de juridictions, à un niveau d'activité trop faible pour garantir la qualité des décisions rendues.

Le rapport Carrez avait dénombré, en février 1994, 71 tribunaux de commerce traitant à la fois moins de 200 affaires nouvelles de contentieux général et moins de 100 procédures collectives par an. Or, il rappelait qu' " à l'occasion de l'élaboration de la circulaire du 27 avril 1988 relative à la détermination des effectifs des tribunaux de commerce, la Chancellerie et la Conférence générale des tribunaux de commerce s'étaient accordées pour considérer que le niveau minimum permettant d'assurer un bon fonctionnement des juridictions consulaires, se situait autour de 500 affaires par an, soit 10 affaires par juge et par mois pendant 10 mois par an pour un tribunal de 5 juges . "

En outre, l'implantation d'un tribunal dans un ressort de faible dimension ne garantit pas la distance et d'indépendance que le juge, issu du milieu économique local, doit avoir vis-à-vis des justiciables.

C'est pourquoi le gouvernement a fait de la réforme de la carte judiciaire des tribunaux de commerce dans six cours une priorité dès 1998. Il s'agit des cours comptant le plus grand nombre de juridictions consulaires (Caen, Dijon, Montpellier, Riom, Rouen) et de la cour de Poitiers qui présente plusieurs petits tribunaux commerciaux, des tribunaux de grande instance faiblement actifs et mal répartis et une urgence à régler des questions immobilières.

La situation des autres tribunaux de commerce devrait être étudiée en 1999 de telle sorte que la situation des juridictions consulaires soit entièrement traitée fin 1999.

Votre rapporteur se félicite de cette réforme, même s'il doute qu'elle soit achevée avant la fin de l'année 1999 . En effet, la Chancellerie, souhaite traiter ce sujet avec pragmatisme, et, en conséquence, fait preuve d'une très grande prudence. Ainsi, afin de justifier les propositions à venir, elle a demandé à ce que soient prises en compte " les données, sociales, sociologiques, culturelles, géographiques, climatiques, démographiques ainsi que l'état des voies de communication ou l'existence d'un pays " !

En outre, la Chancellerie estime que la prise en compte des données locales nécessite une concertation approfondie, sur place, entre les personnes chargées d'étudier la réforme de la carte judiciaire et les parties directement concernées. Cette concertation est organisée par les chefs de cour, pour toutes les relations avec les autorités et les organisations représentatives des magistrats, des fonctionnaires et des autres professions concernées par la réforme. Les préfets sont chargés des relations avec les élus locaux.

Votre rapporteur reconnaît l'importance de la concertation. Toutefois, il rappelle que celle-ci ne doit pas paralyser la réforme de la carte judiciaire et que la Chancellerie aura obligatoirement à passer outre les protestations de certains intérêts catégoriels. C'est pourquoi il préconise d'expérimenter dans trois ressorts de cours d'appel une présence judiciaire améliorée qui s'accompagnerait des moyens financiers nécessaires pour en assurer le succès.

II. L'INTRODUCTION DE LA MIXITÉ DANS LES FORMATIONS DE JUGEMENT

La justice consulaire est fondée sur le principe d'une " justice des marchands rendue par les marchands " dont l'origine remonte aux foires du Moyen-Age. Un édit royal rédigé en 1563 par Michel de l'Hospital a institué en France des juridictions consulaires composées de juges élus par leurs pairs. Consacré par la loi des 16-24 août 1790 puis par le code du commerce de 1807, l'organisation et le fonctionnement des tribunaux de commerce n'ont fait, depuis lors, l'objet d'aucune réforme d'ampleur.

Les formations de jugement des tribunaux de commerce sont exclusivement composées de juges consulaires élus. Ils sont en pratique, soit des commerçants, soit des cadres d'entreprise. Ils participent bénévolement au fonctionnement du service public de la justice.

La réforme proposée se fonde sur le principe de la mixité, c'est-à-dire l'association de juges élus et professionnels dans une même formation de jugement. Une loi relative à la composition et au fonctionnement des tribunaux de commerce devrait être présentée au cours du premier trimestre prochain. Elle a pour objectif d'assurer une justice de qualité puisque se trouveront réunies la connaissance des règles de fond et de procédure des magistrats professionnels et la perception, pour chaque affaire, de sa dimension économique par les juges consulaires.

Votre rapporteur estime que cette réforme ne va pas assez loin et que le système de l'échevinage qui existe en Alsace Moselle et dont l'efficacité est reconnue par tous aurait pu inspirer la réforme des tribunaux de commerce . En effet, la solution préconisée par la Chancellerie ne règle pas tous les problèmes, notamment celui de la présidence de la formation de jugement et celui du statut des greffes.

En revanche, votre rapporteur approuve la décision du Gouvernement de créer un véritable statut du juge consulaire afin de renforcer son impartialité et la qualité de ses jugements.

De nouvelles règles d'incompatibilité devraient être créées et les dispositions visant à empêcher toute interférence entre les fonctions juridictionnelles et l'exercice d'une activité professionnelle ou de mandats judiciaires devraient être renforcées.

Par ailleurs, tous les juges devraient être soumis à l'obligation de souscrire une déclaration de leurs intérêts économiques. Les règles disciplinaires seraient renforcées afin d'assurer l'effectivité des poursuites contre les juges et les anciens juges consulaires.

En outre, une formation renforcée des juges consulaires serait organisée par l'Ecole nationale de la magistrature.

Enfin, le régime électoral des juges consulaires serait modifié en vue d'élargir le corps électoral et de renforcer la transparence du processus d'élection.

