B. LE STATUT DE LA COUR PÉNALE

Le statut adopté à Rome comporte 128 articles, décrivant en particulier avec précision la procédure applicable devant la Cour.

1. La compétence de la Cour

a) Ratione materiae

La Cour n'est compétente qu'à l'égard des " crimes les plus graves qui touchent l'ensemble de la communauté internationale ", à savoir :

- le génocide ;

- les crimes contre l'humanité ;

- les crimes de guerre ;

- le crime d'agression.

Ces crimes sont d'ores et déjà consacrés en droit international, ont été inclus dans le statut du tribunal de Nuremberg et repris dans les statuts des tribunaux internationaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda.

Le projet de statut d'une Cour criminelle internationale élaboré en 1994 par la commission du droit international de l'Organisation des Nations-Unies prévoyait la compétence de la Cour pour un grand nombre d'autres infractions de nature diverse, comprenant en particulier l'apartheid, le trafic illicite de stupéfiants, la piraterie maritime ou aérienne, la prise d'otages... Cette option n'a finalement pas été retenue par la Conférence de Rome.

Le génocide est défini par l'article 2 de la Convention de 1948 et cette définition a été reprise dans le statut de la Cour pénale. Ainsi, constitue un crime de génocide l'un des actes suivants " commis dans l'intention de détruire, en tout ou en partie, un groupe national, ethnique, racial ou religieux, comme tel : meurtre de membres de groupe, atteinte grave à l'intégrité physique ou mentale de membres du groupe, soumission intentionnelle de membres du groupe à des conditions d'existence devant entraîner sa destruction physique totale ou partielle, mesures visant à entraver les naissances au sein du groupe, transfert forcé d'enfants du groupe à un autre groupe ".

Il convient de noter que cette définition comporte une différence par rapport la solution retenue dans les statuts des tribunaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda. Ceux-ci mentionnent également l'entente en vue de commettre un génocide, l'incitation, la tentative et la complicité.

L'explication de cette différence se trouve dans l'article 25 du statut de la Cour pénale internationale, qui incrimine, pour l'ensemble des crimes pour lesquels la Cour pénale a compétence, la tentative, l'aide , la contribution, l'incitation.

La définition des crimes contre l'humanité posait en revanche des difficultés plus complexes, dans la mesure où il était difficile de reprendre la définition inscrite dans le statut du tribunal de Nuremberg, définition trop marquée par le contexte de sa rédaction. L'article 7 du statut de la Cour pénale mentionne donc un grand nombre d'actes (le meurtre, l'extermination, la réduction en esclavage, la déportation ou le transfert forcé de population, la torture, le viol et les grossesses forcées...), qui sont susceptibles de constituer un crime contre l'humanité, dès lors qu'ils sont commis " dans le cadre d'une attaque généralisée ou systématique lancée contre une population civile et en connaissance de cette attaque ".

La définition des crimes de guerre a été plus difficile encore à élaborer. L'article 8 du statut ne mentionne pas moins d'une cinquantaine d'infractions au sein desquelles sont distinguées les infractions portant sur la violation du droit des conflits armés internationaux et celles portant sur la violation du droit des conflits internes. A l'intérieur de chacune de ces catégories sont en outre distinguées les infractions graves aux conventions de Genève de 1949 et les autres violations graves des lois et coutumes applicables aux conflits armés.

Il est heureux que la Cour ait reçu compétence pour connaître des crimes commis non seulement dans le cas de conflits internationaux, mais aussi au cours de conflits internes. Les crimes les plus graves sont en effet souvent commis au sein d'Etats déchirés par la guerre civile ou lors d'affrontements entre communautés.

La compétence de la Cour s'exerce à l'encontre de l'ensemble des crimes de guerre, même s'il est précisé qu'elle a vocation à s'appliquer " en particulier lorsque ces crimes s'inscrivent dans un plan ou une politique ou lorsqu'ils font partie d'une série de crimes analogues commis sur une grande échelle ".

