B. UN DISPOSITIF JURIDIQUE DE COOPÉRATION INTERNATIONALE FONDÉ SUR LE PRINCIPE " JUGER OU EXTRADER "

La convention vise à faciliter à tous les stades la coopération internationale pour favoriser la lutte contre les prises d'otages. Cette coopération doit donc exister de manière préventive mais aussi à celui où sont mis en oeuvre les procédures de jugement et d'extradition. Mais la convention tout en établissant un régime exceptionnel pour poursuivre les preneurs d'otages et leur complice, garde le souci de préserver leur droits à se défendre et à éviter tout détournement de ces dispositions spécifiques à des fins illégitimes.

1. Faciliter la collaboration des Etats parties à la prévention des actes de prise d'otages

La présente convention vise à instaurer une coopération entre les Etats parties pour lutter contre une menace internationale. Elle envisage en premier lieu de favoriser les actions préventives.

Dans son article 4, la convention formule un principe général de coopération préventive en la matière pour prévenir la préparation de quelque manière que ce soit, à partir des territoires des Etats parties, des prises d'otages proprement dites. La coopération préventive doit également aboutir à une coopération policière et administrative pour échanger des informations, coordonner les mesures administratives et éventuellement prévenir la perpétration de ces infractions.

C'est sur ce point sans doute que la convention est la plus timide et ne constitue pas une grande avancée. Les mesures de coopération pourtant essentielles restent ici limitées et vagues. Elle constitue néanmoins un point de départ, qui permettra de servir de base pour approfondir à l'avenir des coopérations avec les Etats parties qui le souhaiteront.

2. La mise en oeuvre du principe " juger ou extrader "

Le volet répressif est le volet essentiel de la convention. Il s'articule autour du principe " juger ou extrader ". Les Etats doivent systématiquement poursuivre les auteurs ou les complices de prises d'otages à chaque fois qu'ils s'estiment compétents, ou bien les extrader et donc permettre à un autre Etat de les juger pour les infractions qu'ils ont commises.

a) Juger les responsables des prises d'otages

- Le devoir de poursuivre les auteurs des prises d'otages

Chaque Etat qui a ratifié ou qui a adhéré à la convention a le devoir de poursuivre et de réprimer la commission, la tentative et la complicité de prise d'otages. Il doit adopter des peines appropriées qui prennent en compte le caractère grave de cette infraction (article 2). Il doit juger les coupables s'il ne les extrade pas. L'article 8-1 dispose que " L'Etat partie sur le territoire duquel l'auteur présumé de l'infraction est découvert, s'il n'extrade pas ce dernier, soumet l'affaire, sans aucune exception, et que l'infraction ait été ou non commise sur son territoire, à ses autorités compétentes pour l'exercice de l'action pénale ". La formulation est particulièrement énergique et il faut noter la mention " sans aucune exception ".

- Faciliter l'entraide judiciaire

Selon l'article 11 de la convention, les Etats parties doivent s'accorder l'entraide judiciaire la plus large et notamment doivent se communiquer tous éléments de preuve dont ils disposent et qui sont nécessaires. Les dispositions de la convention en matière d'entraide judiciaire viennent s'ajouter à celles qui peuvent prévues dans d'autres traités.

- Une collaboration opérationnelle active pendant et après la prise d'otages

La convention prévoit en son article 3 une intervention active de l'Etat sur le territoire duquel un otage est détenu, afin d'améliorer son sort, assurer sa libération, faciliter son départ et la restitution d'un éventuel objet appartenant à l'otage mais obtenu par l'auteur de l'infraction. Cela concerne notamment la rançon, sa récupération et sa restitution.

- Une information permanente au cours de la procédure judiciaire

Durant toute la procédure judiciaire, est instauré un mécanisme visant à tenir informer tous les Etats intéressés au jugement de l'infraction (article 6-2). Cette information est faite directement ou par l'intermédiaire du secrétariat général des Nations unies. Il en est de même du résultat définitif de la procédure (article 7).

Cette procédure d'information permet non seulement le suivi des actions entreprises par toutes les parties intéressées mais aussi, dans une certaine mesure, le contrôle de la réalité des poursuites entreprises et de l'engagement de l'Etat partie dans la répression des actes de prise d'otages.

b) Ou extrader les responsables des prises d'otages

La présente convention basée sur le principe " juger ou extrader " vise à faciliter autant que possible les extraditions et à en rendre la procédure plus rapide et plus efficace.

L'article 10 de la convention a pour objectif que chaque Etat partie considère la prise d'otage, la tentative ou la complicité de prise d'otages comme un cas d'extradition. La convention peut faire office de base légale pour les Etats qui considèrent qu'un traité bilatéral d'extradition est nécessaire. La convention suffit dans les autres cas.

La convention exclue que puisse s'appliquer des accords antérieurs en matière d'extradition qui seraient incompatibles avec la convention (article 9-2). Cette disposition est une disposition classique dans les conventions anti-terroristes. Elle est destinée à prémunir les Etats victimes de prises d'otages d'arrangements bilatéraux qui autoriseraient les auteurs de telles infractions à se prévaloir de dispositions plus favorables. Cette disposition n'a évidemment pas d'incidence particulière pour la France.

En matière d'extradition, il existe au niveau européen deux conventions d'extradition , la première faite à Paris du 13 décembre 1957 et entrée en vigueur le 11 mai 1986 et la seconde signée le 27 septembre 1996 et qui n'est pas encore entrée en vigueur. Ces deux conventions renforcent la coopération entre les pays européens parties au-delà des engagements internationaux habituels.

