E. DÉGAGER DES MOYENS NOUVEAUX POUR UNE RELANCE DE LA POLITIQUE D'INVESTISSEMENT

L'Etat doit limiter la dérive de ses dépenses de fonctionnement pour financer ses investissements sur son budget général.

Cependant, il devrait également rechercher autant que possible un partenariat public/privé. De fait, devant la faiblesse des moyens publics, il convient de faciliter les modes de partenariat avec le secteur privé. A cet égard, l'Allemagne mène des réflexions intéressantes et sans tabous sur les moyens de mieux associer le secteur privé au financement des transports, en s'inspirant parfois d'un modèle français dont curieusement la France se détourne (les concessions autoroutières).

L'association du secteur privé au financement des infrastructures : l'exemple allemand

Si la concession au secteur privé de l'exploitation des lignes n'est pas un phénomène nouveau, en revanche, la question du financement des infrastructures fait l'objet, depuis quelques années, de débats non encore conclusifs.

a) Quelques exemples de financements privés.

- route

Depuis septembre 1994, la loi permet la construction et le financement de projets d'infrastructures routières dans le cadre d'une concession (Betreibermodell) à un opérateur privé qui assure la construction, le financement, l'entretien et le fonctionnement des ouvrages. En contrepartie et pendant la durée de la concession, l'investisseur privé obtient le droit de lever des droits de péage. Le financement est alors assuré par l'utilisateur de l'infrastructure.

Le recours à la concession reste, pour le moment, limité aux ponts, tunnels, cols de montagne et sections de voies rapides à quatre voies séparées. Les autoroutes ne peuvent pas faire l'objet d'un financement sous forme de concession sans modification du droit national allemand.

-rail

En matière ferroviaire, certaines lignes de transport de proximité ont été concédées au privé. On estime actuellement à 5% le taux d'ouverture de ce secteur au marché.

b) La recrudescence des débats sur la part du secteur privé dans le financement des transports.

Depuis quelques années et pour tenter de faire face à l'accroissement des déficits publics, des solutions ont été recherchées en prenant appui sur des expériences étrangères, la France notamment, pour financer des équipements publics par des acteurs du secteur privé. En outre les conditions imposées par le traité de Maastricht pour le passage à la monnaie unique ont incité fortement les autorités à renforcer et promouvoir l'appel aux fonds privés pour le développement des équipements publics et contribuer ainsi à alléger le poids de la dette publique

Dans ce contexte, un groupe de travail s'est réuni en février 1997. Il était composé de représentants des ministères intéressés par les questions d'investissement (ministères de l'Intérieur, des Finances, du Transport, de l'Environnement, de la Protection de la Nature et de la Sécurité Nucléaire, de la Construction et de l'Urbanisme, de l'Enseignement, des Sciences, de la Recherche et de la Technologie).Des représentants de la chancellerie fédérale, des syndicats de la construction et de l'IG Bau participaient aussi aux travaux.. Il avait donc pour but de faire le point sur les conditions de fonctionnement de ces financements privés, les comparer aux résultats obtenus par des financements publics et en promouvoir l'utilisation.

Le rapport de ce groupe de travail a été partiellement suivi d'effet dans la mesure où le gouvernement fédéral a décidé en mars 1997 de développer un programme de financement privé à hauteur de 5 milliards de marks. Il a recommandé d'exploiter au mieux les ressources financières privées notamment dans les nouveaux Bundesländer où la demande est plus aiguë.

Le débat a récemment rebondi avec la publication, le 5 septembre 2000, d'un rapport rédigé par une commission ad hoc chargée par le précédent ministre des transports d'étudier les modalités de financement des infrastructures de transport. Présidée par Wilhem Pällmann, ancien président du directoire de la Deutsche Bahn, cette commission dresse un constat sévère des possibilités publiques de financement.

Le volume d'investissement prévu par le plan fédéral d'infrastructures de transport était de 490 milliards de DM pour la période 1991 à 2012. Cette somme, selon la commission, serait insuffisante pour couvrir, par voie de financement budgétaire normal, les besoins de financement. Il y aurait un déficit d'au moins 7,5 milliards de francs jusqu'en 2010 (dont 4 milliards pour les routes de compétence fédérale, 3 milliards pour les voies ferrées et 0,5 milliards pour les voies fluviales).

