REPÈRES CHRONOLOGIQUES

1732 : un premier cas de « tremblante » du mouton apparaît (déjà) au Royaume-Uni

1883 : une revue vétérinaire fait état d'un cas de « tremblante » chez un bovin
de Haute-garonne

1913 : une revue agricole préconise l'utilisation de FVO pour les volailles et pour les veaux

1921-1922 : la MCJ est décrite par Creutzfeldt et par Jakob

1936 : deux vétérinaires français établissent que la tremblante est transmissible chez les ovins

1947 : un premier élevage de visons du Wisconsin est atteint par l'encéphalopathie transmissible du vison

1957 : la maladie du Kuru est décrite dans le New England Journal of Medicine

1960 : la maladie du dépérissement chronique des ruminants sauvages est décrite au Wyoming et au Colorado

1982 : Prusiner montre le rôle de la protéine prion dans la tremblante

1986 : le premier cas d'ESB apparaît au Royaume-Uni

1988 : le Royaume-Uni interdit l'utilisation de farines animales dans l'alimentation des ruminants, mais n'interdit pas leur exportation

1989

- février : l'Irlande est touchée par l'ESB ;

- août : la France interdit l'importation de farines carnées anglaises, sauf pour les porcs

et les volailles ;

- novembre : le Royaume-Uni interdit certains abats à risque à la consommation humaine ; il

en interdit l'exportation fin mars 1990.

1990 : « Max is dead ! » : la presse populaire anglaise annonce la mort de Max, chat siamois de Bristol : la barrière d'espèces est franchie ;

- mai : l'Allemagne, la France, l'Autriche et l'Italie interdisent les importations de viande bovine

britannique : la Commission européenne menace ces pays d'une procédure pour infraction à

la libre circulation... ;

- juin : la Commission européenne lève l'embargo sur la viande britannique sous réserve d'un

contrôle sanitaire renforcé ;

- juillet : la France interdit toute utilisation de farines de viande dans l'alimentation des bovins ;

- novembre : la Suisse est touchée à son tour par l'ESB.

1991

- février : le premier cas d'ESB apparaît en France ;

- mars : le premier cas d'ESB, né après l'interdiction des farines (NAIF) apparaît au

Royaume-Uni

1992 : la France interdit les produits d'origine bovine à risques dans les aliments pour bébé : elle est à nouveau menacée par la Commission d'une procédure d'infraction devant la Cour de Justice du Luxembourg...

juillet 1993 : le Marché unique entre en vigueur ; 100 000 cas d'ESB sont déclarés au Royaume-Uni

1994 : la France interdit l'utilisation des protéines animales dans l'alimentation de tous les ruminants

1996

- mars :

* le ministre britannique de la santé annonce aux Communes la possible transmission de la maladie à l'homme ;

* la France et douze de ses partenaires interdisent l'entrée sur leur territoire de la viande bovine britannique ;

* la Commission européenne interdit l'exportation des produits bovins britanniques vers les Etats membres ;

- avril : la France retire certains abats bovins à risque de la chaîne alimentaire  ;

- juin : la Commission, sous la pression anglaise, lève l'embargo sur les exportations anglaises

de gélatine, de suif et de sperme bovin ;

- juillet : la France interdit l'utilisation de toutes les protéines animales, dont les farines de volaille, de plume et de poisson dans l'alimentation des ruminants.

1998

- février : deux ans après la directive européenne, la France impose enfin un traitement

thermique unique des FVO destinées à l'alimentation animale (133°, 3 bars, 20 minutes) ;

- juillet : l'AFSSA est créée.

