C. AUDITION DE M. BERNARD CARON, PRÉSIDENT DU CONSEIL D'ADMINISTRATION DE L'AGENCE CENTRALE DES ORGANISMES DE SÉCURITÉ SOCIALE (ACOSS)

Puis la commission a procédé à l'audition de M. Bernard Caron, président du conseil d'administration de l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS).

M. Bernard Caron a estimé que le projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000 compliquait encore davantage le financement de la sécurité sociale. Il a indiqué qu'en raison de l'article 2 portant création du fonds de financement de la réforme des cotisations patronales, le conseil d'administration de l'ACOSS avait émis un avis négatif, les représentants de l'Union professionnelle artisanale (UPA) s'abstenant. Il a comparé la simplicité du bulletin de paie de l'après-guerre, où quatre retenues étaient présentes, à la difficulté de lecture du bulletin de paie d'un salarié d'aujourd'hui : il a souligné notamment la complexité de la contribution sociale généralisée (CSG), parfois non déductible et parfois déductible.

Il a rappelé que le système " Racine ", qui ventile les imputations comptables au niveau des Unions de recouvrement des cotisations de sécurité sociale et d'allocations familiales (URSSAF) et qui a été mis en place depuis le 1 er janvier 1998 par l'ACOSS, représentait un grand progrès par rapport au système précédent, où la ventilation était effectuée au niveau national, de manière forfaitaire et évaluative. Il a observé toutefois que les URSSAF recevaient des chèques globaux des entreprises déclarantes et que la ventilation était effectuée a posteriori. Il a précisé que l'URSSAF de Paris venait de rejoindre le système informatique national et que ce basculement était notamment à l'origine de crédits non affectés, dont le montant est estimé à 15 milliards de francs pour 1998.

Evoquant les différents mécanismes de réductions de charges sociales, il a déploré l'existence de quarante assiettes déclaratives différentes de cotisations sociales. Il a observé que cette complexité représentait un risque d'insécurité juridique et pénalisait les déclarants. Il a considéré que la gestion des exonérations de sécurité sociale représentait une charge très importante, l'exonération étant variable en fonction du contrat de travail et de l'horaire pratiqué par le salarié.

S'agissant de la gestion des cotisations des praticiens et auxiliaires médicaux (PAM), il a indiqué que le système prévu allait rendre nécessaire une interconnexion des systèmes informatiques de l'ACOSS et de la CNAMTS, par ailleurs en pleine évolution.

Il a observé que l'ACOSS disposait pourtant d'un taux de recouvrement supérieur à celui des services fiscaux, avec un taux d'erreur réduit. Il a constaté que l'ACOSS menait une course éperdue pour adapter sans cesse ses systèmes d'information à une législation et une réglementation toujours plus complexes.

M. Charles Descours, rapporteur, a souligné que la simplification était un objectif partagé par l'ensemble des membres du conseil de surveillance de l'ACOSS. Il s'est interrogé sur les simplifications possibles en matière d'exonération de cotisations sociales, sur l'accélération du délai de remise des comptes sociaux, sur la compensation par l'Etat des aides attribuées dans le cadre de la loi du 13 juin 1998 et sur l'applicabilité des dispositions relatives aux PAM.

Revenant sur les possibilités de simplification, M. Bernard Caron a proposé que l'édiction d'une nouvelle réglementation abroge de manière automatique un dispositif existant. Il a considéré qu'il était nécessaire de trancher sur la déductibilité ou la non-déductibilité de la CSG. Evoquant les débats sur une progressivité éventuelle de la CSG, il a regretté la confusion entre cotisations et impôts. Il a remarqué que l'on voulait faire assumer à la CSG un rôle que ne remplit pas aujourd'hui l'impôt sur le revenu.

Il a souhaité que l'ACOSS se concentre sur ses missions de base. Il a observé que les demandes réitérées de simplification formulées par l'ACOSS auprès de la direction de la sécurité sociale n'avaient pas été suivies d'effets. Il a estimé que les dispositifs d'exonération de cotisations sociales relatifs à l'aménagement du territoire (zones franches urbaines, zones de revitalisation urbaine, zones de redynamisation rurale) devaient être transformés en subventions inscrites au budget de l'Etat.

M. Charles Descours, rapporteur, a observé que le " versement transport " était pris en charge par les URSSAF, alors que ces sommes n'étaient pas du tout affectées à la sécurité sociale.

Concernant les délais, M. Bernard Caron a déclaré que l'ACOSS disposait désormais d'un tableau de bord mensuel du recouvrement, à travers la réunion de la commission de trésorerie. Il a estimé que l'ACOSS n'était pas responsable des dépenses, qui ne sont connues que par les seules caisses. Il a observé que des progrès avaient été réalisés, mais que l'effort devait être poursuivi. Il a insisté sur l'hétérogénéité des différents modes de comptabilisation présentés aux parlementaires : comptes nationaux, comptes de la commission des comptes de la sécurité sociale, comptes de la loi de financement. Il a précisé que les comptes de la commission des comptes et les comptes de la loi de financement restaient en encaissements/décaissements, alors que les caisses du régime général disposaient désormais de comptes en droits constatés. Il a estimé qu'il était nécessaire d'homogénéiser les systèmes comptables des organismes de sécurité sociale, en adoptant le plan comptable de droit commun.

M. Bernard Caron a indiqué que l'article L. 131-7 du code de la sécurité sociale, imposant la compensation intégrale des mécanismes d'exonération de charges sociales, avait été correctement appliqué pour les aides relevant de la loi du 13 juin 1998. Il a estimé que ce mécanisme de compensation, mis en place par la loi du 25 juillet 1994, était sain et permettait une meilleure compréhension des différents flux financiers. Il a observé qu'à l'inverse le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales créé par l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale, par le croisement de flux financiers dans tous les sens, était d'une rare complexité.

Il a rappelé que l'analyse des allégements de charges sur les bas salaires reposait sur le postulat de départ que le coût du travail non qualifié était trop élevé en France, en raison des charges sociales. Il a estimé que l'impact sur l'emploi de tels allégements était difficile à évaluer. Il a observé que le problème des emplois qualifiés se posait de plus en plus et que la politique des salaires serait considérablement freinée pour les cadres moyens. Il a considéré que le danger des délocalisations de centres d'activité était réel.

S'agissant des cotisations des PAM, il a précisé que le mécanisme serait appliqué par les URSSAF, mais que la conséquence serait probablement une baisse du taux de recouvrement des cotisations.

M. André Jourdain a souhaité connaître des évaluations concernant la délocalisation des emplois qualifiés.

M. Bernard Caron a observé que la problématique statistique était la même que celle du travail clandestin et qu'il ne disposait pas de chiffres. Il a indiqué qu'en raison de cette impossibilité statistique, ses déclarations pouvaient être jugées " alarmistes ", mais qu'une observation de type micro-économique permettait de confirmer qu'il s'agissait d'un problème bien réel, notamment entre la France et la Grande-Bretagne.