III. LA PROPOSITION DE LOI TÉMOIGNE D'UNE LOGIQUE PERNICIEUSE ET RISQUE DE CONSTITUER UN VÉRITABLE FREIN À L'EMPLOI

Relevant d'une logique de soupçon et de sanction, cette proposition de loi n'apporte en réalité aucune solution au problème que constitue le chômage des plus de 50 ans et risque en outre de générer des effets pervers.

A. UNE LOGIQUE DE SANCTION ET D'ACCROISSEMENT DES CHARGES DES ENTREPRISES

La proposition de loi témoigne d'une logique uniquement répressive et se traduit, en définitive, par une nouvelle augmentation des charges des entreprises.

Là où des dispositifs positifs, dynamiques et imaginatifs seraient nécessaires, la proposition de loi ne met en place que des mesures pénalisantes et contraignantes pour les entreprises.

Le problème du chômage des personnes âgées de plus de 50 ans est réel. Même si l'amélioration de la situation de l'emploi profite également aux salariés âgés de plus de 50 ans - les chiffres de l'ANPE pour l'ensemble de l'année 1998 font état d'une baisse de 17,4 % des licenciements des salariés de plus de 50 ans, contre une baisse de 20,4 % pour l'ensemble des salariés - la situation des demandeurs d'emplois de cet âge est préoccupante et mérite une attention soutenue. Ceux qui sont frappés par le chômage après 50 ans et, surtout, après 55 ans ont moins de chance de retrouver un emploi. Le chômage des plus de 50 ans ouvre souvent la voie au chômage de longue durée et, après la fin des droits, à l'exclusion.

Evolution du nombre des licenciements économiques

 

1996

1997

1998

Variation 1998/1997

Licenciements économiques

468.534

422.013

335.759

- 20,4 %

Dont salariés de plus de 50 ans

81.389

80.517

66.501

- 17,4 %

Source : ANPE

Le Sénat ne peut que partager l'objectif de lutter contre cette forme de chômage particulièrement douloureuse. Toutefois, ce problème aigu nécessite une approche globale, qui n'est pas celle de ce texte.

Une action efficace contre le chômage des plus de 50 ans suppose une réflexion préalable sur les raisons qui conduisent les entreprises à licencier ces personnes : coût trop élevé de la main d'oeuvre, adaptation insuffisante à l'emploi et aux technologies nouvelles... Elle nécessite une réforme d'ampleur reposant à la fois sur des exonérations de charges sociales et une formation professionnelle à même d'offrir aux salariés, quel que soit leur âge, les moyens de s'adapter aux mutations de leur environnement professionnel.

Cette politique gagnerait à s'inscrire dans le cadre des axes définis par Les lignes directrices de l'emploi pour 1999, proposées par la Commission européenne en octobre dernier.

La Commission européenne suggère ainsi d'intensifier les efforts " pour développer des stratégies préventives et axées sur la capacité d'insertion professionnelle en se fondant sur l'identification précoce des besoins individuels ". Elle invite les Etats membres à " développer des possibilités d'apprentissage tout au long de la vie, notamment dans les domaines des technologies de l'information et de la communication ". Elle précise que " l'accent sera notamment mis sur la facilité d'accès des travailleurs âgés ".

La présente proposition de loi n'apparaît, à l'évidence, pas à la hauteur de l'enjeu.

Elle amène également à s'interroger sur la cohérence de la politique que mène aujourd'hui le Gouvernement en matière d'emploi des salariés les plus âgés.

Il y a en effet quelque chose de paradoxal à augmenter la " contribution Delalande ", afin de sanctionner les entreprises qui licencient des salariés âgés de plus de 50 ans, tout en encourageant simultanément certaines entreprises à rajeunir leur pyramide des âges par des départs massifs et anticipés de salariés " âgés ". Le Gouvernement semble en réalité disposé à faire preuve de beaucoup de compréhension à l'égard des entreprises qui favoriseront, parallèlement aux départs des salariés " âgés ", la création d'emplois au titre de la réduction du temps de travail 8( * ) ...

Une clarification des objectifs poursuivis par le Gouvernement en ce domaine s'impose à l'évidence. Dans Les lignes directrices pour l'emploi en 1999 , la Commission européenne invite d'ailleurs à " réévaluer d'une manière critique les mesures actuelles incitant les travailleurs à quitter relativement tôt le monde du travail ".

B. DES EFFETS PERVERS SUR L'EMPLOI

S'il est douteux qu'elle contribue à diminuer les licenciements des plus de 50 ans, il est certain que l'augmentation et l'extension de la " contribution Delalande " n'incitera pas à la création d'emplois.

Cette proposition de loi qui entend préserver l'emploi pourrait en effet constituer un véritable frein à l'emploi.

Certes, la contribution Delalande n'est pas due pour les salariés qui, lors de leur embauche après le 9 juin 1992, était âgés de plus de 50 ans et inscrits depuis plus de trois mois comme demandeurs d'emplois.

Cependant, on peut craindre les effets conjugués de l'extension et du doublement de la " contribution Delalande " sur les demandeurs d'emplois approchant la cinquantaine : les entreprises hésiteront à embaucher des salariés ayant un peu moins de 50 ans, craignant d'avoir bientôt à supporter le coût d'un éventuel licenciement ultérieur.

En majorant de manière excessive la " contribution Delalande " et en l'étendant de manière abusive, le Gouvernement prend le risque de dévoyer cette contribution. Afin de protéger les salariés de plus de 50 ans, il choisit en définitive de fragiliser les salariés âgés de 45 à 50 ans. Les conséquences humaines et sociales d'un tel choix pourraient bientôt se révéler très douloureuses.

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Pour l'ensemble de ces raisons, votre commission vous propose d'adopter trois amendements de suppression des trois articles de cette proposition de loi. Leur adoption amènerait à un rejet de la proposition de loi.

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