EXAMEN EN COMMISSION

Réunie le 27 octobre 1999 sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission a procédé à l'examen du rapport de M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial , sur les crédits de l'emploi et de la solidarité : I.- Emploi et article 70 rattaché .

M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial , a d'abord attiré l'attention de la commission sur un point essentiel du projet du budget de l'emploi pour 2000, portant sur une modification importante de la nomenclature budgétaire. Rappelant que les crédits du ministère de l'emploi s'élèvent dans le projet de loi de finances pour 2000 à 122,6 milliards de francs, alors qu'ils s'établissaient à 162,06 milliards de francs l'année dernière, il a expliqué que cette diminution de près de 25 % des crédits résultait de la non-inscription du financement de la " ristourne dégressive " sur les bas salaires au budget de l'emploi pour 2000.

En effet, les dépenses engagées à ce titre, soit 39,49 milliards de francs, seront prises en charge par le fonds de financement de la réforme des cotisations patronales de sécurité sociale, dont la création est prévue par l'article 2 du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000. Une part du produit du droit de consommation sur les tabacs manufacturés devrait alors être affectée à ce nouveau fonds pour assurer, à même hauteur, le financement de la " ristourne dégressive ". La nomenclature budgétaire subit ainsi une seconde modification importante en deux ans, les crédits finançant cette ristourne étant inscrits avant 1999 au budget des charges communes pour un montant de 43 milliards de francs . M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial, a rappelé que la Cour des comptes avait recommandé cette modification. En effet, la prise en compte de ces 43 milliards de francs permettait, selon la Cour, de disposer d'une vue d'ensemble de l'effort budgétaire consenti en faveur de l'emploi. La Cour des comptes ayant auparavant formulé des critiques sur l'inscription au budget des charges communes de crédits considérables destinés à l'emploi, le rapporteur spécial s'est interrogé sur le jugement qu'elle pourrait porter à l'avenir sur un financement des allégements de charges sociales distinct du budget de l'emploi.

M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial, a ainsi précisé que, à périmètre constant, le budget de l'emploi augmentait en 2000 de 2,3 %, la croissance moyenne des dépenses de l'Etat étant limitée à 0,9 %.

Concernant l'article 70 du projet de loi de finances, rattaché au budget de l'emploi, il a expliqué qu'il tendait à centraliser les excédents financiers du capital de temps de formation (CTF), estimés à 700 millions de francs, au niveau d'une section particulière créée au sein du fonds national habilité à gérer les excédents financiers du congé individuel de formation (CIF). Il a ajouté que ce dispositif permettrait de procéder à l'affectation d'une contribution de 500 millions de francs, versée par le comité paritaire du CIF (COPACIF) au budget de l'emploi, par voie de fonds de concours, afin de compenser la diminution des crédits destinés au financement de l'indemnité compensatrice forfaitaire à l'apprentissage. Le rapporteur spécial a rappelé que la commission s'était fixée une doctrine au sujet de tels prélèvements, selon laquelle, s'ils peuvent être dans certains cas légitimes, leur caractère systématique, en revanche, est le reflet d'une mauvaise gestion. Ainsi, lors du dernier prélèvement de 500 millions de francs réalisé en 1998 sur les fonds de l'Association pour la gestion des fonds de l'alternance (AGEFAL), la commission avait décidé d'autoriser, pour la dernière fois, un tel prélèvement. Le rapporteur spécial, mettant cette doctrine en pratique, a proposé de supprimer l'article 70 rattaché.

Puis M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial, a fait part des observations que lui inspiraient les dotations allouées à l'emploi pour 2000.

Il a d'abord constaté que l'exécution du budget de l'emploi avait donné lieu à de nombreux dysfonctionnements. Il a rappelé que la Cour des comptes avait présenté, dans son rapport sur l'exécution des lois de finances pour 1998, sa première monographie consacrée au budget de l'emploi. Après avoir observé que ce dernier était désormais le deuxième budget civil de l'Etat après celui de l'enseignement scolaire, ses dotations ayant progressé de plus de 36 % depuis 1994, la Cour a considéré que ce budget était soumis à une inertie qui en rendait la réorientation difficile. Elle s'est également montrée sévère sur l'effort de maîtrise des dotations budgétaires, qu'elle a qualifié " d'insuffisant ". Le rapporteur spécial a ainsi estimé que l'analyse de la Cour des comptes confirmait la sienne, l'année dernière, lorsqu'il avait souligné que le financement des priorités gouvernementales était assuré par la réalisation d'économies significatives, baptisées, pour la circonstance, " recentrages ". Dans ces conditions, il a considéré que le projet de budget pour 2000 opérait des choix très contestables, par exemple la création de 130 emplois, motivée, d'après le Gouvernement lui-même, par la mise en place de la réduction autoritaire du temps de travail. Ainsi, les effectifs budgétaires du ministère ne cessent de croître, alors même que la Cour des comptes avait rappelé le caractère non optimal de la gestion des emplois. Il a donc jugé que la création de ces nouveaux emplois lui paraissait inopportune.

