CHAPITRE VI
L'INDEMNISATION

Article 35
Fondement de l'indemnisation

Cet article prévoit que les commissaires-priseurs sont indemnisés " en raison du préjudice subi du fait de la dépréciation de la valeur pécuniaire de leur droit de présentation résultant de la suppression du monopole (...) dans le domaine des ventes volontaires . "

Il pose le problème du fondement juridique de l'indemnisation.

*

Le droit de présentation des commissaires-priseurs résulte de l'article 91 de la loi du 28 avril 1816 sur les finances qui a reconnu aux officiers ministériels le droit de présenter leurs successeurs à l'agrément du Roi (aujourd'hui le Garde des Sceaux) " pourvu qu'ils réunissent les qualités exigées par les lois " . Sur ce fondement, est ouverte aux officiers ministériels la possibilité de convenir d'un prix en échange de cette présentation, ce qui confère une valeur patrimoniale au droit de présentation.

La jurisprudence de la Cour de Cassation a toujours reconnu cette valeur patrimoniale, propriété susceptible de faire l'objet d'une vente dans le cadre de la cession de l'office par l'exercice du droit de présentation.

Un arrêt du 23 mai 1854 a consacré la transmission du droit de présentation aux héritiers du titulaire décédé, évoquant une " propriété d'une nature exceptionnelle et soumise à des règles qui en circonscrivent et limitent l'exercice " .

Un autre arrêt du 11 novembre 1857 réaffirme que le droit de présentation constitue pour les officiers ministériels une " propriété de nature spéciale " , en précisant " qu'ils ne peuvent disposer de cette propriété que sous les restrictions et aux conditions que comporte la nécessité de maintenir le contrôle qui appartient au Gouvernement sur la transmission des offices, et d'assurer l'indépendance des fonctions publiques attachées aux titres sur lesquels s'exerce le droit de présentation " .

Ultérieurement, un arrêt du 9 décembre 1946 confirme la valeur pécuniaire du droit de présentation.

Encore récemment, un arrêt de la première chambre civile du 22 mars 1983 a jugé que " l'indemnité mise par le Garde des Sceaux à la charge du successeur du notaire destitué et consignée au profit des créanciers de celui-ci représente la valeur de l'étude et fait partie du patrimoine du notaire destitué " , consacrant ainsi le droit de propriété de l'officier ministériel sur la valeur de son office (la " finance de l'office " ).

La valeur patrimoniale de l'office est d'ailleurs traditionnellement garantie lorsqu'une décision de l'Etat entraîne une modification de son " périmètre " . Un droit à indemnisation est en effet reconnu en cas de suppression, de transfert ou de création d'office :

- en cas de suppression d'office, les officiers ministériels exerçant sur le territoire sur lequel l'office supprimé était compétent, et donc bénéficiaires de la suppression, doivent indemniser l'officier ministériel concerné de la valeur pécuniaire de l'office supprimé ;

- en cas de création ou de transfert d'office, le titulaire du nouvel office doit indemniser les autres officiers ministériels qui subissent un préjudice du fait de la création ou du transfert.

Ces règles sont précisées, pour les commissaires-priseurs, par l'article 1 er -3 de l'ordonnance du 26 juin 1816.

D'autre part, lorsqu'une suppression du droit de présentation de l'ensemble d'une catégorie d'officiers ministériels a été décidée dans le passé, le principe d'une indemnisation de la perte du droit de présentation, correspondant à la valeur de l'office, a été reconnu et pris en charge par l'Etat. Tel a été le cas pour les greffiers des juridictions civiles et pénales, puis pour les avoués près les tribunaux de grande instance, qui ont été respectivement indemnisés en application des lois n° 65-1002 du 30 novembre 1965 et n° 71-1130 du 31 décembre 1971.

