3. L'abattage systématique du troupeau

Selon l'arrêté du 3 décembre 1990 relatif à la mise en place de mesures sanitaires de lutte contre l'ESB, tout bovin atteint d'ESB doit être abattu et incinéré, après que les prélèvements destinés aux analyses aient été réalisés.

S'agissant du troupeau au sein duquel un cas a été décelé, l'éleveur avait la faculté, jusqu'en 1994, soit de le commercialiser, soit de le faire abattre et incinérer, en contrepartie d'une subvention versée par l'Etat.

A compter de 1994, le principe de l'abattage systématique du troupeau où a été confirmé un cas d'ESB, est appliqué. Par ailleurs, si l'animal suspect n'appartient plus à son exploitation de naissance, tous les cheptels où il a séjourné sont recherchés et abattus.

La question de l'opportunité de maintenir l'abattage systématique du troupeau a été longuement débattue au sein de la commission d'enquête, la mise en place du dépistage systématique des bovins de plus de trente mois à l'abattoir ayant fait naître des interrogations sur la légitimité de cette pratique.

Lors de ses déplacements, et notamment dans le Doubs, la commission a constaté la détresse des éleveurs auxquels une telle mesure était imposée ; les indemnités reçues sont loin de compenser le préjudice moral subi par les exploitants, dont la destruction du troupeau est vécue comme l'anéantissement de longues années de travail.

Par ailleurs, l'abattage systématique représente également, et plus particulièrement pour le cheptel allaitant, une perte génétique très importante, eu égard à l'ampleur de la sélection nécessaire pour constituer un troupeau.

Il reste que la plupart des personnes auditionnées par la commission ont estimé nécessaire de maintenir l'abattage systématique.

Celui-ci serait justifié au titre de mesures de précaution sanitaire, dès lors que les voies de contamination à l'intérieur même d'un troupeau sont encore inconnues. Par ailleurs, le dépistage systématique à l'abattoir n'est pas une garantie suffisante, dans la mesure où il ne permet pas de détecter l'ESB aux stades précoces de la maladie.

Cet abattage systématique peut être également considéré comme une mesure économique de soutien des éleveurs concernés, qui risqueraient de ne pas trouver d'acheteurs pour le reste de leur troupeau. Dans le même sens, l'abattage total donne aux éleveurs la possibilité de « repartir à zéro » alors que l'altération de leur image, qui résulte malheureusement de l'apparition d'un cas d'ESB dans une exploitation, a souvent pour conséquence de la mettre au ban de l'ensemble des partenaires de la filière.

Enfin, un tel abattage systématique du troupeau permet à l'AFSSA, à titre incident, de réaliser une étude sur la prévalence de l'ESB au sein de la cohorte. C'est seulement lorsque ces résultats seront connus qu'il pourra éventuellement être envisagé de s'interroger sur le maintien de l'abattage systématique, et sur l'opportunité, non pas de renoncer à l'abattage, mais tout au moins de passer à un abattage sélectif.

Pratiqué par la Suisse, l'abattage sélectif consiste à n'abattre que les animaux du même âge que l'animal malade, ainsi que ses apparentés. Le directeur général de l'AFSSA, M. Martin Hirsch, a posé le problème de l'abattage en ces termes, lors de son audition : « Concernant l'abattage total, la question est la suivante : si l'on passait de l'abattage total, tel qu'il est pratiqué en France depuis le premier cas d'ESB, à un abattage sélectif, aurait-on un niveau de protection aussi élevé pour le consommateur et susceptible de garantir la non pérennisation de la maladie ? C'est la question qui nous est posée. Que fait-on pour y répondre ? Regardons d'abord ce qui passe dans les différents pays. Il y a trois cas de figures : les pays à abattage total, les pays où il n'y a pas d'abattage du tout et les pays à abattage sélectif.

« L'absence d'abattage -si ce n'est le premier cas- c'est la stratégie du Royaume-Uni. Le moins que l'on puisse dire est qu'elle n'a pas jugulé rapidement l'épidémie et qu'il y a plusieurs cas par troupeau. Cette stratégie n'était recommandée par personne, même si elle n'a pas été modifiée dans ce type de pays.

« La seconde possibilité, c'est l'abattage total ou sélectif. Entre les deux, il est difficile de trancher, pour plusieurs raisons. Depuis quelques mois, on récupère les cerveaux d'un grand nombre de bovins abattus. Ce n'est pas forcément toujours faisable, mais nous essayons d'avoir des milliers d'échantillons, que l'on teste. A travers ceux-ci, on peut essayer de répondre à ces questions . »

Les partisans de l'abattage systématique se retrouvent dans les organisations professionnelles agricoles, à l'exception de la confédération paysanne, ainsi que dans les associations de consommateurs.

Mme Marie-José Nicoli, présidente de UFC-Que choisir, a ainsi indiqué à la commission : « Concernant l'abattage sélectif ou total, nous sommes toujours pour le maintien de l'abattage total tant que nous n'aurons pas les résultats et l'analyse des 48.000 cas dans le programme de tests. Ces résultats devraient nous donner un certain nombre d'indications sur les troupeaux ayant des bêtes malades pour savoir s'ils sont plus exposés que d'autres. »

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