C. L'INFORMATION COMPTABLE RESTE DÉFICIENTE
La
commission des Affaires sociales avait décidé, lors de l'examen
du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 1999,
la création d'un groupe de travail sur les lois de financement de la
sécurité sociale. Ce groupe de travail a conduit de janvier
à mars 1999 un programme d'auditions et a remis un rapport,
publié en juin 1999 sous la forme d'un rapport d'information
17(
*
)
.
Votre rapporteur souhaite " actualiser " trois éléments
essentiels.
1. Les droits constatés : une réforme en attente de concrétisation
Comme
l'a souligné la Cour des comptes, l'application du principe de
comptabilisation en droits constatés aux opérations des
organismes de la sécurité sociale constitue
" un
progrès -dans la voie de la clarification des comptes de la
sécurité sociale- dont il importe de souligner
l'importance "
18(
*
)
.
La comptabilisation des droits constatés présente en effet quatre
avantages :
- un résultat indépendant des événements
venant perturber le règlement des cotisations ou le paiement des
prestations ;
- une étape importante vers l'harmonisation des
comptabilités et des méthodes comptables de l'ensemble des
régimes ;
Encaissements-décaissements et droits
constatés :
les deux principes de comptabilisation
Une
comptabilité en
encaissements-décaissements
consiste
à n'enregistrer les opérations qu'à partir du moment
où celles-ci sont recouvrées (cotisations) ou payées
(prestations).
Pour résumer, une comptabilité en
encaissements-décaissements est une comptabilité de
trésorerie.
Une comptabilité en
droits constatés
consiste à
rattacher à un exercice les dépenses et les recettes dès
la naissance du fait générateur. En fin d'exercice, les
opérations qui ont pris naissance dans l'année mais qui n'ont pas
donné lieu à encaissement ou paiement sont rattachées
à l'exercice comptable sous forme de produits à recevoir
(créances), de provisions ou de charges à payer (dettes).
Pour résumer, une comptabilité en droits constatés est une
comptabilité de créances et de dettes.
Avant la réforme, les comptes des caisses du régime
général étaient en encaissements-décaissements.
Néanmoins, elles utilisaient déjà, pour certaines
opérations, la technique des droits constatés (exemple de
certaines avances ou compensations de l'Etat).
En revanche, les régimes complémentaires et les compagnies
d'assurance étaient déjà en droits constatés.
- un cadre comptable similaire pour l'ensemble des régimes, les
régimes complémentaires et les mutuelles ;
- une transparence financière entre les différents acteurs
de la sécurité sociale, puisque les droits constatés font
apparaître les créances et les dettes respectives de chacun.
Le décret n° 96-448 du 23 mai 1996 a officialisé la
comptabilisation en droits constatés dans les organismes du
régime général à compter du
1
er
janvier 1996. Cette réforme a été
étendue aux autres régimes à partir du
1
er
janvier 1997.
Les comptes du régime général en droits constatés
sont nettement différents de ceux établis selon le système
de caisse. Le déficit du régime général en droits
constatés est ainsi de 24 milliards de francs en 1997 et de moins de 10
milliards de francs en 1998.
Le " basculement " prévu pour la loi de financement 2000,
annoncé l'année dernière par Mme Martine Aubry devant la
Haute assemblée
19(
*
)
, n'a
pas eu lieu.
Les comptes soumis à la Commission des comptes de la
sécurité sociale, comme le projet de loi de financement de la
sécurité sociale pour 2000, sont établis en
encaissements-décaissements.
Comme le rappelle M. François Monier, secrétaire
général de la Commission des comptes de la sécurité
sociale, dans l'avant-propos du rapport de septembre 1999,
" le projet
de faire basculer les travaux de la Commission en comptabilité de droits
constatés, qui avait été annoncé il y a un an, n'a
pu être mené à bien en 1999, faute de moyens dans les
services de l'administration. Il se trouve donc reporté. "
M.
