ORDONNANCE N° 98-581 DU 8 JUILLET 1998 PORTANT ACTUALISATION ET ADAPTATION DES RÈGLES RELATIVES AUX GARANTIES DE RECOUVREMENT ET A LA PROCÉDURE CONTENTIEUSE EN MATIERE D'IMPÔTS EN POLYNÉSIE FRANÇAISE

L'ordonnance n° 98-581 du 8 juillet 1998 a pour origine un voeu de l'Assemblée de Polynésie française 3( * ) qui, à la suite de plusieurs contentieux et de la mise en place de la taxe à la valeur ajoutée sur son territoire, a souhaité que l'Etat, qui est compétent en matière de recouvrement et de contentieux de l'impôt, procède à une adaptation de son régime.

Le nouveau régime applicable à la Polynésie, issu des dispositions de la présente ordonnance, s'inspire de celui en vigueur en métropole. Il s'en écarte lorsque  l'organisation administrative de la Polynésie diffère de celle de la métropole et nécessite des ajustements.

A. LES NOUVELLES REGLES RELATIVES AUX GARANTIES DE RECOUVREMENT DE L'IMPÔT

Article premier : la création d'un " privilège du territoire " de Polynésie française


En métropole, le Trésor bénéficie d'un " privilège ", qui lui confère un droit de gage sur les biens mobiliers d'un débiteur et un droit de préférence par rapport aux autres créanciers du débiteur. Par exemple, en cas de saisie et de ventes des biens d'un débiteur, le produit de cette vente sera en priorité versé au Trésor, à concurrence du montant de ses créances sur le débiteur.

Plusieurs article du code général des impôts déterminent les conditions d'application du privilège du Trésor. Les articles 1920, 1923 et 1924 du code général des impôts traitent des impôts directs et taxes assimilées, l'article 1926 concerne le privilège en matière de taxes sur le chiffre d'affaires et des taxes assimilées, l'article 1927 traite des contributions indirectes, tandis que l'article 1929 définit le régime du privilège en matière de droits d'enregistrement, de taxe de publicité foncière, de droits de timbre et des autres droits et taxes assimilés.

Ces dispositions sont transposées à la Polynésie française, où elles sont qualifiées de " privilège du territoire ". La terminologie différente s'explique par le fait que la notion métropolitaine de Trésor n'a pas d'équivalent en Polynésie française.

L'architecture du dispositif proposé pour la Polynésie diffère de celle de la métropole :

un premier alinéa prévoit que le privilège s'exerce, comme en métropole, avant tout autre, sur les meubles et les effets mobiliers appartenant aux redevables en quelque lieu qu'ils se trouvent. Ce privilège est applicable " en matière de contributions, droits et taxes de toute nature " ;

un deuxième alinéa crée, en s'inspirant de l'article 1924 du code général des impôts un privilège qui " prend rang immédiatement après celui du territoire ". Les dispositions du deuxième alinéa s'écartent du régime applicable en métropole sur deux points :

- ses bénéficiaires : le privilège en métropole concerne collectivités locales (les départements et les communes) tandis que le dispositif résultant des dispositions de la présente ordonnance s'applique aux collectivités locales mais également aux organismes consulaires (chambres de commerce, de l'industrie, des services et des métiers) ;

- les prélèvements concernés : le privilège métropolitain concerne les taxes assimilées aux contributions directes, principalement les taxes acquittées par les associations syndicales autorisées et la taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM), tandis que le dispositif résultant des dispositions de la présente ordonnance concerne également les centimes additionnels perçus au profit des communes et des organismes consulaires, les redevances pour services rendus et les taxes perçues pour le compte d'organismes tiers 4( * ) .

un troisième alinéa reprend les dispositions de l'article 1929 sexies , et étend le privilège aux pénalités d'assiette et de recouvrement.

Article 2 : hypothèque légale du territoire de la Polynésie française sur tous les biens immeubles des redevables

Cet article reprend mot pour mot, en supprimant les références au livre des procédures fiscales, uniquement applicable en métropole, le texte de l'article 1929 ter du code général des impôts relatif aux hypothèques légales du Trésor, qui deviennent les hypothèques légales du " territoire de la Polynésie française ".

Article 3 : transposition du régime de l'avis à tiers détenteur

En métropole, l'avis à tiers détenteur est la contrepartie du privilège du Trésor. En effet, pour recouvrer des créances garanties par le privilège, l'article L. 262 du livre des procédures fiscales prévoit que le Trésor peut demander aux détenteurs de sommes appartenant au débiteur (les " tiers détenteurs ") de lui verser directement ces sommes.

Grâce à son privilège sur le recouvrement des créances d'un de ses débiteurs, la procédure à laquelle est soumis le Trésor est beaucoup moins lourde que celle à laquelle seraient soumis d'autres créanciers du même débiteur.

L'article L. 263 prévoit que le Trésor peut exiger immédiatement des tiers détenteurs le versement des sommes dues, indépendamment de la date à laquelle elles devaient initialement être remboursées. De plus, lorsqu'une même personne est destinataire de plusieurs avis concernant le même débiteur, elle doit, en cas d'insuffisance de fonds, exécuter ces avis en proportion de leurs montants respectifs.