L'article 124 du statut permet toutefois aux Etats parties de déclarer que, pour une période de sept ans à partir de l'entrée en vigueur du statut, ils n'acceptent pas la compétence de la Cour à l'égard des crimes de guerre, lorsqu'il est allégué qu'un tel crime a été commis sur leur territoire ou par leurs ressortissants.

Enfin, en ce qui concerne le crime d'agression , le statut précise que la cour exercera sa compétence lorsqu'une définition de ce crime aura été adoptée, par exemple dans le cadre de la Conférence de révision qui devra être convoquée sept ans après l'entrée en vigueur du statut.

Le débat sur la définition du crime d'agression dure en fait depuis plusieurs dizaines d'années. La société des Nations puis l'Organisation des Nations-Unies se sont attachées sans succès à définir l'agression jusqu'à l'adoption de la résolution 3314 de l'Assemblée générale des Nations-Unies en date du 14 décembre 1974, qui énumère une longue liste d'actes susceptibles de constituer une agression. Malgré certaines propositions, formulées notamment par l'Allemagne, les négociateurs du statut de la Cour pénale internationale n'ont pu parvenir à un accord sur une définition qui aurait pu être inscrite dans le statut.

b) Ratione personae et ratione loci

L'article premier du statut prévoit que la Cour " peut exercer sa compétence à l'égard des personnes pour les crimes les plus graves ayant une portée internationale ".

L'article 12 du statut prévoit que la Cour peut exercer sa compétence si l'un des deux Etats suivants ou les deux sont parties au statut :

- l'Etat sur le territoire duquel le comportement en cause s'est produit ou, si le crime a été commis à bord d'un navire ou d'un aéronef, l'Etat du pavillon ou l'Etat d'immatriculation ;

- l'Etat dont la personne accusée du crime est un national.

Cet article prévoit en outre la possibilité pour un Etat n'étant pas partie au statut de reconnaître la compétence de la Cour à l'égard d'un crime.

Il convient de noter que ces règles de compétence ne mentionnent pas l'Etat dont la victime est ressortissante ni l'Etat sur le territoire duquel se trouve l'accusé.

Toutefois, en cas de saisine par le Conseil de sécurité des Nations-Unies, la Cour sera compétente quel que soit l'Etat de nationalité de l'auteur du crime ou l'Etat sur le territoire duquel le crime aura été commis.

c) Ratione temporis

La Cour n'a compétence qu'à l'égard des crimes relevant de sa compétence commis après l'entrée en vigueur du statut, c'est-à-dire lorsque soixante Etats auront ratifié le traité.

2. L'organisation de la Cour pénale

La Cour pénale internationale aura son siège à La Haye, aux Pays-Bas. Les organes de la Cour sont la présidence, les chambres, le bureau du procureur et le greffe.

a) La présidence

Le Président et les deux vice-présidents sont élus à la majorité absolue des juges pour trois ans ou jusqu'à l'expiration de leur mandat de juge si celui-ci prend fin avant trois ans.

La présidence est en particulier chargée de la bonne administration de la Cour.

b) Les sections

La Cour se compose de 18 juges. Ce nombre peut être augmenté par la Conférence des Etats parties à la demande de la présidence. Les juges sont élus pour neuf ans par l'assemblée des Etats parties et leur mandat n'est pas renouvelable.

L'élection des juges est organisée de manière à permettre une représentation équilibrée des personnalités ayant une compétence reconnue dans les domaines du droit pénal et de la procédure pénale et des personnalités ayant une compétence reconnue en droit international. En outre, les Etats parties doivent tenir compte de la nécessité d'assurer la représentation des principaux systèmes juridiques du monde, une représentation géographique équitable, enfin une représentation équitable des hommes et des femmes.

Les juges sont répartis dans trois sections : la section des appels, la section de première instance et la section préliminaire. La section des appels est composée du Président et de quatre autres juges ; la section de première instance et la section préliminaire sont composées chacune de six juges au moins.