III. LE RENFORCEMENT DU CONTRÔLE DES GREFFIERS DES TRIBUNAUX DE COMMERCE ET LA RÉVISION DE LEUR TARIF

Les greffiers des tribunaux de commerce sont des professionnels libéraux titulaires d'une charge d'officier public et ministériel. Le rapport de la commission d 'enquête parlementaire et le rapport d'inspection conjointe de l'inspection générale des services judiciaires et de l'inspection générale des finances ont mis en valeur certains dysfonctionnements concernant les tarifs pratiqués et les contrôles existants.

Le décret du 29 avril 1980 précise que les émoluments alloués aux greffiers sont constitués d'un droit prévu pour chaque acte, formalité ou procédure, égal soit au montant du taux de base, soit à un multiple ou sous-multiple de ce taux, fixé à 6,6 francs. Or, le taux de base des émoluments n'a pas été modifié depuis 1986.

Toutefois, le développement de services de diffusion électronique des informations du registre du commerce et des sociétés et l'absence de tarifs réglementés a largement permis aux greffes de compenser la faible rémunération des autres actes juridiques et judiciaires du fait de la liberté des tarifs relatifs à ces actes et du grand succès d'infogreffe.

En ce qui concerne le contrôle exercé sur les greffes, il est à noter que contrairement aux autres professions d'officiers publics ou ministériels, il n'existe pas d'instance professionnelle assurant la discipline des greffiers des tribunaux de commerce. Aussi, l'action disciplinaire ne peut être exercée que par le procureur de la République. Dans les faits, les inspections du greffe, qui s'effectuent à un rythme quadriennal, ne se traduisent pas par un véritable contrôle.

C'est pourquoi la Chancellerie a décidé de mieux organiser les contrôles et de modifier les règles tarifaires.

Les contrôles se feront à deux niveaux.

Au premier degré, le contrôle se fera de manière systématique et périodique à l'échelon local, sous la direction du Procureur général. Il sera réalisé par les professionnels, accompagnés d'un commissaire aux comptes, à partir d'un cahier des charges validés par le Garde des Sceaux.

Au second degré, le contrôle sera mis en oeuvre par une mission d'inspection rattachée à l'inspection générale des services judiciaires. La Chancellerie dégagera à cette fin 6 emplois dès 1999 pour mettre en oeuvre de dispositif. Cette mission procédera à l'analyse des dysfonctionnements constatés ou suspectés grâce à l'intervention ponctuelle et rapide d'une équipe pluridisciplinaire.

Par ailleurs, un décret devrait désormais fixer la rémunération des greffiers pour les prestations fournies par le réseau télématique : le tarif des consultations d'infogreffe sur minitel devrait passer du palier 3629 (soit 9,21 francs par minute) au palier 3617 (soit 5,56 francs par minute), soit une baisse de 41 %.

Cette réforme sera complétée par une révision globale du tarif des greffes allant dans le sens d'une simplification et d'une adaptation aux missions effectivement accomplies.

Votre rapporteur, tout en se félicitant de ces réformes, aurait souhaité que la Chancellerie revienne sur le statut des greffes.

Comme l'ont fait remarquer les rapports précités, les greffes des tribunaux de commerce sont des entreprises privées très rentables, qui réalisent des bénéfices importants. Ainsi, 7 des 11 greffes d'Ile de France affichent un résultat net annuel supérieur à 10 millions de francs, au profit le plus souvent d'un ou de deux associés. A lui seul, le greffe du tribunal de commerce de Paris a dégagé un bénéfice de 54 millions de francs en 1996, pour un chiffre d'affaires de 155 millions de francs.

Certes, la qualité des greffes de commerce est reconnue par tous et ces derniers ont accompli d'importants efforts de productivité, grâce notamment à l'informatisation et à l'informatisation et à la diffusion des informations par voie électronique.

Toutefois, votre rapporteur estime que les bénéfices réalisés par les greffes des tribunaux de commerce en accomplissant une mission de service public sont trop élevés. Alors que tous les greffes des tribunaux de droit commun ont été nationalisés en 1965, il considère le maintien du statut privé des greffes comme une anomalie et plaide pour leur nationalisation.

CHAPITRE V

LES MAIRES ET LA JUSTICE : LA NÉCESSITÉ D'UNE PLUS GRANDE COLLABORATION

L'IPSOS et le Courrier des maires ont réalisé une enquête en octobre 1998 sur la difficulté d'être maire. Il apparaît à travers ce sondage que la complexité des réglementations et des normes constituent la principale difficulté rencontrée par les maires dans l'exercice de leurs fonctions (52 %). Viennent ensuite les responsabilités croissantes au niveau juridique (41 %) et le manque de moyens humains et financiers (39 %).

Dans les communes de plus de 2.000 habitants, les responsabilités au niveau juridique sont autant mises en avant que la complexité des réglementations. Il semble donc que l'importance accordée aux risques judiciaires constitue un élément nouveau par rapport à il y a quelques années.

Le Congrès des maires de France qui s'est tenu le 18 novembre 1998 a confirmé le malaise existant chez les quelques 36.000 maires et plus de 100.000 adjoints, tous officiers de police judiciaires, qui sont confrontés à la complexité de la législation, à son instabilité et à l'insécurité des contrôles qui s'exerce sur eux.

En outre, le développement de la mise en cause pénale des élus locaux rend l'incertitude juridique d'autant plus insupportable. Le phénomène est loin d'être négligeable puisque 700 décideurs locaux, dont 64 élus sont actuellement mis en examen, pour une grande part d'entre eux pour des faits non intentionnels.

Par ailleurs, les maires, ainsi que leurs adjoints, en tant qu'officiers de police judiciaire en application de l'article 16-1 er du code de procédure pénale, sont directement concernés par le développement de la délinquance puisque c'est en grande partie sur leur capacité à l'enrayer que les citoyens les jugent. Ils ont donc intérêt à travailler en concertation avec le Parquet ainsi qu'avec les services de police et de gendarmerie. Pourtant, leur attitude vis-à-vis des magistrats (et parfois vice-versa) est trop souvent ambiguë, mélange d'attentes très fortes et de méfiance.