3. Garantir les droits à se défendre des personnes soupçonnées

La particularité de l'infraction terroriste conduit à prendre à son encontre des mesures à caractère exceptionnel. Mais cette répression ne doit pas se faire au détriment de l'Etat de droit. C'est pourquoi la convention vise également à assurer aux personnes poursuivies des garanties quant au déroulement de la procédure et à leur défense.

a) Assurer un minimum de droits en cas de jugement ou d'extradition

# Durant la procédure pénale

- Un droit de communication et de visite du représentant de l'Etat " protecteur "

La convention leur donne la possibilité de " communiquer sans retard avec le représentant du pays dont ils ont la nationalité " (article 6-3 a) et de recevoir la visite d'un représentant de cet Etat (article 6-3 b). Cette mesure donne ainsi au détenu des garanties minimales et au représentant un rôle qui pourrait se rapprocher, dans certains de ces aspects, de celui d'un avocat vis à vis d'un détenu dans une affaire normale.

- Des droits réels

Le paragraphe 4 de l'article 6 prévoit que les droits précédemment mentionnés doivent s'exercer dans le cadre des lois et règlement de l'Etat où se trouve l'auteur présumé de la prise d'otages. Mais la convention précise, et c'est ce qui est important, que ces lois et règlements " doivent permettre la pleine réalisation des fins pour lesquelles les droits sont accordés ". On ne peut donc se satisfaire de pétitions de principe, c'est la substance même des droits qui est importante, leur réalité, la possibilité de les exercer sans qu'une réglementation nationale vienne les limiter abusivement. A l'article 8 encore, la convention dispose que l'auteur présumé doit bénéficier " d'un traitement équitable " dans la procédure et de tous les droits reconnus par les lois locales.

- La possible intervention du représentant du Comité international de la Croix Rouge

La convention prévoit également, mais dans des conditions extrêmement limitatives, et à titre de simple possibilité, que le Comité international de la Croix Rouge puisse communiquer ou rendre visite à l'auteur présumé de l'infraction (article 6-5).

# En cas d'extradition

La convention s'attache par ailleurs à protéger les auteurs présumés en limitant l'usage de l'extradition aux seuls fins de réprimer les prises d'otages pour éviter tout abus. Ainsi, il est précisé à l'article 9-1 qu'il ne sera pas fait droit à une demande d'extradition si l'Etat partie requis a " des raisons substantielles " de croire que la demande d'extradition a pour but de poursuivre cette personne pour des motifs illicites tels que sa race, sa religion, sa nationalité, son origine ethnique, ses opinions politiques ou parce que pour ces raisons elle risque un préjudice ou encore parce que l'Etat ayant qualité pour exercer les droits de protection ne peuvent communiquer avec elle.

b) Les limites des garanties accordées et les réserves françaises

Les garanties accordées au présumé auteur de l'infraction sont des avancées sérieuses et imposent à tous les Etats parties à la convention le respect de règles minimums en matière de droit de la défense. Mais ces garanties sont peu précises ne donnent pas complètement satisfaction de telle sorte que la France a choisi de faire des réserves à propos des articles 6-1 et 9-1.

- Des garanties peu précises

La notion de " traitement équitable " paraît d'autant plus fragile qu'elle s'exerce dans les lois de l'Etat ou se déroule la procédure. Le CICR n'a pas de droit automatique de communication et de visite. Seul le représentant de l'Etat dont il a la nationalité a ce droit. Il a donc un rôle pivot dans la protection de son ressortissant.

- L'article 6-1 et la prise de mesures coercitives préalablement à l'engagement de poursuites

L'article 6-1 de la convention pose également un problème en la matière puisqu'il permet à l'Etat sur le territoire duquel se trouve l'auteur présumé de l'infraction, de décider sa détention ou de prendre toutes les mesures nécessaires pour s'assurer de sa personne, s'il estime que les circonstances le justifient, pendant le délai nécessaire à l'engagement de poursuites pénales ou d'une procédure d'extradition. Cette possibilité est tempérée par le devoir que fait la convention à ces Etats de procéder immédiatement à une enquête préliminaire.

Il n'en reste pas moins que cette disposition de l'article 6-1 laisse une marge à des abus de détentions préventives qui pourraient dans certains cas conduire à des excès et donner une base de légalité internationale à des détentions arbitraires.

C'est pourquoi, la France , dont le droit de la procédure pénale ne permet évidemment pas de détenir une personne avant qu'une enquête n'ait permis d'établir les faits, fait à ce sujet une réserve et entend en rester strictement à sa législation interne.

- L'article 9-1 , refus d'extrader ses nationaux et les personnes encourant la peine capitale

Les garanties accordées par la convention en matière d'extradition n'ont pas paru suffisantes à la France qui a fait une déclaration interprétative complémentaire à propos de l'article 9. La France exclut d'extrader un de ses nationaux ou une personne de nationalité étrangère si l'infraction est punie de la peine de mort par la législation de l'Etat requérant . Il ne sera fait exception à ce principe que si l'Etat requérant donne des assurances suffisantes que la peine capitale ne sera pas infligée ou que, si elle est prononcée, elle ne sera pas exécutée.

La convention européenne d'extradition du 27 septembre 1996, qui n'est pas encore entrée en vigueur, pourrait conduire, si aucune réserve n'était faite à ce sujet, à remettre en cause le principe de non extradition des nationaux (article 7-1 de cette convention). Il faut donc noter qu'un Etat européen partie à cette convention pourrait être amené à demander l'extradition d'une personne de nationalité française en matière de prise d'otages en se prévalant de la convention qui lui est la plus favorable.

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