Audition de M. Daniel RABILLER, Président de la Fédération Nationale des Coopératives de Production et d'Alimentation Animale (SYNCOPAC)

(20 décembre 2000)

M. Gérard Dériot, président - Nous allons maintenant pouvoir entendre M. Daniel Rabiller, Président de la Fédération Nationale des Coopératives de Production et d'Alimentation Animale, et M. Merlot, Directeur de cet organisme.

Le président rappelle le protocole de publicité des travaux de la commission d'enquête et fait prêter serment à MM. Rabiller et Merlot.

M. Daniel Rabiller - Je suis Président du Syncopac en tant que représentant d'une coopérative française et agriculteur-éleveur en Vendée.

Mon propos est de bien spécifier l'avant 1996 par rapport à l'après 1996.

Avant 1996, la réglementation concernait l'alimentation animale, alors que depuis 1996 elle a davantage trait à l'aspect sanitaire pour l'homme. Il est clair qu'avant 1996 personne ne s'était soucié des retombées possibles sur la santé humaine, ce qui a valu en 1989, en Angleterre et en France, de réglementer les importations de farines anglaises, la France ayant pris en 1990 la décision d'interdire toute farine animale chez le ruminant.

En 1989, seules certaines entreprises avaient la possibilité d'importer des farines anglaises, à certaines conditions et sous le contrôle des services vétérinaires français, pour des utilisations bien précises.

Les fabricants d'aliments et toute la société française ont vécu jusqu'en 1996 avec la réglementation qui datait de 1990 et interdisait toutes les farines animales pour les ruminants, l'Europe n'ayant pris la décision que je viens d'évoquer qu'en 1994.

Des dispositions ont été prises entre 1989 et 1996 pour assurer la sécurité sanitaire des animaux, mais rien n'a été fait pour assurer celle des hommes. En effet, pendant toute la période durant laquelle toutes les importations de farines anglaises ont été interdites -ce qui était normal-, l'on n'a jamais interdit en France les importations de viande et d'abats anglais, qui ont été consommées de façon tout à fait normale par les Français, celles-ci (notamment s'agissant des abats) ayant fortement augmenté en 1993, 1994 et 1995.

On parle toujours des contaminations croisées qui ont pu se produire depuis 1996 mais, si un certain nombre de fraudes ont été commises avant 1996, nous souhaitons que la transparence soit faite le plus vite possible et que des sanctions soient prises, ce qui est le problème de la justice.

En 1996, avec la prise de position du ministre anglais, qui a considéré que la maladie de la vache folle pouvait être transmise à l'homme, un certain nombre de dispositions ont été prises en France. Elles sont toutes résumées dans le rapport Dormont et ont été appliquées à partir du 1er juillet 1996. Nous pouvons considérer qu'à partir de là les farines animales n'ont plus du tout été les mêmes.

Ce rapport comporte trois points importants :

L'élimination des cadavres et des saisies de farines animales. Nous nous apercevons aujourd'hui, après les tests qui ont été réalisés, que certains animaux étaient plus à risque que d'autres.

La mise aux normes des équarrisseurs, celle-ci n'ayant été malheureusement appliquée qu'en 1998, à la suite d'une position réitérée de la part de la part de la Communauté Européenne, à travers l'obligation faite à la France par l'Europe de se mettre aux normes.

La séparation, dans les fabrications d'aliments, entre les aliments pour ruminants et les autres sortes d'aliments pouvant contenir des farines animales, point qui nous concerne plus particulièrement en tant que fabricants d'aliments.

Nous aurions souhaité en 1996 qu'une réglementation beaucoup plus stricte aille jusqu'à indiquer qu'il fallait vraiment séparer les usines de fabrication et interdire quasiment la fabrication d'aliments aux ruminants dans une usine polyvalente car cela présentait un risque de mélange.

Nous avons à la demande de l'Administration -qui n'était pas favorable à cette prise de position- établi avec nos collègues du SNIA un guide de bonnes pratiques qui consiste à définir très précisément qu'elles doivent être les méthodes de fabrication dans nos usines d'aliments, pour répondre au rapport Dormont et afin d'éviter tout mélange possible entre les aliments pour ruminants et ceux pour volailles ou cochons.