A l'occasion de l'examen de cette dernière loi, le rapporteur de la commission des Lois du Sénat avait rappelé que " le droit de présenter un successeur à l'agrément du Garde des Sceaux qui est reconnu aux avoués par la loi du 2 avril 1816, leur confère en fait (...) des prérogatives à caractère patrimonial constituant un véritable droit de propriété " et qu'il n'était donc pas concevable que les avoués ne soient pas indemnisés de la suppression de leurs offices, faisant référence aux conditions prévues par l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 50( * ) .

*

De même, pour les commissaires-priseurs, la perte du droit de présentation de leur successeur en matière de ventes volontaires qui résultera de la suppression du monopole dans ce domaine constitue une atteinte au droit de propriété reconnu aux officiers ministériels sur la valeur patrimoniale de ce droit de présentation. Les commissaires-priseurs se trouveront en effet dépossédés contre leur gré d'une large part de la valeur patrimoniale attachée à leur office qui ne subsistera que pour ce qui concerne les seules ventes judiciaires.

Bien entendu, l'Etat est fondé à réorganiser les conditions d'exercice de la profession de commissaire-priseur pour des raisons d'intérêt général, mais il doit indemniser de manière juste ceux dont il affecte le droit de propriété.

A cet égard, il est indispensable de rappeler les termes de l'article 17 de la Déclaration des droits de l'homme de 1789, de valeur constitutionnelle : " La propriété étant un droit inviolable et sacré, nul ne peut en être privé si ce n'est lorsque la nécessité publique légalement constatée l'exige évidemment, et sous la condition d'une juste et préalable indemnité " .

Le Conseil constitutionnel exerce par sa jurisprudence un contrôle vigilant de l'application de ce principe, et plus généralement du respect du droit de propriété, ainsi que l'illustre notamment la décision n° 81-132 DC du 16 janvier 1982.

*

Les commissaires-priseurs doivent donc être indemnisés sur le fondement de l'expropriation. Cette indemnisation trouve son origine dans la perte du droit de présentation en matière de ventes volontaires et la suppression du monopole dans ce domaine.

Votre commission vous propose donc d'adopter l'article 35 dans une nouvelle rédaction résultant d'un amendement tendant à préciser que les commissaires-priseurs sont indemnisés en raison de la perte du droit de présentation de leur successeur en matière de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, et de la suppression du monopole qui leur était conféré dans ce domaine.

Article 36
Estimation de la valeur de l'office

Cet article a pour objet de définir les modalités de calcul qui seront utilisées pour déterminer la valeur de l'office (limitée à l'activité de ventes volontaires) en vue de l'indemnisation des commissaires priseurs.

*

Traditionnellement, la valeur des offices ou études des professions réglementées est estimée, dans le cadre des cessions, par référence à la notion de " produit demi-net " défini par la différence entre le produit (revenu) brut et certaines charges admises en déduction : le loyer des locaux professionnels, les salaires et charges sociales et enfin la taxe professionnelle.

Aussi ce critère du " produit demi-net " avait-il été utilisé pour déterminer le montant de l'indemnisation allouée aux greffiers titulaires de charges, puis aux avoués, à l'occasion de la suppression de leur droit de présentation par les lois n° 65-1002 du 30 novembre 1965 et n° 71-1130 du 31 décembre 1971.

Les membres de ces professions avaient en effet été indemnisés sur la base de la moyenne des produits demi-nets des cinq années précédentes, affectée d'un coefficient multiplicateur compris entre 7 et 9 pour les greffiers et entre 4 et 5,5 pour les avoués.

Le critère du produit demi-net était également retenu par le projet de loi présenté par M. Jacques Toubon, alors Garde des Sceaux, qui se situait dans le droit fil des précédents de 1965 et de 1971 en prévoyant une indemnisation des commissaires-priseurs " calculée sur la moyenne des produits demi-nets de l'office des cinq années 1991 à 1995, selon un coefficient fixé entre 3 et 4, en fonction de la situation particulière propre à chaque office, et en vertu de critères déterminés par décret en Conseil d'Etat " .

