Proposition de résolution relative à la proposition de règlement (CE) du Conseil portant organisation commune du marché viti-vinicole (E 1134)

CESAR (Gérard)

RAPPORT 206 (98-99) - COMMISSION DES AFFAIRES ECONOMIQUES

Table des matières




N° 206

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 1998-1999

Annexe au procès-verbal de la séance du 9 février 1999

RAPPORT

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan(1) sur la proposition de résolution présentée en application de l'article 73 bis du Règlement par M. James BORDAS sur la proposition de règlement (CE) du Conseil portant organisation commune du marché viti-vinicole (E 1134),

Par M. Gérard CÉSAR,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : MM. Jean François-Poncet, président ; Philippe François, Jean Huchon, Jean-François Le Grand, Jean-Pierre Raffarin, Jean-Marc Pastor, Pierre Lefebvre, vice-présidents ; Georges Berchet, Jean-Paul Emorine, Léon Fatous, Louis Moinard, secrétaires ; Louis Althapé, Pierre André, Philippe Arnaud, Mme Janine Bardou, MM. Bernard Barraux, Michel Bécot, Jacques Bellanger, Jean Besson, Jean Bizet, Marcel Bony, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Gérard César, Marcel-Pierre Cleach, Gérard Cornu, Roland Courteau, Désiré Debavelaere, Gérard Delfau, Marcel Deneux, Rodolphe Désiré, Michel Doublet, Xavier Dugoin, Bernard Dussaut , Jean-Paul Emin, André Ferrand, Hilaire Flandre, Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Serge Godard, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Mme Anne Heinis, MM. Pierre Hérisson, Rémi Herment, Bernard Joly, Alain Journet, Gérard Larcher, Patrick Lassourd, Edmond Lauret, Gérard Le Cam, André Lejeune, Guy Lemaire, Kléber Malécot, Louis Mercier, Bernard Murat, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Bernard Piras, Jean-Pierre Plancade, Ladislas Poniatowski, Paul Raoult, Jean-Marie Rausch, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Jean-Jacques Robert, Josselin de Rohan, Raymond Soucaret, Michel Souplet, Mme Odette Terrade, MM. Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, Henri Weber.

Voir le numéro :

Sénat : 196 (1998-1999).

Union européenne.

EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

La proposition de résolution n° 196 dont vous êtes saisis porte sur la proposition de règlement (CE) du Conseil relatif à l'organisation commune du marché viti-vinicole (COM (1998) 370 final) transmise au Sénat le 8 juillet 1998 sous le numéro E-1134.

Cette proposition d'acte communautaire est l'aboutissement d'un très long travail de négociations.

Elaboré en 1962 et 1970, l'OCM viti-vinicole a été profondément réformé en 1987. En juillet 1993, la Commission européenne a présenté au Conseil un document de réflexion sur " l'évolution et l'avenir de la politique viti-vinicole " qui devait servir de base à la proposition de règlement portant nouvelle réforme de l'organisation commune de marché (OCM), soumise au Conseil en juin 1994, transmise au Parlement en avril 1995.

Le projet de Bruxelles prévoyait de réduire initialement de plus de 30 millions d'hectolitres la production communautaire jusqu'en 2000 et d'instaurer un système de quotas nationaux pour endiguer la surproduction de vins de mauvaise qualité.

Cette réforme n'a pas abouti en raison, d'une part, d'une conjoncture favorable, les campagnes 1994-1995 et 1995-1996 ayant été équilibrées et, d'autre part, de l'encombrement de l'ordre du jour du Conseil par des dossiers " horizontaux " particulièrement " lourds " (désordres monétaires, transport des animaux, ...).

La France a été, depuis lors, toujours partisane d'une réforme de l'OCM viti-vinicole . Votre rapporteur avait, d'ailleurs, souligné, dès 1995 1( * ) , que le pire serait de laisser le dossier " s'enterrer " et de prendre le risque de voir un nouveau projet émerger dans des conditions d'urgence, face à une récolte communautaire importante et à l'obligation de recourir à une distillation d'importants volumes de vin. Il aurait été alors bien plus difficile d'éviter une approche simplificatrice qui aurait conduit à imposer à tous les vignobles, quelle que soit leur situation, des efforts de réduction conséquents.

Dès le mois de juin 1995, afin de dessiner le cadre dans lequel la réforme devait s'inscrire et dans le fil de la résolution adoptée le 29 juin 1995 par le Sénat, M. Philippe Vasseur, ministre de l'agriculture, de la pêche et de l'alimentation, avait présenté, lors du conseil des ministres à Bruxelles, les grandes orientations qui devaient présider à la réforme de l'OCM :

- la responsabilisation des pays producteurs vis-à-vis de leurs excédents (c'est-à-dire la non neutralisation des excédents) ;

- l'adaptation régionale des mesures structurelles afin d'offrir à chaque vignoble, selon ses spécificités, les outils nécessaires à l'ajustement de sa production au marché ;

- le renforcement des moyens communautaires de contrôle pour parvenir à une application homogène de la réglementation dans tous les Etats-membres.

Peu à peu, les discussions ont progressé. Le projet initial de la Commission de diminution du potentiel de production communautaire pour éliminer des excédents structurels importants a été reconsidéré à la lumière de l'évolution du marché viti-vinicole.

Ainsi, les premières réflexions ont abouti, dans le cadre du " paquet prix 1996/1997 ", à modifier les règles communautaires relatives aux plantations et à l'arrachage des vignes dans le sens d'une plus grande souplesse et d'une meilleure prise en compte des contraintes et des exigences économiques des différents bassins de production.