C'est pourquoi votre rapporteur plaide pour une étroite coopération entre les maires et les procureurs aussi bien en matière de réglementation ou de responsabilité pénale qu'en matière de lutte contre la délinquance. Elle permettrait à la fois aux maires de faire part des difficultés qu'ils peuvent rencontrer dans l'exercice de leurs missions, d'obtenir des conseils et d'éviter certaines erreurs, notamment dans le domaine de l'urbanisme. En outre, elle favoriserait le dialogue entre maires et renforcerait l'efficacité de la lutte contre l'insécurité.

C'est pourquoi votre rapporteur exhorte le Garde de Sceaux, dans le cadre des directives générales adressées aux procureurs généraux et aux procureurs de la République, d'encourager ces derniers à se rapprocher des associations de maires.

Les objections à cette proposition ne vont pas manquer. Seront évoquées la séparation des pouvoirs, la confusion des genres, la dépendance de la magistrature... Afin de bien identifier l'ensemble des questions qui se posent et des obstacles légitimes qui pourraient être invoqués à l'encontre de cette coopération entre maires et procureurs, votre rapporteur vous propose que le Garde des Sceaux confie à un parlementaire la mission de dresser un état des lieux en liaison avec l'inspection générale des services judiciaires et de faire des recommandations pour régler cette importante question, source de bien des malentendus.

A cet égard, votre rapporteur tient à rappeler que dans son rapport " les infractions sans suite ou la délinquance mal traitée ", il avait montré qu'une meilleure coopération entre les maires et les parquets et les forces de police et de gendarmerie est, non seulement, possible, mais tout à fait positive. En outre des initiatives locales qui mériteraient d'être mieux connues le prouvent.


Ainsi, dans le Val d'Oise, à l'initiative du procureur de la République de Pontoise, un secrétariat permanent chargé des relations avec les élus locaux avait été mis en place. Cinq zones de délinquance avaient été délimitées et le procureur réunissait une fois par trimestre les maires des communes les plus importantes pour examiner avec eux la situation de la délinquance dans la zone considérée. Cette initiative intéressante n'a pas été poursuivie faute de moyens, alors qu'elle aurait dû susciter l'intérêt de la Chancellerie.

Dans le Haut-Rhin, à la suite notamment des critiques formulées par certains maires au cours de la campagne électorale sénatoriale de 1995, le commandant du groupement de gendarmerie a proposé au préfet un dispositif de concertation permanent. Ont ainsi été expérimentées des structures de prévention de la délinquance en zone gendarmerie à un double niveau :

- la création de groupes de prévention dans chaque circonscription de brigade de gendarmerie réunissant le conseiller général, les maires, le commandant de compagnie et de la brigade de gendarmerie territorialement compétent ;

- l'instauration de conseils de prévention compétents pour une zone adaptée à l'organisation territoriale de la gendarmerie qui réunissent autour du sous-préfet, le procureur, les parlementaires, les conseillers généraux, etc...

PREFECTURE DU HAUT-RHIN

CABINET DU PRÉFET

DB/OA

DÉCISION

portant création de structures de prévention
de la délinquance en zone Gendarmerie

--=--

LE PRÉFET DU HAUT-RHIN
OFFICIER DE L'ORDRE NATIONAL DU MÉRITE

VU la loi N° 82-213 du 2 mars 1982 relative aux droits et libertés des communes, des départements et des régions,

VU le décret 82-389 du 10 mai 1982 modifié relatif aux pouvoirs de Préfets et à l'action des services et organismes publics de l'Etat dans les départements,

VU l'avis favorable du comité départemental de prévention de la délinquance du 9 février 1995,

VU l'avis favorable du comité du plan départemental de sécurité du 21 novembre 1995,

VU l'avis favorable de M. le Procureur général,

VU l'accord de MM. les Procureurs de la République,

CONSIDERANT qu'il est souhaitable de développer les actions de prévention de la délinquance en zone Gendarmerie

DECIDE

Article 1er : Il est créé, dans le département du Haut-Rhin, des structures de prévention de la délinquance en zone Gendarmerie associant les autorités administratives et judiciaires, les élus et les associations aux responsables de la Gendarmerie.

Article 2 : Dans chaque circonscription de brigade de Gendarmerie, un groupe de prévention réunit le ou les Conseiller(s) Général(aux), les Maires, les Commandants de la compagnie et de la brigade de Gendarmerie territorialement compétent.

Les travaux du groupe de prévention doivent permettre d'améliorer la connaissance objective du phénomène de la délinquance au plan local et permettre aux différentes parties de proposer des actions conjointes dans le domaine de la prévention. Les services de l'Etat concernés, et le cas échéant, les associations, peuvent être invités à participer aux travaux.

Le secrétariat du groupe de prévention est assuré par la Gendarmerie. Un compte rendu succinct de chaque réunion sera adressé par le Commandant de la Compagnie aux deux coprésidents du conseil de prévention concerné.

Article 3 : Des conseils de prévention sont créés. Ils sont compétents pour une zone prenant en compte l'organisation territoriale de la Gendarmerie et cohérente du point de vue de la prévention de la délinquance.

Le découpage des zones, ci-joint, a été réalisé selon ces principes. Il peut être adapté en concertation entre les élus concernés par accord du Sous-Préfet et du Procureur compétents.

Ils sont chargés :

- d'analyser, dans un dialogue renforcé avec la Gendarmerie, le phénomène de la délinquance dans leur circonscription ainsi que sa perception dans la population en prenant notamment en compte les études de la Gendarmerie et les travaux des groupes de prévention,

- de permettre l'échange entre les différents acteurs de la prévention de la délinquance,

- de proposer des actions de prévention de la délinquance aux autorités municipales, administratives et judiciaires concernées, qui puissent être examinées, s'il y a lieu, en conseil départemental de prévention de la délinquance.