*

Le rapport du groupe de travail constitué à la demande de Mme Elisabeth Guigou, Garde des Sceaux, a néanmoins suggéré l'abandon de la référence au produit demi-net pour le calcul de l'indemnisation des commissaires-priseurs.

Les membres de ce groupe de travail : MM. François Cailleteau, inspecteur général des finances, Jean Favard, conseiller à la Cour de cassation et Charles Renard, président de chambre à la Cour des comptes, ont en effet estimé, aux termes de leur rapport, que le produit demi-net " ne constitue pas un critère pour apprécier la valeur comptable de l'office et sa valeur économique est tout aussi incertaine " , compte tenu notamment du fait que les charges prises en compte pour le calcul du produit demi-net varient en partie avec les choix de gestion de l'officier ministériel et les décisions qu'il prend d'externaliser ou non les prestations que requiert le fonctionnement de son office.

Au surplus, ils ont fait observer que, depuis une circulaire du 21 mai 1976, la Chancellerie laisse désormais les parties " déterminer librement le montant de la finance de l'office, en se référant uniquement aux usages de la profession et aux considérations économiques " . La circulaire du 21 mai 1976 soulignait en effet que les transformations intervenues en matière économique et financière avaient rendu " incertaines les modalités permettant de fixer le montant de la finance de l'office " et qu'il n'existait " aucune règle précise permettant de calculer de façon scientifique la valeur d'un office " .

Le critère du produit demi-net continue cependant d'être utilisé comme mode de calcul du prix de cession des offices.

Les " trois sages " se sont néanmoins prononcés en faveur de l'abandon de ce critère au profit d'autres critères leur paraissant mieux prendre en compte la réalité économique des offices.

Après avoir exprimé le souci que les modalités d'évaluation retenues permettent de parvenir à un résultat comparable à celui d'une vente dans le cadre du statut actuel, ils ont proposé que le calcul de l'indemnité soit fondé sur deux données de base communément utilisées pour l'évaluation de la valeur d'une entreprise et traduisant respectivement son activité et son résultat, à savoir :

- d'une part, les recettes nettes de l'office ;

- et d'autre part, le solde d'exploitation net des charges et produits financiers divers.

Les moyennes de ces deux données auraient été calculées pour les années 1991 à 1995 sur la base des déclarations fiscales annuelles, puis affectées d'un " coefficient correspondant aux valeurs moyennes constatées dans les cessions d'office au cours de la période de référence " 51( * ) en vue d'en faire la moyenne arithmétique.

Afin de tenir compte de l'effort d'investissement de l'office, les " trois sages " suggéraient en outre d'ajouter à ce résultat le montant des immobilisations corporelles (autres que les immeubles) non encore amorties, sur la base de l'actif du bilan.

Les " trois sages " aboutissaient ainsi à la formule de calcul suivante pour évaluer la valeur de l'office :

Valeur de l'office =

(valeur moyenne des recettes nettes x 1) + (valeur moyenne du solde d'exploitation x 3)

2

+ valeur des immobilisations corporelles (autres que les immeubles)

*

L'article 36 du projet de loi reprend les modalités de calcul proposées par les " trois sages " sous réserve de trois adaptations :

- les années de référence retenues sont celles correspondant aux exercices 1992 à 1996 ;

- au lieu d'un coefficient uniforme de 0,5 pour la moyenne arithmétique pondérée des valeurs moyennes des recettes et des soldes d'exploitation, un coefficient différent est retenu pour les offices de province (affectés du coefficient 0,5) et les offices parisiens, affectés d'un coefficient plus élevé (soit 0,6) afin de tenir compte de la valeur moyenne de cession substantiellement plus élevée des offices parisiens ;

- enfin, un abattement est prévu afin de ramener la valeur de l'office à la part correspondant à l'activité de ventes volontaires qui fait seule l'objet de l'indemnisation (soit en moyenne environ 70 % en province, 90 % à Paris et 80 % pour la France entière).