Ce guide de bonnes pratiques évoque un certain nombre de points : le nettoyage des camions qui transportent les matières premières, celui des cuves après réception d'une farine animale et les moyens relatifs à la distribution, par exemple la vidange des camions qui ont livré un aliment pour volailles ou porcs avant d'en livrer un pour ruminants.

Il est évident que, dans une usine polyvalente, le risque de retrouver une trace est grand. En effet, vous avez beau prendre toutes les précautions possibles, étant donné les méthodes d'analyse et de recherche actuelles, on retrouvera toujours une trace, dans un camion qui n'aura pas été bien nettoyé, etc.

De 1996 à aujourd'hui, seule la France a pris des dispositions aussi rigoureuses. En effet, elle a pris en matière d'alimentation animale et de sécurité dans ce domaine des précautions très strictes qui je crois ont été appliquées par l'ensemble des fabricants d'aliments.

Ces précautions ont entraîné parallèlement nos adhérents à prendre un certain nombre de dispositions rigoureuses pour éviter le risque de mélange, sachant que certains d'entre eux, compte tenu du risque et de la pression des contrôles effectués dans nos usines d'aliments par la DGCCRF et les services vétérinaires, avaient déjà supprimé depuis trois ou quatre ans toutes les farines animales dans leurs usines pour opter pour le 100 % végétal. De même, certaines entreprises qui possédaient plusieurs usines les ont spécialisées, toujours dans la perspective d'éviter les mélanges.

Nous avons demandé le 11 juillet au ministère de l'Agriculture de nous préciser ce qu'il fallait retenir en termes de traces dans l'alimentation animale, en lui précisant que faute de quoi nous serions amenés à prendre des dispositions et à faire des recommandations à nos adhérents pour les inciter à ne plus utiliser les farines animales, mais nous n'avons jamais eu de réponse précise sur ces normes.

Nous avons d'ailleurs recommandé tout début octobre à nos adhérents et à toutes les usines polyvalentes, avant que la crise éclate -compte tenu de la pression forte qui était exercée sur nous-, de ne plus utiliser du tout de farines animales, sachant que début octobre, selon une enquête rapide que nous avons menée auprès de nos adhérents, nous avons constaté que 75 % d'entre eux ne le faisaient plus.

Nos adhérents ont également pris d'autres mesures, la plupart d'entre eux étant depuis 1996 certifiés ISO 9002 et utilisant les mêmes méthodes de suivi de fabrication que n'importe quelle usine agroalimentaire ou ayant une activité économique.

Nous avons toujours constaté par rapport aux risques pouvant exister une sorte d'absence de position bien définie de la part des Pouvoirs publics concernant l'ensemble de ces réglementations.

En effet, comme je vous l'ai indiqué, nous avons demandé le 11 juillet des précisions sur les problèmes de traces et nous n'avons pas eu de réponse. De même, nous avons fait depuis 1996 un certain nombre de demandes sans que les positions de l'Administration aient jamais été très bien établies et très claires en la matière, ce qui nous a amenés à aller un peu plus loin que la réglementation, jusqu'à supprimer les farines animales dans un certain nombre de cas.

Il est beaucoup question depuis 1996 des farines qui provenaient d'Angleterre et qui étaient paraît-il la cause d'une contamination croisée, mais a-t-on parlé des farines françaises et celles-ci étaient-elles véritablement saines ?

En effet, dans le début des années 1990, quand des viandes et abats anglais ont été importés massivement, je suppose que tous ces déchets sont rentrés dans les farines françaises.

Enfin, par rapport au cinquième point du rapport Dormont, qui évoquait la séparation stricte de la fabrication d'aliments pour ruminants de celle pour d'autres espèces, si des traces présentaient à l'époque un risque important, il fallait éliminer tout de suite les farines animales, car on ne peut pas jouer avec un problème de santé.

