II. CADRE JURIDIQUE ET RÉGLEMENTAIRE

La gestion des déchets est de plus en plus encadrée par un ensemble de textes formant un écheveau complexe et peu accessible suscitant, dans le meilleur des cas, réserves et perplexité, quand ce n'est pas craintes ou hostilité. Plusieurs conclusions se dégagent des auditions : la réglementation est mal connue, trop fluctuante, mais ni suffisante... ni toujours indispensable. Compte tenu de la grande confusion qui règne, il est nécessaire de distinguer la réglementation qui relève du cadre juridique européen et la réglementation purement nationale.

A. LA RÉGLEMENTATION EUROPÉENNE

Il est hélas banal de rappeler combien les institutions européennes et leur fonctionnement sont en France mal connus. Faute d'efforts pour la comprendre, l'Europe est jugée lointaine, compliquée, souvent contraignante, parfois manipulée par quelques États quand ce n'est pas par quelques lobbies ... L'implication de l'Europe dans les questions d'environnement et, en particulier dans la gestion des déchets, n'échappe pas à la règle. La plupart de nos correspondants ont évoqué la réglementation européenne et, surtout, les projets en cours, que bien peu, en vérité, connaissent avec précision.

Il paraît indispensable de faire le point sur cette question, tant les a priori et approximations sont nombreux.

1. État de la réglementation européenne

La réglementation européenne applicable aux déchets figure dans l'encadré page suivante.

A deux exceptions près (un règlement sur le transfert des déchets et une recommandation sur l'élimination des vieux papiers), la réglementation européenne prend la forme de directives 8( * ) , forme de législation à deux étages qui fixe des objectifs à atteindre, laissant le soin aux États membres de prendre les mesures appropriées pour y parvenir (article 189 du Traité).

Encadré n° 2

La réglementation européenne en matière de déchets

(hors déchets nucléaires)

___

I. Réglementations horizontales (tous déchets ou par installation)

Directive cadre 75/442/CEE du Conseil du 15 juillet 1975, relative aux déchets (JOCE 25 juillet 1975)

modifiée par la directive 91/156/CEE du 18 mars 1991 (JOCE 26 mars 1991)

complétée par une décision de la Commission 94/3/CE du 20 décembre 1993, établissant une liste de déchets dont le détenteur a l'obligation de se défaire (JOCE 3 janvier 1994)

Directive 91/689/CEE du Conseil du 12 décembre 1991, relative au déchets dangereux (JOCE 31 décembre 1991)

complétée par une décision du Conseil (94/904/CE) du 22 décembre 1994, établissant une liste de déchets dangereux (projets de modification en cours) (JOCE 31 décembre 1994)

Règlement 259/93 du Conseil du 1 er février 1993, concernant la surveillance et le contrôle des transferts de déchets à l'entrée et à la sortie de la Communauté européenne (modifications régulières) (JOCE 6 février 1993)

Directive 89/369/CEE du 8 juin 1989, concernant la prévention de la pollution atmosphérique en provenance des installations nouvelles d'incinération des déchets municipaux (JOCE 14 juin 1989)

Directive 89/429/CEE du Conseil du 21 juin 1989, concernant la réduction de la pollution atmosphérique en provenance des installations existantes d'incinération des déchets municipaux (JOCE 15 juillet 1989)

Directive 94/67/CE du 16 décembre 1994, concernant l' incinération des déchets dangereux (JOCE 31 décembre 1994)

Proposition de directive sur l' incinération des déchets municipaux (actuellement soumise pour avis au comité des régions) .

