M. Bernard Angels

II. PROGRAMME 156 « GESTION FISCALE ET FINANCIÈRE DE L'ETAT ET DU SECTEUR PUBLIC LOCAL »

Les crédits du programme 156 « gestion fiscale et financière de l'Etat et du secteur public local » représentent 8.510,3 millions d'euros d'autorisations d'engagements (AE) et 8.331,9 millions d'euros de crédits de paiement, dont 6.755,9 millions d'euros de dépenses de personnel (titre 2). Les emplois, exprimés en ETPT, correspondant au montant inscrit au titre 2, s'établissent à 129.689. Ce programme est, de loin, le premier programme de la mission « Gestion des finances publiques et des ressources humaines ».

Au titre des dépenses fiscales sont inscrits quatre dispositifs , dont les plus coûteux pour les finances publiques sont la réduction d'impôt pour frais de comptabilité et d'adhésion à un centre de gestion ou une association agréés (30 millions d'euros estimés en 2007) et la réduction d'impôt pour télédéclaration et paiement par prélèvement ou par voie électronique , créée à l'initiative de votre commission des finances, par l'article 36 de la loi n° 2003-1312 du 30 décembre 2003 de finances pour 2004, dont le montant a été porté à 20 euros par l'article 4 de la loi n° 2004-1484 du 30 décembre 2004 de finances pour 2005 (estimation de 100 millions d'euros pour 2007). Cette réduction d'impôt va être profondément altérée par l'article 4 du présent projet de loi de finances qui réserverait le dispositif aux seuls primotélédéclarants, conformément aux préconisations d'un audit de modernisation, afin d'éviter un supposé effet d'aubaine. Ceci ne justifie pas pour autant l'absence de chiffrage de la mesure dans le projet annuel de performances de la mission.

Par ailleurs, les crédits des fonds de concours rattachés au programme 156 font l'objet d'une prévision de 8,4 millions d'euros.

A. LES FINALITÉS DU PROGRAMME

Le programme 156 « gestion fiscale et financière de l'Etat et du secteur public local » a pour principal objet le calcul de l'assiette, le recouvrement et le contrôle des recettes de l'Etat, des collectivités territoriales ou de celles versées à l'Union européenne, le paiement des dépenses publiques et la tenue des comptes publics . Il est mis en oeuvre, au sein du ministère du budget, des comptes publiques et de la fonction publique, par les directions générales des impôts (DGI), de la comptabilité publique (DGCP), des douanes et droits indirects (DGDDI, pour ses missions fiscales). Le service des pensions, qui a fait récemment l'objet d'une enquête de la Cour des comptes en application de l'article 58-2° de la LOLF figure, avec ses 1.119 ETPT, au sein du présent programme, avec comme objectif « d'optimiser par l'accélération des délais de traitement, la qualité du service rendu aux agents publics en matière de pension ».

Le responsable du programme 156 est le secrétaire général du ministère de l'économie, des finances et de l'industrie, M. Jean Bassères. Ce choix devrait évoluer dans la perspective de la fusion globale de la direction générale des impôts et de la direction générale de la comptabilité publique, en une direction financière de l'Etat , dotée d'un directeur qui aura alors vocation à devenir le nouveau responsable de programme.

Les directions financées par ce programme mettent par ailleurs également en oeuvre d'autres programmes, notamment ceux des missions « remboursements et dégrèvements », « pensions », « avances aux collectivités territoriales » et « prêts et avances à des particuliers ou à des organismes privés ». En outre, le service « France Domaine » rattaché depuis le 1 er janvier 2007 à la direction générale de la comptabilité publique, assume les responsabilités de la mission « Gestion du patrimoine immobilier de l'Etat ».

B. PRÉSENTATION DES ACTIONS ET DES CRÉDITS

Les crédits relevant du présent programme sont à 81 % des crédits de personnel. Ceux-ci représentent, selon la justification au premier euro, 6.755,9 millions d'euros.

Au sein de la « masse salariale », les crédits dévolus au paiement de la contribution employeur au titre des pensions (dont le taux passe de 50,74 % en 2007 à 55,71 % en 2008) sont estimés à 2.305 millions d'euros.

La variation des effectifs résulte des contrats de performance pluriannuels signés par la direction générale des impôts et la direction générale de la comptabilité publique, qui conduisent à la suppression de 2.384 emplois, auxquels il faut rajouter par ailleurs 10 transferts d'emplois.

Le programme est structuré en neuf actions. Les actions 1 à 4 sont relatives à la fiscalité. Elles privilégient une approche fondée sur les catégories d'usagers. Chaque action intègre dans ces finalités la nécessité d'une gestion « au meilleur coût ».