Notre profession a beaucoup servi de bouc émissaire depuis 1996, et nous avons été pendant très longtemps accusés d'être responsables de tout ce qui se passait. De plus, nous sommes mis avant s'agissant de contaminations croisées qui auraient pu avoir lieu depuis 1996, alors que le problème de fond se pose avant 1996 puisque toutes les vaches atteintes d'ESB sont nées en 1993, 1994 et 1995.

Cette époque correspond également au constat d'une faillite européenne. Jamais l'Europe, alors que nous sommes dans une communauté européenne pratiquant le libre échange, n'a pris de véritables mesures strictes et rigoureuses pour éviter tout risque de mélange à quelque niveau que ce soit, sans parler du problème anglais, ce qui s'est passé depuis 1986 étant relativement inquiétant.

Le consommateur réagit et fait payer de façon injuste toute la production bovine, ce qui est grave. Nous faisons de nombreux efforts, mais malgré tout il se sent trompé, ce qui est extrêmement inquiétant.

M. le Président - Quelle mention les sacs d'aliments que vous prépariez avant interdiction étaient-elles portées sur les étiquettes ?

M. Daniel Rabiller - Nous avons toujours affiché la réglementation française et européenne, qui a toujours été très stricte en matière d'étiquetage de l'alimentation animale, celui-ci étant très proche de celui relatif à l'alimentation humaine.

Cependant, l'harmonisation européenne nous a obligés à revenir en arrière à une certaine période, ce qui est regrettable, sachant que la France appliquait une réglementation par ingrédients en matière d'étiquetage.

Cependant, nous en revenons aux ingrédients. Nous avons d'ailleurs recommandé début octobre à tous nos adhérents, même si la réglementation ne les y oblige pas, à indiquer sur les étiquettes de sacs d'aliments pour animaux tous les ingrédients qui rentrent dans la composition de ceux-ci et non plus uniquement les catégories.

M. le Président - Qui élabore les recommandations nutritionnelles suivies par l'ensemble de la filière en termes de quantités et d'éléments protéiques mis dans les aliments pour animaux ?

M. Daniel Rabiller - La formulation des aliments est un domaine d'activité qui a été très étudié par l'INRA, toute la recherche relative à l'alimentation animale, à travers la connaissance de la vie de l'animal et l'analyse des matières premières, provenant toujours de celui-ci.

De même, nous comptons dans nos entreprises des services de recherche qui ont toujours travaillé en étroite collaboration avec l'INRA ainsi qu'avec d'autres chercheurs étrangers, notamment aux Etats-Unis et partout où il existe des données technologiques importantes quant à la connaissance des matières premières dans le domaine de la nutrition et de l'animal.

Nous nous intéressons systématiquement à tout ce qui se passe pour pouvoir adapter l'alimentation des animaux de façon à obtenir une meilleure croissance de chacun d'entre eux tout en préservant leur bien-être.

M. le Président - Qui contrôle la composition et la bonne réalisation des formules ?

M. Daniel Rabiller - Hormis les systèmes d'auto-contrôle que chaque usine possède, le secteur de l'alimentation animale est contrôlé par la Direction des services vétérinaires et la répression des fraudes, qui examine occasionnellement ce qui se passe dans n'importe quelle usine d'alimentation, sans oublier par ailleurs tous les cahiers des charges demandés à nos usines d'aliments par la grande distribution ou par des groupements d'éleveurs, qui sont définis par l'ensemble de la profession ainsi que par ceux qui nous les demandent et qui sont contrôlés par les organismes certificateurs. Les contrôles, qui sont effectués par un ensemble de personnes, sont réguliers et encore beaucoup plus importants depuis 1996.

M. Paul Blanc - Vous êtes vous-même éleveur. Estimez-vous en tant que Président du Syncopac que l'ensemble de la profession des éleveurs a été bien informée s'agissant de la composition des aliments et de la présence de farines animales ?

M. Daniel Rabiller - Je l'ignore. Il faut se replacer dans le contexte de la fin des années 1980 et du début des années 1990. Il ne s'agissait pas alors d'un problème d'ordre public.