II. Réglementations verticales (par types de déchets)

Directive 75/439/CEE du Conseil du 16 juin 1975, concernant l'élimination des huiles usagées (JOCE 18 juin 1975)

Recommandation 81/972/CEE du Conseil du 3 décembre 1981, concernant la réutilisation des vieux papiers et l'utilisation des papiers recyclés (JOCE 10 décembre 1981)

Directive 86/278/CEE du Conseil du 12 juin 1986, relative à la protection de l'environnement et des sols lors de l'utilisation des boues d'épuration en agriculture (JOCE 4 juillet 1986)

Directive 91/157/CEE du Conseil du 18 mars 1991, relative aux piles et accumulateurs contenant certaines matières dangereuses (JOCE 26 mars 1991)

Directive 94/62/CE du Parlement et du Conseil du 20 décembre 1994, relative aux emballages et aux déchets d'emballages (JOCE 31 décembre 1994)

Directive 96/59/CE du Conseil du 16 septembre 1996, concernant l'élimination des PCB et PCT (JOCE 24 septembre 1996)

III. Perspectives

Il est important de distinguer les propositions et les projets. Une proposition de directive, présentée par la Commission, est un acte juridique, officiel, publié au JOCE. Un projet est une réflexion en cours sur un sujet. Des informations complémentaires peuvent être obtenues auprès des services de la Commission (DG XI).

Proposition de directive du Conseil, sur l' incinération des déchets , présentée par la Commission le 29 octobre 1998 (doc. COM (98) 558 final)



Proposition de directive du Conseil relative à la mise en décharge des déchets, présentée par la Commission le 10 mars 1997 ( doc. COM (97) 105 final, JOCE 24mai 1997)

Proposition de directive du Parlement européen et du Conseil, relative au marquage des emballages , présentée par la Commission le 25 novembre 1996 (doc. COM (96) 191 final)

Proposition de directive du Conseil, relative aux véhicules hors d'usage , présentée par la Commission le 3 juillet 1997 (doc. COM (97) 358 final)

Projet de directive sur les déchets électriques et électroniques .

Projet de directive sur les piles et accumulateurs (toutes piles).

Projet de directive sur les déchets domestiques dangereux .

Projet de directive sur le compostage et l'amendement des boues .

En marge de cette réglementation, l'Union a également établi en 1996/1997, une nouvelle " stratégie communautaire pour la gestion des déchets " qui fait suite à une première stratégie adoptée en 1989/1990. 9( * ) .

Les dispositions relatives aux déchets sont, pour l'essentiel, des éléments de la politique de l'environnement et relèvent, par conséquent, de l'article 130 S du Traité. Le rôle du Parlement européen n'a cessé de s'étendre depuis les premiers pas de la politique environnementale en 1975, où il n'était que consulté pour avis (une lecture). Un pas décisif est intervenu en 1992 avec le Traité de Maastricht et le passage à la procédure de coopération (deux lectures). Le Traité d'Amsterdam constitue la troisième étape importante puisque la plupart des mesures liées à l'environnement, notamment celles concernant les déchets, seront désormais prises en codécision Parlement européen / Conseil (trois lectures).

2. Observations

Cette réglementation appelle plusieurs observations :

a) Aucun texte n'a été imposé à la France

Il y a, dans l'esprit de nos compatriotes, une méfiance générale, due le plus souvent à la méconnaissance, à l'égard des textes européens, comme s'ils étaient venus d'ailleurs.

Jusqu'à ces dernières années, la plupart de ces directives, -dont les plus anciennes- relevaient du seul Conseil, composé des ministres des États membres. A une exception près, ces directives ont toutes été adoptées à l'unanimité. La seule exception concerne la directive " emballage " (le Danemark, les Pays-Bas et l'Allemagne ayant voté contre, considérant que les normes prévues n'étaient pas assez sévères). Ainsi, tous les gouvernements depuis 1975 ont approuvé les dispositions initiées au niveau européen.

Concernant l'initiative, quelques précisions doivent être apportées. " Directives téléguidées ", " services manipulés " au profit de quelques-uns, habitués à des normes sévères et espérant profiter d'une réglementation jugée plus contraignante par les autres pour placer leurs techniques ou leurs produits... Beaucoup de choses ont été dites, entendues ou sous-entendues, qui sont souvent des fantasmes qu'il convient de lever.

