AVANT-PROPOS

Mesdames, Messieurs,

Le régime local d'Alsace-Moselle, héritage du droit social de l'Empire allemand, est un régime d'assurance maladie complémentaire obligatoire légal, permettant à ses assurés un bien meilleur remboursement que dans le régime général, en échange d'une cotisation complémentaire.

Pour autant, les assurés de ces trois départements n'ont pas -ce serait même l'inverse- une dépense médicale plus importante que ceux de " la France de l'intérieur ".

Le régime local est donc loin d'être " une survivance historique " : à bien des égards, il est un modèle. Sa gestion est décentralisée et particulièrement satisfaisante.

Depuis la loi n°94-637 du 25 juillet 1994 relative à la sécurité sociale, le régime local d'assurance maladie d'Alsace-Moselle dispose d'une autonomie de gestion, qui s'exerce par l'intermédiaire d'une instance de gestion, dirigée par un conseil d'administration. Ce dernier est composé de représentants syndicaux des assurés sociaux, de la mutualité, des unions départementales d'associations familiales et du patronat avec voix consultative 1 ( * ) .

La loi n° 98-278 du 14 avril 1998 relative au régime local d'assurance maladie des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, résultant de la proposition de loi n°410 (1996-1997) déposée par M. Daniel Hoeffel et tous les sénateurs d'Alsace-Moselle, a permis de donner une base juridique certaine et modernisée au régime local d'assurance maladie.

Elle a donné également le droit aux personnes, ayant cotisé une grande partie de leur vie active au régime, et choisissant d'aller passer leur retraite en dehors des trois départements, de pouvoir continuer à bénéficier de ce régime. Il s'agissait de réparer une injustice.

Son application comporte toutefois un effet pervers et une disposition inapplicable .

L'effet pervers, non souhaité par le législateur, consiste à exclure les personnes ayant temporairement quitté la région au cours des cinq dernières années précédant leur retraite et revenant ensuite en Alsace-Moselle : elles sont exclues du bénéfice du régime local. Il faudra, le plus tôt possible, corriger la loi sur ce point.

La disposition inapplicable concerne la compétence de l'instance de gestion du régime local, qui devait s'étendre aux salariés agricoles.

C'est cette disposition qu'il est demandé de corriger aujourd'hui, par l'intermédiaire de deux propositions de loi, quasiment identiques.

La première proposition de loi, relative au régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle applicable aux assurés des professions agricoles et forestières, a été déposée le 17 septembre 1999 par MM. Joseph Ostermann, Daniel Eckenspieller, Francis Grignon, Philippe Richert et votre rapporteur (n° 494, 1998-1999).

La seconde proposition de loi, relative au régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle applicable aux assurés des professions agricoles et forestières, a été déposée le 27 octobre 1999 par Mme Gisèle Printz et M. Roger Hesling (n° 36, 1998-1999).

I. LES DEUX PROPOSITIONS DE LOI TENDENT À CORRIGER UNE DISPOSITION DE LA LOI DU 14 AVRIL 1998 QUI S'EST RÉVÉLÉE PRÉMATURÉE

Les deux propositions de loi tendent à revenir sur une disposition de la loi n° 98-278 du 14 avril 1998 relative au régime local d'assurance maladie des départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle, qui a institué, à son article 5, une instance de gestion unique du régime complémentaire obligatoire d'assurance maladie existant dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-Rhin, et de la Moselle, pour les salariés du régime général comme pour les salariés agricoles.

A. UNE DISPOSITION DE LA LOI DU 14 AVRIL 1998...

1. L'article 5 de la loi n° 98-278 du 14 avril 1998...

En Alsace-Moselle, pour la gestion du régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire, une distinction était faite entre les salariés du régime général , relevant des caisses primaires d'assurance maladie, et les salariés agricoles , relevant des caisses de mutualité sociale agricole du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle 2 ( * ) .

L'article 5 a pour objet de rendre applicables les nouvelles dispositions du régime local définies pour les salariés du régime général (art. L. 242-13, L. 325-1 et L. 325-2 du code de la sécurité sociale) aux salariés du régime agricole, par décret en Conseil d'Etat. Il n'a pas introduit d'article dans le code rural. Par définition, l'instance de gestion du régime local d'assurance maladie complémentaire obligatoire, chargée notamment de définir le taux des cotisations, devient ainsi unique, même si les salariés continuent à relever d'un régime différent.

