II. L'ÉVOLUTION RÉCENTE DU QUÉBEC ET LES RELATIONS FRANCO-QUÉBÉCOISES

Avec 7,4 millions d'habitants, le Québec rassemble le quart de la population du Canada, dont il constitue la première province par sa superficie et ses importantes ressources naturelles, à la base d'une puissance économique certaine.

Cinq ans après l'arrivée au pouvoir, à l'échelon provincial, du Parti Québécois, favorable à l'accession à la souveraineté, la vie politique demeure dominée par le débat institutionnel, dont l'issue paraît toujours aussi incertaine.

La France a établi de longue date avec le Québec des relations directes et privilégiées, fondées sur le principe de " non-ingérence et non-indifférence ", qui se traduisent par une coopération culturelle très active et une intensification des échanges économiques.

A. LA PERMANENCE DU DÉBAT INSTITUTIONNEL

Alors qu'un premier référendum, en 1980, s'était soldé par un échec assez sévère des partisans de l'indépendance, qui n'avaient recueilli qu'à peine plus de 40 % des suffrages, la forte progression du Parti québécois, aux thèses souverainistes, lors des élections fédérales d'octobre 1993, puis son retour au pouvoir au Québec, à la faveur des élections provinciales de novembre 1994, avaient relancé avec vigueur le débat institutionnel.

Tout en confirmant les progrès des souverainistes, qui, avec 49,5 % des suffrages frôlèrent le succès, le deuxième référendum, organisé en octobre 1995, confirmait cependant le maintien du Québec dans la fédération canadienne.

Ce résultat a entraîné le remplacement, à la tête du Parti québécois et du Gouvernement provincial, en janvier 1996, de M. Jacques Parizeau par M. Lucien Bouchard.

Le Gouvernement de M. Bouchard s'est consacré à une politique d'assainissement financier et de rétablissement des équilibres économiques. Il a été reconduit à la suite des élections provinciales de novembre 1998, qui ont confirmé la prééminence du Parti québécois, mais il est aujourd'hui contraint d'infléchir sensiblement sa ligne souverainiste.

En effet, malgré le faible écart qui séparait en 1995 partisans et adversaires de la souveraineté de la province, l'opinion publique québécoise semble aujourd'hui majoritairement hostile à l'organisation d'un troisième référendum, si bien que M. Bouchard n'en envisage l'éventualité que lorsque les " conditions gagnantes " seront réunies.

Si une large fraction de Québécois se reconnaît dans la revendication d'un statut particulier, qui ferait du Québec, creuset de l'un des deux peuples fondateurs du Canada, davantage que l'une parmi d'autres des dix provinces de la fédération canadienne, une majorité d'entre eux paraissent préférer une réforme des institutions fédérales à une indépendance qui suscite bien des interrogations.

La profonde évolution de la population, au Québec comme au Canada, avec la montée en puissance des communautés d'immigration récente qui ne sont ni francophones ni anglophones, et que l'on qualifie de ce fait d'allophones, modifie sensiblement les termes du débat et atténue l'impact des thèses souverainistes.

Pour l'heure, les relations entre le Gouvernement du Québec et celui d'Ottawa qui met en oeuvre des mesures de centralisation et d'uniformisation, en particulier dans le domaine social, demeurent tendues, chaque dossier étant examiné sous le prisme de la souveraineté.

L'absence de consensus entre les provinces, qui s'opposent à tout statut particulier en faveur de la province francophone, et les orientations unificatrices du Gouvernement fédéral entravent toute évolution du fédéralisme canadien et laissent entier le problème institutionnel soulevé par le Québec.

B. LES RELATIONS FRANCO-QUÉBÉCOISES

1. Un lien politique " direct et privilégié "

Fruit d'une volonté politique affirmée après la visite du général de Gaulle en 1967, les relations directes et privilégiées entre la France et le Québec imposent, pour Paris, la recherche d'un équilibre permanent entre Québec et Ottawa.