Ils comprennent :

- le sous-préfet d'arrondissement ou de Directeur de Cabinet pour l'arrondissement chef-lieu, coprésident,

- le Procureur de la République territorialement compétent, coprésident,

- le Commandant de la Compagnie de Gendarmerie et les Commandants des brigades situées dans le ressort géographique du conseil de prévention,

- le ou les Députés concernés,

- un Sénateur,

- les Conseillers Généraux concernés,

- des Maires désignés par chaque groupe de prévention, selon la répartition suivante :

. deux Maires pour les groupes de prévention regroupant moins de dix communes,

. trois Maires pour les groupes de prévention de dix à vingt communes,

. quatre Maires pour es groupes de prévention regroupant plus de vingt communes,

- les Chefs de Services de l'Etat dont l'action concerne la prévention de la délinquance ou leurs représentants :

. le Directeur départemental du Contrôle de l'Immigration et de la Lutte contre l'Emploi des Clandestins : dans les conseils de prévention de la délinquance situés en zone frontalière,

. le Directeur régional des Douanes et Impôts directs : dans les conseils de prévention de la délinquance situés en zone frontalière,

. le Directeur départemental des Affaires sanitaires et sociales,

. l'Inspecteur d'Académie,

. le Directeur départemental de la Protection de la Jeunesse.

CHAPITRE VI

LES INFRACTIONS SANS SUITE OU LA DÉLINQUANCE MAL TRAITÉE

I. PRÉSENTATION DE LA MISSION DE CONTRÔLE

La commission des finances a demandé à votre rapporteur spécial des crédits de la justice, d'effectuer un contrôle, sur pièces et sur place, sur le classement des plaintes et des procès-verbaux par les Parquets, ses causes et ses conséquences.

En effet, chaque année, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances, la commission des finances du Sénat regrette l'insuffisance des crédits mis à la disposition du ministère de la justice. Ainsi, ils s'élèvent à 23,9 milliards de francs en 1998 alors qu'un budget de 35 milliards de francs serait nécessaire pour que ce service public fonctionne correctement. Cette mission de contrôle avait donc pour objectif de constater les conséquences concrètes de l'insuffisance des moyens sur l'activité des juridictions et, notamment, sur celle du Parquet.

La publicité donnée à cette enquête a eu pour effet, alors que la question des classements apparaissait jusqu'à présent comme un sujet tabou, d'inciter certains procureurs à consacrer leur discours d'audience solennelle de la rentrée judiciaire 1998 à ce sujet.

Pour autant, le ton de ces discours a varié fortement d'une juridiction à l'autre. Ainsi certains procureurs se sont-ils efforcés de relativiser le classement sans suite et de prouver que le classement pour opportunité intervenait uniquement en cas de réelle justification.

Or, le pourcentage élevé de classements pour raison d'opportunité (entre 25 et 40%) et les disparités de taux observées selon les juridictions, ainsi que le sentiment d'une partie croissante de la population de l'absence de réponse judiciaire au traitement de la délinquance, contredisent ces discours.

Cette distorsion entre le discours officiel et la réalité, telle qu'elle est perçue par les justiciables, a conduit votre rapporteur à examiner de manière approfondie tout le processus de la " chaîne pénale ", du dépôt de la plainte à l'exécution des peines, en passant par les phases d'enquête, de poursuite et de jugement.

Il a ainsi pu constater que le classement, c'est à dire l'absence de suite donnée à une infraction est loin de résulter de la seule volonté du Parquet, mais peut également procéder de l'attitude de la victime, des moyens des services de police et de gendarmerie, voire des administrations tenues de dénoncer les infractions au Parquet, conformément à l'article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale.

Votre rapporteur s'est également attaché à rechercher les véritables motifs des classements sans suite et s'est donc penché sur le principe de " l'opportunité des poursuites " prévu par les dispositions de l'alinéa 1 de l'article 40 du code de procédure pénale, aux termes duquel le procureur de la République, lorsqu'une infraction à la loi pénale est constituée, " apprécie la suite à lui donner " et a donc le choix entre exercer l'action publique et poursuivre l'auteur devant la juridiction compétente, ou classer la procédure, même si l'auteur de l'infraction est connu.

Or, votre rapporteur a été obligé de constater que si le classement sans suite résulte souvent d'une analyse au cas par cas de chaque situation, il s'explique également par la nécessité, faute de moyens suffisants à la disposition du Parquet, du Siège, des services de constatations et d'enquête et de ceux chargés de l'exécution de " gérer des stocks et des flux ". Certains " parquetiers " nous ont en effet indiqué qu'il n'y avait pas d'autres moyens de gérer les dossiers qui s'accumulent. " On fait ce que l'on peut quand l'armoire est pleine " nous a déclaré un procureur de la République. La notion d'inopportunité des poursuites devient alors très extensive et masque en réalité le classement sec .

Pour l'essentiel, les causes des classements sans réelles justifications en droit et en opportunité sont ainsi liées à un manque de moyens. Toutefois, le classement sans suite résulte également d'un manque de volonté provoqué par le découragement et la lassitude des services concernés par le traitement de la délinquance. De l'aveu même de certains magistrats, la psychologie de certains d'entre eux n'est pas étrangère non plus à ce phénomène qui disqualifie certains vols et autres atteintes aux biens voire aux personnes en de simples " incivilités ". D'aucuns hésiteraient même à trouver un intérêt social ou thérapeutique à la poursuite et à la condamnation. En outre, il faut également prendre en compte les appréciations diverses, voire divergentes, que les uns et les autres, pour de multiples raisons psychologiques, éthiques ou politiques, ou simplement liées à l'âge ou à l'origine sociale peuvent porter sur l'ordre public dans ses dimensions économique, sociale, écologique.

