EXPOSÉ GÉNÉRAL

Mesdames, Messieurs,

Le Sénat est aujourd'hui saisi d'un projet de loi d'orientation pour l'outre-mer, adopté par l'Assemblée nationale en première lecture le 11 mai 2000.

Annoncé par M. Jean-Jack Queyranne, secrétaire d'Etat à l'outre-mer, lors de la discussion budgétaire de l'automne 1998, ce projet de loi d'orientation a été préparé à partir des propositions formulées dans plusieurs rapports établis à la demande du Gouvernement par différentes personnalités, dont en particulier MM. Claude Lise, sénateur de la Martinique, et Michel Tamaya, député de la Réunion, chargés par le Premier ministre d'une mission sur l'approfondissement de la décentralisation dans les départements d'outre-mer. Il a ensuite été soumis à un long processus de concertation préalable avec les élus de ces départements.

Votre commission des Lois, qui a toujours porté un intérêt marqué à l'outre-mer, a pour sa part tenu à préparer l'examen de cet important projet de loi en effectuant deux missions sur place, la première, conduite par le président Jacques Larché, en Guyane, Martinique et Guadeloupe, du 12 au 23 septembre 1999, et la seconde, présidée par votre rapporteur, à la Réunion, du 11 au 15 janvier 2000 1( * ) .

Selon la présentation qui en a été faite par le secrétaire d'Etat à l'outre-mer au cours de son audition devant votre commission des Lois le 16 mai dernier, le projet de loi d'orientation répond à un double objectif : d'une part, répondre aux handicaps structurels qui freinent le développement économique des départements d'outre-mer, aujourd'hui affectés par un chômage trois fois supérieur à celui de la métropole en dépit d'une croissance plus rapide, et d'autre part, approfondir la décentralisation et ouvrir le débat sur les questions institutionnelles afin de rompre avec une certaine uniformité qui prévalait jusqu'ici.

Il comporte tout d'abord un premier volet économique et social qui a pour objet de favoriser la création d'emplois dans les départements d'outre-mer grâce à l'amélioration de la compétitivité des entreprises et à des mesures spécifiquement destinées aux jeunes, ainsi que de renforcer la lutte contre les exclusions.

Hormis diverses dispositions destinées à une meilleure reconnaissance de l'identité culturelle des départements d'outre-mer, le deuxième volet du projet de loi, de caractère institutionnel, tend à favoriser une meilleure insertion de ces territoires dans leur environnement régional en rendant possible la coopération décentralisée des régions ou des départements avec les Etats voisins, et à transférer des compétences et des ressources nouvelles aux collectivités territoriales ; enfin, il prévoit la création d'un deuxième département à la Réunion et la mise en place, dans les régions d'outre-mer monodépartementales, d'un Congrès réunissant le conseil général et le conseil régional, chargé de débattre de propositions d'évolutions statutaires.

Ces dispositions, de natures très diverses, relèvent des compétences de plusieurs des commissions permanentes du Sénat. Aussi, outre votre commission des Lois, saisie au fond, vos commissions des Affaires culturelles, des Affaires économiques et des Affaires sociales se sont-elles saisies pour avis.

Votre rapporteur a travaillé en étroite concertation avec les rapporteurs pour avis de ces commissions, que sont respectivement nos excellent collègues MM. Victor Reux, Jean Huchon et Jean-Louis Lorrain.

Votre commission des Lois s'en remettra à l'appréciation des commissions saisies pour avis dans les domaines qui relèvent plus particulièrement de leurs compétences, et concentrera ses observations sur les dispositions de nature institutionnelle.

Par ailleurs, à l'initiative de son Président, M. Jacques Larché, votre commission des Lois a décidé de saisir de ce projet de loi d'orientation la délégation aux droits des femmes et à l'égalité des chances entre les hommes et les femmes. Dans son rapport 2( * ) établi au nom de la délégation, sa présidente, notre excellente collègue Mme Dinah Derycke, après avoir constaté que la situation des femmes par rapport aux hommes était encore plus inégalitaire outre-mer qu'en métropole, a notamment recommandé d'inciter l'Etat à mieux prendre en compte, dans les politiques qu'il met en oeuvre, la situation spécifique des femmes d'outre-mer et d'attirer l'attention du Gouvernement sur l'impérieuse nécessité de renforcer, outre-mer, les moyens des centres d'information sur les droits des femmes.

*

Avant de présenter les dispositions du projet de loi d'orientation et les orientations de votre commission des Lois, le présent rapport retracera brièvement le contexte dans lequel il intervient en rappelant les principaux traits de la situation actuelle des départements d'outre-mer, qui ont fait l'objet de développements plus complets dans le rapport d'information établi à la suite des deux missions effectuées sur place.

I. LA SITUATION ET LE STATUT ACTUELS DES DÉPARTEMENTS D'OUTRE-MER

Votre commission a récemment dressé un bilan approfondi de la situation actuelle des départements d'outre-mer dans le compte-rendu établi à la suite de ses deux récentes missions dans ces départements.

Elle vous renvoie donc sur ce point aux développements figurant dans le rapport d'information présentant le compte-rendu de ces missions 3( * ) .

Il importe cependant de rappeler brièvement la très grande diversité des territoires concernés, les difficultés économiques et sociales auxquelles ils sont actuellement confrontés, et le cadre juridique définissant leur statut, qu'il est apparu intéressant de comparer avec celui des autres régions ultrapériphériques européennes.

A. UNE GRANDE DIVERSITÉ

Ainsi que l'ont unanimement constaté les membres de votre commission des Lois qui se sont récemment déplacés dans les départements d'outre-mer, la situation de ces départements se caractérise par une très grande diversité, qui s'explique largement par des réalités géographiques et des héritages historiques différents.

En effet, la situation de la Guyane , immense territoire de 90.000 km 2 placé au sein du continent sud-américain, très faiblement peuplé 4( * ) et presque entièrement couvert par la forêt équatoriale, se distingue profondément de celle de la Martinique et de la Guadeloupe , petites îles fortement peuplées placées au coeur de l'archipel caraïbe 5( * ) .

Toute autre encore est la situation de l'île de la Réunion 6( * ) , qui occupe une position géographique à part des autres départements d'outre-mer puisqu'elle se trouve placée dans l'environnement géographique de la partie sud-ouest de l'océan indien.

En outre, au-delà des spécificités propres à chaque département, à l'intérieur même de chacun d'entre eux, de nouvelles particularités apparaissent.

Ainsi, par exemple, en Guyane, la situation des communes isolées de l'intérieur est fort éloignée de celle des communes de Cayenne ou de Kourou, pôle de technologie avancée. Au sein de l'archipel de la Guadeloupe, les îles dites du Nord (Saint-Barthélémy et Saint-Martin) présentent de fortes singularités. Quant à la Réunion, on y constate un déséquilibre croissant de développement entre la partie nord et la partie sud de l'île.

Enfin, on évoquera l'originalité du petit archipel de Saint-Pierre-et-Miquelon situé à proximité de Terre-Neuve et peuplé de 6.700 habitants seulement 7( * ) , qui est doté depuis 1985 d'un statut de collectivité territoriale sui generis et ne constitue donc plus un département d'outre-mer, mais est concerné par certaines dispositions du projet de loi d'orientation.

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