La chambre d'appel est composée de tous les juges de la section des appels ; les fonctions de la chambre de première instance sont exercées par trois juges de la section de première instance ; enfin, les fonctions de la chambre préliminaire sont exercées soit par trois juges de la section préliminaire soit par un seul juge de cette section.

c) Le bureau du procureur

Le bureau du procureur agit indépendamment en tant qu'organe distinct au sein de la Cour. Il est chargé de recevoir les communications et tout renseignement dûment étayé concernant les crimes relevant de la compétence de la Cour, de les examiner, de conduire les enquêtes et de soutenir l'accusation devant la Cour. Ses membres ne sollicitent ni n'acceptent d'instructions d'aucune source extérieure.

Le procureur est élu au scrutin secret par l'Assemblée des Etats parties à la majorité absolue des membres de celle-ci. Il est secondé par un ou plusieurs procureurs adjoints, habilités à accomplir tous les actes que le statut requiert du procureur.

d) Le greffe

Le greffe est responsable des aspects non judiciaires de l'administration et du service de la Cour. Le greffier est élu par les juges pour cinq ans et est rééligible une fois.

Il convient enfin de préciser que le greffier est chargé, aux termes du statut, de créer une division d'aide aux victimes et aux témoins. Cette division est chargée de conseiller et d'aider les témoins, les victimes qui comparaissent devant la Cour et les autres personnes auxquelles les dépositions de ces témoins peuvent faire courir un risque, ainsi que de prévoir les mesures et les dispositions à prendre pour assurer leur protection et leur sécurité.

3. Le cadre général de l'action de la Cour : le respect des principes fondamentaux du droit pénal et de la procédure pénale

Le statut de la Cour pénale prévoit le respect des principes fondamentaux du droit pénal et de la procédure pénale.

a) Le respect des principes généraux du droit pénal

Dans son article 20, le statut prévoit, en application du principe non bis in idem , que nul ne peut être jugé pour des actes constitutifs de crimes pour lesquels il a déjà été condamné ou acquitté. La seule exception à ce principe concerne le cas dans lequel une procédure devant une juridiction aurait eu pour objet de soustraire une personne à sa responsabilité pénale.

L'article 22 du statut stipule qu'une personne n'est responsable pénalement que si son comportement constitue, au moment où il se produit, un crime relevant de la compétence de la Cour ( nullum crimen sine lege ). Par ailleurs, une personne condamnée par la Cour ne peut être punie que conformément aux dispositions du statut ( nulla poena sine lege ).

Nul n'est pénalement responsable pour un comportement antérieur à l'entrée en vigueur du statut. Lorsque le droit applicable à une affaire est modifié avant le jugement définitif, le droit le plus favorable à la personne faisant l'objet d'une enquête, de poursuites ou d'une condamnation s'applique.

b) Le respect des droits de la défense et de la présomption d'innocence

- Au cours d'une enquête, une personne n'est pas obligée de témoigner contre elle-même, ni de s'avouer coupable. Elle n'est soumise à aucune forme de coercition, de contrainte ou de menace, bénéficie gratuitement de l'aide d'un interprète compétent, ne peut être arrêtée arbitrairement. Avant un interrogatoire, toute personne doit notamment être informée de son droit de garder le silence et de son droit d'être assistée par le défenseur de son choix ou, si elle n'en a pas, par un défenseur commis d'office ;

- tout accusé a le droit d'être informé dans le plus court délai et de façon détaillée des motifs et de la teneur des charges dans une langue qu'il comprend et parle bien ; il doit pouvoir disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense et communiquer librement et confidentiellement avec le conseil de son choix. Un accusé a également le droit d'interroger ou de faire interroger les témoins à charge et d'obtenir la comparution et l'interrogation des témoins à décharge.

c) Le droit à un procès équitable dans un délai raisonnable

L'article 64 du statut prévoit que la chambre de première instance de la Cour veille à ce que le procès soit conduit de façon équitable et avec diligence. L'accusé doit être jugé sans retard excessif et a droit à ce que sa cause soit entendue publiquement.

d) L'individualisation des peines

La Cour peut prononcer une peine d'emprisonnement à temps de 30 ans au plus ou une peine d'emprisonnement à perpétuité " si l'extrême gravité du crime et la situation personnelle du condamné le justifient ".