Les actions 5 à 8 concernent la gestion financière et comptable. L'action 9 est une action soutien, consacrée notamment à l'investissement informatique à commencer par le projet COPERNIC.

Une ventilation analytique des crédits , prenant en compte les crédits de soutien, fait apparaître trois postes principaux de coût : la fiscalité des PME (30,4 % du total du programme), la fiscalité des particuliers et la fiscalité directe locale (32,1 % du total du programme) et la gestion financière du secteur public local, hors fiscalité (22,4 % du total du programme).

Action n° 1 : fiscalité des grandes entreprises (56,7 millions d'euros)

Cette action vise à assurer l'assiette et le recouvrement, au meilleur coût, des principaux impôts d'Etat et impositions locales dus par les grandes entreprises en leur proposant un interlocuteur fiscal unique , la direction des grandes entreprises (environ 300 agents). Celle-ci est l'interlocuteur unique des entreprises réalisant un chiffre d'affaires supérieur à 400 millions d'euros. Au 1 er février 2007, la direction avait ainsi en charge 30.000 entreprises. Elle recouvre 36,5 % de la TVA, 50,8 % de l'impôt sur les sociétés et 30 % de la taxe sur les salaires . L'action recouvre également les crédits dédiés au contrôle fiscal des grandes entreprises opéré par la direction des vérifications nationales et internationales (DVNI, 500 agents) : le montant des droits redressés est de l'ordre de 2,4 milliards d'euros de droits nets rectifiés.

Action n° 2 : fiscalité des petites et moyennes entreprises (1.672,6 millions d'euros)

Cette action a pour finalité la réalisation de l'assiette et le recouvrement des impôts d'Etat et des impôts locaux dus par les PME, au meilleur coût, et la facilitation des démarches de celles-ci. Depuis le 1 er janvier 2006, toutes les PME disposent d'un interlocuteur unique, dénommé « service des impôts aux entreprises » (SIE) qui gère les affaires fiscales courantes des PME, de l'établissement au recouvrement des impôts professionnels (TVA, impôt sur les sociétés et taxe sur les salaires). Le contrôle fiscal dédié à ces entreprises est intégré à cette action.

Action n° 3 : fiscalité des particuliers et fiscalité directe locale (1.758,9 millions d'euros)

Cette action vise à réaliser l'assiette, le recouvrement et le contrôle des impôts dus par les particuliers, tout en favorisant leurs démarches, et en optimisant les coûts de gestion des impôts.

L'action comprend encore le recouvrement de la taxe professionnelle qui devrait être transféré à la direction générale des impôts pour la campagne d'imposition 2008. Les moyens qui lui sont consacrés devraient pouvoir être transférés à l'action n° 2 « fiscalité des petites et moyennes entreprises ».

Cette action sera celle qui sera la plus affectée par la fusion DGI-DGCP, avec l'action n° 5. Elle est seule où une amélioration du service public de l'impôt, grâce à un interlocuteur fiscal réellement unique, pourra le plus se faire sentir.

Action n° 4 : fiscalité des marchandises et des moyens de transport (46,3 millions d'euros)

Cette action a pour finalité le recouvrement des droits et taxes perçus par la direction générale des douanes et des droits indirects (DGDDI) pour le compte de l'Etat (12 % des recettes budgétaires de l'Etat), de l'Union européenne et des collectivités territoriales (produit de la taxe intérieure sur les produits pétroliers affecté aux départements notamment). Seule une part minoritaire des crédits de la DGDDI est retracée dans cette action, correspondant à ses missions fiscales, l'autre part relevant du programme « Conduite et pilotage des politiques économique et financière ».

Action n° 5 : gestion financière de l'Etat hors fiscalité (527,3 millions d'euros)

Cette action correspond au rôle du Trésor public dans le recouvrement des recettes non fiscales de l'Etat (exemple des amendes et condamnations pécuniaires), dans le paiement des dépenses de l'Etat et dans l'établissement de sa comptabilité. Elle comprend les crédits affectés à France Domaine placé qui est chargé de la gestion du patrimoine immobilier de l'Etat.

Elle regroupe en outre les moyens dévolus à l'établissement du bilan et du compte de résultat, ainsi que la mise en oeuvre des audits comptables et financiers afin d'aboutir à la certification des comptes par la Cour des comptes ».

