II. DES FONCTIONNAIRES DAVANTAGE SENSIBILISÉS AUX RÉSULTATS DE L'ADMINISTRATION

A. LA RESPONSABILISATION ACCRUE DES FONCTIONNAIRES

1. Le souci de l'efficacité

• Au Royaume-Uni , le Civil Service 21 ( * ) a fait l'objet de profondes réformes qui ont marquées par la valorisation de la notion d'efficacité.

Les principaux axes de la réforme de la fonction publique sont les suivants :

- encourager l'innovation : tel est l'objectif poursuivi par les démarches qualité et les procédés d'auto-évaluation tels que le benchmarking, ou les primes à l'innovation ;

- s'interroger sur la qualité du service rendu à l'usager : les programmes de Better Quality Services , de Quinquennial Reviews et de Best Value constituent autant d'obligations pour les administrations centrales mais aussi pour les Local Authorities , et pour leurs agents, de vérifier que le rapport qualité-prix de leurs activités justifie qu'elles continuent à les exercer elles-mêmes ;

- sanctionner l'immobilisme : dans le cadre d'une procédure budgétaire centrée sur la poursuite d'objectifs et la connaissance des résultats, chaque ministère a mis en place un Management Information System for Ministers qui vise à fournir une connaissance précise du coût et de l'apport du personnel à la réalisation de l'objectif défini.

Ces réformes s'appuient, dans les administrations centrales, sur une organisation du temps de travail efficace (réunions courtes et menées avec rigueur, style de management responsabilisant), et sur une gestion des carrières souple. Il est ainsi fréquent de faire appel à des personnalités du secteur privé pour assumer des responsabilités publiques. Quant au système de rémunération des fonctionnaires, il s'inspire de plus en plus des méthodes pratiquées dans le secteur privé, étant lié aux performances en particulier.

• En Norvège , le gouvernement a défini plusieurs critères permettant de mesurer le succès de la réforme de l'Etat, parmi lesquels la diminution du nombre d'agents publics déclarés inaptes, l'inaptitude étant un phénomène particulièrement préoccupant dans ce pays, dans le secteur éducatif en particulier. Le gouvernement cherche ainsi à limiter les cas d'inaptitude totale, souvent abusifs, et propose à chacun des tâches adaptées.

• En Belgique , la plus grande implication des hauts fonctionnaires en matière de résultats est rendue possible par des mandats instaurés pour toutes les fonctions de direction, pour une durée de six ans. Ces mandats reposent sur des contrats de gestion, approuvés par le conseil stratégique, assortis de moyens concrets et d'objectifs à atteindre. Une évaluation annuelle sera réalisée, ainsi qu'une évaluation complète à la fin du mandat. Celui-ci pourra être résilié avant son terme si l'insuffisance des prestations est avérée.

• La responsabilisation accrue des fonctionnaires ( Accountability System ) est un volet essentiel des réformes entreprises en Nouvelle-Zélande . Dans ce pays, le chef d'un département ministériel, fonction équivalente à celle d'un directeur ou directeur général d'administration en France, en échange d'une liberté d'action très réelle, engage sa responsabilité personnelle, conformément à un accord de performance préalablement établi, afin que les « commandes » passées par le ministère de tutelle soit livrées avec la qualité et au coût convenus.

Cette situation s'inscrit dans le cadre général défini par deux lois, le State Sector Act de 1988 et le Public Finance Act de 1989, qui réforment en profondeur la gestion de la fonction publique. Désormais, chaque directeur est responsable, y compris sur le plan financier, de la gestion de son service, qu'il dirige de façon très autonome. Lesdits directeurs sont nommés par le ministre de tutelle sur la base d'un contrat à durée déterminée, en général de cinq ans, assorti d'obligations de résultats.

La gestion des ressources humaines dans la fonction publique néo-zélandaise

La responsabilité contre la flexibilité

L'idée centrale de la réforme était qu'il fallait libérer la responsabilité des chefs de services administratifs. Pour rendre responsables les managers sur leurs résultats (outputs), il convenait de leur laisser la liberté d'agir sur les décisions relatives aux « facteurs de production » (inputs) mis à leur disposition, c'est-à-dire les recrutements, les salaires, l'organisation des structures et des modes de production.

L'introduction d'une relation fournisseur/acheteur permet de focaliser l'analyse sur les 4 critères-clefs du contrat : la qualité, la quantité, les délais et le prix des biens et services rendus.

Cette démarche renforce le degré d'exigence dans les relations quotidiennes des administrations entre elles et donne un contenu plus large et plus précis à la simple notion de service fait. Ces critères doivent permettre à terme de comparer la prestation publique avec une prestation du secteur privé.

Après la mise en concurrence des services, la Nouvelle-Zélande a introduit une mise en concurrence sur les emplois.

Les emplois supérieurs du secteur public ( Chief Executives ) ont été ouverts à la concurrence du secteur privé. Chaque poste de direction vacant fait l'objet d'un appel à candidature qui examine tous les candidats quelle que soit leur origine, publique ou privée.

Chaque nouveau Chief Executive , quelle que soit son origine, se voit proposé un contrat selon les termes suivants : il a la liberté totale de gestion de son service selon les règles énoncées ci-dessus, et, en contrepartie, il est jugé sur les objectifs fixés par son contrat et notamment le respect des contrats de fourniture de biens et services déjà cités.

Ainsi, le système se boucle et est équilibré : liberté accrue de gestion et de management contre responsabilité personnelle sur des objectifs, et un rendu de compte négocié et librement accepté.

L'intitulé du contrat passé entre le ministre et chacun de ses Chief Executives - Performance Agreement , accord de performance - est révélateur.