Ainsi, s'agissant des crimes les plus graves, la peine de mort est proscrite de la plus haute instance criminelle que le monde aura connue. Il faut saluer pareil progrès de la conscience humaine.

La Cour peut, en plus de la peine d'emprisonnement, prononcer une peine d'amende et décider la confiscation des profits, biens et avoirs tirés directement ou indirectement du crime.

L'article 78 du statut impose à la Cour, lorsqu'elle fixe la peine, de tenir compte de considérations telles que la gravité du crime et la situation personnelle du condamné. Lorsqu'une personne est reconnue coupable de plusieurs crimes, la Cour prononce une peine pour chaque crime et une peine unique indiquant la durée totale d'emprisonnement.

e) Les voies de recours

L'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, adopté en 1966 dans le cadre de l'organisation des Nations Unies, prévoit que " toute personne déclarée coupable d'une infraction a le droit de faire examiner par une juridiction supérieure la déclaration de culpabilité et la condamnation, conformément à la loi ".

Le statut de la Cour pénale internationale respecte ces prescriptions. Les décisions de la chambre de première instance, sur la culpabilité comme sur la peine, peuvent en effet donner lieu à appel devant une chambre d'appel. Si celle-ci conclut que la procédure faisant l'objet de l'appel est viciée au point de porter atteinte à la régularité de la condamnation, ou que la condamnation faisant l'objet de l'appel est sérieusement entachée d'une erreur de fait ou de droit, elle peut annuler ou modifier la condamnation ou ordonner un nouveau procès devant une chambre de première instance différente.

Par ailleurs, les décisions définitives sur la culpabilité ou la peine peuvent donner lieu à requête en révision de la part de la personne déclarée coupable ou, en cas de décès, de son conjoint, de ses enfants, de ses parents ou de toute personne mandatée par écrit expressément à cette fin.

4. La saisine de la Cour

Trois modes de saisine de la Cour pénale internationale sont prévus par le statut :

- tout Etat partie peut déférer au Procureur une situation dans laquelle un ou plusieurs crimes relevant de la compétence de la Cour paraissent avoir été commis ;

- le procureur peut ouvrir une enquête de sa propre initiative au vu de renseignements concernant des crimes relevant de la compétence de la Cour ; dans ce cas, il doit obtenir une autorisation de la chambre préliminaire pour ouvrir une enquête.

- enfin, le Conseil de sécurité des Nations-Unies peut également déférer au procureur une situation dans laquelle un ou plusieurs crimes paraissent avoir été commis. Le Conseil de sécurité peut non seulement saisir la Cour, mais également - ce qui paraît beaucoup plus contestable - empêcher toute poursuite ou enquête pendant douze mois, cette demande pouvant être renouvelée 2( * ) .

5. La procédure

Trois phases peuvent être distinguées dans la procédure devant la Cour : l'enquête, la confirmation des charges, le procès.

a) L'enquête

La décision d'ouvrir une enquête est prise, sous le contrôle de la chambre préliminaire, par le procureur, qui peut également conclure qu'il n'y a pas de motifs suffisants pour engager des poursuites. Le procureur " enquête tant à charge qu'à décharge ". Il peut notamment recueillir et examiner des éléments de preuve, convoquer et interroger des personnes faisant l'objet d'une enquête, ainsi que des victimes et des témoins, demander la coopération de tout Etat ou organisation ou dispositif gouvernemental.

L'un des éléments remarquables du statut est que l'activité du procureur de la Cour pénale internationale est contrôlée par une " chambre préliminaire ", composée d'un ou plusieurs juges . Il est possible de voir dans cette disposition une influence des systèmes juridiques latins. Ce contrôle interne des poursuites paraît légitime. Compte tenu de la gravité des infractions à l'égard desquelles la Cour aura compétence, l'ouverture des poursuites peut difficilement être laissée à la discrétion d'une seule autorité.