Action n° 6 : gestion des pensions (68,2 millions d'euros)

Cette action constitue une action spécifique, liée au paiement d'une dépense spécifique de l'Etat : les pensions. Il regroupe les crédits du service des pensions et des centres régionaux des pensions. L'action regroupe 1.119 ETPT dont 550 au titre des centres régionaux des pensions, 120 dans les autres structures de la DGCP et 449 dans le service des pensions.

Action n° 7 : gestion financière du secteur public local hors fiscalité (1.330,1 millions d'euros)

Cette action regroupe les moyens du réseau de la direction générale de la comptabilité publique qui tiennent les comptes de 110.000 collectivités territoriales et établissements publics locaux et accomplissent leurs missions dans 2.887 trésoreries, dont 597 spécialisées sur le secteur public local. La modernisation de leur métier est liée à la mise en oeuvre du système d'information Hélios, déployé progressivement depuis 2005.

Action n° 8 : gestion des fonds déposés (72,8 millions d'euros)

Cette action est consacrée à la gestion des fonds des organismes soumis à une obligation de dépôts de fonds au Trésor et à la clientèle de la Caisse des dépôts et consignations.

Action n° 9 : soutien (2.799,2 millions d'euros)

Cette action comporte tout d'abord les crédits correspondant à des dépenses transversales. Elle inclut ainsi le programme COPERNIC, commun à la DGI et à la DGCP, et s'appliquant aux trois premières actions fiscales du présent programme. Elle regroupe en outre les dépenses indivises mises en oeuvre dans les réseaux de la DGI et de la DGCP sur les titres 3 et 5 liées aux locaux, au fonctionnement des services, aux frais de justice ou aux dépenses informatiques.

Les crédits de paiement dévolus au programme informatique COPERNIC représentent 77,7 millions d'euros en 2008, dont 11 millions d'euros au titre des engagements nouveaux. Les autorisations d'engagement représentent 17 millions d'euros. COPERNIC est le vecteur d'un système d'information fiscale unifié.

C. LES OBJECTIFS DU PROGRAMME

Le programme 156 présente huit objectifs , liés à trois grandes finalités d'intérêt général.

La première vise à promouvoir le civisme fiscal et à renforcer la lutte contre la fraude . Elle se traduit par trois objectifs complémentaires:

- favoriser le civisme fiscal par l'accomplissement volontaire de leurs démarches et obligations fiscales par les usagers (objectif 1) ;

- faciliter l'impôt par la mise en oeuvre d'une série d'engagements de qualité de service précis et mesurables et le développement de procédures dématérialisées (objectif 2) ;

- renforcer la lutte contre la fraude fiscale et le recouvrement offensif des impôts et des amendes (objectif 3).

La deuxième vise à rendre les services au meilleur coût et améliorer la qualité comptable. Elle se traduit par deux objectifs.

- maîtriser les coûts de gestion des administrations financières (objectif 4) ;

- améliorer la qualité comptable (objectif 5).

La troisième consiste enfin à améliorer la qualité des services rendus aux bénéficiaires et partenaires de l'action des services. Elle se traduit par trois objectifs :

- réduire les délais de paiement des dépenses publiques (objectif 6) ;

- renforcer la qualité du service partenarial rendu au secteur public local (objectif 7) ;

- optimiser, par l'accélération des délais de traitement, la qualité du service rendu aux agents publics en matière de pensions (objectif 8).

Votre rapporteur spécial rappelle le caractère vertueux des indicateurs de performance proposé lorsqu'ils s'appuient sur les contrats pluriannuel de performance des directions. L'exercice venant dans le cas de la DGI et de la DGCP à échéance en 2008, votre rapporteur spécial appelle de ses voeux un nouveau contrat triennal dès que la nouvelle direction DGI-DGCP aura été créée. Ces contrats créent des indicateurs disponibles sur des séries temporelles longues , ce qui facilite les comparaisons, et les rendait crédibles aux yeux du Parlement .

Comme l'an passé, votre rapporteur spécial ne souhaite pas commenter chaque objectif et chaque indicateur, mais formuler quelques remarques :

- objectif 1 :

Les indicateurs, liés au respect de leurs obligations fiscales par les contribuables particuliers et professionnels, montrent le bon niveau déjà atteint par les administrations fiscales dans « l'encouragement » au civisme fiscal. Ce bon niveau est assurément lié à des améliorations significatives de la qualité de service et à l'investissement considérable réalisé en matière de nouvelles technologies.

- objectif 2 :

L'indicateur n° 2 « niveau de développement des procédures dématérialisées, commun à la DGI et à la DGCP » souligne d'une part que la part des recettes de TVA, d'impôt sur les sociétés et de taxe sur les salaires acquittées par des usagers professionnels ayant adhéré à une téléprocédure pour leur règlement atteint en 2007 67 %, pour un objectif cible en 2008 de 70 %.