Il n'est pas possible de retracer l'origine précise de chaque texte, mais il est vraisemblable que tous les cas de figure coexistent. La fameuse norme d'émission de dioxine applicable aux incinérateurs a été expressément demandée par les Pays-Bas en 1994, les premiers à avoir mis en évidence des traces de dioxine dans le lait des vaches à proximité d'incinérateurs. Des parlementaires européens, des ministres, des commissaires impliqués et influents ont pu également initier tel ou tel texte. Les industriels eux-mêmes sont parfois les plus ardents partisans d'une réglementation européenne, de peur d'avoir à faire face à quinze législations différentes. C'est ainsi que des négociations sur les voitures en fin de vie, sur les produits électriques et électroniques se sont engagées à partir des demandes des industriels eux-mêmes.

Ces rappels n'ont d'autre but que de tenter de mettre fin aux fantasmes. La réglementation européenne est la nôtre.

b) La réglementation ne suffit pas et, parfois, ne s'impose pas

Tout d'abord, le choix de la directive laisse aux États membres " la compétence quant à la forme et aux moyens " de parvenir aux objectifs et aux résultats à atteindre. Cela renvoie aux questions bien connues que sont la transposition et l' application .

Dans l'ensemble, les directives européennes ont été transposées et appliquées. Plus ou moins bien. Les contentieux restent exceptionnels 10( * ) , mais la situation n'est pas satisfaisante sur de nombreux points. Concernant la valorisation, vos rapporteurs ne peuvent que constater -avec regret- que tout était déjà dit... en 1975.

Directive (75/442/CEE) du Conseil du 15 juillet 1975

relative aux déchets
(extraits)

__

Art. 3 -. Les États membres prennent les mesures appropriées pour promouvoir la prévention, le recyclage et la transformation des déchets, l'obtention à partir de ceux-ci de matières premières et, éventuellement, d'énergie, ainsi que toute autre méthode permettant la réutilisation des déchets .

Art. 6 -.  Les autorités compétentes sont tenues d'établir aussitôt que possible un ou plusieurs plans portant notamment sur les types de déchets à éliminer (...), les sites (...), les mesures susceptibles d'encourager la rationalisation de la collecte, le tri et le traitement des déchets (...).

Ainsi, une orientation était fixée dès 1975, avec le succès relatif que l'on sait. De même, des plans étaient demandés et n'ont pas été réalisés. La compétence des collectivités locales dans ce domaine ne constitue pas un argument suffisant pour justifier ce retard. La Suède, dès son adhésion, a immédiatement adressé à la Commission plus de trois cents plans régionaux.

Les arguments et les prétextes masquent mal ce qu'il faut bien appeler un relatif désintérêt de la nation dans son ensemble pour ces questions.

Ensuite, la réglementation ne suffit pas sans l'effort et l'implication de tous. " L'intendance suivra... " mais, en l'espèce, ni l'intendance ni les responsables élus, ni les opérateurs privés n'ont toujours suivi. Cette situation est parfaitement résumée dans une formule de Mme Corinne Lepage, alors ministre de l'Environnement : " Il ne suffit pas de décréter qu'un type de déchets présente des risques pour l'environnement pour que des circuits de gestion de ces déchets se mettent spontanément en place. "

Non, les circuits ne se sont pas mis spontanément en place. Sans doute est-il plus facile de laisser faire les habitudes, que de regarder en face ses responsabilités. Ce qui suppose une énergie, une volonté et le courage d'organiser, d'innover, d'oser et de se projeter dans l'avenir.

Enfin, la réglementation ne s'impose pas toujours . Plusieurs filières, et non des moindres, se sont organisées et ont réussi sans cadre réglementaire étroit. Le verre, le papier, l'aluminium sont recyclés alors que les obligations légales ou réglementaires sont rares. Pour les autres produits, il faut souvent une " révolution culturelle " de la part des industriels comme de l'opinion publique, pour s'engager dans la voie du recyclage. Pourtant, le déchet est aussi un produit, une matière première et une source de richesse à qui veut s'en saisir. Au risque de se salir les mains et de prendre des risques, mais au bout du compte, les démarches économique et écologique, loin de s'opposer se rejoignent souvent et se complètent. Quelques-uns l'ont compris avant les autres.

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