Dans son document " Agenda 2000 ", la Commission européenne a indiqué en juillet 1997 " qu'eu égard à l'évolution récente, et en particulier au nouveau contexte créé dans ce secteur à la suite du cycle de l'Uruguay Round, la Commission a l'intention de réviser la proposition en suspens et d'en présenter une nouvelle dès que l'analyse de la situation en 1997 aura été totalement achevée ".

Le Gouvernement français a ainsi, dans cette optique, présenté le 12 janvier 1998, un mémorandum à l'attention de la Commission, définissant les trois grandes priorités françaises :

- le maintien du potentiel de production européen, par la mise en oeuvre d'aides à la rénovation du vignoble et par une possibilité de développement pour les régions qui ont encore des parts de marché à conquérir ;

- le renforcement de la compétitivité des entreprises par l'amélioration de la qualité des vins et par des aides à la modernisation des entreprises ;

- le développement de l'organisation des filières viticoles par la reconnaissance du rôle des interprofessions.

Lors du conseil agricole du mois de juin 1998, la Commission a mis en place plusieurs mesures préfigurant la nouvelle réforme de l'OCM. Il s'agit de :

- la reconduction des prix d'orientation, et jusqu'au 31 août 2000, de l'interdiction de nouvelles plantations de vigne, ainsi que la possibilité pour les Etats-membres d'accorder des autorisations nouvelles durant les deux prochaines campagnes dans la limite de 10.000 hectares, dont 2.584 pour la France, 3.615 pour l'Espagne et 2.442 pour l'Autriche. Ces nouveaux droits de plantation ne peuvent cependant pas être accordés aux vignobles situés dans des régions déterminées ayant bénéficié au cours des trois dernières vendanges de nouveaux droits. Ces droits de plantation représentent un à valoir sur les nouvelles autorisations qui pourraient être accordées dans le cadre de la réforme de l'OCM ;

- le maintien pour une année supplémentaire des dérogations existantes concernant la teneur en acidité totale des vins de table et la possibilité pour les Etats-membres d'accorder des primes d'abandon de la viticulture pour des parcelles inférieures au seuil actuel de 25 ares mais non inférieures à 10 ares, lorsque les conditions de viticulture le justifient. De plus, a été décidé le report au 1 er janvier 2001 de la date limite d'introduction d'un casier viticole simplifié en Grèce, au Portugal. En Espagne, cette limite a été repoussée au 1 er janvier 2000. Le maintien de la possibilité pour l'Espagne de mélanger du vin rouge et du vin blanc (mezcla) a été adopté.

Le 1 er juillet dernier, la Commission européenne a adopté une proposition de réforme substantielle du marché viti-vinicole à partir du 1 er août 2000.

C'est cette " remise à plat " de l'OCM viti-vinicole que votre délégation du Sénat pour l'Union européenne a examiné la semaine dernière.

Avant d'analyser cette proposition d'acte communautaire et d'en proposer certaines modifications, votre commission des affaires économiques souhaite rappeler brièvement l'importance du secteur viti-vinicole en France et en Europe.

I. LA RÉFORME DE L'OCM VITI-VINICOLE CONCERNE UN SECTEUR ESSENTIEL POUR L'ÉCONOMIE FRANÇAISE ET EUROPÉENNE

A. LA PLACE DU SECTEUR VITI-VINICOLE DANS L'AGRICULTURE FRANÇAISE ET EUROPÉENNE

1. En France

La France constitue le plus grand vignoble du monde, tant par sa surface que par sa qualité.

Les premières estimations de la production française de vin pour la campagne 1997/1998 s'élèvent à 55 millions d'hectolitres. Cette production connaît depuis quelques années un léger recul.

PRODUCTION FRANCAISE DE VIN

(millions d'hectolitres)



Source : Graph Agri-France - Ministère de l'Agriculture et de la Pêche - 1998


La production française se répartit de la manière suivante :

PRODUCTION FRANCAISE

(millions d'hectolitres)

 

1980-1981

1990-1991

1996-1997

1997-1998 P

Tous vins

69,2

65,5

59,6

56

VQPRD (1)

14,8

23,6

24,7

23,9

dont AOC

12,9

23,0

24,2

23,3

Autres vins

54,4

41,9

34,9

32,1

- vins de pays

6,5

12,3

15,2

13,4

- autres vins de table

40,5

17,0

8,8

8,2

- vins pour cognac

7,4

12,6

10,9

10,5

(1) vin de Qualité Produits dans une région déterminée

Source : Graph Agri-France - Ministère de l'Agriculture et de la Pêche - 1998


Rappelons qu'en 1997, la viticulture française a connu une évolution très favorable du revenu moyen grâce à d'importantes sorties de chais. Ainsi, toutes catégories de producteurs confondues, le revenu des exploitations viticoles a progressé de près de 23 % en termes réels. La hausse du revenu est plus forte pour les exploitations produisant des vins d'appellation d'origine (+24 %) que pour celles consacrées aux autres vins (+17 %) .

Cette amélioration du revenu intervient après une légère baisse en 1996, mais l'augmentation entre les deux périodes triennales " 1993 " et " 1996 " reste très forte, soit +19 % par an. Le revenu de cette " orientation technique d'exploitation " (OTEX) se situe 75 % au-dessus de celui de l'ensemble des exploitations à temps complet.

