B. AUDITION DE MME DOMINIQUE POLTON, DIRECTEUR DU CENTRE DE RECHERCHE D'ÉTUDE ET DE DOCUMENTATION EN ÉCONOMIE DE LA SANTÉ (CREDES), ET DE M. MICHEL GRIGNON, DIRECTEUR DE RECHERCHE

La commission a ensuite procédé à l'audition de Mme Dominique Polton, directrice du Centre de recherche d'étude et de documentation en économie de la santé (CREDES), et de M. Michel Grignon, directeur de recherche .

M. Charles Descours, rapporteur, a demandé quelle était la part de la population concernée par la CMU disposant déjà d'une couverture complémentaire, notamment dans le cadre de leur entreprise. Il s'est interrogé sur le niveau de la couverture maladie complémentaire de ces personnes et sur l'homogénéité existant entre les branches professionnelles. Citant l'évaluation faite par le Gouvernement d'un coût de 1.500 francs par personne, il a demandé si elle était raisonnable et si l'institution d'une couverture maladie universelle n'allait pas se traduire par un effet de " rattrapage ".

Répondant à la question du rapporteur sur la part de la population concernée par la couverture maladie universelle disposant déjà d'une couverture complémentaire , Mme Dominique Polton a détaillé les résultats d'une enquête réalisée en 1996 auprès d'un échantillon de bénéficiaires dépendant des trois principaux régimes d'assurance maladie. M. Michel Grignon a précisé que cette enquête se fonde sur une échelle d'équivalence, dite " échelle d'Oxford " (1 pour le chef de ménage, 0,7 pour le deuxième adulte et 0,5 pour les moins de quatorze ans), qui est différente de celle retenue par le projet de loi (1 pour le chef de ménage, 0,5 pour le deuxième adulte et 0,3 pour les moins de quatorze ans). Sur 8,5 millions de personnes ayant moins de 3.000 francs de revenu par unité de consommation (au lieu de 6 millions de personnes dans le cadre de l'échelle retenue par la CMU), 6,3 millions disposeraient déjà d'une couverture complémentaire, dont 2,7 millions via leur entreprise. Plus le revenu par unité de consommation est élevé, plus la part des personnes dont l'entreprise assure cette couverture est importante. Mme Dominique Polton a toutefois souligné que le pourcentage de personnes couvertes était probablement surestimé, du fait du mode d'enquête qui ne permet d'appréhender que des personnes disposant d'un logement et plus généralement celles qui sont le mieux insérées socialement.

En réponse à une observation de M. Charles Descours, rapporteur , Mme Dominique Polton a confirmé que la couverture maladie universelle aurait pour conséquence une perte de cotisations pour les organismes de protection complémentaire.

Concernant le niveau de couverture, Mme Dominique Polton a reconnu que cette question était effectivement essentielle. Elle a précisé qu'il n'existait malheureusement pas, pour l'instant, de données objectives sur la qualité de la couverture et que les seules informations connues étaient subjectives, fondées sur l'opinion des personnes interrogées sur le niveau de remboursement. Elle a observé que cette enquête faisait apparaître que le pourcentage de personnes jugeant que leur couverture prend en charge " intégralement ", ou " bien ", leurs dépenses n'était pas différent chez les personnes ayant des revenus inférieurs à 3.000 francs par rapport au reste de la population. Elle a toutefois précisé qu'il lui semblait probable que les couvertures collectives (d'entreprise) offrent un meilleur niveau de protection et un meilleur rapport qualité/prix, par rapport aux contrats souscrits individuellement.

M. Michel Grignon a remarqué que le niveau de revenus n'était pas un facteur déterminant de renoncement aux soins, contrairement au fait d'être couvert ou non par une assurance complémentaire.

Mme Dominique Polton a indiqué qu'elle ne disposait pas d'informations sur la question de l'homogénéité entre les différentes branches professionnelles.

Concernant l'évaluation d'un coût de 1.500 francs par personne retenu par le Gouvernement, Mme Dominique Polton a observé que trois types d'éléments devaient être pris en compte : les dépenses moyennes restant à charge des bénéficiaires, après couverture obligatoire, les caractéristiques de la population ciblée par la CMU et l'étendue de la couverture. Pour les dépenses moyennes restant à charge (ticket modérateur, forfait journalier, dépassements), l'évaluation est de 1.775 à 1.915 francs selon les sources et les méthodes d'estimation. M. Michel Grignon a expliqué que la population ciblée par la CMU présentait deux caractéristiques : sa structure d'âge, nettement plus jeune que la population totale, ce qui en fait un public moins dépensier, et ses comportements spécifiques de consommation, dont on ne sait s'ils vont s'aligner sur ceux de la moyenne générale, ou s'ils vont rester inférieurs pour des raisons socioculturelles. Les données recueillies auprès des départements ayant mis en place une carte santé semblent montrer la persistance de comportements spécifiques de recours aux soins. Enfin, le dispositif retenu pour la CMU peut conduire à ce que les dépassements pris en charge soient inférieurs au dépassement total.

Concernant un éventuel effet de " rattrapage " lié à la mise en place de la couverture maladie universelle, Mme Dominique Polton , après avoir précisé que le CREDES n'avait pas mené d'étude spécifique sur cette question, a remarqué que les données obtenues dans les départements montraient un phénomène de croissance de la consommation médicale, mais qu'il n'existait pas de " système d'investissement préalable ".

M. Jean Chérioux s'est interrogé, au-delà d'une bénéfique uniformisation, sur les modifications réelles apportées par la couverture maladie universelle, à partir du moment où les départements avaient mis en place des systèmes de couverture complémentaire, trop souvent méconnus.

Mme Dominique Polton a rappelé que le CREDES travaillait sur des sources fournies par les régimes d'assurance maladie, et non sur les données des conseils généraux.

Répondant à une interrogation de Mme Marie-Madeleine Dieulangard sur " l'échelle d'Oxford " et les systèmes définis pour apprécier le niveau des ressources, Mme Dominique Polton a observé qu'il s'agissait d'enquêtes sur des revenus déclarés et que l'échelle d'Oxford avait été très utilisée, avant le recours à l'échelle retenue pour le revenu minimum d'insertion (RMI) qui sert pour le projet de loi CMU. M. Michel Grignon a précisé qu'au-delà de la pertinence des échelles utilisées, il était particulièrement audacieux de garder la même échelle pour des personnes à faible revenu comme pour des personnes plus aisées.

M. Dominique Leclerc , établissant un parallèle entre les chiffres utilisés dans le cadre de l'objectif national d'assurance maladie (ONDAM) et les chiffres utilisés par le CREDES, a fait observer que les différentes enquêtes menées dépendaient de la fiabilité des chiffres fournis par l'assurance maladie.

Mme Nicole Borvo s'est interrogée sur le nombre de personnes (2,7 millions) disposant d'un revenu inférieur à 3.000 francs par unité de consommation et actuellement concernées par une couverture complémentaire dans le cadre de leur entreprise.

M. Michel Grignon a expliqué qu'une famille composée d'un salarié au SMIC, d'un adulte ne travaillant pas et de deux enfants, disposait d'un revenu inférieur à 3.000 francs par unité de consommation.

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