Ces dispositions sont intégralement transposées à la Polynésie française. Toutefois, le dispositif résultant des dispositions de la présente ordonnance diverge du dispositif métropolitain sur un point. L'article L. 263 prévoit que l'avis à tiers détenteur " comporte l'effet d'attribution immédiat prévu à l'article 43 de la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 ", portant réforme des procédures civiles d'exécution. Cette référence, qui définit le régime des sanctions en cas de non respect de l'avis à tiers détenteur, n'est pas reprise dans le dispositif de la présente ordonnance car les procédures civiles ne sont pas de la compétence de l'Etat, mais de l'assemblée territoriale. La loi de 1991 n'est d'ailleurs pas applicable en Polynésie française.

Article 4 : possibilité de mettre en cause la responsabilité d'un gérant de société au titre des impôts dus par sa société

L'article 4 de la présente ordonnance reprend les dispositions des articles L. 266, relatif à la mise en cause des gérants de sociétés à responsabilité limitée, et L. 267 du livre des procédures fiscales, relatif à la mise en cause des gérants d'autres types de sociétés. Ces articles prévoient les modalités selon lesquelles un gérant peut être rendu solidairement responsable du paiement des impositions dues par sa société lorsque celui-ci a été rendu impossible en raison de manoeuvres frauduleuses ou de l'inobservation répétée de la législation fiscale.

La rédaction de l'article 4 diffère de celle des articles L. 266 et L. 267 du livre des procédures fiscales sur deux points :

- les références à des articles du code général des impôts sont supprimées ;

- la référence au tribunal de grande instance, juridiction qui n'existe pas en Polynésie française, est remplacée par une référence au tribunal de première instance.

B. LES REGLES RELATIVES AU CONTENTIEUX DE L'IMPÔT

1. Le contentieux de l'assiette


Le chapitre premier ( articles 5, 6, 7, 8 et 9 ) du titre II de la présente ordonnance, consacré au contentieux de l'assiette, reprend les dispositions des articles L.190, L.191, L.193, L.195 A et L.199 du livre des procédures fiscales.

Ces articles ne s'écartent de la rédaction du livre des procédures fiscales que sur deux points :

- l'article 8 prévoit que la charge de la preuve appartient à l'administration en cas de contestation des pénalités infligées au titre " des impôts directs et des taxes assimilées, de la taxe sur la valeur ajoutée et des autres taxes sur le chiffre d'affaires ". Cette rédaction reprend celle de l'article 195 A du livre des procédures fiscales, en supprimant la référence aux droits d'enregistrement, à la taxe de publicité foncière et au droit de timbre, qui n'existent pas outre-mer.

- l'article 9 prévoit que " en matière d'impôts directs et de taxes sur le chiffre d'affaires ou de taxes assimilées, les décisions rendues par le président du gouvernement du territoire de la Polynésie française sur les réclamations contentieuses et qui ne donnent pas entière satisfaction aux intéressés peuvent être portées devant le tribunal administratif de Papeete ". Dans ce dispositif, le président du gouvernement rend des décisions en matière de contentieux de l'assiette de l'impôt en sa qualité d'ordonnateur des dépenses, qui doit être distingué du comptable (le trésorier-payeur général). L'article correspondant applicable en droit métropolitain (L. 199 du livre des procédures fiscales) fait référence à " l'administration ".

2. Le contentieux du recouvrement

Le chapitre II (articles 10 et 11) du titre II concerne le contentieux du recouvrement de l'impôt.

La rédaction de l'article 10 reprend celle de l'article L. 281 du livre des procédures fiscales. Elle prévoit que le trésorier-payeur général (TPG) est compétent pour les contestations relatives au recouvrement des impôts, taxes redevances et sommes quelconques dont la perception incombe au comptable public.

Lorsque le litige porte sur le montant de la dette, sur l'exigibilité des sommes réclamées ou sur tout autre motif ne remettant pas en cause l'assiette et le calcul de l'impôt, les recours contre les décisions du TPG sont portées devant le juge de l'impôt, le tribunal administratif de Papeete.

Lorsque le litige porte sur la régularité en la forme de l'acte, la rédaction actuelle de l'article 10 prévoit que, comme en métropole, les recours contre les décisions du TPG sont portées devant le juge de l'exécution. Or, les juges de l'exécution ont été créés en métropole par la loi n° 91-650 du 9 juillet 1991, portant réforme des procédures civiles d'exécution, qui n'est pas applicable en Polynésie française car elle porte sur des matières qui sont de la compétence du territoire. En conséquence, il n'y a pas de juge de l'exécution en Polynésie française.

Votre rapporteur vous proposera un amendement tendant à préciser que, dans ce cas, les recours sont portés non pas devant le juge de l'exécution mais devant le tribunal de première instance, qui est la juridiction équivalente en Polynésie française.

L'article 11 reprend la rédaction de l'article L. 262 du livre des procédures fiscales et prévoit que, lorsqu'une tierce personne conteste son obligation de payer une dette, le juge de l'impôt (le tribunal administratif) doit, avant de statuer, faire trancher la question par le juge civil.

Cette procédure est peu appliquée en métropole car le juge administratif se réserve une grande marge d'appréciation et ne renvoie pas au juge civil lorsqu'il n'existe aucun doute sur l'interprétation des textes.

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