En 1998, le secteur des vins a crû de 3,7 % en volume. Les prix se sont envolés avec + 11,5 %, ce qui conduit à une hausse de la valeur ajoutée par rapport à 1997 de +15,6 % -soit une valeur ajoutée de 62 milliards de francs-.

Soulignons que le revenu moyen de la viticulture d'appellation a augmenté de 38 % de 1997 à 1998, le " point noir " se situant dans la région du cognac.

LES CHIFFRES DU SECTEUR VITI-VINICOLE EN FRANCE EN 1997

Production des bois et plants

- 900 producteurs de plants de vignes fournisse 90 à 100 millions de plants de vigne par an pour 0,7 milliard de francs de chiffre d'affaires et 30 millions de francs de matériel exporté.

- 2 % du vignoble sont renouvelés tous les ans (âge moyen du vignoble : 22 à 25 ans) et l'on compte 60.000 à70.000 opérations de plantations par an.

Négoce de vins

Ils sont 800 à 1.000 négociants en France et les 20 premiers assurent 11 milliards de francs de chiffre d'affaires sur 50 à 60 milliards. 60 à 65 % des ventes sont réalisées en grandes surfaces.

Fournisseurs

- Le machinisme (récolte, pressoirs, tracteurs, pulvérisateurs) réalise 1,9 milliard de francs de chiffre d'affaires

- Les produits phytosanitaires : 2,5 milliards de francs

- Les bouteilles : 1,3 milliard de francs

- Les engrais : 0,6 milliard de francs

- La cuverie, filtration, centrifugation, matériel d'embouteillage : 0,7 milliard (estimation)

- Les produits oenologiques : 0,3 milliard.

Exploitations viti-vinicoles

- La France en recense 166.000, occupant 887.000 Hectares, soit 3,3 % de la surface agricole utile. On compte 100.000 exploitations spécialisées pour 740.000 hectares (82 % sont viticoles à 100 %), 66.000 vendent du vin et 35.000 font de la vente en direct.

- Plus de la moitié de la superficie française est occupée par 415 appellations d'origine (AOC + VDQS), la France compte 142 vins de pays.

- 1.029 coopératives regroupent 168.000 coopérateurs (65 % des vins de table et 45 % d'appellations d'origine).

Récolte en France et dans le monde

- La part de la France dans la récolte mondiale est de 59 millions d'hectolitres sur 246 millions d'hectolitres.

- Les livraisons viticoles françaises réalisent un chiffre d'affaires de 50 milliards de francs.

- Le coût de production moyen du vin de table et de pays est de 23.000 francs par hectare, celui du vin d'appellation est de 43.000 francs par hectare (avec des écarts de 21.000 à 240.000 francs).

- Le poids économique de la filière viti-vinicole est de 80 à 90 milliards de francs.

Sources : Agra presse hebdo - n° 2690 - lundi 14 décembre 1998.

2. En Europe

L'Europe se situe au premier rang avec plus de 163 millions d'hectolitres en 1997 pour une production mondiale de vin de 260 millions d'hectolitres. Le vignoble communautaire correspond ainsi à 45 % de la superficie et à quelque 60 % du volume de la production mondiale 2( * ) .

Les grands producteurs européens, outre la France, sont en 1997 : l'Italie avec 54 millions d'hectolitres, l'Espagne avec 36 millions d'hectolitres, l'Allemagne 8 millions d'hectolitres et le Portugal 7 millions d'hectolitres.

PART DES ETATS-MEMBRES DANS LA PRODUCTION DE VIN (VOLUMES), MOYENNES ECRETEES 1993 A 1997

Source : Commission européenne

Soulignons que la vigne en Europe est non seulement une composante essentielle du paysage dans les régions viticoles, mais contribue aussi à sa préservation. En effet elle empêche l'érosion des sols et associe la présence de l'homme dans des zones parmi les plus fragiles du point de vue environnemental et qui sont souvent sans alternatives économiques réelles.

Sur le plan financier, votre rapporteur constate que les dépenses au titre de régime d'aide au secteur viti-vinicole ont connu des variations importantes au fil des années.

DEPENSES DANS LE SECTEUR VITI-VINICOLE DE 1989 à 1998

En millions d'euros

 

1989

1990

1991

1992

1993

1994

1995

1996

1997

1998

prev.*

Dépense moyenne

 
 
 
 
 
 
 
 
 
 
 

98-99

93-89

98-94

B1-160 Restitutions à l'exportations

45,3

54,7

55,5

77,3

100,2

80,4

36,7

40,8

59,7

51,0

60,2

66,6

53,7

B1-161-Interventions vin

568,4

381,5

480,7

450,2

598,5

393,7

214,5

139,8

340,4

383,0

395,1

495,9

294,3

B1-162-Alcool de bouche

284,8

166,7

210,8

180,6

233,1

190,4

168,6

115,8

225,4

159,0

193,5

215,2

171,8

B1-163-Aides aux moûts

96,1

137,4

127,6

128,3

167,7

134,0

100,6

148,8

166,4

148,0

135,5

131,4

139,6

B1-169-Autres

 
 
 
 
 
 
 

-1,4

-3,6

pm

-0,5

0,0

-1,0

Mesures du marché

994,6

740,3

874,6

836,4

1099,5

798,5

520,4

443,8

788,3

741,0

783,7

909,1

658,4

B1-164-Abandon définitif

157,9

230,1

166,7

245,5

403,8

372,0

329,7

331,1

242,1

65,0

254,4

240,8

268,0

Total du secteur

1152,5

970,4

1041,3

1081,9

1503,3

1170,5

850,1

774,9

1030,4

806,0

1038,1

1149,9

926,4

Sources : Parlement européen

B. UNE FORTE VOCATION EXPORTATRICE

Le solde du commerce extérieur français pour le vin, exprimé en francs constants de 1997, s'est accru de 325 % en vingt ans.

