III. SÉANCE DU MERCREDI 7 AVRIL 1999

A. AUDITION DE MM. MICHEL HERMANT, PRÉSIDENT, GILLES MARCHANDON, DÉLÉGUÉ GÉNÉRAL, ET PHILIPPE DELEMARRE, SECRÉTAIRE NATIONAL, DE LA FÉDÉRATION NATIONALE INTERPROFESSIONNELLE DES MUTUELLES (FNIM)

Sous la présidence de M. Jean Delaneau, président , M. Michel Hermant a d'abord présenté la FNIM et indiqué que cette structure, créée il y a neuf ans, regroupait une centaine de mutuelles sur l'ensemble du territoire. Il a indiqué que, selon les critères utilisés, elle constituait la deuxième ou la troisième fédération de mutuelles en France.

Avant d'aborder la question de la couverture maladie universelle (CMU), M. Philippe Delemarre a évoqué la transposition des directives européennes sur les assurances et a affirmé que, si certains aspects de ces directives, comme leur volet financier, n'étaient pas contestés, il convenait de mieux définir l'objet social de la mutualité. A cet égard, il s'est interrogé sur le point de savoir s'il était possible de comparer un contrat d'assurance classique à l'adhésion à des statuts mutualistes.

M. Gilles Marchandon a affirmé que la FNIM ne faisait aucune objection au principe de la couverture maladie universelle de base, mais il a estimé que certaines critiques adressées à l'aide médicale étaient excessives. Il s'est en revanche déclaré déçu et inquiet par le volet de la CMU instituant une couverture complémentaire, estimant que le projet de loi instituait, non une couverture complémentaire pour les plus démunis, mais une prestation de base modulée selon les revenus. Il a ainsi critiqué à la fois la gratuité totale de la couverture pour les bénéficiaires, la gestion de la couverture complémentaire par les caisses primaires d'assurance maladie, le caractère obligatoire de la contribution demandée aux organismes complémentaires et les effets de seuil qui ne manqueront pas d'apparaître, créant une division sociale regrettable au sein d'une même population. Il a estimé que l'institution de la CMU remettait en cause l'équilibre général de la protection sociale façonné depuis la Libération et il a constaté que, dans sa rédaction actuelle, le projet de loi était susceptible d'engendrer d'importantes difficultés juridiques au regard du droit européen.

M. Gilles Marchandon a affirmé que le projet de loi ne mettait pas en place les conditions d'une véritable concurrence entre assureurs sur le marché de la couverture maladie complémentaire des Français disposant des plus bas revenus. Il a ainsi observé que les caisses primaires d'assurance maladie, qui pourront assurer cette couverture complémentaire au même titre que les mutuelles, les compagnies d'assurance ou les institutions de prévoyance, ne seraient pas soumises à la taxe qu'institue le projet sur le chiffre d'affaires réalisé par les organismes de protection sociale complémentaire. De même, il a regretté que les mutuelles et les compagnies d'assurance ne soient remboursées que pour une partie forfaitaire des dépenses engagées alors que les caisses primaires bénéficiaient d'un remboursement intégral. Evoquant le remboursement forfaitaire annuel de 1.500 francs par personne couverte, il a estimé qu'il était très inférieur au coût moyen réel, qui avoisinerait plutôt 3.000 francs par an.

M. Gilles Marchandon a regretté que les auteurs du projet de loi semblent avoir pris pour hypothèse que les 6 millions de bénéficiaires de la CMU ne disposent pas d'une couverture complémentaire. En effet, environ 20 à 30 % des adhérents actuels des mutuelles disposent d'un niveau de revenus qui les feront entrer dans le périmètre des bénéficiaires de la CMU. Enfin, il a affirmé que, si la plupart des compagnies d'assurance pouvaient se permettre des pertes techniques sur leur branche santé, ce n'était pas le cas des mutuelles, qui n'intervenaient que dans le secteur sanitaire et social et qui étaient le plus au contact des populations en difficulté.

M. Gilles Marchandon a affirmé que la FNIM aurait préféré que le projet de loi institue une couverture complémentaire volontaire, rendue possible par la solvabilisation des bénéficiaires et complétant une couverture de base d'un niveau suffisant.

M. Jean Delaneau, président, a regretté que le Gouvernement ait choisi d'imposer au Parlement une procédure d'urgence pour l'examen d'un texte aussi important et à l'architecture aussi contestée.

M. Charles Descours, rapporteur, s'est étonné que les nombreuses critiques adressées par plusieurs fédérations mutualistes au contenu du projet de loi ne rencontrent pas plus d'écho, alors que la France compte environ 30 millions de mutualistes. Il a demandé aux représentants de la FNIM s'ils n'avaient pas le sentiment d'avoir participé à une négociation de dupes, englobant non seulement la CMU, mais aussi la transposition des directives sur les assurances, à moins que les organismes complémentaires acceptent tacitement l'intrusion de l'assurance maladie dans le domaine de la couverture complémentaire, dans la mesure où elle permettra de légitimer celle des organismes complémentaires dans la couverture de base. Il leur a demandé de préciser les informations selon lesquelles 20 à 30 % des adhérents des mutuelles pourraient, demain, devenir bénéficiaires de la CMU. Enfin, M. Charles Descours, rapporteur, s'est vigoureusement élevé contre la dérive, amorcée par le Gouvernement, qui allait transformer le projet de loi sur la CMU en un projet portant diverses mesures d'ordre social.

M. Michel Hermant a confirmé que 20 à 30 % des adhérents des mutuelles étaient concernés par l'effet de seuil induit par le projet de loi et qu'il s'agissait en majorité de personnes actives soumises à des statuts précaires.

M. Philippe Delemarre a complété cette réponse en évoquant la situation des jeunes et s'est demandé s'il entrait dans les intentions du Gouvernement que près de 2 millions d'étudiants deviennent bénéficiaires de la CMU. Il a indiqué que jamais le Gouvernement n'avait proposé à la FNIM de discuter de la transposition des directives dans le cadre de la concertation sur la CMU.

M. François Autain a demandé aux représentants de la FNIM s'ils avaient des propositions pour éviter les effets de seuil susceptibles d'être induits par le projet de loi et si les assurances privées ne seraient pas conduites à revendiquer une entrée sur le marché de la couverture de base.

Mme Nicole Borvo leur a demandé ce qu'ils attendaient d'une participation à la mise en oeuvre de la CMU.

M. Gilles Marchandon a répondu à Mme Nicole Borvo que la FNIM avait pour ambition de participer à cette mise en oeuvre dans des conditions réelles de concurrence. Il a indiqué à M. François Autain que des propositions avaient été faites, soit pour généraliser le système du tiers payant, soit pour instituer une aide à la cotisation complémentaire dégressive en fonction des revenus. Il a nié toute intention spontanée de revendiquer une entrée sur le marché de la couverture de base mais a observé qu'elle ne serait pas illogique en cas d'intrusion de l'assurance maladie sur le territoire des organismes complémentaires.

M. Philippe Delemarre a affirmé en conclusion que la FNIM était favorable au monopole de la sécurité sociale, mais pas à celui de sa gestion.

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