La formule de calcul proposée par l'article 36 du projet de loi est donc la suivante :

Valeur de l'office (limitée à l'activité de ventes volontaires) =

( recette nette 52( * ) moyenne x 1 )

+ ( solde moyen d'exploitation 53( * ) x 3 )

x 0,5 (pour la province) ou 0,6 (pour Paris)

+ valeur nette des immobilisations corporelles autres que les immeubles

x ( chiffre d'affaires moyen correspondant aux ventes volontaires )

chiffre d'affaires global moyen

*

Votre commission vous propose d'adopter cet article sous réserve de deux amendements tendant à modifier la période de référence retenue pour le calcul de la valeur des offices servant de base à l'indemnisation, de manière à retenir la période la plus récente, à savoir les cinq derniers exercices pour lesquels les données fiscales et comptables seront connues à la date de la promulgation de la présente loi ( au lieu de 1992 à 1996 comme le prévoyait le projet de loi).

Article 37
Evaluation du montant de l'indemnité

Cet article évalue le préjudice subi par les commissaires-priseurs du fait de la dépréciation de la valeur pécuniaire de leur droit de présentation à 50 % de la valeur de leur office, limitée à l'activité des ventes volontaires et déterminée selon les critères fixés à l'article précédent ; il prévoit en outre la modulation de plus ou moins 15 % de l'indemnisation correspondante en fonction de la situation particulière de chaque office et de son titulaire.

Contrairement au projet de loi qui avait été présenté par M. Jacques Toubon, alors Garde des Sceaux, le présent projet de loi ne prévoit donc pas l'indemnisation de l'intégralité de la valeur des offices 54( * ) , mais seulement de 50 % de cette valeur, limitée à l'activité de ventes volontaires.

La limitation à l'activité de ventes volontaires se justifie par le maintien du monopole et du droit de présentation dans le secteur des ventes judiciaires.

Pour ce qui concerne les ventes volontaires, l'exposé des motifs du projet de loi considère que " l'indemnisation représente 50 % du montant ainsi calculé (à l'article 36) dans la mesure où la diminution de la valeur pécuniaire du droit de présentation sera compensée par le fait que les commissaires-priseurs, qui pourront continuer à exercer leur activité dans le secteur des ventes volontaires, auront la faculté, lorsqu'ils se retireront, de céder les parts qu'ils détiendront dans les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques " .

S'il peut être admis que la possibilité de poursuivre l'activité de ventes volontaires justifie qu'un abattement soit appliqué à la valeur de l'office pour le calcul de l'indemnisation, le commissaire-priseur restant en quelque sorte propriétaire de son " fonds de commerce " , force est cependant de constater qu'aucune justification précise n'est apportée à la fixation à 50 % du quantum de cet abattement, qui présente un caractère quelque peu arbitraire.

Cette fixation du montant de l'indemnisation à 50 % seulement de la valeur de l'office résulte d'une décision du Gouvernement prise sur l'arbitrage du Premier ministre, mais non des propositions formulées par les " trois sages " dans leur rapport remis au Garde des Sceaux.

Il est à souligner que ceux-ci prévoyaient pour leur part d'indemniser l'intégralité de la valeur estimée de l'office 55( * ) dans l'hypothèse où la possibilité de poursuivre les ventes volontaires dans le cadre du statut actuel ne serait pas ouverte aux commissaires-priseurs, ce qui correspond au choix retenu par le projet de loi 56( * ) .

Cette valeur aurait été estimée sur la base des recettes et du solde d'exploitation, en prenant également en compte le montant des immobilisations corporelles non amorties (cf. commentaire de l'article 36).

Considérant qu' " il serait sans doute excessif de donner un caractère trop absolu au résultat du calcul ", les " trois sages " proposaient toutefois que la commission d'indemnisation puisse le modifier dans une fourchette de plus ou moins 15 %.

