D. AUDITION DE M. JEAN-MARIE SPAETH, PRÉSIDENT DE LA CAISSE NATIONALE D'ASSURANCE MALADIE DES TRAVAILLEURS SALARIÉS (CNAMTS)

M. Jean-Marie Spaeth a affirmé au préalable que l'institution d'une couverture maladie universelle constituait une réforme importante pour favoriser l'accès aux soins pour tous. Il a estimé que le moment était venu, pour des raisons de solidarité, de créer un droit personnel à l'assurance maladie. Compte tenu du progressif désengagement de la sécurité sociale dans la couverture des dépenses de santé, il lui a semblé fondé que le projet de loi traite également de la question de l'accès à une protection sociale complémentaire.

Examinant le dispositif proposé par ce texte, il a affirmé qu'il n'existait pas, en France, six millions de personnes exclues ou désocialisées et qu'il ne convenait donc pas de traiter différemment du reste de la population les 10 % de résidents éligibles à la CMU. Il a affirmé qu'il convenait de favoriser l'accès des personnes économiquement faibles à la couverture complémentaire et ne s'est donc pas déclaré favorable à ce que la sécurité sociale intervienne dans le domaine de compétence des organismes de protection sociale complémentaire. En effet, le financement de la sécurité sociale étant assuré par des contributions proportionnelles aux revenus, il n'est ni légitime, ni souhaitable que la sécurité sociale offre des prestations soumises à conditions de ressources. La sécurité sociale doit demeurer un système assuranciel qui rembourse en fonction des pathologies et non des revenus.

M. Jean-Marie Spaeth a souhaité que le bénéfice de la CMU corresponde à une période transitoire dans la vie des personnes qui y sont éligibles et estimé en conséquence qu'elles ne devraient pas basculer, à cette occasion, dans un système de protection sociale s'éloignant du droit commun.

M. Charles Descours, rapporteur , a affirmé son plein accord avec les propos du président de la CNAMTS. Il lui a demandé si une réforme préalable de l'assurance maladie n'aurait pas été nécessaire avant l'adoption d'une loi instituant une couverture maladie universelle. Il l'a également interrogé sur la nature de la concurrence instituée par le projet de loi entre le régime général de sécurité sociale et les organismes de protection sociale complémentaire. Il s'est inquiété de la mise en place, par le projet de loi, d'une sorte de " nomenclature bis " pour les bénéficiaires de la CMU. Il a demandé au président de la CNAMTS des informations sur le protocole d'accord conclu entre l'assurance maladie et les représentants des mutuelles et des compagnies d'assurances. Compte tenu du nombre très élevé d'organismes de protection sociale complémentaire, il s'est enfin inquiété des modalités selon lesquelles les médecins délivrant des soins aux bénéficiaires de la CMU pourraient être payés par ces derniers sans accomplir des démarches complexes.

M. Jean-Marie Spaeth a estimé qu'il ne fallait pas attendre une nouvelle réforme de l'assurance maladie avant d'instituer une couverture maladie universelle, mais a rappelé que la réforme engagée par les ordonnances du 24 avril 1996 n'était pas aboutie. Il a affirmé que toute nouvelle réforme devrait prendre en considération à la fois le système d'assurance maladie et l'offre de soins disponible, à partir d'une analyse des besoins de chaque assuré social. Il s'est déclaré opposé à la définition d'un panier de soins remboursables spécifique pour les bénéficiaires de la CMU. Il a toutefois indiqué que la question était posée de l'établissement d'une liste de prothèses et de lunettes à des tarifs opposables pour les bénéficiaires de la CMU, mais aussi pour l'ensemble des assurés sociaux. Il a déclaré que l'on ne pouvait se contenter d'un système dans lequel le Parlement votait des objectifs de dépenses et a affirmé que l'Etat devait définir en parallèle une politique de santé et le panier de soins remboursables correspondants.

Evoquant l'accord conclu avec les organismes de protection sociale complémentaire, M. Jean-Marie Spaeth a observé qu'il ratifiait un état de fait, celui de la complémentarité existant entre ces derniers et les organismes de sécurité sociale. Il a aussi affirmé que cet accord avait pour objet d'organiser une coopération des politiques suivies par les différents partenaires, dans une logique de donnant-donnant élaborée dans l'intérêt des Français. Il a en effet souligné les effets pervers entraînés, dans le passé, par une absence de coopération entre ces organismes, toute mesure appliquée par la sécurité sociale pouvant être contrecarrée immédiatement par les organismes de protection sociale complémentaire. Il a enfin déclaré que l'accord conclu avec ces derniers avait une portée plus générale que la seule mise en oeuvre de la couverture maladie universelle et qu'il devait être analysé comme l'organisation de tous les intervenants financiers en matière de couverture maladie pour faire évoluer l'offre de soins.

M. Jean Delaneau, président , s'est interrogé sur les calculs effectués par le Gouvernement dans le cadre de la préparation du projet de loi. Il s'est ainsi demandé si l'on avait multiplié six millions de personnes bénéficiaires par un coût de 1.500 francs pour arriver à 9 milliards de francs, ou bien si la somme de 1.500 francs avait été obtenue en divisant un coût financier jugé comme acceptable de 9 milliards de francs par le nombre de six millions de personnes bénéficiaires.

M. Jean-Marie Spaeth lui a répondu que les organismes de protection sociale complémentaire étaient mieux placés que lui pour évaluer le coût réel de la couverture complémentaire des bénéficiaires de la CMU. Il a toutefois souligné la difficulté d'un tel exercice et cité l'exemple des personnes âgées, dont les dépenses de soins sont élevées, mais dont une partie bénéficie de remboursements à 100 % par la sécurité sociale.

Répondant à M. Charles Descours, rapporteur, il a affirmé qu'allait être mis en oeuvre un système informatisé qui permette aux médecins d'être payés simplement, sur la base d'un décompte unique où apparaissent clairement les remboursements du régime de base et des régimes complémentaires.

Mme Gisèle Printz s'est interrogée sur les modalités de mise en oeuvre de la CMU dans les départements soumis au droit local.

M. Jean-Marie Spaeth lui a répondu qu'une difficulté pourrait surgir en raison des textes législatifs qui disposent que le régime local ne peut pas rembourser les dépenses de santé à 100 %.

M. Guy Fischer a fait part de son inquiétude quant à une possible immixtion des régimes complémentaires dans la gestion du système de soins.

M. Jean-Marie Spaeth lui a répondu que les organismes complémentaires participaient déjà au système de soins et que cette participation était d'autant plus grande que la sécurité sociale se désengageait du remboursement des dépenses de santé. Il a estimé que régimes de base et organismes complémentaires devaient s'unir pour agir ensemble sur l'offre de soins, sauf à prendre le risque que l'offre de soins organise elle-même la concurrence entre les financeurs.

M. François Autain s'est inquiété de la disparité des dispositifs prévus par le projet de loi pour les bénéficiaires de la CMU qui auront choisi, pour leur couverture complémentaire, les caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) et ceux qui auront choisi les organismes complémentaires. En effet, seuls ces derniers bénéficieront d'une période de maintien des droits à la sortie du dispositif CMU.

M. Jean-Marie Spaeth s'est interrogé sur les modalités de financement d'une telle prise en charge si elle était instituée par la loi au profit des bénéficiaires de la CMU ayant choisi de confier aux caisses primaires la gestion de leur couverture complémentaire.

M. Charles Descours, rapporteur , constatant que l'Etat compensait trop rarement les charges nouvelles qu'il imposait aux organismes de sécurité sociale, a déclaré partager les craintes exprimées par le président de la CNAMTS.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page