Ces relations étroites sont symbolisées par l'institutionnalisation, depuis 1977, des rencontres alternées entre les Premiers ministres québécois et français. Elles se sont amplifiées depuis qu'en 1984, le Premier ministre fédéral, M. Mulroney, déclarait que " tout ce qui est bon pour le Québec est bon pour le Canada ", permettant ainsi au Québec de développer une action internationale propre, et en premier lieu de faire son entrée comme " gouvernement participant ", dans les instances de la francophonie dont il est devenu un partenaire majeur.

Le gouvernement québécois a ouvert en France une " délégation générale ", qui bénéficie d'un statut quasi diplomatique, et la France possède à Québec un consulat général qui gère la coopération bilatérale dans tous ses aspects sur tout le territoire de la province.

Le dialogue politique franco-québécois repose sur le principe défini par la France de " non-ingérence et non-indifférence ", que le Président de la République résumait récemment en indiquant que la France maintiendrait sa relation privilégiée avec le Québec quel que soit le choix exercé par ce dernier.

La dernière visite du Premier ministre français à Québec, en décembre 1998, a donné lieu, comme à l'accoutumée, à un relevé de décision constituant un document d'orientation pour les instances de coopération et les rencontres ministérielles sectorielles. Intitulé " Pour un partenariat stratégique ", le relevé de décision traduit la volonté d'orienter la relation bilatérale vers des enjeux de société communs : l'économie sociale, l'économie du savoir, la diversité culturelle.

2. Les relations culturelles

Institutionnalisée depuis 1965, la coopération culturelle, scientifique et technique franco-québécoise représente aujourd'hui pour la France une dépense d'environ 65 millions de francs, dont 15 millions de francs de crédits de coopération et des subventions versées aux établissements scolaires français de Montréal et de Québec (20 millions de francs), à TV5 Québec-Canada (20 millions de francs) et à l'office franco-québécois pour la jeunesse (10 millions de francs).

Compte tenu du niveau de développement économique et social atteint par le Québec, cette coopération a été réorientée dans le sens d'un partenariat d'intérêt mutuel.

Créé en 1968, l'office franco-québécois pour la jeunesse a permis des échanges entre près de 75 000 jeunes des deux parties. Il a évolué vers une professionnalisation des échanges pour favoriser la formation et l'employabilité des jeunes.

Dans le domaine scientifique, des équipes françaises et québécoises ont constitué progressivement des réseaux de recherche conjoints dans les secteurs de pointe, avec l'appui d'une coopération institutionnelle sous forme de cotutelles de thèses et d'échanges de chercheurs et de doctorants.

En matière technique, les échanges d'expertise s'orientent prioritairement sur le développement des technologies de pointe, la protection de l'environnement et le développement durable, la valorisation de l'identité commune, l'adaptation au vieillissement de la population, l'intégration des jeunes et la formation et l'action internationale conjointe sur les marchés tiers.

En matière culturelle, l'accent est mis sur la valorisation du patrimoine linguistique et culturel commun, au moyen notamment d'événements majeurs dont la " Saison du Québec " en France constitue une illustration, et sur la participation conjointe à TV5. La France est le premier fournisseur de livres et de revues et le second fournisseur de produits audiovisuels au Québec.

3. Les échanges économiques

Les échanges commerciaux franco-québécois sont en progression rapide puisqu'ils ont doublé de 1996 à 1998, passant de 1,6 à 3,2 milliards de dollars canadiens (14,5 milliards de francs).

Ces échanges sont déséquilibrés au profit de la France, qui exportait pour 2,3 milliards de dollars canadiens (10,4 milliards de francs) alors que les exportations québécoises représentaient moins de 900 millions de dollars canadiens.

Avec près de 5 % des parts de marché, la France était en 1998, après les Etats-Unis, le deuxième fournisseur du Québec, à égalité avec le Royaume-Uni et devant le Japon et la Chine. Elle était, la même année, le 4 e client du Québec, derrière les Etats-Unis, le Royaume-Uni et l'Allemagne.

Le développement des investissements français au Québec a été très rapide au cours des dernières années, 250 des 300 filiales de sociétés françaises présentes au Canada étant installées au Québec, où elles emploient 40 000 personnes et réalisent 11 milliards de dollars de chiffre d'affaires.

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