Or, comme l'a fait remarquer le procureur général de la Cour d'Appel de Colmar, M  Olivier Dropet, lors de l'audience de rentrée de janvier 1998 consacré au problème du taux élevé de classements sans suite, " une situation de cette sorte est perverse, nuisible et dangereuse. La possibilité de passer à travers les mailles du filet de la répression ne peut qu'encourager les auteurs d'infractions à persévérer dans la voie délictueuse, les personnes et les biens de nos concitoyens ne sont plus suffisamment protégés, le sentiment d'insécurité se développe en se nourrissant d'exemples concrets, les services de police et de gendarmerie, constatant que leur action n'est pas vraiment relayée par celle de la justice risquent de se démobiliser, enfin un terreau favorable est fourni à des idéologies malsaines . "

Votre rapporteur s'est donc attaché, à partir de l'observation de certaines expériences locales à élaborer des pistes de réflexion pour améliorer le fonctionnement de la chaîne de traitement de la délinquance et réduire le taux de classement sans suite.

Nos concitoyens sont en effet en droit, d'une part, d'exiger des institutions qui assurent la paix publique, la sûreté des personnes et des biens, qu'elles soient efficaces et remplissent leur mission et, d'autre part, d'attendre que l'ordre républicain soit respecté, que l'Etat de droit s'applique à toutes les personnes, à toutes les situations et tous les territoires. " La sûreté est le premier droit de l'Homme et le premier devoir de l'Etat ".

Le travail de votre rapporteur n'a pas toujours été facilité du fait de la méconnaissance par certaines administrations centrales des dispositions de l'ordonnance du 30 décembre 1958 sur les pouvoirs de contrôle des commissions du Parlement.

Cependant, votre rapporteur tient à souligner la coopération spontanée et très précieuse de tous les procureurs généraux et de tous les procureurs de la République sollicités par votre rapporteur (et particulièrement ceux de Colmar, Lyon, Toulouse, Aix-en-Provence et Rouen), de la direction générale de la gendarmerie nationale et des unités visitées (notamment celles des Groupements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin et du Val d'Oise), ainsi que des services de la direction générale de la police nationale et de la préfecture de police de Paris.

Au cours de ses investigations, votre rapporteur n'a pas pu, faute de moyens, approfondir certains aspects du phénomène analysé qui mériteraient des compléments d'enquête ou de contrôle. Il souhaite qu'ils soient entrepris à l'initiative du Sénat, mais aussi du gouvernement.

Votre rapporteur tient à rappeler qu'au-delà des discours partisans et politiciens, l'objectif de ce rapport a été d'apporter une contribution du Sénat au travail en profondeur accompli depuis plusieurs années pour trouver les moyens et les méthodes les plus appropriés pour prévenir et lutter contre la délinquance.

Par ailleurs, il faut se demander ce qu'il adviendrait si, dotés de moyens accrus et de méthodes renouvelées, les services de police et de gendarmerie devenaient plus efficaces et réduisaient le taux de classement sans suite des procès-verbaux dans lesquels les auteurs ne sont pas identifiés (ou encore nommés couramment les plaintes contre X). La justice serait-elle capable en l'état actuel de ses moyens, de ses méthodes et de ses procédures de traiter cette délinquance ? Votre rapporteur en doute fort.

La méconnaissance de la criminalité réelle, ce qu'il convient d'appeler le chiffre noir de la délinquance , tient d'abord à l'attitude de la victime qui découlera le plus souvent de l'utilité ou de l'inutilité de porter plainte. La victime peut avoir peur des représailles, ce qui est de plus en plus fréquent. Elle peut aussi avoir connaissance de la banalisation des faits par les services d'enquête ou le Parquet. Face à la délinquance quotidienne, les justiciables adoptent une attitude de plus en plus désabusée. Le bon déroulement de l'enquête se heurte également au manque de civisme et à l'indifférence ambiante qui se traduisent par le refus de témoigner, de se faire connaître, etc...

Les conséquences de cet état de fait et de cet état d'esprit sont graves et multiples : tentation de se faire justice, développement des milices privées, montée du phénomène " loi du Talion ", multiplication des sociétés de gardiennage, fichiers occultes tenus par les victimes de vols à l'étalage dans les grands magasins, etc...

En outre, les dépôts de plaintes avec constitution de partie civile tendent à se multiplier, de même que les lettres anonymes adressées au Parquet.

Par ailleurs, le fort taux de classement sans suite est responsable de la démoralisation et de la démobilisation des services d'enquête de la police nationale et de la gendarmerie.

Enfin, et même si, aux dires des Parquets, le nombre de classements secs est à la baisse, il témoigne du défaut de traitement de la primo délinquance des mineurs puisque le fait que l'auteur de l'infraction soit un mineur constitue précisément un motif fréquent de classement.

De l'avis même de nombre des personnes interrogées par votre rapporteur, la plupart des textes en vigueur permettraient de trouver les solutions appropriées à de très nombreuses situations. Selon un procureur général, un magistrat attentif, plein de bon sens et disposant d'une certaine expérience, fait preuve du discernement nécessaire pour mettre en oeuvre efficacement et de façon adaptée l'action publique. Une telle remarque pose donc le problème du recrutement, de la formation et de la carrière des magistrats.

Votre rapporteur tient également à souligner que le débat sur le classement des affaires se focalise à tort sur le Parquet, alors que celui-ci ne constitue qu'un maillon de la chaîne de traitement de la délinquance (appelée communément " chaîne pénale "). En amont, les administrations, les services de police et de gendarmerie jouent un rôle essentiel dans le classement des affaires puisque ce sont eux qui transmettent les plaintes aux Parquets : c'est donc à leur niveau que s'effectuent les premiers choix de classer ou, au contraire, de poursuivre. En aval, la décision de poursuite du Parquet ne sera suivie d'effet que si l'affaire est jugée dans des délais raisonnables et si la peine est correctement exécutée. La solidité de la chaîne se mesure donc à la résistance du maillon le plus faible. Si un dysfonctionnement apparaît dans l'un des services concernés, tout le traitement de la délinquance sera perturbé. En outre, toute amélioration apportée au niveau d'un maillon sans tenir compte de ses répercussions sur l'ensemble de la chaîne pénale est vouée à l'échec.