Avec un chiffre d'affaires pour la France de 30 milliards de francs en 1997, les exportations de vins et champagne ont augmenté de 22 %, confirmant les bons résultats de 1996.

COMMERCE EXTERIEUR DU VIN (1)

 

1970

1990

1996

1997 P

Quantité

millions d'hectolitres

Importations

10,10

4,50

5,30

5,74

Exportations

4,09

12,33

12,99

15,40

dont Allemagne (2)

1,64

2,84

3,45

3,40

Royaume-Uni

0,44

2,38

2,54

3,02

UEBL

0,51

1,40

1,36

1,69

Valeur

millions de francs

Importations

322

2 121

2 701

3045

Exportations

1 515

23 063

24 852

30 227

(1) France y compris les DOM à partir de 1997

(2) Ex-RFA jusqu'en 1990

Source : Douanes

Votre rapporteur souligne que les exportations européennes de vins vers les pays tiers ont été pour 1995 et 1996, légèrement supérieures à 10 Mhl -soit 6% de la production mondiale- et ont représenté une recette de 2,4 milliards d'euros. Les chiffres pour 1997 indiquent une nette augmentation, les exportations dépassant 12 Mhl. Les principaux clients de l'Union Européenne sont les Etats Unis, la Suisse, le Canada, le Japon et la CEI.

Si l'Union européenne est le premier exportateur mondial de vins, c'est aussi le premier importateur mondial avec 5,2 millions d'hectolitres de vins importés en 1996 représentant une valeur de 650 millions d'euros. Les principaux fournisseurs sont l'Argentine, l'Australie, la Bulgarie, l'Afrique du Sud et l'Ex-Yougoslavie.

II. L'ANALYSE DE LA PROPOSITION DE RÉFORME DE LA COMMISSION

A. LES RAISONS DE LA RÉFORME

1. Une exigence du marché

La révision de l'OCM viti-vinicole en 1987 a répondu à une période au cours de laquelle la production communautaire était caractérisée par des excédents fréquents et persistants. Ainsi, ont été mises en oeuvre des mesures de limitation du potentiel de production par des mécanismes de distillation et d'arrachages définitives primés. En outre, une politique de réencépagement a été généralisée par la Communauté européenne afin d'adapter la production à l'évolution quantitative de la consommation. En 1996, la consommation de vins dans l'Europe des Quinze s'élevait à près de 128 millions d'hectolitres, soit une moyenne d'un peu plus de 34 litres par habitant et par an. De 1986 à 1996, la consommation totale de vin en Europe a diminué de 10 millions d'hectolitres. On observe cependant aujourd'hui une stagnation relative de la consommation de vin en Europe.

Parallèlement, cette politique d'ajustement conjoncturel et structurel a été complétée par un ensemble de mesures de maîtrise du potentiel viticole grâce à la mise en place d'un système de droits de plantation.

Le secteur viti-vinicole européen a connu, depuis lors, d'importants changements en raison notamment de l'évolution de la situation du marché.

Les symptômes évoluant, le diagnostic originel devait être revu. En effet, rapidement la politique de limitation du potentiel de production a provoqué une forte réduction de la superficie du vignoble européen, particulièrement en ce qui concerne les vins de consommation courante -les vins de table essentiellement- aidée en cela par les aléas climatiques.

La superficie viticole de la Communauté a ainsi été ramenée de près de 4 millions d'hectares en 1987 à 3,4 millions d'hectares en 1997, soit 2,6 % de la surface agricole utile.

De plus, alors qu'en 1987/1988, la production communautaire dépassait les 200 millions d'hectolitres (51 millions d'hectolitres de vin de qualité, 135 millions d'hectolitres de vin de table et 15 millions d'hectolitres d'autres vins), celle-ci a été ramenée à 160 millions d'hectolitres en 1997/1998, dont 58 millions d'hectolitres de vin de qualité, 91 millions d'hectolitres de vin de table et 13 millions d'hectolitres d'autres vins.

Par ailleurs, comme l'indique la Commission " l'incidence globale de cette réduction de la superficie viticole sur la production a été accrue par l'utilisation de variétés à raisin à rendement plus faible, de qualité plus élevée, mais plus encore par le vieillissement des vignobles, renouvelés à un rythme insuffisant ".

Ce nouvelle situation du marché nécessite donc une réforme de l'OCM viti-vinicole.

2. Les évolutions politiques

Comme l'a justement souligné la Commission européenne, trois événements politiques ont eu et auront une influence majeure sur la situation du secteur viti-vinicole.

En premier lieu, la mise en oeuvre des accords du cycle Uruguay en juillet 1995 n'est pas sans conséquence dans ce secteur .

En effet, ces accords ont entraîné une réduction des exportations subventionnées de vins communautaires. Si la majorité des producteurs communautaires exportent sans subventions, la réduction de celles-ci renforce la nécessité pour les producteurs communautaires de continuer à améliorer leur compétitivité. En ce qui concerne les importations, les accords ont accru les possibilités d'accès aux vins des pays tiers par la suppression du système protecteur de prix de référence et par la réduction des droits de douane. Il en résulte que les mesures d'intervention traditionnelles de l'organisation de marché actuelle ne permettent plus de maîtriser les volumes et les prix dans un marché communautaire plus souple et plus ouvert. Les mesures prises attireraient simplement des volumes d'importation supplémentaires et les prix ne pourraient pas dépasser le prix des produits importés.