M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial, a ensuite indiqué que les emplois-jeunes étaient à l'origine d'un coût budgétaire croissant. En effet, le budget de l'emploi pour 2000 prévoit 21,34 milliards de francs au titre du financement des emplois jeunes, soit une augmentation de 53,3 % des crédits par rapport à 1999. Le nombre total d'emplois jeunes devant s'élever à 350.000, leur coût en année pleine s'établirait à 33,25 milliards de francs pour le seul budget de l'emploi. En outre, ce dernier ne regroupe pas l'ensemble des crédits destinés au financement de ce dispositif, l'éducation nationale ayant recruté des aides éducateurs, le ministère de l'intérieur, des agents de sécurité, et l'outre-mer bénéficiant de 11.000 emplois jeunes. Ainsi, le coût total des emplois jeunes en 2000 s'élèvera à 33,83 milliards de francs.

Le rapporteur spécial a ajouté que l'avenir de ces jeunes était pour le moins incertain, et qu'il était à craindre qu'une partie importante d'entre eux ne vienne accroître les effectifs des fonctionnaires, et, par conséquent, les dépenses les plus rigides du budget de l'Etat.

M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial , a, enfin, estimé que le financement des 35 heures n'était pas assuré. Il a rappelé que seuls 4,3 milliards de francs étaient inscrits à ce titre au budget de l'emploi pour 2000, alors que le coût global est évalué à 25 milliards de francs environ pour l'année prochaine. Il a qualifié le financement des 35 heures " d'usine à gaz ", ses modalités reposant en grande partie sur les dispositions du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2000, et sur un raisonnement postulant le succès du passage aux 35 heures, le dispositif s'autofinançant en partie.

Il a constaté que cette mesure décidée par le Gouvernement conduisait à créer de nouvelles impositions : une contribution sociale sur les entreprises et une écotaxe. Il a rappelé que la version initiale du projet gouvernemental prévoyait de mettre à contribution les organismes de protection sociale, les caisses de sécurité sociale et l'UNEDIC. Devant l'hostilité que n'a pas manqué de susciter une telle formule auprès des partenaires sociaux, le Gouvernement, reconnaissant implicitement son erreur, a fini par reculer lors de l'examen du texte à l'Assemblée nationale. La ministre de l'emploi et de la solidarité a, en effet, annoncé que le produit de la taxation des heures supplémentaires ainsi que celui des droits sur les alcools, aujourd'hui affectés au fonds de solidarité vieillesse et à la caisse nationale d'assurance maladie des travailleurs salariés (CNAMTS), viendraient finalement abonder le fonds de financement. D'autofinancement et de " recyclage ", il n'est désormais plus question : le Gouvernement, renonçant à imposer une contribution à l'UNEDIC et au régime général de la sécurité sociale, a préféré priver ce dernier d'une partie de ses ressources.

M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial , a conclu en estimant que ce dispositif de financement était passé de " l'usine à gaz " au " bricolage ".

A l'issue de cette présentation, la commission a décidé de réserver son vote sur les crédits du budget de l'emploi pour 2000 ainsi que sur l'article 70 rattaché jusqu'à l'audition de la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Réunie à nouveau le 10 novembre 1999, la commission s'est prononcée sur les crédits du budget de l'emploi, précédemment réservés . La commission a décidé de proposer au Sénat le rejet du budget de l'emploi, ainsi que la suppression de l'article 70 du projet de loi de finances pour 2000 .

Réunie le 27 octobre 1999 sous la présidence de M. Alain Lambert, président, la commission des finances a procédé à l'examen des crédits de l'emploi et de la solidarité : I - Emploi et article 70 rattaché sur le rapport de M. Joseph Ostermann, rapporteur spécial.

La commission a alors décidé de réserver son vote jusqu'à l'audition de la ministre de l'emploi et de la solidarité.

Réunie à nouveau le 10 novembre, la commission a décidé de proposer au Sénat le rejet du budget de l'emploi, ainsi que la suppression de l'article 70 du projet de loi de finances pour 2000.

Elle a confirmé cette position lors de sa réunion du jeudi 25 novembre après avoir pris acte des modifications apportées par l'Assemblée nationale.

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