Cette suggestion est reprise par le second alinéa de l'article 37 du projet de loi qui prévoit en effet la possibilité d'une modulation de plus ou moins 15 % par la commission d'indemnisation prévue à l'article 43 " en fonction de la situation particulière de chaque office et de son titulaire " .

L'étude d'impact 57( * ) réalisée par le Gouvernement à partir de l'exploitation des données fiscales des années 1992 à 1996 évalue à 443 millions de francs le montant total de l'indemnisation prévue par le projet de loi en faveur des commissaires-priseurs, résultat à comparer à l'évaluation réalisée par les " trois sages " , également sur la base de l'exploitation des données fiscales, qui estimait à 865 millions de francs le montant total de l'indemnisation des commissaires-priseurs.

*

Votre commission considère qu'il est justifié de prévoir un abattement sur la valeur vénale de l'office pour l'évaluation du montant de l'indemnisation, compte tenu du fait que les commissaires-priseurs pourront continuer à exercer leur activité de ventes volontaires et par la suite céder les parts qu'ils détiendront dans les sociétés de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques.

Elle vous propose donc de préciser que l'évaluation du préjudice indemnisé en application de l'article 35 sera faite sur la base de la valeur de l'office déterminée à l'article 36, en tenant compte des éléments d'actifs incorporels (par exemple le nom ou la clientèle) qui resteront la propriété du titulaire de l'office et qui pourront faire l'objet d'une cession lorsque celui-ci mettra fin à son activité de ventes volontaires.

Il appartiendra à la commission nationale d'indemnisation instituée à l'article 43 d'évaluer au cas par cas le montant de cette indemnisation en fonction de la situation particulière de chaque office.

Votre commission juge toutefois opportun de laisser aux commissaires-priseurs qui le souhaiteraient le bénéfice de l'indemnisation forfaitaire prévue par le projet de loi, qui serait fixée à 50 % de la valeur déterminée à l'article 36.

Elle vous propose d'adopter l'article 37 dans la rédaction résultant d'un amendement rédigé en ce sens.

Article 38
Indemnisation des huissiers de justice et des notaires

Cet article prévoit l'indemnisation des huissiers de justice et des notaires qui pourront apporter la preuve d'avoir subi, dans le secteur des ventes volontaires, un " préjudice anormal et spécial " du fait de la présente loi.

Compte tenu du caractère accessoire de leur activité de ventes volontaires aux enchères publiques, le projet de loi ne reconnaît pas en faveur des huissiers de justice et des notaires un droit à indemnisation systématique comparable à celui reconnu aux commissaires-priseurs. En effet, il subordonne leur indemnisation à la preuve d'un préjudice qui devra être apportée à l'expiration d'un délai de trois ans à compter de l'entrée en vigueur de la loi.

Ce préjudice devra présenter un caractère " anormal et spécial " , termes à interpréter au sens de la jurisprudence du Conseil d'Etat concernant la responsabilité du fait des lois.

Le Conseil d'Etat, comme d'ailleurs le Conseil constitutionnel, considère en effet que les personnes publiques qui, sans faute de leur part, ont causé un préjudice anormal et spécial à un particulier, en lui interdisant l'exercice d'une activité ou en lui imposant des sacrifices au nom de l'intérêt général, lui doivent réparation.

Selon cette jurisprudence, un préjudice " anormal " constitue un préjudice atteignant un certain degré d'importance, d'une gravité supérieure aux gênes et inconvénients ordinaires de la vie en société.

Quant au caractère " spécial " du préjudice, il signifie que celui-ci n'atteint qu'un nombre limité de membres de la collectivité.

Comme les demandes d'indemnisation présentées par les commissaires-priseurs, les demandes d'indemnisation des huissiers de justice et des notaires devront être portées devant la commission nationale d'indemnisation prévue à l'article 43, qui sera chargée d'évaluer le montant de l'indemnisation correspondant au préjudice subi.

