C. L'INFORMATION ET L'ACCÈS AUX MÉTHODES CONTRACEPTIVES

Ces insuffisances ont été longtemps stigmatisées par les responsables associatifs et les personnels médicaux et médico-sociaux qui interviennent dans les domaines de la contraception et de l'avortement. En avril 1999, Mme Joëlle Brunerie-Kauffmann déplorait qu'aucune campagne d'information sur la contraception n'ait été menée auprès du grand public depuis celle de 1982-1983 engagée à l'initiative d'Yvette Roudy, alors ministre des droits de la femme, et s'indignait de la méconnaissance des femmes et des jeunes filles quant à leurs droits. En effet, dans le contexte sanitaire des années 1985-1995, tout l'effort informatif des pouvoirs publics s'est concentré sur la prévention du Sida et des maladies sexuellement transmissibles, limitant notamment le préservatif masculin à son seul rôle prophylactique.

1. La campagne d'information 2000 sur la contraception

Annoncée par le Premier ministre le 8 mars 1998, une campagne d'information a finalement été lancée par le Gouvernement le 12 janvier 2000 avec pour slogan "La contraception, à vous de choisir la vôtre" , et pour objectifs de réaffirmer l'importance de la contraception en l'associant à des valeurs "positives" (liberté, protection, responsabilité), sans culpabiliser les femmes en "échec de contraception", de lever les freins à l'utilisation de la contraception liés à certaines peurs ou a priori non fondés, d'améliorer et de développer l'information sur les différents moyens existants sans promouvoir une méthode privilégiée afin de favoriser les choix individuels, et enfin de permettre une meilleure connaissance des lieux, structures et points d'accueil où il est possible de se procurer l'information ou un moyen contraceptif.

Ayant pour cibles privilégiées les populations les plus vulnérables que sont les jeunes, les femmes en difficulté d'insertion sociale ou économique et les populations françaises d'outre-mer, la campagne avait pour message essentiel que, la contraception étant désormais une évidence, seul importait le choix, parmi la large gamme des méthodes et produits aujourd'hui disponibles, du moyen adapté à chaque situation. Une déclinaison a été spécialement adaptée aux départements d'outre-mer (DOM), compte tenu du déficit majeur d'information sur la contraception dans ces départements.

Dotée d'un budget de 24 millions de francs, cette campagne comportait des actions médias (spots télévisés et radiophoniques et parutions dans la presse magazine féminine et pour jeunes) et des dispositifs hors médias (une plate-forme téléphonique mise en place pour un an, des affichettes pour les professionnels de santé et qui pouvaient être apposées dans les locaux associatifs, les collèges et lycées, les services hospitaliers et de protection maternelle et infantile, les centres sociaux et les pharmacies, ainsi qu'un guide de poche sur la contraception diffusé à 12 millions d'exemplaires, dont 5 millions dans le courant de l'année 2000 aux élèves de 3 ème et aux lycéens).

Elle a été relayée par l'organisation, prévue sur toute l'année 2000, de plus d'un millier d'initiatives locales et d'actions de proximité, dont Mme Dominique Gillot, secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, entendue par votre Délégation le 10 octobre dernier, s'est plu à souligner le caractère particulièrement innovant et original, en ce qui concerne tant leur public-cible (jeunes, gens du voyage, détenues, ...) que leur parfaite adaptation à ces publics (théâtre-forum interactif, jeux de société, concours d'affiches, ...).