De même, le nombre de télédéclarants à l'impôt sur le revenu atteint 8,5 millions en 2007, avec un objectif de 10 millions en 2008, à rapporter aux 34,8 millions de contribuables, mais surtout au 16,3 millions de personnes imposables à l'impôt sur le revenu.

Enfin, le taux de paiement dématérialisé des impôts des particuliers atteint 47 %, avec un objectif de 49 %.

Ces chiffres témoignent de la performance des administrations fiscales acquise en matière de dématérialisation des procédures. Ceci doit désormais inciter à franchir un nouveau saut qualitatif, afin de faire progresser les taux de paiement dématérialisé pour les particuliers ou pour les entreprises bien au-delà de quelques % proposés en 2008.

- objectif 3 :

L'an passé, votre rapporteur spécial avait considéré que les indicateurs n° 2 et n° 3, relatifs au taux de recouvrement des créances de contrôle fiscal et aux taux de recouvrement des amendes et condamnations pécuniaires affichaient des valeurs cibles trop peu ambitieuses , peu satisfaisantes en l'état.

Ceci a conduit à votre commission des finances à solliciter de la Cour des comptes une enquête en application de l'article 58-2° de la LOLF qui a fait l'objet d'un récent rapport d'information dont votre rapporteur spécial souhaite désormais suivre l'application.

Il déplore dès lors que le taux de recouvrement contentieux des amendes et condamnations pécuniaires ait disparu alors que celui-ci posait justement problème. Certes, l'indicateur paiement des amendes, qui atteint 75,5 % en 2007, pour un objectif de 77 % en 2008, est intéressant car il souligne les efforts réalisés en faveur de l'accomplissement « volontaire » par les contrevenants de leurs obligations pécuniaires. Mais l'indicateur ne remplace pas un indicateur de recouvrement des amendes auprès des « plus récalcitrants », qui est pourtant également un enjeu fort en matière de civisme fiscal et de crédibilité de l'Etat.

- les indicateurs absents :

Votre rapporteur spécial regrette toujours l'absence d'indicateur relatif à la « présence territoriale » des administrations financières tenant compte de l'impératif d'aménagement du territoire.

L'enjeu lié aux implantations de Bercy est pourtant majeur : les six réseaux du pôle économique et financier de l'Etat, ainsi que l'administration centrale, ne comptent pas moins de 7.217 implantations.

La politique de Bercy est clairement d'en réduire le nombre. Ainsi, au cours de chacune des quatre dernières années, les réductions d'implantations ont ainsi porté sur 597 trésoreries, comptant pour la plupart moins de 3 agents.

Cette évolution se fait sans débat devant le Parlement, à l'occasion de l'examen du projet de loi de finances : l'objectif de réduction des implantations territoriales de la DGI et de la DGCP n'est pas discuté, notamment au regard des impératifs de présence sur le territoire, faute d'être exprimé, par exemple dans le projet annuel de performances.

Les principales observations et interrogations de votre rapporteur spécial
sur le programme 156 « Gestion fiscale et financière de l'Etat et du secteur public local »

La fusion DGI-DGCP annoncée par le ministre du budget, des comptes publics et de la fonction publique se trouve dans la continuité de certaines orientations pragmatiques de votre rapporteur spécial dans son rapport de 2000 « « La Direction générale des impôts à l'heure des réformes : pour une modernisation du service public de l'impôt ».

Les indicateurs, liés au respect de leurs obligations fiscales par les contribuables particuliers et professionnels, soulignent que les engagements des administrations fiscales en matière de qualité de service sont payants.

Les bons résultats en matière de paiement dématérialisé de leurs impôts par les particuliers et les entreprises doivent permettre de réaliser dans les prochains mois un nouveau saut quantitatif.

La lutte contre la fraude suppose des améliorations importantes en matière de recouvrement, comme en témoigne le récent rapport d'information de votre rapporteur spécial « Recouvrement des sanctions pénales et fiscales : la fin de l'impunité ? ».

Le gouvernement réduit le nombre d'implantations territoriales de Bercy (au nombre de 7.217), à commencer par celles de la DGI et de la DGCP, sans débat devant le Parlement. L'objectif de réduction des implantations territoriales de la DGI et de la DGCP ne fait pas l'objet d'une discussion pourtant nécessaire, au regard notamment des impératifs de présence sur le territoire. Votre rapporteur spécial appelle toujours à la création d'un indicateur relatif à la « présence territoriale » des administrations financières » tenant compte de l'impératif d'aménagement du territoire.