Ce dispositif s'inspire de celui proposé par le rapport dit " des trois sages " qui considérait que, dans l'hypothèse où la possibilité de poursuivre les ventes volontaires dans le cadre du statut actuel était ouverte, le préjudice subi par les huissiers de justice et les notaires, n'étant au départ qu'éventuel, ne pouvait faire l'objet que d'une indemnisation a posteriori. Ce rapport suggérait donc d'indemniser la perte de valeur de l'office constatée du fait de la réforme, en la mesurant comme la différence entre la valeur de l'office calculée pour les trois dernières années d'exploitation, d'une part, et celle correspondant aux années 1991 à 1995, d'autre part . Sur ces bases, le rapport évaluait forfaitairement à 8 millions de francs l'indemnisation des huissiers de justice et des notaires.

L'étude d'impact 58( * ) réalisée par le Gouvernement estime pour sa part à 7 millions de francs le montant total de l'indemnisation du préjudice effectivement subi par les huissiers de justice et les notaires du fait de la loi (dont 6 millions de francs pour les huissiers et 1 million de francs pour les notaires).

Votre commission vous propose d'adopter cet article sans modification .

Article 39
Fonds d'indemnisation

Cet article prévoit l'institution d'un fonds d'indemnisation chargé du paiement des indemnités dues, d'une part, aux commissaires-priseurs en application des articles 35 à 37 et, d'autre part, aux huissiers de justice et aux notaires en application de l'article 38.

Les conditions de la création de ce fonds sont renvoyées à la prochaine loi de finances.

Contrairement au fonds qui avait été mis en place pour l'indemnisation des avoués, ce nouveau fonds d'indemnisation ne devrait pas être doté de la personnalité morale.

La rédaction retenue par le projet de loi, renvoyant à une loi de finances ultérieure, ne permet pas de faire apparaître explicitement quelles seront les ressources du fonds d'indemnisation, au détriment de la clarté du dispositif proposé.

Cependant, le fonds devrait être alimenté par le produit de la taxe créée par l'article 40 du projet de loi au sein d'un article 302 bis ZE nouveau du code général des impôts, ainsi que par des avances provenant de dotations budgétaires de l'Etat.

Dans l'attente de la mise en place de cette taxe, une dotation provisionnelle de 450 millions de francs a d'ores et déjà été inscrite en loi de finances rectificative pour 1998 sur un nouvel article du chapitre 46-01 du budget du ministère de la justice, intitulé " Indemnisation liée à la réforme du statut des commissaires-priseurs " .

Votre commission vous propose d'adopter à cet article un amendement de coordination avec l'amendement qu'elle vous propose afin d'insérer un article additionnel après l'article 44 prévoyant l'indemnisation des personnels salariés des commissaires-priseurs qui seront licenciés en conséquence directe de la réforme.

Il convient en effet de préciser que le fonds d'indemnisation sera également chargé du paiement des indemnités dues aux salariés licenciés.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 39 ainsi modifié .

Article 40
Création d'une taxe sur les ventes de meubles aux enchères publiques

Cet article a pour objet la création d'une taxe temporaire sur les ventes de meubles aux enchères publiques destinée à financer l'indemnisation des commissaires-priseurs en alimentant le fonds qui sera institué en application de l'article précédent.

*

L'article 40 du projet de loi tend donc à insérer un article 302 bis ZE nouveau dans le code général des impôts 59( * ) afin de préciser l'assiette, le taux et les modalités de recouvrement de la nouvelle taxe, conformément aux dispositions de l'article 34 de la Constitution.

•  Cette taxe, instituée pour une durée de cinq ans, serait assise sur l'ensemble des ventes de meubles aux enchères publiques, y compris les ventes judiciaires quoiqu'elles ne soient pas directement concernées par la réforme. Toutefois, en seraient exemptées les ventes aux enchères relevant de régimes particuliers, qui sont placées hors du champ d'application de la réforme par l'article 52 du projet de loi, à savoir les ventes réalisées par les courtiers de marchandises assermentés, ainsi que les ventes domaniales et douanières respectivement effectuées par les agents des services des domaines et par les agents des douanes.