2. ... résulte d'un amendement de séance

L'article 5 de la loi de 1998 résulte d'un amendement déposé par M. Gérard Terrier, rapporteur de la commission des Affaires culturelles, familiales et sociales. Cet amendement n'avait pas été examiné par la commission. Les seuls travaux préparatoires se résument ainsi aux débats de l'Assemblée nationale :

Séance du 21 janvier 1998. JO Débats AN, p. 503

M. Gérard Terrier , rapporteur . Il existe en Alsace-Moselle un régime local spécifique pour les salariés agricoles, distinct du régime local des salariés relevant du régime général de sécurité sociale. Il est souhaitable d'habiliter le pouvoir réglementaire à rendre applicables, en les adaptant, les dispositions de la présente loi à ces salariés, afin de ne pas générer d'inégalité de traitement fondamentale pour les salariés agricoles. Ce n'est qu'après concertation entre tous les acteurs concernés -MSA, régime local agricole et instance de gestion du régime local salariés, notamment- que ces règles seront fixées par décret en Conseil d'Etat. (...)

M. le secrétaire d'Etat à la santé . Je suis d'accord et je pense que M. Le Pensec, mon collègue, l'est également. (...)

M. Germain Gengewin . Monsieur le rapporteur, les salariés du régime agricole relèvent jusqu'à présent de la mutualité sociale agricole. Je ne veux pas les empêcher de relever également du régime local, mais de quelle manière seront payées leurs cotisations ? Y aura-t-il un accord avec la MSA ? De quelle manière vont-ils adhérer à ce régime ?

M. Denis Jacquat . Bonne question ! (...)

M. Gérard Terrier , rapporteur. On ne touche à rien dans le dispositif légal, c'est-à-dire qu'il y a toujours séparation et gestion distincte des deux régimes. Il y a simplement une ouverture à la MSA après concertation, et c'est le pouvoir réglementaire qui en fixera les modalités.

M. Denis Jacquat. En accord avec l'instance de gestion ?

M. Gérard Terrier, rapporteur. Elle est indépendante de ce système-là.

M. Jean-Jacques Weber. Le mieux est parfois l'ennemi du bien !

M. le président. Je mets aux voix l'amendement n°17.

( L'amendement est adopté) .

Votre rapporteur, en deuxième lecture au Sénat, avait proposé une adoption conforme du texte voté à l'Assemblée nationale. Il avait souhaité, avant tout, une adoption rapide de la proposition de loi, très attendue en Alsace-Moselle et dans les départements limitrophes.

Il n'avait pas pour autant considéré que le travail était " terminé " ; votre rapporteur s'exprimait ainsi le 2 avril 1998 : " certes, des modifications rédactionnelles ou de coordination auraient été possibles, mais la commission a pensé qu'il sera toujours temps d'y revenir, à l'occasion, par exemple, de l'examen d'un projet de loi portant diverses mesures d'ordre social, s'il apparaissait nécessaire à l'instance de gestion du régime local de lisser le dispositif. " 3 ( * )

En conséquence, le Sénat n'avait pas amendé, en deuxième lecture, la proposition de loi issue des travaux de l'Assemblée nationale.

Malheureusement, le projet de loi portant diverses mesures d'ordre social, annoncé pour 1999, n'a finalement pas été déposé.

B. ... QUI NE RÉPOND PAS AUX ATTENTES DES INTÉRESSÉS

Cet article ne répond pas, dans la pratique, aux attentes des intéressés. La situation est aujourd'hui " bloquée ". La mise en oeuvre de cette disposition, qui visait à une plus grande simplicité " théorique ", s'est heurtée à une impossibilité " pratique ".

En effet, les différentes parties en cause ne se sont pas entendues pour former un conseil d'administration unique, regroupant salariés et salariés agricoles. L'inclusion des salariés agricoles a suscité des craintes sur l'équilibre financier du régime, même si les taux de cotisations des salariés agricoles et des salariés non agricoles ont été alignés.

Des décrets d'application particuliers aux salariés agricoles n° 98-1176, n° 98-1177, n° 98-1178, n° 98-1179, en date du 22 décembre 1998, ont été publiés au Journal officiel du 23 décembre 1998.

Taux de cotisation

Salaires

Avantages vieillesse
Allocations et revenus de remplacement

Salariés

1,80

1,5

Employeurs

0,15

Les intérêts particuliers des salariés agricoles, leur mode spécifique de représentation, leurs interlocuteurs privilégiés (les caisses de MSA) ne semblent pas avoir été pris en considération.

Il importe de " réparer cette erreur ", par une nouvelle intervention du législateur.

Encore faut-il noter que ces dispositions ont déjà été approuvées par le législateur. En effet, à l'initiative de notre collègue M. Joseph Ostermann, la loi d'orientation agricole comptait un article 65, qui a été annulé par le Conseil constitutionnel.

* 1 Ce régime a la particularité de ne pas comporter de cotisation patronale.

* 2 A partir du 1 er janvier 2000, les caisses de MSA du Bas-Rhin et du Haut-Rhin fusionnent pour former la caisse de MSA d'Alsace.

* 3 JO Débats Sénat, séance du 2 avril 1998, p. 1429.

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