M. Paul Blanc - Il a commencé à faire son apparition entre 1990 et 1996.

M. Daniel Rabiller - Seuls les professionnels étaient vraiment au courant, sachant qu'à l'époque je n'étais pas mêlé à l'alimentation animale comme je le suis depuis 1995, même si je suivais la question en tant que Président d'une coopérative qui fabriquait des aliments.

J'avais connaissance de tout ce qui se passait en Angleterre et je savais que la farine animale était interdite pour les ruminants, mais je ne suis pas certain que les éleveurs connaissaient pertinemment toutes les conséquences de cela.

M. Paul Blanc - Des formations n'ont pas été dispensées.

M. Daniel Rabiller - A ma connaissance, aucune formation ou information n'a été donnée et aucun débat public n'a jamais eu lieu sur ce problème. C'est la raison pour laquelle j'ai insisté dès le départ sur l'avant et l'après 1996.

Un problème de santé animale se posait en Angleterre avant 1996, mais cela ne concernait pas la France pour l'éleveur que je suis ou mes collègues qui travaillaient dans leur exploitation.

En effet, nous savons parfaitement ce qui se passe chez nos voisins en France et nous savions qu'un problème de maladie se posait en Angleterre, mais cela ne nous concernait pas tant que c'était chez les autres, sachant qu'alors personne ne savait très bien comment la maladie pouvait se transmettre. Le souci n'était pas extrêmement profond.

M. Paul Blanc - Vous avez été très clair en indiquant que, d'une façon que vous avez explicitée, des contaminations accidentelles avaient pu se produire, mais pensez-vous également que les farines animales aient pu être utilisées de façon frauduleuse ?

M. Daniel Rabiller - Il ne m'appartient pas de dire si des farines animales ont été utilisées ou non de façon frauduleuse. C'est à la justice de démêler ce genre d'affaire si cela a été le cas, sachant que nous avons toujours indiqué très clairement que si fraudes il y a eu elles doivent être sanctionnées. Un représentant de notre profession ne peut pas supporter l'idée que l'un de nos adhérents ait incorporé dans un aliment quelconque -quel que soit le produit- une matière première qui était interdite.

M. Paul Blanc - Se pose également le problème des farines de viande et d'os utilisées pour les ruminants et vendues avant 1990. Je suppose que vous avez aussi signé l'accord interprofessionnel pour exclure toutes les farines animales en 1989, mais certaines d'entre elles ont été fabriquées et distribuées en 1989. Avez-vous mené une action pour alerter éventuellement vos adhérents ?

M. Daniel Rabiller - Je ne sais pas si un accord interprofessionnel a été signé en 1989, car mes prédécesseurs ne me l'ont pas précisé et parce que je n'en ai pas retrouvé de trace. En revanche, je sais qu'en 1990 il a été interdit d'utiliser toute farine animale pour les ruminants, ce qu'il faut retenir, les adhérents de nos entreprises en ayant bien entendu été largement informés. C'est à partir de là que la justice doit pouvoir faire son travail si fraudes il y a eu.

M. Paul Blanc - Au-delà, vous auriez pu éventuellement donner une information sur les farines fabriquées avant cette interdiction qui contenaient des farines animales et conseiller de ne plus les utiliser, de les détruire ou de les rapatrier.

M. Daniel Rabiller - Quand il a été interdit d'utiliser les farines animales le 14 novembre, les éleveurs ont été autorisés, selon des normes bien précises, à utiliser leurs stocks et les fabricants d'aliments à procéder à des fabrications avec leurs matières premières jusqu'au 30 novembre et parfois jusqu'au 15 décembre.

M. Paul Blanc - N'avez-vous pas eu connaissance de la même façon de procéder en 1990 ?

M. Daniel Rabiller - J'imagine que la même chose a dû se produire, sachant que cela ne représente pas forcément de grosses quantités. Le phénomène actuel de la vache folle concerne les bovins nés en 1993, 1994 et 1995, et il faudra s'interroger sur les cas humains dans la mesure où la durée d'incubation est de 12 ans.

M. Paul Blanc - L'avis du 17 juin 1993 a autorisé les importations de farines irlandaises. Avez-vous une explication à nous donner à ce sujet ?