En second lieu, comme l'expose la Commission dans son projet, " le secteur doit anticiper l'élargissement futur de l'Union aux pays d'Europe centrale et orientale, analysé dans Agenda 2000 ".

L'analyse des conséquences de l'élargissement de l'Union européenne aux PECO nécessite une distinction entre les pays d'Europe centrale et orientale producteurs de vin et ceux non producteurs de vin. Ainsi, en 1997, les importations de vins en provenance de la Bulgarie, de la Hongrie et de la Roumanie -producteurs de vins- se sont élevées à 1,4 Mhl, ce qui fait de ce groupe le premier fournisseur de vin de l'Union européenne, ces importations dépassant largement les contingents tarifaires. Les exportations de l'Union européenne à destination de ces trois pays producteurs ont parallèlement fortement chuté. En revanche, les exportations de l'Union européenne vers les PECO non producteurs de vin ont été exceptionnellement élevées ces dernières années, notamment en direction de la Pologne, de la Tchèquie et de la Slovaquie.

Enfin, le nouveau cycle de négociations agricoles dans le cadre de l'OMC à partir de l'an 2000 devra prévoir des mesures destinées à garantir une présence plus forte des producteurs de la Communauté sur le marché mondial en expansion . Soulignons que le commerce international de vin se développe de manière importante : si les exportations mondiales de vin se limitaient à 44 millions d'hectolitres en moyenne dans les années 1986 à 1990, elles sont estimées à plus de 60 millions d'hectolitres pour 1997.

3. Un souci de simplification

Une simplification de la législation dans le secteur est nécessaire, compte tenu du grand nombre de règlements du conseil actuellement en vigueur. Ces règlements sont en effet devenus trop détaillés et trop complexes, et certains sont redondants ou obsolètes.

L'intégration de la législation dans le règlement unique du conseil qui est proposé devrait en améliorer la transparence et en faciliter l'application.

B. LA PRÉSENTATION DE LA RÉFORME PROPOSÉE

L'OCM vin regroupe l'ensemble des différentes politiques conjoncturelles et structurelles viticoles existantes et assure la mise en oeuvre d'une politique active d'intervention communautaire sur les marchés viti-vinicoles.

1. Les objectifs de la réforme

Tout en reconnaissant la spécificité du secteur viti-vinicole, la Commission européenne considère donc que la réforme devrait prendre en considération sept grands objectifs :

- maintenir sur le marché communautaire un meilleur équilibre entre l'offre et la demande, en donnant ainsi aux producteurs la possibilité d'exploiter les marchés en expansion ;

- permettre au secteur de devenir durablement plus compétitif ;

- abolir l'utilisation de l'intervention comme débouché artificiel pour la production excédentaire ;

- continuer à maintenir l'ensemble des débouchés traditionnels de l'alcool de bouche et des produits de la vigne ;

- prendre en compte la diversité régionale ;

- officialiser le rôle potentiel des groupements de producteurs et des organisations interprofessionnelles (ou équivalentes) ;

- simplifier considérablement la législation.

2. Les mesures proposées par la Commission

La proposition de règlement avancée par la Commission est constituée de 81 articles regroupés dans huit titres :

Le titre I est relatif au champ d'application ; il comprend un seul article qui précise les différents produits régis par cette OCM.

Le titre II a trait au potentiel viticole . Il est composé de quatre chapitres qui regroupent en tout 22 articles.

Le chapitre Ier concerne les plantations de vignes : l'actuelle interdiction de planter de nouveaux vignobles reste applicable pendant une nouvelle période transitoire.

Par ailleurs, dans les zones où la demande augmente, une quantité initiale de droits de plantation supplémentaires sera allouée aux Etats-membres dans le cadre d'un nouveau régime de gestion des droits de plantation, avec priorité aux jeunes récemment installés dans le secteur. Ce régime prévoit, en outre, la constitution de " caisses " -c'est-à-dire de réserves- de droits de plantation afin de faciliter les transferts de droits de plantation non utilisés aux producteurs qui en ont le plus besoin. Il est indiqué qu'au départ, ces réserves existeront sur le plan régional.

Pour recevoir une partie de cette quantité initiale de droits de plantation, chaque Etat devra établir un inventaire sur les superficies viticoles, les variétés et les droits de plantation. La quantité totale des droits de plantation supplémentaires équivaudra à 1 % des aires de production respectives des Etats-membres, soit 34.000 hectares au total.

Les mesures d'arrachage sont maintenues et celles visant à améliorer la compétitivité du secteur continueront à faire partie intégrante de l'OCM.

Le chapitre II est relatif aux primes d'abandon octroyées en contrepartie de l'abandon définitif de la viticulture sur une surface déterminée.

Le chapitre III porte sur le régime de reconversion des vignobles qui tendent à adapter les vignobles à la production de vins commercialisables.

Soulignons qu'une nette distinction entre la reconversion des vignobles et leur renouvellement normal garantira un financement communautaire au bénéfice exclusif de la reconversion.

Le chapitre IV a trait à l'inventaire et à diverses informations.