La chambre préliminaire est appelée à prendre les principales décisions pendant l'enquête. Ainsi, lorsqu'il souhaite ouvrir une enquête de sa propre initiative, le procureur doit obtenir l'autorisation de la chambre préliminaire.

De même, lorsqu'il considère qu'une enquête offre l'occasion, qui ne se représentera plus par la suite, de recueillir un témoignage ou une déposition, ou d'examiner , recueillir ou vérifier des éléments de preuve aux fins d'un procès, le procureur en avise la chambre préliminaire, qui peut alors prendre toutes mesures propres à assurer l'efficacité et l'intégrité de la procédure, en particulier nommer un expert ou prendre toute mesure nécessaire pour recueillir ou préserver les éléments de preuves.

La chambre préliminaire peut délivrer les mandats nécessaires aux fins d'une enquête, autoriser le procureur à prendre certaines mesures d'enquête sur le territoire d'un Etat partie sans s'être assuré la coopération de cet Etat lorsque celui-ci est incapable de donner suite à une demande de coopération. A tout moment, après l'ouverture d'une enquête, la chambre préliminaire peut délivrer sur requête du procureur, un mandat d'arrêt contre une personne.

b) La confirmation des charges

L'article 61 du statut prévoit que " dans un délai raisonnable après la remise de la personne à la Cour ou sa comparution volontaire, la chambre préliminaire tient une audience pour confirmer les charges sur lesquelles le Procureur entend se fonder pour requérir le renvoi en jugement ". Cette audience peut se tenir en l'absence de l'intéressé, notamment lorsqu'il a pris la fuite.

Au cours de cette audience, le Procureur étaye chacune des charges avec des éléments de preuve suffisants pour établir l'existence de raisons sérieuses de croire que la personne a commis le crime qui lui est imputé.

A l'issue de l'audience, la chambre préliminaire peut confirmer les charges et renvoyer la personne devant une chambre de première instance pour y être jugée, ne pas confirmer les charges, enfin ajourner l'audience en demandant au Procureur d'apporter des éléments de preuve supplémentaires ou de modifier une charge.

c) Le procès

Le procès se déroule publiquement devant une chambre de première instance en présence de l'accusé. La chambre de première instance peut prononcer le huis clos, notamment pour protéger la sécurité des victimes et des témoins ou pour protéger des renseignements confidentiels ou sensibles donnés dans des dépositions.

L'accusé a la possibilité de plaider coupable. Dans ce cas, si la Cour est convaincue que l'accusé comprend la nature et les conséquences de l'aveu, qu'il a fait cet aveu volontairement, qu'enfin cet aveu est étayé par les faits de la cause, elle peut reconnaître l'accusé coupable du crime. Dans le cas contraire, elle ordonne que le procès se poursuive selon les procédures normales.

Le statut contient des règles relatives à l'administration des personnes, à la protection et à la participation au procès des victimes et des témoins, à la protection de renseignements touchant à la sécurité nationale.

L'article 74 prévoit que les juges s'efforcent de prendre leur décision à l'unanimité, faute de quoi ils la prennent à la majorité. La décision est présentée par écrit et contient l'exposé complet et motivé des constatations de la chambre de première instance sur les preuves et les conclusions. S'il n'y a pas unanimité, la décision contient les vues de la majorité et de la minorité.

6. Les relations entre la Cour pénale et les Etats parties

a) le principe de complémentarité

En ce qui concerne la recevabilité des affaires, le principe est qu'une affaire est jugée irrecevable par la Cour pénale lorsqu'elle fait ou a fait l'objet d'une enquête ou de poursuites de la part d'un Etat ayant compétence en l'espèce . La solution retenue est donc différente de celle qui avait prévalu lors de la création des tribunaux pour l'ex-Yougoslavie et le Rwanda. Le statut de ces tribunaux pose en effet le principe de leur primauté sur les juridictions nationales et leur permet de demander le dessaisissement de ces juridictions à tout stade de la procédure.