L'enquête menée par votre rapporteur conduit à poser une question grave : l'Etat français a t-il les moyens de traiter la délinquance quels qu'en soient les formes, les lieux, les auteurs et de faire respecter la loi pénale censée être égale pour tous ? La loi est le premier facteur de cohésion et d'intégration sociale. Pourtant, sommes-nous suffisamment bien organisés et faisons-nous usage des bonnes méthodes pour éradiquer ce fléau grandissant qui met à mal les fondements mêmes de notre société ?

Nos concitoyens ont trop souvent le sentiment que la règle commune, celle qui garantit la sécurité des personnes et des biens n'est plus respectée, que notre société a perdu la notion de " ligne jaune ", qu'une infraction dûment constatée, alors même que l'auteur présumé a été identifié , n'a pas de suite judiciaire. Un sentiment d'inégalité, d'impunité et d'insécurité s'ensuit inévitablement.

Pour simplifier et au risque de forcer le trait, trop de nos concitoyens ont le sentiment que le fonctionnement de la justice pénale se résume ainsi : il y a d'un côté ceux qui lui échappent parce qu'ils sont puissants sur le plan politique, administratif, économique ou social (membres du gouvernement, hauts fonctionnaires, élus, chefs d'entreprise...) et de l'autre, ceux qui lui échappent également parce qu'ils vivent en bande dans des quartiers difficiles, ou encore sont mineurs, marginaux, étrangers, etc. Entre ces deux catégories, il y a ceux qui " trinquent ", les victimes du système, ceux qui vivent normalement et pour lesquels la loi pénale est implacable : ceux qui ne peuvent se faire rendre justice parce que la justice est débordée, sourde, inaccessible, déroutante, invisible, illisible.

Votre rapporteur est conscient que le travail qu'il a effectué ne pourra pas seul modifier le sentiment d'incompréhension et d'exaspération croissante de l'opinion publique vis-à-vis de la justice. Il espère toutefois que ce rapport apportera sa pierre au long travail de réhabilitation de la justice et que les propositions qu'il contient seront non seulement examinées attentivement par tous les services concernés par le traitement de la délinquance, mais également mises en oeuvre.

II. LES PROPOSITIONS RÉSULTANT DE CETTE MISSION

A. LES MESURES POUR AMÉLIORER L'OUTIL STATISTIQUE ET INFORMATIQUE

- Créer un outil statistique performant permettant de connaître, pour chaque juridiction, la nature des affaires dont sont saisis les Parquets, l'origine des saisines, les motifs de classement et les délais de traitement des affaires ;

- Informatiser les mains courantes afin de pouvoir faire des recoupements sur les agissements de certains délinquants ;

- Informatiser les enregistrements par le bureau d'ordre des procès-verbaux et plaintes dont il est saisi pour faciliter leur gestion et éviter la perte de dossiers ;

- Mettre en place dans les départements des outils informatiques nécessaires pour créer un réseau entre les différentes administrations chargées de lutter contre la délinquance et les autorités judiciaires ;

- Mettre à la disposition des magistrats du Parquet un outil statistique précis et décentralisé sur le phénomène de la délinquance ;

- Développer un outil statistique pour identifier les causes structurelles des mouvements collectifs de violence  et connaître la réalité de l'organisation, de la préméditation, de la récupération et de la manipulation de ces formes de la délinquance ;

- Créer une mission parlementaire afin d'évaluer au niveau local et national d'une part les pratiques de la troisième voie (médiation, administration, classement sous conditions) et, d'autre part, le traitement en temps réel des infractions ;

B. LES MESURES POUR RENFORCER LA COOPÉRATION ENTRE LES SERVICES ET AUGMENTER LA FLUIDITÉ DE L'INFORMATION

- Informer les services de police et de gendarmerie des suites données aux enquêtes par les Parquets, notamment en instituant un représentant désigné par le Parquet en lien avec les commissariats et pouvant répondre en temps réel aux demandes de renseignements des policiers. Le cas échéant, envoyer une copie de la date d'audience ;

- Instituer des séances de travail entre les procureurs, les directeurs de la sécurité publique et les commandements de groupements de gendarmerie nationale pour définir les grandes orientations de la politique pénale et assurer sa lisibilité auprès des services chargés de l'appliquer ;

- Mieux impliquer les fonctionnaires de police et les militaires de la gendarmerie dans la lutte contre la délinquance en multipliant les contacts avec les magistrats du Parquet afin que se crée un esprit d'équipe ;

- Etablir des bilans à intervalles réguliers sur le traitement en temps réel pour évaluer les méthodes de travail et régler les éventuels dysfonctionnements, notamment en ce qui concerne l'application des articles 12, 13, 41 et D1er du code de procédure pénale qui disposent que la police judiciaire est exercée " sous la direction du procureur de la République, sous la surveillance du procureur général et sous le contrôle de la chambre d'accusation " ;

- Renforcer les relations de travail entre le Parquet et le Siège afin de connaître précisément les capacités de jugement du Siège et de négocier avec lui l'aménagement des audiencements pour éviter l'enlisement des affaires traitées selon la procédure du traitement en temps réel ;

- Mettre en place un secrétariat permanent au sein du Parquet chargé des relations avec les élus locaux et organiser des relations à intervalles réguliers entre le Parquet et les maires sur la stratégie à adopter en matière de lutte contre la délinquance ;