La taxe serait en principe à la charge de l'acheteur adjudicataire. Cependant, elle serait acquittée, pour le compte de celui-ci, par la personne physique ou morale chargée de réaliser la vente qui pourrait être, selon le cas, une société de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, un commissaire-priseur judiciaire, un autre officier ministériel compétent (notaire ou huissier de justice), ou encore un ressortissant européen intervenant dans le cadre de la libre prestation de services (comme Sotheby's ou Christie's).

La taxe serait exigible non seulement lors de l'adjudication d'un bien, mais également, le cas échéant, lors de la vente de gré à gré d'un bien déclaré non adjugé à l'issue des enchères, dans les conditions prévues à l'article 8 du projet de loi, l'assiette étant constituée par le prix d'adjudication ou de cession du bien.

L'assiette de la taxe ainsi définie est évaluée, pour l'année 1999, à 9,5 milliards de francs (y compris le produit des ventes réalisées par les huissiers de justice et les notaires évalué à 1 milliard de francs).

•  Le taux de la taxe serait fixé à 1 % , ce qui permettrait d'atteindre le montant nécessaire au financement de l'indemnisation, évalué à 450 millions de francs, en cinq ans , durée retenue pour la perception de la taxe exigible (à compter du premier jour du mois suivant l'entrée en vigueur de la présente loi).

•  Enfin, les modalités de recouvrement et de contrôle de la nouvelle taxe sur les ventes volontaires de meubles aux enchères publiques, ainsi que les règles applicables en cas de contentieux, seraient définies par référence à celles qui régissent la taxe sur la valeur ajoutée (TVA).

*

Votre commission des Lois a adopté l'article 40 sans modification . La commission des Finances, saisie pour avis, vous propose pour sa part de supprimer cet article, la mise en place d'une nouvelle taxe lui étant apparue alourdir encore la fiscalité pesant sur le marché de l'art, alors même que le rendement de cette taxe risque d'être faible au regard de son coût de perception.

Article 41
Conditions de versement des indemnités

Cet article a pour objet de préciser les délais dans lesquels devront être présentées les demandes d'indemnité, puis versées les indemnités allouées ; il subordonne en outre ce versement à la production par le commissaire-priseur indemnisé d'une attestation d'assurance et d'un quitus délivré par sa compagnie.

Les demandes d'indemnité seront examinées par une commission nationale spécialement constituée à cet effet (cf. commentaire de l'article 43). Le délai accordé aux commissaires-priseurs pour présenter leur demande est fixé à deux ans à compter de la publication du décret en Conseil d'Etat précisant la composition et le fonctionnement de cette commission.

Celle-ci disposera d'un délai d'un an à compter du dépôt de la demande pour statuer sur le montant de l'indemnité, le texte précisant que l'indemnité devra être versée " dans les douze mois suivant le dépôt de la demande " .

Pour obtenir le versement de l'indemnité allouée par la commission, le commissaire-priseur devra cependant justifier de la régularité de sa situation en matière d'assurance professionnelle et de cotisation à sa compagnie. A cette fin, l'article 41 prévoit l'obligation pour l'intéressé de produire une attestation d'assurance couvrant sa responsabilité encourue à l'occasion de l'exercice des ventes volontaires au cours des dix années antérieures à l'entrée en vigueur de la loi 60( * ) , ainsi qu'un quitus délivré par la compagnie de commissaires-priseurs concernée.

Il ne peut toutefois être exigé d'un commissaire-priseur installé depuis moins de dix ans une attestation d'assurance correspondant à des années antérieures à sa prise de fonctions.

Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement tendant à préciser que l'attestation d'assurance exigée concerne la responsabilité encourue par le commissaire-priseur à compter de son entrée en fonctions et au plus pour les dix années antérieures à la promulgation de la loi.

Elle vous propose d'adopter l'article 41 sous réserve de cet amendement de précision.

Article 42
Répartition des indemnités dues
aux sociétés civiles professionnelles

Cet article a pour objet de préciser les modalités de la répartition entre leurs membres des indemnités dues aux sociétés civiles professionnelles (SCP) titulaires d'un office de commissaire-priseur.

Il prévoit que ces indemnités sont réglées à chacun de leurs membres en proportion de leurs droits d'associés et " suivant les modalités concernant les différentes catégories déterminées par la présente loi " .

Cette rédaction est très exactement calquée sur celle de l'article 33 de la loi n° 71-1130 du 31 décembre 1971 portant réforme de certaines professions judiciaires et juridiques, qui avait précisé la répartition des indemnités dues aux SCP titulaires d'un office d'avoué.

Cependant, en ce qui concerne les commissaires-priseurs, la notion de " catégories " n'apparaît pas clairement définie à la lecture des autres articles du projet de loi. Votre commission vous propose donc d'adopter un amendement tendant à supprimer la référence à cette notion de catégories.

Elle vous propose d'adopter l'article 42 ainsi modifié .

Article 43
Commission nationale d'indemnisation

Cet article concerne la commission nationale chargée d'examiner les demandes d'indemnité présentées par les commissaires-priseurs et de fixer le montant de l'indemnisation accordée à chaque office.

S'agissant de la composition de cette commission, le projet de loi se borne à préciser qu'elle sera présidée par un magistrat de la Cour des comptes. Les modalités de sa composition et de son fonctionnement sont en effet renvoyées à un décret en Conseil d'Etat, dont la publication constituera le point de départ du délai de deux ans prévu par l'article 41 pour le dépôt des demandes d'indemnisation.

Selon les informations recueillies par votre rapporteur, le Gouvernement envisagerait une commission nationale d'indemnisation composée de hauts fonctionnaires, à l'instar de la commission dite " des sages " qui avait été chargée d'étudier le problème de l'indemnisation.

Plutôt que de renvoyer la composition de la commission d'indemnisation à un décret en conseil d'Etat, votre commission estime préférable de préciser cette composition dans le texte de la loi en prévoyant une représentation des professionnels concernés, s'inspirant de la composition qui avait été retenue pour les commissions d'indemnisation des avoués.

Elle vous propose donc d'adopter un amendement précisant que la commission nationale d'indemnisation comprendra, outre un magistrat de l'ordre judiciaire, président, un nombre égal de représentants des commissaires-priseurs et de personnes qualifiées désignées par le garde des Sceaux.

La commission nationale d'indemnisation aura pour mission d'évaluer le montant de l'indemnisation allouée à chaque office en application des règles prévues par les articles 35 à 38. Elle serait notamment chargée de moduler le montant de l'indemnité " en fonction de la situation particulière de chaque office et de son titulaire " , dans une fourchette de plus ou moins 15 %, conformément aux dispositions de l'article 37.

L'article 43 prévoit par ailleurs que la commission établit un rapport sur le déroulement de l'indemnisation et l'équilibre financier du fonds. Votre commission vous propose de préciser par un amendement qu'il s'agit d'un rapport annuel.

Enfin, cet article précise que les décisions de la commission d'indemnisation pourront faire l'objet d'un recours de pleine juridiction (et non un simple recours en cassation) devant le Conseil d'Etat.

En matière d'expropriation, la compétence de la juridiction judiciaire, gardienne de la propriété privée, est traditionnellement consacrée.

Votre commission vous propose donc de prévoir par un amendement que les décisions de la commission d'indemnisation pourront faire l'objet d'un recours devant la Cour d'appel de Paris.

Votre commission vous propose d'adopter l'article 43 ainsi modifié .

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