Aux termes de l'article 18 du statut, le procureur doit informer les Etats dès le début de l'enquête. L'Etat dont le suspect a la nationalité dispose d'un délai d'un mois pour faire connaître l'état des poursuites concernant cette personne. L'existence de telles poursuites oblige le procureur à suspendre l'instruction.

La Cour doit s'assurer, aux termes de l'article 19 du statut, qu'elle est compétente pour connaître d'une affaire portée devant elle. Elle peut d'office se prononcer sur la recevabilité de l'affaire.

Le principe de la compétence des Etats est tempéré par le fait que cette règle ne s'applique pas lorsqu'il apparaît que l'Etat en cause n'a pas la volonté ou est dans l'incapacité de mener véritablement à bien l'enquête ou les poursuites. Le statut précise les circonstances qui permettent de déterminer qu'il y a un manque de volonté de l'Etat. Il en va notamment ainsi lorsque la procédure a été engagée dans le dessein de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale.

Naturellement, conformément à la règle non bis idem , nul ne peut être jugé par la Cour s'il été jugé par une autre juridiction pour les mêmes faits, sauf si la procédure devant cette juridiction avait pour but de soustraire la personne concernée à sa responsabilité pénale ou si elle a été menée d'une manière qui démentait l'intention de traduire l'intéressé en justice.

b) Une obligation de coopération

L'article 86 du statut prévoit une obligation générale pour les Etats de coopérer pleinement avec la Cour dans les enquêtes et poursuites qu'elle mène pour les crimes relevant de sa compétence.

La Cour peut adresser des demandes de coopération aux Etats parties, notamment afin d'obtenir qu'une personne soit arrêtée pour lui être remise. Elle peut également formuler des demandes d'assistance concernant l'identification d'une personne, le rassemblement d'éléments de preuve, la signification de document, l'examen de localités ou de sites...

Lorsque l'exécution d'une mesure d'assistance demandée par la Cour est interdite dans l'Etat requis en vertu d'un principe juridique fondamental d'application générale, ledit Etat doit engager des consultations avec la Cour pour tenter de régler la question. Si la question n'est pas réglée à l'issue des consultations, la Cour modifie la demande.

Un Etat partie ne peut rejeter, totalement ou partiellement, une demande d'assistance de la Cour que si cette demande a pour objet la production de documents ou la divulgation d'éléments de preuve qui touchent à sa sécurité nationale. L'article 98 du statut prévoit que la Cour ne peut présenter une demande d'assistance qui contraindrait l'Etat requis à agir de façon incompatible avec les obligations qui lui incombent en droit international en matière d'immunité des Etats ou d'immunité diplomatique d'une personne ou de biens d'un Etat tiers, à moins d'obtenir au préalable la coopération de cet Etat tiers en vue de la levée de l'immunité.

Enfin, l'article 99 prévoit notamment que le procureur peut procéder à certains actes d'enquête sur le territoire d'un Etat partie, y compris en l'absence des autorités de cet Etat. Les mesures qu'il peut prendre dans ce cadre, notamment recueillir une déposition ou inspecter un site public ou un autre lieu public, sont exclusives de toute contrainte.

*

Le statut de la Cour est ainsi marqué par la volonté de créer un système international efficace de répression des crimes contre l'humanité et des crimes de guerre les plus graves. Il sauvegarde cependant la compétence juridictionnelle des Etats adhérents au statut. C'est aux Etats en effet qu'il revient au premier chef de poursuivre et de condamner les auteurs de ces crimes dans toute la mesure où ils relèvent de leur juridiction. C'est seulement faute pour ces Etats d'agir, soit par intérêt politique soit par défaut de moyens juridiques, que la Cour assurera la répression selon une procédure respectueuse des principes du procès équitable.

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