B. L'INFORMATION STATISTIQUE EST PRESQUE INTÉGRALEMENT PUBLIQUE

1. Les fichiers de micro-données fiscales et sociales sont publics

Pour apprécier l'effet de certaines réformes publiques, notamment en matière sociale et fiscale, il est parfois indispensable de suivre le comportement des agents économiques avant et après la mise en oeuvre de la réforme, donc de disposer de données sur les mêmes individus ou les mêmes entreprises pendant plusieurs années consécutives, c'est à dire de conduire des enquêtes dites « longitudinales ».

La réalisation de ce type d'enquête implique de bien identifier les répondants, pour pouvoir les suivre plusieurs années. En revanche, le traitement de ce type d'enquête s'effectue ensuite sur des données anonymes, c'est à dire dont les « identifiants » ont été supprimés.

Aux États-Unis, ces fichiers de données individuelles longitudinales (ainsi « anonymisées ») sont pour la plupart mis librement et gratuitement à la disposition du public, notamment via le réseau Internet.

Par exemple, le bureau des statistiques sur l'emploi réalise une enquête consistant à suivre l'entrée dans la vie active d'un échantillon de jeunes dont on connaît les performances scolaires et universitaires au cours des années précédentes, en les interrogeant chaque année.

Cette enquête met notamment en évidence une relation assez surprenante entre l'investissement scolaire et la primo-insertion professionnelle. En effet, les étudiants moyens réussiraient mieux qu'escompté.

Particulièrement riches, les fichiers de données associés à cette enquête sont diffusés sur disquette par le bureau des statistiques sur l'emploi à toute personne qui en fait la demande.

La publication de ce type de données favorise aux États-Unis le développement de la contre-expertise indépendante en matière d'évaluation des politiques publiques

En revanche les fichiers de micro-données longitudinales ne sont généralement pas mis à la disposition du public en France, certains d'entre eux étant toutefois communiqués à quelques chercheurs dans le cadre de conventions de recherche plus ou moins restrictives.

De même, la plupart des fichiers de données individuelles connaissent une très large diffusion aux États-Unis, alors que l'Etat conserve souvent le monopole de leur exploitation en France.

En particulier, à ce jour, le ministère de l'économie et des finances ne diffuse pas ses fichiers de données fiscales.

Les chercheurs des institutions françaises indépendantes peuvent ainsi télécharger gratuitement depuis la France des fichiers de données individuelles leur permettant de conduire des travaux sur des politiques fiscales et sociales américaines, alors qu'ils n'ont aucun accès à des fichiers de données semblables pour la France.

La réticence des administrations statistiques françaises à diffuser leurs fichiers de micro-données s'explique par des raisons juridiques . En effet, le Privacy Act de 1974 relatif à la protection de la vie privée est à certains égards moins protecteur que la loi « informatique et libertés » du 6 janvier 1978, dont l'interprétation par la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL) limite la diffusion des fichiers de données individuelles.

Elle s'explique aussi par des raisons scientifiques : les administrations statistiques craignent que la diffusion de certains de leurs fichiers soit mal perçue par l'opinion, et se traduise par des réticences accrues à renseigner certaines enquêtes, qui seraient, de ce fait, moins fiables.

Cependant, ces réticences résident aussi, sans doute, dans une tradition culturelle consistant à réserver à l'Etat le monopole de certaines informations jugées stratégiques.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page