Le titre III regroupe dans 15 articles les dispositions relatives aux mécanismes de marché :

Le chapitre I concerne l'aide au stockage privé qui est maintenu.

Le chapitre II porte sur la distillation : les distillations préventives, obligatoires et de soutien sont supprimées. La diminution des excédents et l'ouverture du marché étant probables, la Commission estime nécessaire la mise en place d'une mesure de distillation " de crise " applicable sur une base facultative.

Une mesure de distillation des sous-produits destinée à éviter le surpressurage des raisins est maintenue et la mesure spécifique de distillation du vin issu de variétés autres qu'à raisins de cuve continuera d'être appliquée comme mesure transitoire.

Il est important de souligner que l'alcool distillé dans le cadre de mesures d'intervention ne sera plus la propriété des Etats-membres. En outre, la Commission propose de remplacer la distillation préventive par une mesure de distillation spécifique en faveur du marché de l'alcool de bouche.

Le chapitre III est relatif aux aides en faveur d'utilisations déterminées.

Le chapitre IV a trait à des dispositions d'ordre général .

Le titre IV sur les groupements de producteurs (chapitre I) et les organisations interprofessionnelles (chapitre II) comporte sept articles.

Ce titre, selon la Commission, consacre le rôle des groupements de producteurs (GP) et des organisations (interprofessionnelles ou équivalentes) représentatives du secteur.

Les groupements de producteurs doivent contribuer à l'amélioration des résultats du secteur en ciblant davantage l'offre par rapport à la demande, en réduisant les coûts de production et en favorisant le recours à des pratiques " écocompatibles ". Quant aux organisations interprofessionnelles (ou équivalentes), elles mèneront une série d'actions qui renforceront les performances économiques du secteur.

Le financement communautaire des mesures de reconversion comportera, selon le projet de la Commission, deux éléments :

- la perte de recettes, soit que les producteurs gardent à la fois les vignobles anciens et les vignobles reconvertis jusqu'à ce que ces derniers deviennent productifs (aucune compensation n'étant nécessaire), soit qu'ils procèdent à l'arrachage pour replanter ultérieurement la même parcelle (financement communautaire intégral) ;

- le coût du matériel de reconversion, qui fera l'objet d'un financement communautaire à concurrence de 50 % (75 % dans les zones relevant de l'objectif 1), le solde étant à la charge des bénéficiaires.

Le titre V concerne les traitements et pratiques oenologiques et les spécifications de produits (désignation, dénomination, présentation et protection). Il regroupe huit articles, le chapitre I portant sur les traitements et pratiques oenologiques et les spécifications de produits , le chapitre II sur la désignation, la dénomination, la présentation et la protection des produits .

Le titre VI (huit articles) expose les principes de base applicables aux Vins de Qualité Produits dans une Région Déterminée (VQPRD) . Les questions relatives aux désignations, aux dénominations, à la présentation et à la protection ont été déléguées à la Commission afin, selon Bruxelles, d'améliorer la transparence tout en conservant le niveau de protection actuel.

Le titre VII (onze articles) expose les dispositions applicables aux échanges avec les pays tiers , et notamment les exigences en matière de présentation des certificats d'importation, les prix d'entrée, le fonctionnement des contingents tarifaires, les restitutions à l'exportation, les mesures de sauvegarde ainsi que différentes normes techniques.

Le titre VIII est relatif à certaines dispositions générales, transitoires et finales .

III. LA POSITION DE VOTRE COMMISSION

A. L'ANALYSE DE LA PROPOSITION DE LA COMMISSION EUROPEENNE

Votre rapporteur se félicite que la Commission ait présenté une proposition de réforme de l'OCM viti-vinicole, fondamentalement différente de celle de 1994 . La Commission propose ainsi un instrument dont la philosophie devrait permettre à toute la filière de mener les politiques qu'elle ambitionne et de valoriser un secteur clé de l'économie et de la culture européenne, ainsi que d'offrir aux consommateurs des produits de qualité, présentant toutes les garanties indispensables.

Comme le souligne M. James Bordas dans son rapport n° 196, " les orientations générales de la proposition E 1134 paraissent satisfaisantes sur plusieurs points : l'idée d'un " équilibre dynamique de marché ", la volonté d'éliminer la production n'ayant pour débouché que l'intervention, la poursuite de l'effort de restructuration des vignobles pour améliorer la compétitivité européenne, le principe d'une reconnaissance des interprofessions... ".

Cependant, votre rapporteur souligne certaines contradictions entre les objectifs énoncés et les instruments proposés pour les atteindre.

Un manque de flexibilité du potentiel de production

- Votre rapporteur souligne, à l'instar des organisations professionnelles, les fortes incohérences entre, d'une part, les objectifs affichés par la Commission européenne (permettre aux producteurs d'exploiter des marchés en expansion et permettre au secteur de devenir durablement plus compétitif) et l'interdiction de plantation nouvelle jusqu'au 31 juillet 2010, d'autre part.

La croissance envisagée dans le projet est donc largement inférieure aux capacités de développement de certains vignobles.

Votre rapporteur considère que des critères économiques sont plus adaptés qu'une simple référence à la superficie pour préjuger du potentiel réel de développement.

- De plus, la durée de vie des droits de plantation du producteur fixée à 5 ans par le texte est insuffisante pour assurer le repos sanitaire du sol entre l'arrachage et la replantation. Une telle mesure pourrait conduire à un recours accru à la désinfection chimique.