- Mettre en oeuvre la politique pénale du gouvernement par des circulaires et directives interministérielles. Trop souvent les Préfets ne s'estiment pas liés dans ce domaine par une circulaire du seul ministre de la justice, de même que les procureurs généraux et les procureurs ne s'estiment pas liés par une circulaire du seul ministre de l'Intérieur. Il en est de même pour les autres services de l'état associés à la lutte contre la délinquance ;

C. LES MESURES POUR RENFORCER LE RÔLE ACTIF DU PARQUET DANS LA LUTTE CONTRE LA DÉLINQUANCE

- S'assurer, de la part du procureur général, que la politique pénale définie par la Chancellerie est bien appliquée par tous les procureurs de la République du ressort de la Cour d'appel ;

- S'assurer, de la part du procureur de la République, que la politique pénale affichée ne fait pas l'objet d'interprétations divergentes de la part de ses substituts ;

- Accompagner toute nomination de procureur d'une lettre de mission précisant les objectifs à atteindre ;

- Utiliser de manière plus systématique les services d'inspection du ministère de la Justice pour s'assurer que les grandes orientations et les instructions du Garde des Sceaux sont prises en compte par l'ensemble des juridictions ;

- Elargir le champ d'application de la procédure simplifiée ;

- Systématiser le recours à la troisième voie chaque fois que son utilisation est possible ;

- Instaurer l'ordonnance pénale pour le traitement de toutes les contraventions et de certains délits ;

- Créer dans chaque Parquet des bureaux d'enquête pour gérer les affaires (enregistrement, classement des éléments fournis au magistrat et des instructions qu'il a données...) et suivre le déroulement de l'enquête (faire procéder à tous examens techniques utiles à la manifestations de la vérité, faire vérifier la situation sociale et matérielle du mis en cause...) ;

D. LES MESURES POUR RENDRE L'EXÉCUTION DES PEINES PLUS EFFECTIVE

- Etendre le recours au traitement en temps réel jusqu'au recouvrement des peines d'amendes ;

- Rationaliser le système de l'exécution des peines, notamment en ayant un suivi des disponibilités du Comité de Probation et d'Assistance aux Libérés (CPAL) en travaux d'intérêt général ; organiser avec le concours du comité précité des permanences à la sortie de l'audience pour permettre la prise en charge immédiate des condamnés ; saisir systématiquement le juge d'application des peines des situations des condamnés ayant à purger une ou plusieurs peines d'emprisonnement dont le total est inférieur ou égal à un an afin d'envisager des possibilités d'aménagement ; communiquer, dans les meilleurs délais les décisions pénales au service du casier judiciaire; transmettre à l'établissement pénitentiaire où est écroué le condamné les informations permettant une meilleure orientation du détenu ; accélérer la transmission des pièces d'un dossier à la Cour d'appel dès lors qu'un appel a été interjeté ;

- Développer la procédure du jour-amende pour renforcer l'exécution des peines d'amende ;

- Instaurer des relations régulières et concrètes entre le Parquet et le juge d'application des peines de façon à assurer l'exécution, dans les meilleurs délais, des sanctions prononcées ;

- Supprimer la pratique des seuils à partir desquels les amendes ne sont plus recouvrées ;

- Insérer dans l'article 133-4 du code pénal une disposition tendant à ne faire courir le délai de prescription pour les peines d'amende qu'à compter du premier acte de recouvrement.

E. LES MESURES POUR LUTTER CONTRE LA DÉLINQUANCE DES MINEURS

- Développer une politique pénale spécifique en direction de la primo-délinquance afin d'apporter une réponse judiciaire à toute infraction commise par une mineur ;

- Aménager le principe de l'irresponsabilité des mineurs pour pouvoir lutter efficacement contre l'explosion de la délinquance juvénile ;

- Mettre en place dans les écoles, collèges, lycées une formation civique sur la nécessité de règles communes pour le bon fonctionnement de la vie sociale ;

- Mettre fin à la banalisation du premier acte de délinquance ou à la banalisation de certaines formes de vols ou d'agressions ;

F. LE DÉVELOPPEMENT D'UNE NOUVELLE POLITIQUE PÉNALE

- Définir et mettre en oeuvre une politique globale de lutte contre la délinquance ;

- Prévoir chaque année devant l'Assemblée nationale et le Sénat un débat d'orientation sur la politique pénale du gouvernement, ce débat devant impliquer le ministre de l'Intérieur et celui de la Défense ;

- Introduire dans le code de procédure pénale la notion de " politique d'action publique " ;

- Etablir une politique pénale lisible pour les autres partenaires de la chaîne pénale ;

- Instaurer une loi de programmation de lutte contre la délinquance commune aux différents ministres concernés, notamment ceux de la justice, de l'Intérieur et de la Défense... ;

- Donner des directives interministérielles impératives (circulaires du Premier ministre) d'application des dispositions de l'article 40 alinéa 2 du code de procédure pénale par toutes les administrations ;

- Rendre publiques les directives et circulaires concernant la politique pénale et la conduite de l'action publique. La plupart en effet sont confidentielles ;

- Mettre en place des outils d'évaluation systématiques des politiques pénales ;

G. AUTRES MESURES

- Reconsidérer l'organisation de la justice sur le territoire national et expérimenter la départementalisation des Parquets dans certaines juridictions " pilotes " ;

- Lancer une réflexion sur le renforcement de chaque maillon de la chaîne du traitement de la délinquance à partir de trois principes : une meilleure organisation, des moyens supplémentaires et des méthodes rénovées puis expérimenter cette réforme dans quelques départements en donnant aux différents services de l'Etat les moyens financiers et humains nécessaires pour sa réussite ;

- En période de crise (violence dans les banlieues, prises d'otages,...), mettre sur pied une cellule de crise afin de suivre en temps réel l'évolution des situations, définir les responsabilités de chacun et prévenir ou régler les éventuels conflits entre autorités administratives et autorités judiciaires. Faire ensuite un bilan des réponses apportées au traitement de la situation de crise ;