M. Daniel Rabiller - Non, car nous ne sommes pas importateurs. Nous sommes des fabricants d'aliments et achetons des matières premières en France et à des importateurs. Ce problème concerne ces derniers et l'Etat.

M. Paul Blanc - Vous connaissez la provenance des farines.

M. Daniel Rabiller - Je ne suis pas certain qu'à l'époque les acheteurs de matières premières demandaient aux importateurs un cahier des charges précis.

M. Paul Blanc - Vous n'avez pas la possibilité de disposer d'une traçabilité s'agissant des importateurs.

M. Daniel Rabiller - A chacun son métier, sachant que depuis 1996 nous nous soucions fortement de la traçabilité des matières premières compte tenu de la pression de plus en plus forte exercée sur nous.

Pour des raisons de sécurité et pour rassurer le consommateur et nos éleveurs, nous recherchons par tous les moyens une traçabilité des matières premières. C'est l'un de nos soucis majeurs, comme vous pouvez le voir avec le soja. La question des farines animales ne se pose plus du tout aujourd'hui, mais que se passait-il à ce moment-là ?

M. le Président - Comme vous l'avez rappelé, un certain nombre d'entreprises ont obtenu des dérogations pour importer des farines britanniques après 1989. Cela a-t-il été le cas dans votre syndicat ?

M. Merlot - En principe non.

M. Daniel Rabiller - C'était destiné à des usines spécialisées pour des productions de volailles et de porcs.

Notre Fédération regroupe un peu plus de 50 % des fabricants d'aliments en France, mais le pourcentage était très inférieur à l'époque, les coopératives occupant une position très forte depuis le début des années 1990 en matière d'alimentation animale. Nous n'avons pas la liste des entreprises que vous évoquez, mais elle existe.

M. François Marc - Vous avez, Monsieur le Président, reconnu avec beaucoup d'honnêteté que les risques de mélanges fortuits ne pouvaient pas être complètement éliminés. Or, dans la mesure où nous savons que les farines ont été interdites depuis 1990, la bonne décision n'aurait-elle pas été de spécialiser chaque filière de fabrication d'aliments pour les activités porcs, bovins et volailles ? Cela aurait représenté une garantie satisfaisante.

M. Daniel Rabiller - Nous pourrions même aller jusqu'à envisager des éleveurs spécialisés qui ne produisent pas, car le risque existe parmi ceux-ci, notamment par rapport aux fonds de silos. Nous aurions souhaité en 1996 que la décision aille jusque là.

Cependant, un adhérent m'a indiqué qu'il avait appliqué ces dispositions en 1996 et la firme service dans laquelle je travaille avait fait de même en demandant à ses adhérents de prendre de multiples précautions, y compris pour les graines, sachant que nous avons eu à ce moment-là la garantie, de la part des Pouvoirs publics et du ministre de l'Agriculture, que nos farines françaises étaient saines.

Il faut se resituer dans le contexte de 1996, seule la France ayant pris des mesures draconiennes à travers l'élimination des cadavres, saisies et de tous les abats à risque, ce qui était une nouveauté. Nous avons éliminé 99 % du risque.

Il faut toujours se replacer dans l'époque où ces décisions ont été prises. Personne en France ne parlait alors du risque en matière de santé humaine ; cela concernait l'Angleterre.

Dans toutes les informations que nous avons pu avoir entre septembre et octobre, il n'était question que de traces de 0,1 à 0,3 %, ce qui est très minime. Cependant, même si ce sont des traces de farine animale qui ont été à l'origine de la maladie chez l'animal, il est extrêmement grave d'avoir laissé une matière première sur un marché, la question étant de savoir si cela ne provient pas d'une absence de position forte de la part d'un certain nombre de scientifiques ou d'administrations.

Je ne veux pas rejeter la pierre, mais nous sommes dans un pays où chacun a son travail à faire. Vous avez le nôtre et nous le nôtre, comme les administrations et les scientifiques.