Monier ajoute :
" Cette situation ne saurait durer très
longtemps. "
Votre rapporteur ne peut qu'approuver ce jugement et demeure
persuadé, comme le secrétaire général de la
Commission des comptes, que l'achèvement de la réforme des droits
constatés constitue un objectif prioritaire.
Cette " cohabitation " oblige les organismes de
sécurité sociale à maintenir des tableaux de passage entre
les deux systèmes comptables, ce qui a pour conséquence un manque
de fiabilité et un temps de traitement plus long, allant à
l'encontre de l'objectif recherché. Selon les termes mêmes du
secrétaire général de la Commission des comptes, ces
tableaux de passage
" risquent de fournir des estimations d'une
qualité décroissante au cours du temps ".
Les moyens de la Direction de la sécurité sociale semblent
insuffisants pour " gérer " la transition d'un système
comptable à un autre.
Force est de reconnaître également que la comptabilité
en droits constatés semble difficile à adopter en loi de
financement, en l'absence de plan comptable unique.
Les efforts se sont reportés sur la définition de règles
et de nomenclatures communes aux organismes de sécurité sociale,
à travers la Mission interministérielle de la réforme de
la comptabilité des organismes de sécurité sociale
(MIRCOSS).
2. La MIRCOSS : un effort qui doit être soutenu
En
effet, les plans comptables utilisés par les organismes de
sécurité sociale sont hétérogènes,
d'où la difficulté de suivre, de manière infra-annuelle,
l'application des lois de financement de la sécurité sociale.
Le ministère de l'emploi et de la solidarité et le
ministère de l'économie et des finances ont été
à l'origine de la Mission interministérielle pour la
réforme de la comptabilité des organismes de
sécurité sociale (MIRCOSS), placée sous la
responsabilité de M. Alain Déniel.
Cette mission devait rendre un premier rapport fin septembre. Ses travaux
semblent avoir pris un certain retard, puisque les conclusions seraient
désormais disponibles " courant 2000 ".
Là encore, le manque de moyens de la Direction de la
sécurité sociale semble être en cause.
3. Le système RACINE : un progrès indéniable, mais qui se manifeste à court terme par une dégradation de la lisibilité des comptes
Le
système RACINE remplace la ventilation
" statistico-comptable " des recettes réalisée
antérieurement au niveau de l'ACOSS par une répartition à
la source dans les URSSAF ; la nouvelle méthode, plus
précise, révèle une structure d'encaissements plus exacte
et met en évidence les biais de l'ancienne méthode.
Votre rapporteur tient ainsi à rappeler que la philosophie même
du système RACINE, seul à même de respecter le principe de
séparation comptable des branches, ne saurait être remise en
cause.
Le système a néanmoins eu pour première conséquence
une dégradation de la connaissance des comptes de la
sécurité sociale. Les résultats du régime
général pour l'année 1998 se sont assez substantiellement
écartés de ce qui avait été prévu, notamment
dans la répartition des ressources entre les branches.