Cette relation bilatérale est encadrée par la State Commission , service qui donne son avis sur chaque contrat dont elle reçoit copie, et dont elle discute avec le ministre concerné. La commission établit un contrat cadre type et veille au maintien d'une cohérence globale des dispositifs.

Un cadrage global des relations contractuelles

Le caractère bilatéral des relations contractuelles reste cependant encadré.

Ainsi, une charte de l'employeur public a été édictée par la State Commission afin de garantir le respect de nombreux objectifs comme la sécurité des conditions de travail, la promotion, l'impartialité dans le recrutement et les rémunérations, la reconnaissance de la minorité Maori, la parité hommes/femmes, l'emploi des personnes handicapées, etc.

La rémunération et la carrière des Chief Executives , qui sont environ 50, restent sous l'autorité de la commission qui a vocation à leur procurer de nouvelles opportunités afin qu'ils puissent poursuivre leur carrière au sein de l'administration en fonction des résultats obtenus. Le ministre peut décider de rétribuer ses collaborateurs au-delà de la proposition de la commission, par un Political Appointment qui doit simplement être notifié à la commission.

La durée des contrats est de cinq années. Ils sont renouvelables une fois pour trois années supplémentaires. Les premiers contrats ayant été signés en 1993, 15 Chief Executives ont achevé leur premier contrat et l'ont prolongé de trois années, 9 ont changé de direction au bout de cinq années, 8 sont partis à la retraite ou ont démissionné, 8 ont quitté le secteur public.

La réforme du management a été complétée en 1991 par l' Employment Contracts Act . Cette loi n'abolit pas le statut de la fonction publique, mais permet individuellement à chaque fonctionnaire de renoncer à son statut pour choisir une contractualisation de type droit privé avec un contrat basé sur des objectifs et une évaluation de sa performance.

Ce contrat permet une rémunération en fonction des performances. Il se traduit par une majoration salariale pour l'agent qui renonce en contrepartie à la garantie de l'emploi et accepte de relever des prud'hommes pour d'éventuels litiges liés à l'exécution de son contrat de travail.

La neutralité budgétaire de cette mesure est assurée par la globalisation des crédits de personnel et de fonctionnement. La liberté de recrutement est laissée à la seule discrétion du responsable du service. En contrepartie, la mise sous enveloppe globale et contrainte de ses moyens le conduit à rechercher l'optimisation de ses moyens de production en fonction de ses objectifs contractuels.

Le taux de contractualisation varie fortement selon les services. Il est de l'ordre de 80 % à la State Services Commission , de 90 % à la direction du budget, mais tombe à 40 % pour la sécurité sociale où les syndicats sont encore très puissants et structurés, et le personnel moins qualifié en moyenne. Le contrat individuel emporte moins de succès chez les agents d'exécution, alors que la direction du budget et la commission sont majoritairement composé,s de cadres.

Source : rapport « Mission comptabilité patrimoniale » de M. Jean-Jacques François.

2. La rémunération en fonction des résultats

Corollaire de cette attention particulière portée à l'efficacité de l'action administrative, les gestionnaires voient leur système de rémunération de plus en plus souvent assis sur les résultats réalisés par les services qu'ils dirigent.

• En Suède , les principaux directeurs des agences ont un contrat de travail qui peut être résilié. Ils sont donc rémunérés et évalués par leur ministère de tutelle auquel ils rendent compte des résultats obtenus. En outre, à son niveau, chaque directeur d'agence est responsable du recrutement, de la formation et de la rémunération des effectifs de son agence.

• En Italie , une distinction plus nette entre les compétences du pouvoir politique et les domaines d'action de l'appareil administratif a permis de clarifier les rôles de chacun. Désormais, les fonctionnaires, l'encadrement supérieur en particulier, sont investies de responsabilités mieux identifiées pour aboutir aux résultats définis par le pouvoir politique, et bénéficient d'une autonomie de gestion assez grande dans l'utilisation des moyens mis à leur disposition pour y parvenir. Leur rémunération est directement liée à leur capacité d'aboutir aux résultats. Ainsi, depuis 1993, la négociation collective, nationale et locale, ainsi que la négociation complémentaire menée au sein de chaque administration ont remplacé la loi dans la détermination des tâches et des salaires des fonctionnaires.

• Au Danemark , les négociations de 1997 et 1999 entre l'Etat, les communes et les syndicats ont porté sur l'instauration d'un nouveau système de rémunération des agents publics. Désormais, l'agent reçoit une rémunération de base, qui peut-être complétée par des suppléments de rémunérations ou des primes en fonction des qualifications, des fonctions, mais aussi de la performance de l'individu. En 2000, 10,5 % des agents de l'Etat et 56 % des agents des collectivités territoriales travaillent sous ce régime. Tous les agents nouvellement recrutés y sont soumis. Il convient de préciser que des corps de fonctionnaires sont à l'origine de négociations tendant à étendre l'application de ce système, en raison des possibilités d'augmentation de salaire qu'il comporte.

Par ailleurs, les agents publics sont liés par un contrat d'objectifs avec leur employeur, le plus souvent une agence. Dans le cadre de ce contrat, la politique du personnel fait l'objet d'une évaluation au moins tous les deux ans, et des entretiens annuels entre l'agent et son supérieur hiérarchique direct donnent l'occasion de définir des objectifs de développement ou même d'évoquer des projets personnels. Les contrats d'objectifs constituent la base de l'octroi de primes selon le nouveau régime de rémunération de 1999.

* 21 Le Civil Service comprend les fonctionnaires des administrations centrales, mais également le personnel pénitentiaire, ainsi que les agents qui gèrent les systèmes de prestations sociales ou de retraite ou encore la délivrance des permis de conduire.

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