- Instaurer dans chaque juridiction un service d'information destiné à présenter et commenter la nature, l'ampleur et la portée des jugements ou arrêts pénaux ;

- Procéder à un toilettage de tous les textes législatifs et réglementaires comprenant une disposition pénale par le biais de la création d'une commission ad hoc du type commission de codification ;

- Restaurer la paix sociale par la reconquête de certains quartiers qualifiés pudiquement de " territoires de moindre droit " en s'inspirant de l'expérience menée en Seine Saint-Denis sous l'égide du procureur de la République de Bobigny, grâce aux Groupes Locaux de Traitement de la Délinquance, réunissant justice, police, maires et associations de quartier autour de projets de sécurisation et de prévention de la délinquance ;

- Etendre l'utilisation de la procédure de traitement en temps réel à toutes les juridictions et élargir son champ d'application à de nouvelles affaires (droit du travail, urbanisme, droit de l'environnement...) ;

- Confier l'audiencement des affaires pénales au Président de la juridiction, principalement dans les grandes juridictions. Dans le système en vigueur, l'une des parties, en l'occurrence le Parquet, peut choisir la formation qui jugera l'affaire ;

- Faciliter et rendre plus effective l'action des contrôleurs dans les transports publics en les autorisant à retenir les contrevenants qui refusent de décliner leur identité afin de pouvoir en rendre compte immédiatement à tout officier de police judiciaire qui pourra alors se faire présenter sur le champ le contrevenant ;

- Développer une véritable politique de communication au sein du ministère de la justice afin de privilégier l'information objective et complète du public et de lutter contre la tendance au sensationnalisme de certains médias ;

- Simplifier et renforcer la coopération entre les autorités judiciaires des Etats membres de l'Union Européenne ;

- Créer, au niveau de l'Union Européenne, une catégorie d'infractions identiques permettant d'appréhender dans les mêmes termes les auteurs d'infractions économiques et financières, idem pour le domaine du trafic de drogues, etc.

ANNEXE

MODIFICATIONS APPORTÉES PAR L'ASSEMBLÉE NATIONALE CONCERNANT LA JUSTICE

I. MODIFICATION DES CRÉDITS : VOTE DE CRÉDITS NON RECONDUCTIBLES

Les majorations de crédits non reconductibles relatives au budget de la justice concernent le titre IV pour 100.000 francs et le titre V pour 6 millions de francs en autorisations de programme et 6 millions de francs en crédits de paiement
.

Les chapitres concernés sont :

- le chapitre 46-01 (subventions et interventions diverses) article 10 pour 100.000 francs ;

- le chapitre 57-51 (conseil d'Etat, cours administratives d'appel et tribunaux administratifs, travaux de modernisation) article 10 pour 6 millions de francs en autorisations de programme et en crédits de paiement.

EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le mardi 17 novembre 1998 sous la présidence de M. Jacques Oudin, vice-président, la commission a procédé, sur le rapport de M. Hubert Haenel, rapporteur spécial , à l'examen des crédits de la justice pour 1999 .

Un large débat s'est alors engagé au cours duquel, Mme Dinah Dericke, rapporteur pour avis de la commission des lois , a alors rappelé que la commission des lois avait très récemment entendu le garde des sceaux et n'avait donc pas encore examiné les crédits du budget de la justice. Elle a toutefois fait remarquer que la commission des lois avait émis un avis favorable l'année dernière, alors même que la progression des crédits était moindre que cette année.

Concernant la nécessité d'accompagner toute réforme de moyens financiers suffisants, elle a constaté que les réformes visant les tribunaux de commerce n'entreraient en vigueur qu'à partir de l'an 2000 et n'affectaient donc pas les crédits du budget pour 1999. Par ailleurs, elle a souhaité émettre les mêmes réserves que l'année précédente concernant la longueur des délais de jugement.

M. Roland du Luart, président, a alors attiré l'attention sur la situation pénitentiaire préoccupante du département de la Sarthe, après avoir notamment rappelé que la ville du Mans attendait la construction d'une nouvelle prison depuis 1952. Il a dénoncé la surpopulation carcérale et le mélange des prévenus et des condamnés et a demandé au rapporteur spécial d'évoquer ce sujet lors de l'examen en séance publique des crédits du ministère de la justice.

La commission a alors décidé, à l'unanimité, d'adopter les crédits du budget de la justice inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999 .

Réunie le mardi 17 novembre 1998 sous la présidence de M. Jacques Oudin, vice-président, la commission a procédé, sur le rapport de M. Hubert Haenel, rapporteur spécial , à l'examen des crédits de la justice pour 1999 .

La commission a alors décidé, à l'unanimité, de proposer au Sénat d'adopter les crédits du budget de la justice inscrits dans le projet de loi de finances pour 1999 .



1 Les Cours d'appel ont été exclues : lorsqu'on fait appel, on est nécessairement dans la voie contentieuse. Les conseils de prud'hommes également puisque la recherche d'une transaction est une phase obligatoire de la procédure actuelle.

2 Coût actuel de l'unité de valeur

3 Nombre moyen d'UV dans les affaires contentieuses prvu par l'article 90 du dcret n° 91-1266 du 19 décembre 1991

4 S'agissant de tentative de transaction, abattement de 50 %

5 Coefficient TVA

6 80 % du SMIC à la charge de l'Etat

7 La réforme envisagée prévoit également de rénover le statut des administrateurs judiciaires et des mandataires judiciaires à la liquidation des entreprises en vue d'une plus grande ouverture de ces professions. En outre, leur contrôle sera renforcé et leurs tarifs révisés. Toutefois, votre rapporteur souhaite concentrer ses remarques sur les autres aspects de la réforme.



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