De plus, comme le note le rapport de la Commission des comptes de la
sécurité sociale de septembre 1999
20(
*
)
, des erreurs ponctuelles ont
perturbé les encaissements des trois années 1997, 1998 et
1999 :
" attributions insuffisantes de versement transport en 1997
(pour 995 millions de francs), au profit des caisses nationales (pour
924 millions de francs) et des autres attributaires, biais de
répartition régularisé en 1998 ; en sens inverse,
attributions trop importantes de l'ACOSS en 1998 pour un montant d'environ
600 millions de francs (régime d'Alsace-Moselle (318 millions
de francs), FNAL (200 millions de francs), régime des
étudiants (24 millions de francs), versements
régularisés en 1999 ; au total, les encaissements du
régime général ont été majorés
indûment d'un peu plus de 925 millions de francs en 1997,
diminués d'environ 1,5 milliard de francs en 1998, puis à
nouveau augmentés de 600 millions de francs en 1999. "
La mission de l'IGAS demandée par Mme Martine Aubry, ministre de
l'emploi et de la solidarité, a mené au printemps 1999 une
enquête approfondie sur ces erreurs. La conclusion de la mission est que
" les importantes erreurs commises en 1997 ont, dans leur ampleur, des
causes largement conjoncturelles
21(
*
)
"
. Après un montant
exceptionnel de crédits non répartis en 1997 (plus de 50
milliards de francs), l'ACOSS s'est retrouvée fin 1998 face
"
à un montant plus habituel de crédits non
répartis en fin d'année (15 milliards de francs), le moindre
recours aux méthodes forfaitaires de ventilation comptable depuis la
mise en place de RACINE, doivent permettre d'exclure le renouvellement
d'erreurs d'une ampleur comparable à celle des erreurs de
répartition commises ou constatées en 1997 ".
Ayant ainsi souligné le caractère exceptionnel des
difficultés rencontrées fin 1997 et en 1998, la mission n'en
relève pas moins
" une faiblesse plus structurelle de l'ACOSS
dans la maîtrise des mécanismes de répartition forfaitaire,
qui résulte en partie de l'insuffisance des échanges
d'information entre l'ACOSS et les URSSAF, et également d'une
insuffisance de moyens techniques et humains qui ne permet guère le
développement des analyses et réflexions
nécessaires "
.
La mise en place du système RACINE semble s'être faite dans des
conditions satisfaisantes, mais il faudra attendre, pour porter un jugement
plus assuré, que soient disponibles la comparaison des
répartitions fournies par l'ancien et le nouveau systèmes
(attendue pour la fin de cette année), ainsi qu'une analyse fine des
résultats des premiers mois de 1999.
" L'effet RACINE " joue de manière défavorable pour la
CNAMTS et de manière favorable pour la CNAVTS. Ainsi, le déficit
de la CNAMTS s'accroît, alors que la CNAVTS -qui devait être en
déficit en 1998-1999- se retrouve désormais en excédent.
La branche du recouvrement est consciente de l'importance des
responsabilités nouvelles qui lui incombent. Elle déploie des
efforts importants pour améliorer la compréhension du
système RACINE.
Ces efforts doivent être soutenus.
4. La complexité des règles et des " tuyauteries "
Le
législateur et le pouvoir réglementaire doivent s'efforcer
d'édicter des règles simples, en matière de
sécurité sociale peut-être plus qu'ailleurs.
Les mécanismes d'exonérations de cotisations de
sécurité sociales sont ainsi en cause, de même que la
complexité des règles d'attributions des prestations familiales.
La complexité du financement doit être aussi
évoquée. Les " tuyauteries ", les recettes
affectées à plusieurs destinataires réduisent à
néant le principe de la séparation comptable des branches.
La loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, en
affectant deux milliards de francs au fonds de réserve pour les
retraites a " branché " un système d'attribution de la
contribution sociale de solidarité sur les sociétés (C3S)
à une " tuyauterie " déjà fort complexe. Le
schéma ci-après tente de l'expliquer.
Les excédents de CSG sont d'abord attribués, au prorata de leurs
déficits comptables, à la CNAMTS en priorité (1), puis
à la CANAM (2). En fonction de ce qu'a perçu la CANAM au titre
des excédents de CSG, elle reçoit une part plus ou moins
importante de C3S (3), imposition perçue également par l'ORGANIC
et la CANCAVA (4). Les excédents de C3S peuvent être
attribués au Fonds de solidarité vieillesse (5), ou directement
par le Fonds de réserve des retraites (6). Les excédents du FSV
peuvent être basculés sur le Fonds de réserve (7).
De sorte que l'affectation du Fonds de réserve dépend de
l'évolution des dépenses maladie, qui dégradent ou non la
situation comptable de la CNAMTS et de la CANAM.