Une capacité d'intervention en cas de crise relativement faible

Votre rapporteur estime intéressante l'instauration d'un mécanisme de distillation de crise. Néanmoins, comme le souligne à juste titre M. Philippe Martin dans son rapport 3( * ) , la définition de cette procédure paraît quelque peu floue et sa mise en oeuvre relativement incertaine. En effet, aucune définition du terme de " crise " n'est donnée ; on ne sait pas, de plus, quelle est l'autorité qui appréciera la réalité ou non de la crise et comment ce mécanisme sera mis en oeuvre. Ainsi, en cas de réel excédent conjoncturel dû à des aléas climatiques, cette disposition de distillation facultative et générale sera-t-elle suffisante pour assainir le marché ? Ne faut-il pas cibler cette mesure ?

Une organisation de la filière insuffisamment autonome

Votre rapporteur prend acte de la volonté de la Commission européenne d'établir un cadre juridique reconnaissant les structures professionnelles.

Néanmoins, comme l'ont rappelé la plupart des organisations professionnelles à votre rapporteur, la rédaction proposée par la Commission ne correspond pas aux réalités du secteur dans les différents pays de l'Union .

Votre rapporteur regrette aussi la confusion qu'opère la Commission dans les compétences entre groupements de producteurs, organisations interprofessionnelles et autres modes d'organisation comme les syndicats de producteurs en France. Ce manque de clarté risque de fragiliser l'équilibre du secteur viti-vinicole.

Par ailleurs, le statut interprofessionnel proposé renforce le contrôle administratif communautaire sans régler la reconnaissance juridique des politiques régionales d'adaptation des marchés.

Une approche inadaptée en ce qui concerne les pratiques et traitements oenologiques et les spécifications des produits

Si la proposition de la Commission prévoit, pour l'essentiel, la reconduction de la situation réglementaire actuelle, il est, en revanche, prévu qu'une grande partie des règles techniques sera déterminée par la Commission.

Votre rapporteur considère, à l'instar de M. Philippe Martin, que la suppression du principe de la liste positive en vigueur depuis 1970 est une proposition dangereuse : en effet, une telle disposition constitue une brèche dans notre législation communautaire dans un secteur aussi sensible que celui des vins.

Une protection affaiblie pour les Vins de Qualité Produits dans une Région Déterminée (VQPRD)

La proposition de la commission tend à ne plus protéger les VQPRD : en effet, le Titre VI de la proposition communautaire ne contient pas de définition précise de ces produits.

Or, il est impératif que les autorités communautaires protègent nos désignations géographiques européennes tant au niveau de l'OMC qu'au niveau des accords internationaux qu'elles développent avec des pays tiers.

Le problème de la levée de l'interdiction d'importer des moûts de raisin à des fins de vinification

Le projet de la Commission permet l'importation de moûts en provenance de pays tiers destinés à être unifiés. Votre rapporteur considère qu'une telle autorisation, outre le fait qu'elle ne constitue en aucune façon une demande de l'OMC, pose trois difficultés majeures :

- elle risque de déstabiliser le marché européen en fragilisant la production européenne de vins de table ;

- elle amoindrit la confiance du consommateur ;

- elle fait financer par des fonds communautaires ces moûts en provenance de pays tiers qui sont utilisés pour distiller des vins européens. Comme le rappelle M. James Bordas : " la réglementation viti-vinicole de la Communauté est loin de constituer une entorse criante aux normes de l'OMC : le marché communautaire est largement ouvert aux vins étrangers, qui acquittent des droits faibles ; les restitutions à l'exportation sont très réduites (moins de 50 millions d'euros par an).

Cette proposition est enfin en totale contradiction avec les propositions de la Commission d'interdire le développement du potentiel viticole de l'Union européenne 4( * ) .

Un risque de manque de transparence dans la nouvelle architecture de la réglementation

Votre rapporteur se félicite du souhait de la Commission de consolider en un seul règlement cadre du Conseil les actuels 23 règlements sectoriels, la législation " vins " étant devenue extrêmement complexe.

Toutefois actuellement, la proposition de la Commission lui confère toutes les compétences législatives en lui laissant le soin d'adopter, par chapitre, après avis du seul comité de gestion, toutes les mesures d'application. Ce projet, comme l'indique M. James Bordas, " porte atteinte dans des proportions excessives aux pouvoirs du Conseil . " La préparation des futures négociations à l'OMC devrait pourtant conduire à maintenir au Conseil certaines prérogatives sur un secteur clé de notre économie, par exemple en matière d'étiquetage.

B. LES PROPOSITIONS DE VOTRE COMMISSION

A l'aune de cette analyse, votre commission considère, tout d'abord, essentiel d'obtenir, dans cette proposition de réforme, " un droit à la croissance basé sur le marché " et une flexibilisation de la gestion des droits de plantation et de replantation.

Il faut, en outre, que le règlement encourage l'adaptation de l'offre à la demande, ainsi qu'une accélération du rythme de renouvellement des vignobles. En effet, le faible taux de renouvellement du vignoble pourrait entraîner un déficit qualitatif et de compétitivité dans un marché de plus en plus ouvert et soumis à une concurrence croissante.

Pour y parvenir, il faudrait que l'accroissement de 1 % de la superficie du vignoble, tel que proposé actuellement dans le projet, soit complété par :

- l'obligation faite à la Commission de présenter régulièrement des propositions de plantations nouvelles pour adapter la production à l'évolution des marchés ;

- le maintien d'une enveloppe supplémentaire pour les jeunes agriculteurs, afin d'encourager leur installation et l'adaptation structurelle de leur exploitation ;

- l'allongement de la durée des droits de replantation de 5 ans à 8 ans afin de concilier repos sanitaire des sols et rotation suffisamment rapide des droits.