2000

- juin :

* la Commission européenne décide un programme communautaire de dépistage de l'ESB pour le début de 2001 ;

* elle décide le retrait de certains matériels à risque de la chaîne alimentaire ;

- octobre : Lord Phillips publie son rapport sur l'ESB au Royaume-Uni ;

- novembre :

* le 7, M. Jacques Chirac, Président de la République, invite le gouvernement à interdire les farines animales et à prendre le cap du dépistage systématique de la maladie ;

* le 14, le gouvernement interdit en conséquence l'utilisation des farines animales et de certaines graisses animales dans l'alimentation de tous les animaux d'élevage ;

* le 21, à l'initiative des présidents des quatre groupes de sa majorité, le Sénat décide la création d'une commission d'enquête sur les conditions d'utilisation des farines animales dans l'alimentation des animaux d'élevage et les conséquences qui en résultent pour la santé des consommateurs ;

* le 26, l'Allemagne est à son tour officiellement touchée par l'ESB ;

- décembre : le Conseil agricole décide pour six mois l'interdiction de l'utilisation des farines carnées dans l'alimentation des animaux d'élevage et le retrait de la chaîne alimentaire des bovins de plus de 30 mois non testés.

*

* *

Dans les développements ci-après, la commission d'enquête rappellera que les farines animales, en propageant l'ESB, sont bien à l'origine d'une nouvelle maladie humaine.

Elle tentera ensuite de démontrer que la propagation de l'agent infectieux de l'ESB s'est poursuivie en dépit de l'interdiction des farines dans l'alimentation des bovins.

Elle décrira également les conséquences de la crise sur la filière bovine, alors que les risques sont aujourd'hui maîtrisés mais que subsistent des incertitudes sur les conséquences de l'ESB en matière de santé publique.

Elle formulera enfin treize propositions articulées autour de cinq priorités.

*

* *

I. LES FARINES ANIMALES : LE VECTEUR DE PROPAGATION DE L'ENCÉPHALOPATHIE SPONGIFORME BOVINE, À L'ORIGINE D'UNE NOUVELLE MALADIE HUMAINE

Après avoir évoqué les raisons pour lesquelles les farines carnées ont été utilisées dans l'alimentation animale, il conviendra de rappeler l'origine de l'ESB qui, rapidement, a franchi la barrière d'espèces pour finalement contaminer l'homme.

A. LES RAISONS DE L'UTILISATION DES FARINES CARNÉES DANS L'ALIMENTATION ANIMALE : UN PROBLÈME DE RECYCLAGE ET DE COÛT

Comme le note le rapport de l'AFSSA de juillet 2000 20 ( * ) , « les informations relatives à l'alimentation animale restent surtout connues d'un public constitué de professionnels, de représentants de l'administration et de la recherche. Le consommateur n'a disposé que de peu, ou pas, d'informations sur la nature et le fonctionnement de ce secteur, ainsi que sur la nécessaire diversité des matières utilisées » . Ce secteur a réalisé depuis vingt-cinq ans d'importants progrès scientifiques. Lors de son audition par la commission d'enquête, M. Alain Decrop, président de la société Guyomarc'h nutrition animale, a pu dire que « la diététique animale est une science plus élaborée encore que l'alimentation humaine, puisqu'on arrive à connaître très précisément les besoins des animaux en fonction de ce que l'on recherche » .

1. L'alimentation animale : des contraintes nutritionnelles et de coût

L'alimentation des animaux de rente constitue l'essentiel -de 55 à 75 % selon les espèces- du prix de revient des productions animales. Cette donnée fondamentale conduit les utilisateurs, éleveurs et fabricants, à rechercher un prix des aliments toujours plus bas, et par conséquent à procéder à des substitutions de matières premières selon les variations de leurs coûts.

Compte tenu de la faiblesse de leurs marges, les acteurs de l'alimentation animale, producteurs et éleveurs, doivent arbitrer en permanence entre des matières premières dont le prix fluctue en fonction des cours des marchés ; une variation de quelques centimes amplifiée par l'effet masse se traduit souvent par un effet de substitution.