A l'occasion de la réunion, le 14 septembre dernier, du comité de pilotage contraception-avortement ( ( * )*), la cinquième depuis 1998, le secrétariat d'Etat à la santé et aux handicapés a indiqué que la campagne avait partiellement atteint son but, en "créant un bon bruit de fond sur la contraception" . Lors de son audition, Mme Dominique Gillot a ainsi révélé que le post-test réalisé par l'institut BVA avait démontré la bonne visibilité d'ensemble de la campagne médias et son fort taux de mémorisation : 40 % des français interrogés (60 % chez les 15-25 ans et dans les DOM) ont déclaré avoir vu, lu ou entendu la campagne, les films ont été jugés utiles par 91 % d'entre eux, compréhensibles par 81 % et informatifs par 76 %. L'avis des experts et des responsables associatifs est cependant plus réservé, puisque Mme Nathalie Bajos, dans son évaluation réalisée au nom de l'INSERM, a estimé indispensable que les professionnels de santé consacrent davantage de temps à l'information de leurs patientes sur la contraception et soient mieux formés à aborder le sujet avec elles, tandis que Mme Danielle Gaudry, du Mouvement pour le planning familial, a relevé que "le numéro de téléphone mis à disposition dans cette campagne n'a pas eu un succès fou. Les actions locales ont eu du mal à démarrer. Bref, nous n'avons pas eu l'impression que la campagne ait touché beaucoup de monde" (Le Monde du 15 septembre 2000).

Du reste, au cours de la réunion, la ministre de l'emploi et de la solidarité s'est formellement engagée à ce que cette campagne soit reconduite dès l'an prochain (rediffusion des spots télévisés, réédition du guide de poche et poursuite de la valorisation et du soutien aux actions locales). De plus, comme l'a annoncé devant votre Délégation Mme Dominique Gillot lors de son audition, le Premier ministre, conscient de la nécessité de réitérer année après année l'information sur la contraception, notamment pour qu'elle puisse toucher les nouvelles générations d'adolescents, a accepté le principe d'une campagne régulière. Pour peu qu'un effort de visibilité plus grande l'accompagne, cette promesse devrait réjouir la plupart des intervenants concernés, comme Mme Yvette Roudy qui, dès l'été dernier, écrivait dans Libération (5 juillet 2000) que "l'information sur la contraception doit devenir permanente. En particulier à l'égard des très jeunes filles, qui se retrouvent de plus en plus fréquemment enceintes, faute d'avoir trouvé à leurs côtés les conseils et l'assistance auxquels elles ont droit. La campagne de sensibilisation du Gouvernement s'est avérée trop brève et trop discrète pour permettre la diminution du nombre de grossesses précoces. Aussi longtemps que la contraception ne sera pas intégrée à notre culture et dans nos écoles, nous aurons à déplorer encore trop d'IVG" .

2. L'éducation à la sexualité dans les établissements scolaires

L'évolution des mentalités ne passe pas seulement par des campagnes d'information grand public, aussi efficaces soient-elles. L'efficacité de ces dernières dépend directement de la capacité des personnes potentiellement concernées à comprendre le message. Or, pour le comprendre, encore faut-il avoir été formé. C'est à ce titre qu'il semble nécessaire de renforcer l'éducation à la santé et à la sexualité dans les établissement scolaires.

Dès 1996, une circulaire du ministère de l'éducation nationale rendait obligatoire, à raison de deux heures minimum, des séquences d'éducation à la sexualité pour les élèves de 4 ème et de 3 ème . En novembre 1998, les "orientations pour l'éducation à la santé à l'école et au collège" proposaient un développement de cette éducation tout au long de la scolarité des élèves, le collège constituant le temps essentiel avec l'introduction d'une nouvelle formule d'enseignement : les rencontres éducatives sur la santé. Réparties sur 30 à 40 heures obligatoires pour les quatre années du collège, ces rencontres ont pour ambition de développer les liens entre les notions scientifiques apportées par les enseignements et la vie quotidienne des élèves. Dans ce cadre, deux heures obligatoires d'éducation à la sexualité sont intégrées en priorité pour les élèves de 4 ème et de 3 ème . Aujourd'hui, plus du tiers des collèges ont mis en place ces séquences d'enseignement et un bilan complet sera réalisé par le ministère de l'éducation nationale en novembre 2000 (et rendu public en janvier 2001), ainsi que l'a annoncé M. Jack Lang dans une intervention consacrée, le 29 septembre dernier, à "l'éducation à la sexualité et à la prévention en matière de grossesses non-désirées".