La commission suggère donc que l'on passe d'un système de financement budgétaire à un financement par l'utilisateur. L'approche qui a été retenue lorsque la Poste, les télécommunications et le transport aérien ont été privatisés devrait être élargie aux infrastructures de transport. La commission Pällman présente donc les recommandations suivantes :

- routes fédérales : la commission préconise la création d'une entreprise de financement des routes fédérales rapides (autoroutes+voies rapides), qui percevrait des redevances d'utilisation. A partir de 2003, estime la commission, il faudrait percevoir des redevances proportionnelles à l'utilisation des autoroutes. Pour les poids lourds, le prix serait proportionnel à la distance parcourue. Pour les véhicules de tourisme, et les autocars, la commission préconise de créer une vignette. Par mesure compensatoire, la commission indique qu'une baisse de la taxe sur les produits pétroliers pourrait être envisagée ;

- infrastructure ferroviaire.

En Allemagne, la Deutsche Bahn AG est depuis le 1 er janvier 1994 une holding qui regroupe les activités d'infrastructures et d'exploitation du réseau ferroviaires. A cet égard et devant le déficit de la Deutsche Bahn, la commission Pällmann préconise de rendre à l'Etat la propriété des infrastructures, sous forme d'une entreprise publique. Pour la commission, la Deutsche Bahn AG devrait se concentrer sur l'exploitation du réseau fédéral (20 000 kms) et transférer ses lignes régionales et locales aux laender ou aux collectivités locales et au secteur privé. Le rapport Pällmann est également favorable à la création d'une autorité chargée de réguler la concurrence au sein du secteur ferroviaire.

- voies fluviales.

L'obstacle majeur à une tarification de l'usage est, d'après la commission, l'exemption de charges prévue par la convention de Mannheim sur le Rhin. Le rapport Pällmann préconise cependant la création d'une entreprise chargée de collecter des redevances d'utilisation car "l'objectif serait de percevoir des droits sur la navigation sur le Rhin, l'Elbe et le Danube".

La publication du rapport Pällmann a suscité des réactions vives et passionnées. Devant l'inquiétude des automobilistes, le ministre fédéral des transports, M. Klimmt, s'est déclaré opposé à l'introduction d'une vignette autoroutière. C'est néanmoins les propositions relatives au secteur ferroviaire qui on provoqué le plus de remous. Le PDG de la Deutsche Bahn AG, M. Mehdorn a déclaré que la partition de la Deutsche Bahn serait un non sens économique. La question du financement du réseau reste cependant en discussion, tous s'accordant à reconnaître que l'Etat fédéral a, s'agissant de l'infrastructure ferroviaire un "devoir de financement".

Source : ambassade de France en Allemagne - service d'expansion économique.

En France, il semble que la réflexion sur ces moyens de tenir un programme d'investissement ambitieux dans un contexte de raréfaction de la ressource publique soit encore très peu développée. La seule idée véritablement nouvelle est la possibilité d'étendre des mécanismes de prêts publics pour le financement des infrastructures de long terme.

Le ministre des finances a annoncé le 29 juin 2000, une extension de l'utilisation des fonds d'épargne gérés par la Caisse des dépôts et consignations au financement d'équipements d'intérêt général, dans le respect du droit communautaire et des règles de la concurrence. Les fonds d'épargne interviendront sous la forme de prêts de très long terme (de 35 à 40 ans) sur la ressource du livret d'épargne populaire (LEP), sur des durées que le marché ne propose pas en quantité suffisante aujourd'hui. Les fonds d'épargne pourront être mobilisés pour le développement des transports urbains et régionaux (au titre des politiques urbaines et de l'habitat). Ils pourront en outre financer les travaux de mise en sécurité des infrastructures collectives de transport (tunnels, ponts, passages à niveau). Le ministère des finances émet des réserves : " il convient cependant de souligner que le recours à ce mode de financement ne permet pas d'éviter un accroissement de l'endettement des gestionnaires d'infrastructures. "

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