M. Alain Decrop, président de la société Guyomarc'h nutrition animale a résumé ainsi son métier devant la commission : « Qu'est-ce qu'un aliment ? C'est une recette spécifique à une espèce animale et à un âge de l'animal, recette qui est également spécifique d'une qualité requise dans le produit fini selon la qualité gustative ou autre qu'on veut lui donner. Si on veut bien faire ce métier, il faut avoir une bonne connaissance des besoins des animaux, notamment des apports nutritionnels des matières premières. Ces recettes sont définies par un calcul matriciel entre trois ensembles de données que sont, d'une part, les apports nutritionnels des différentes matières premières, les besoins nutritionnels des animaux et les prix des différentes matières premières disponibles à un instant. Ce calcul matriciel donne ensuite la meilleure solution en termes d'apports équilibrés de nutriments à l'animal » .

a) Des contraintes nutritionnelles

Les animaux de rente doivent trouver dans leur alimentation des apports quotidiens en énergie, protéines, fibres végétales, mais également vitamines et minéraux. C'est pourquoi l'alimentation animale fait appel à une grande variété de matières premières, selon des dosages nutritionnels établis scientifiquement.

M. Yves Montécot, président du Syndicat national des industriels de la nutrition animale a ainsi expliqué, lors de son audition devant la commission d'enquête, que les multiples formulations des aliments composés étaient déterminées sur le fondement de tables nutritionnelles établies par l'Institut national de la recherche agronomique (INRA), en fonction des espèces et des âges des animaux.

On distingue les aliments pour animaux de rente selon les catégories suivantes :

l Les aliments dits grossiers , qui apportent des fibres végétales. Ils regroupent l'ensemble des produits fourragers : herbe pâturée, foin, ensilage, mais aussi légumineuses (trèfle, luzerne) et tubercules fourragères.

l Les aliments concentrés , qui se caractérisent par une forte proportion d'un ou plusieurs éléments nutritifs destinés à apporter de l'énergie, des protéines ou des minéraux, à l'exclusion de fibres végétales.

Des aliments non transformés entrent également dans cette catégorie. C'est le cas des céréales (blé, maïs, orge...) qui constituent la base énergétique de la ration alimentaire. Les graines oléagineuses (soja, colza...) et protéagineuses (pois, féveroles, lupin) sont également des aliments concentrés à dominante protéique.

La commission d'enquête tient cependant à souligner que de nombreux co-produits des industries agro-alimentaires sont utilisés comme aliments concentrés : cette dimension du recyclage, que l'on trouve notamment dans le recours aux farines animales, est en réalité une constante dans l'alimentation animale, qui permet la valorisation de co-produits non utilisés en alimentation humaine.

Le son de blé tendre est ainsi un co-produit de la meunerie, les pulpes de betteraves proviennent de l'industrie sucrière, les radicelles d'orge de l'industrie de la malterie.

Les éléments protéiques sont également issus de produits des industries. Les tourteaux de soja, de colza, de tournesol, qui sont la principale source de protéines en alimentation animale, sont les résidus produits par l'industrie de l'huilerie.

Le tourteau de soja présente une concentration protéique élevée et une teneur en acides aminés essentiels, lysine en particulier, importante. A ce jour, aucun produit n'atteint une telle concentration et une qualité protéique et ne possède donc un tel pouvoir de pénétration technique, en particulier dans les formules pour les monogastriques.

S'agissant des matières grasses, leur incorporation dans les aliments produits par l'industrie animale répond à la fois à des objectifs nutritionnels et technologiques. Les matières grasses animales, qui constituaient jusqu'à présent, l'essentiel des graisses utilisées, sont ainsi produites à partir des co-produits de l'industrie de la viande : suif, saindoux et matières grasses issues de la presse des farines animales, appelées « graisses de cuisson ». On trouve aussi, parmi ces matières grasses, des graisses et huiles de friture issues du secteur de la restauration.

Il est nécessaire de distinguer entre les ruminants et les monogastriques: le fourrage représente, en effet, l'essentiel de la ration des ruminants, les aliments concentrés représentent pour ces espèces un simple complément alimentaire, tandis que pour les monogastriques (porcs, volailles), les aliments concentrés constituent la base de l'alimentation.

* 20 Rapport « Alimentation animale et sécurité sanitaire des aliments », AFSSA, juillet 2000.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page