II. L'AUTORITÉ INDÉPENDANTE : UN SOUHAIT PARTAGÉ POUR AMÉLIORER LE DIALOGUE ET LA TRANSPARENCE

A. UN SOUHAIT TRÈS LARGEMENT PARTAGÉ.

1. Le constat et les propositions de la mission Douffiagues

Dans son rapport d'étape rendu public le 31 juillet 1995, la mission conduite par M. Jacques Douffiagues sur la desserte aéroportuaire du grand bassin parisien a fait le constat d'un " dialogue bloqué ", de longue date, entre les différentes parties concernées par l'extension de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle.

La mission commençait son rapport d'étape en ces termes :

" L'opposition affichée de certaines collectivités et des associations riveraines de l'aéroport Charles de Gaulle à l'annonce de la décision ministérielle de réalisation d'une troisième piste à l'aéroport Charles de Gaulle n'était pas un accès de fièvre passagère. Elle était la conséquence de l'accumulation entre les riverains de l'aéroport Charles de Gaulle et les autorités aéronautiques, d'incompréhensions, de malentendus et parfois de maladresses, le résultat d'une histoire dont il faut se souvenir des enchaînements, pour en éviter la reproduction. "

La restauration de la confiance entre riverains et opérateurs aériens est apparue à la mission Douffiagues comme une action à entreprendre d'urgence . Il s'agissait à ses yeux de rétablir " les conditions d'un dialogue franc et confiant, à partir de questions clairement posées, de perspectives fermement tracées, de responsabilités assumées ". Le nécessaire développement de l'activité aéroportuaire passait aussi, selon elle, par la conclusion concomitante entre les partenaires concernés d'un véritable " pacte refondateur " ou " contrat d'objectifs " , accompagné des moyens d'assurer le respect de leurs engagements respectifs. La mission Douffiagues a donc préconisé la " négociation d'un contrat de réduction et de contrôle de l'évolution des nuisances, tant pour le bruit instantané que, progressivement, pour la gêne globale " dont le contrôle de réalisation des objectifs pourrait être assuré avec l'aide d'une " autorité indépendante ".

2. Le rapport de la mission de concertation du préfet Carrère sur l'aéroport Charles de Gaulle

Lors du conseil des ministres du 11 octobre 1995, le Gouvernement a reconnu la justesse de cette approche. Il a chargé le préfet Gilbert Carrère d' " organiser la concertation publique " relative au projet de développement de l'aéroport, le premier des thèmes en étant " l'établissement d'un contrat de maîtrise des nuisances sonores ".

Le rapport de cette mission de concertation, remis en mars 1996, a notamment suggéré qu'une institution soit chargée d'assurer le suivi et le contrôle de la mise en oeuvre de ce contrat . On peut ainsi lire, à l'annexe 1 du rapport, consacrée aux propositions :

" Soucieuse de répondre à l'attente des riverains telle qu'elle a été rapportée par la mission Douffiagues, attente partagée par ADP 12( * ) , la mission s'est efforcée de trouver un cadre juridique qui donne à l'institution l'indépendance et les moyens de contrôle requis, tout en préservant sa nécessaire dimension partenariale. C'est ainsi que lui serait reconnue par ses membres, au premier rang desquels les entreprises et professionnels usagers de l'aéroport, non seulement le droit à une information exhaustive sur les nuisances générées par le trafic aérien, mais plus encore un véritable droit d'interpellation publique en cas de constatation de manquements aux prescriptions réglementaires ou contractuelles liant ceux-ci, telles que " le  code de conduite " préconisé par la mission Douffiagues . "

Le rapport Carrère préconisait toutefois la création de l'autorité indépendante sous forme d'un groupement d'intérêt public (GIP), voire d'un syndicat mixte, remarquant que, si la structure juridique de l'autorité administrative indépendante correspondait mieux à la fonction d'interpellation qui lui serait confiée, la " lourdeur des procédures " et la difficulté d'y inscrire " la démarche partenariale nécessaire à la réconciliation entre l'aéroport et son environnement " pas conduisait la mission à écarter cette solution.

Le rapport Carrère préservait en outre la possibilité d'étendre la compétence de l'autorité à d'autres aérodromes :

" La création d'une telle structure sur Roissy Charles de Gaulle apparaîtrait en cas de succès comme une opération pilote exemplaire dont la transposition à d'autres sites tels qu'Orly est d'ores et déjà suggérée. Il est vrai qu'aux termes du présent projet, elle serait d'emblée dotée de pouvoirs dont aucune structure de concertation sur quelque aéroport étranger que ce soit n'est à ce jour dotée. L'enjeu est donc véritablement d'en faire le laboratoire d'un dialogue moderne, rigoureux, entre le transport aérien et ceux qui en subissent les nuisances. Le présent projet préserve donc la possibilité d'un élargissement à d'autres aérodromes. "

3. Les conclusions de la commission d'enquête préalable à la déclaration d'utilité publique de l'extension de Paris-Charles de Gaulle

En même temps qu'elle a émis, dans ses conclusions du 14 octobre 1996, un avis favorable au projet d'extension de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle , la commission d'enquête présidée par M. Maurice Roy a associé cet avis de plusieurs conditions suspensives, parmi lesquelles figuraient, outre l'élaboration d'une charte de maîtrise des nuisances sonores et d'un code de bonne conduite :

" La mise en place de l'institution indépendante présidée par un conseiller d'Etat comprenant, à côté d'un collège scientifique d'experts, des représentants de l'Etat, d'Aéroports de Paris, des élus, des associations, des partenaires économiques (chambres de commerces).

Son statut, à l'exception d'une association, sera défini par la loi pour se rapprocher de celui d'un groupement d'intérêt public ou de toute autre forme équivalente. "

4. L'institution indépendante créée par le décret du 28 mars 1997

S'inspirant de ces recommandations, le précédent Gouvernement avait prévu la création, pour l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle, d'une institution indépendante , dont les missions -très proches de celles que le présent projet de loi confie à l'autorité administrative indépendante qu'il propose de créer-, sont détaillées, ci-après, sous le commentaire de l'article premier (article L 227-4 du code de l'aviation civile).

Cette institution indépendante, bien que mise en place par décret le 28 mars 1997, n'a jamais eu d'activité.

5. L'engagement pris par le ministre lors de l'annonce de l'extension de l'aéroport de Paris-Charles de Gaulle

Lors de la conférence de presse sur l'avenir de Roissy, le 23 septembre 1997, au cours de laquelle a été annoncé le lancement des travaux pour la construction des deux nouvelles pistes, le ministre s'est exprimé ainsi :

" J'en arrive à la satisfaction d'une exigence unanime : qu'une autorité réellement indépendante soit mise en place. Les contrôleurs, si je puis dire, ne doivent pas être liés aux contrôlés. (...)L'autorité indépendante sera réellement indépendante de toutes le parties en cause. Et ce n'est pas un décret qui la définira dans ses missions et sa composition, mais la loi. "

6. Un accord de principe quasi unanime

Votre rapporteur a pu le constater lors des entretiens qu'il a eus dans le cadre de la préparation du présent rapport : aucune des parties concernées (administration, gestionnaires d'aéroports, compagnies, associations de riverains) n'a contesté le principe de la création d'une autorité indépendante.

Tous ont souhaité l'intervention d'un " arbitre ", d'un " tiers extérieur et objectif ", voire d'un " juge de paix " qui permette d'améliorer l'information et le dialogue.

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