Votre rapporteur estime, par ailleurs, nécessaire qu'un filet de sécurité minimal soit instauré afin de faire face de manière efficace à des risques de crise conjoncturelle liée aux aléas climatiques.

Ainsi, en cas de crise, le mécanisme de distillation retenu doit pouvoir être obligatoire dans certaines régions et pour des produits particuliers.

En ce qui concerne l'organisation de la filière, les professionnels se montrent favorables à ce qu'une large délégation de pouvoirs soit donnée aux Etats membres, afin qu'ils règlent eux-mêmes la reconnaissance juridique des structures professionnelles représentatives dans les différents Etats membres .

Il paraît également souhaitable à votre commission que le règlement retienne en toute clarté le principe du maintien en vigueur des normes concernant les traitements et les pratiques oenologiques , rien ne justifiant une modification des équilibres actuels.

La reprise dans la proposition de réforme de l'OCM viti-vinicole de l'intégralité de l'article 15 du règlement 823/87 définissant les types de vins et les noms des désignations géographiques utilisés traditionnellement par les Etats membres paraît indispensable à votre rapporteur afin d'assurer une réelle protection aux VQPRD d'une concurrence déloyale.

De plus, comme le souligne M. James Bordas, il convient de s'opposer à la levée de l'interdiction d'importer des moûts de raisin à des fins de vinification , afin de ne pas affaiblir la position européenne avant le début des nouvelles négociations sur l'OCM. Il est impératif de rappeler que le principe, pour déterminer l'origine d'un produit, est et doit rester , que les raisins doivent être produits à un endroit identique à celui s'effectue la transformation. Pour le cas où ces deux opérations auraient lieu en des endroits différents, il faut prévoir un étiquetage spécifique.

En outre, la proposition de règlement du Conseil, législation " cadre ", conférant à la Commission toutes les compétences législatives en lui laissant le soin d'adopter, par chapitre, après avis du seul Comité de Gestion, toutes les mesures d'application, ne satisfait pas votre commission qui souhaite en revenir au statu quo. Il est, au minimum, indispensable que le règlement du Conseil pose plus clairement les principes de mise en oeuvre de ces mesures de transferts.

Enfin, votre commission souhaite que le budget communautaire consacré au secteur vitivinicole soit en adéquation avec l'importance de cette filière en terme d'emploi, d'aménagement du territoire et d'exportation.

*

* *

Telles sont, Mesdames et Messieurs, les raisons qui justifient la proposition de résolution que vous soumet votre commission des affaires économiques dans la rédaction qu'elle a adoptée lors de sa réunion du mardi 9 février 1999.

PROPOSITION DE RÉSOLUTION

Le Sénat,

Vu l'article 88-4 de la Constitution,

Vu la proposition d'acte communautaire E 1134 sur la proposition de règlement (CE) du Conseil portant organisation commune du marché vitivinicole (COM (1998) 370 final),

Demande au Gouvernement de tout mettre en oeuvre pour obtenir :

- que les contraintes portant sur la croissance du vignoble soient assouplies afin, d'une part, de permettre aux producteurs européens de répondre à une demande internationale en expansion et, d'autre part, de favoriser l'installation de jeunes viticulteurs et l'adaptation de leurs exploitations ;

- qu'une large délégation de pouvoir soit reconnue aux Etats-membres pour organiser leur filière vitivinicole, conformément au principe de subsidiarité ;

- que l'interdiction d'importer des moûts à des fins de vinification soit maintenue ;

- qu'un filet de sécurité minimal soit mis en place pour faire face efficacement aux risques de crise conjoncturelle liée aux aléas climatiques ;

- que les normes en vigueur concernant les pratiques et traitements oenologiques soient préservées ;

- que la réglementation de l'étiquetage des vins reste de la compétence du Conseil et conserve sa spécificité par catégorie de vins ;

- que les mentions spécifiques traditionnelles des Vins de Qualité Produits dans des Régions Déterminées soient rétablies ainsi que le contrôle et la protection de ces vins par les différents Etats membres ;

- que le budget communautaire du secteur vitivinicole soit en adéquation avec l'importance de cette filière en termes d'emploi, de préservation de l'environnement, d'occupation du territoire et d'exportation ;

- que des dispositions soient prises pour soutenir la promotion commerciale des produits et la modernisation des entreprises viticoles ;

- que les négociations sur la réforme de l'organisation commune du marché vitivinicole puissent être considérées comme dissociables de celles portant sur la réforme des autres organisations communes de marché.



1 Rapport n° 310 (1994-1995) présenté par M. Gérard César au nom de la Commission des Affaires économiques sur la proposition de M. Louis Minetti et les membres du groupe communiste républicain et citoyen sur la proposition de l'OCM viti-vinicole (n° E-401) et sur la proposition de résolution présenté par MM. Jacques Genton, Jacques Habert et Emmanuel Hamel sur le même texte.

2 Situation et Perspectives VIN - 06/1998 - Commission européenne - Direction générale de l'agriculture.

3 Rapport du Parlement européen en date du 18 décembre 1998 présenté par M. Philippe Martin au nom de la Commission de l'agriculture et du développement rural (PE.228.130/rév.)

4 Rapport du Parlement européen précité



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