A cette occasion, le ministre de l'éducation nationale a aussi souhaité ajouter au contenu biologique et scientifique, à la prévention des risques de santé et à la dimension affective et relationnelle de la sexualité, qui constituent les piliers de cette éducation à la sexualité, une orientation nouvelle, fondée sur la dimension culturelle et sociale de la sexualité, afin, en particulier, de prendre en compte la mixité et l'égalité entre les hommes et les femmes. Il a annoncé qu'un Bulletin officiel du ministère serait consacré en novembre prochain à cette orientation nouvelle et que le guide pédagogique intitulé "Repères pour l'éducation à la sexualité et à la vie" , conçu pour aider les personnels dans leur enseignement, bénéficierait d'une réédition, les 11 000 exemplaires distribués à la rentrée de septembre 2000 aux responsables académiques, au réseau de formateurs, aux I.U.F.M. et aux partenaires institutionnels et associatifs ayant suscité une très forte demande.

En outre, M. Jack Lang a présenté une initiative résultant d'un partenariat de long terme entre un laboratoire pharmaceutique, le ministère de l'éducation nationale et le Mouvement français pour le planning familial : la confection d'une mallette pédagogique destinée aux professionnels de santé et aux enseignants des classes de 3 ème et de 4 ème concernés par l'éducation à la sexualité, intitulée "Bonheur d'aimer" . Un comité d'utilisateurs, composé d'élèves et d'enseignants, devrait être chargé d'améliorer cet outil distribué dans tous les collèges afin, notamment, de permettre son adaptation au public des lycéens pour l'an prochain.

Votre Délégation se félicite qu'un certain nombre d'initiatives soient prises à l'intention des collégiens et des lycéens, car il est vrai que le problème révélé par l'importance du nombre des IVG (et particulièrement celles qui concernent les mineures) trouve ses racines dans la méconnaissance qu'ont les femmes, d'abord de leur corps et de leurs droits, ensuite de ce que sont la contraception, ses méthodes, ses effets. Or, plus cette méconnaissance est palliée tôt, plus la sexualité des filles leur appartient, et plus la lutte contre les grossesses non-désirées est efficace. A cet égard, le rapport de Mmes Bajos et Ferrand, de l'INSERM, constate qu'aux Pays-Bas, où l'enseignement à la santé (et donc à la sexualité) est abordé dès l'école primaire et où la sexualité des jeunes filles n'est pas réprouvée, les taux d'IVG sont les plus bas d'Europe (6,5 %o contre 15,4 %o en France), tout comme le rapport entre avortements et naissances (1/9 contre 1/3 en France) et le nombre des grossesses d'adolescentes - alors même que la législation relative à la contraception et aux interruptions volontaires de grossesse est extrêmement libérale dans ce pays (le délai légal d'intervention est de 22 semaines). Ces comparaisons donnent à réfléchir.

Votre Délégation tient en outre à souligner qu'il est également nécessaire, tant dans le cadre des campagnes publiques d'information que dans celui des séquences d'éducation à la sexualité, de favoriser l'intérêt des garçons et la prise de conscience de leurs responsabilités propres en matière de contraception et de prévention des grossesses non désirées.

* (*) Le comité de pilotage réunit la ministre de l'emploi et de la solidarité, le ministre de l'éducation nationale, la ministre déléguée à la famille et à l'enfance, la secrétaire d'Etat à la santé et aux handicapés, la secrétaire d'Etat aux droits des femmes et à la formation professionnelle, des personnalités qualifiées (tels que M. Alfred Spira et Mme Nathalie Bajos pour l'Inserm, le Dr Isabelle Dagousset, responsable du centre d'orthogénie de l'hôpital Broussais, M. Ali ben Youssef, membre du Conseil de la jeunesse ...) et des responsables associatifs (UNAF, Fil-santé-jeunes, CADAC, ANCIC, Planning famililal).

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