Nous pouvons nous interroger sur la volonté de ne pas vouloir prendre de dispositions rigoureuses parce que cela allait entraîner des conséquences économiques. De plus, il n'existe pas en Europe de véritable harmonie sanitaire.

C'est un problème extrêmement grave car, si l'on veut parler de problèmes de santé animale et humaine, à plus forte raison dans une communauté de pays où le libre échange existe, il est urgent d'avoir une harmonie sanitaire.

M. François Marc - Ce que certains appellent la contamination croisée, que d'autres qualifient de « mélanges fortuits », est possible dans une usine et ensuite sur l'exploitation, quand différentes activités d'élevage sont rassemblées sur celle-ci.

Avez-vous des précisions à nous donner sur le comportement des entreprises depuis 1990, date d'interdiction des farines pour les bovins, quant aux conseils qui ont pu être donnés aux éleveurs ? Une campagne de sensibilisation et de formation des techniciens d'élevage dans le cadre de leur travail vis-à-vis des exploitants a-t-elle été organisée ?

Nous avons en effet eu des échos de conseils donnés à des éleveurs qui n'étaient pas toujours très rigoureux s'agissant du respect de l'interdiction totale de farines animales pour les ruminants.

M. Daniel Rabiller - Les conseils des techniciens sont professionnels, ceux donnés à un éleveur de bovins n'étant évidemment pas du tout les mêmes que ceux donnés à un éleveur de volailles ou de porcs.

Je pense que vous faites allusion à des propos consistant à dire que les techniciens auraient conseillé de donner des aliments bovins à des volailles, mais cela me paraît utopique, car il ne s'agit pas du tout du même animal. Les matières premières sont les mêmes à 95 %, mais des formulations changent dans la mesure où des matières premières ne sont pas recevables par telle ou telle espèce.

Je tiens à préciser que, durant tout le début des années 1990, personne ne s'est soucié vraiment de lancer une campagne d'information sur ces risques, ni vous ni nous. Même après 1996 -ce qui est sans doute plus grave-, parce que le problème a toujours été imputé aux fabricants d'aliments, étant entendu que nous avons servi de bouc émissaire, des précautions ont-elles été prises et des campagnes d'information ont-elles été lancées auprès des éleveurs polyvalents ?

Jusqu'en 1997-1998, des éleveurs de toute bonne foi qui avaient des élevages de volailles et de bovins pouvaient fort bien faire consommer des fonds de silos à ces derniers ; personne ne leur avait rien dit.

C'est à la marge, mais je tenais à insister sur l'absence de précautions prises, même si l'on a voulu que les fabricants d'aliments en prennent beaucoup, sachant que nous sommes allés jusqu'à spécialiser nos camions de livraison, ceux qui livrent des aliments pour les ruminants ne livrant plus d'aliments pour les volailles et les porcs. Nous ne nous soucions de façon forte de ce risque dans ce pays, et ce à tous les niveaux, que depuis un ou deux ans.

M. Gérard Le Cam - Nous allons visiter des établissements de fabrication d'aliments dans le cadre de notre enquête (coopératives ou entreprises privées) et j'aimerais avoir dans ce cadre accès aux documents commerciaux (bons de commande et de livraison et ceux qui établissent l'origine des produits) datant d'avant et de juste après l'interdiction. Pensez-vous que ce sera possible ? Les entreprises les ont-elles conservés ?

M. Daniel Rabiller - Absolument. Tous ces documents sont conservés et font régulièrement l'objet d'analyses de la part de la brigade d'enquête des services vétérinaires.

Non seulement pour le Juge Boizette, mais aussi à chaque fois qu'un cas de vache folle se présente dans une région donnée, l'usine est analysée d'un bout à l'autre, par rapport à tous ses documents comptables et non à sa conception matérielle, toute entreprise ayant l'obligation de les conserver.

Je puis vous assurer que toutes les usines ont préparé leurs dossiers il y a longtemps et qu'elles sont prêtes à les remettre aux services d'enquête, étant entendu que vous les aurez dans la mesure où vous faites partie d'une commission d'enquête. Le contraire serait anormal.

M. le Président - Nous vous remercions infiniment.

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