B. DES RÉSULTATS ÉQUIVOQUES

1. L'ouverture d'une « fenêtre de tir »

a) Un apport financier substantiel

Une analyse de la structure des financements souligne l'apport important du FIPE qui constitue de loin le premier financeur des projets enregistrés auprès des CAF. Ces apports couvrent en moyenne 57 % des besoins de financement contre un peu moins de 29 % pour les communes, les autres financeurs n'intervenant qu'à la marge.

Structure du financement des projets

Source : CNAF

Pour près de la moitié des projets, l'apport financier du FIPE représente trois quarts ou plus du financement. Pour près de deux projets sur trois, il en représente à lui seul plus de la moitié.

Répartition des projets selon le taux de financement par le FIPE

Source : CNAF

Sans cet apport financier important, il n'est pas certain que ces projets auraient pu être réalisés. Comme il sera rappelé ci-dessous, une part importante de ces projets était prête. La mise en place du FIPE a incité les maîtres d'oeuvre à agir rapidement, pressés par l'urgence qui a présidé à la mise en place de ce fonds.

Il est en conséquence difficile de discerner les projets qui relèvent de « l'effet d'aubaine », c'est-à-dire qui devaient de toute évidence être réalisés, et les projets qui ne pourront voir le jour qu'au bénéfice de la solvabilisation apportée par le FIPE.

La rapidité de la montée en charge du dispositif suggère que cet « effet d'aubaine » doit être important.

Votre rapporteur -qui regrette infiniment l'urgence dans laquelle ce fonds a été mis en oeuvre- constate néanmoins que certains dossiers pouvaient être prêts sans qu'un financement n'ait encore pu être trouvé : à cet égard, il lui semble équitable de ne pas surdimensionner ces « effets d'aubaine », même si les conséquences de l'urgence doivent être clarifiées, mais de davantage considérer la création du FIPE comme une « fenêtre de tir » dans laquelle les gestionnaires se sont engouffrés.

La « fenêtre de tir » étant ouverte, de nombreuses collectivités d'une part, ou associations d'autre part, ont procédé à l'investissement qu'elles ambitionnaient.

Nombre de projets selon le gestionnaire

Source : CNAF

b) Une rapide montée en charge

(1) Le rythme élevé d'enregistrement des dossiers

Selon les réponses de la CNAF au questionnaire de votre rapporteur, « les caisses d'allocations familiales ont commencé à travailler sur les dossiers et à informer leurs partenaires au cours de l'été 2000. Un recensement indicatif a été réalisé à ce moment. »

En fin d'année 2000, toujours selon la CNAF, « près des deux tiers des projets (977) ont été traités et ont fait l'objet d'un engagement financier au titre du fonds d'investissement ».

Nombre de dossiers traités entre janvier et mai 2001

Source : CNAF

La progression des dossiers enregistrés est rapide et importante, puisqu'au 4 janvier 2001, 997 projets représentant 840 millions de francs d'engagements étaient réalisés. Les crédits prévus à cet effet par la loi Famille avaient néanmoins suscité des amorces de réflexion et l'élaboration de pré-projets. Depuis 1999, ces projets ont mûri et sont venus assurer l'utilisation rapide des crédits.

Lors d'un recensement spécial au 30 mars, 1.311 dossiers portant sur 1,2 milliard de francs d'engagement semblaient déjà validés. Il est acquis que les disponibilités ouvertes par le FIPE sont aujourd'hui épuisées, puisque la CNAF admet elle-même qu'elle pourrait procéder à la distribution de 2 milliards de francs de subvention.

Ventilation des places selon le type d'équipement

Nombre d'équipements

Capacité d'accueil

Crèches collectives

91

3.202

Crèches familiales

15

780

Crèches parentales

7

134

Haltes garderies collectives

163

2.547

Haltes garderies familiales

11

145

Haltes itinérantes

21

253

Jardins d'enfants

5

98

Lieux accueil enfants parents

31

n.s.

Lieux passerelles

2

40

Multi-accueil

478

14.424

Relais assistantes maternelles

153

n.s.

Total

977

21.623

Source : CNAF

Cette prépondérance des structures multi-accueil est corroborée par la ventilation des financements par type d'équipement, dans laquelle ces structures tiennent également une part très majoritaire.

Ventilation des financements selon le type d'équipements

(en millions de francs)

Source : CNAF

Cette forte concentration constitue une réponse -peut-être surdimensionnée- à ce qui apparaissait voilà une dizaine d'années comme la principale lacune des structures collectives : le multi-accueil. Le retard comblé dans ce secteur, il ne fait guère de doute que de nouvelles lacunes apparaîtront.

Votre rapporteur espère que les familles n'attendront pas une décennie avant de les voir prises en compte.

Le « succès » de ce plan ne saurait constituer une surprise. Il repose sur un constat maintes fois fait d'une pénurie structurelle de solutions d'accueil pour la garde des enfants de moins de trois ans.

Cette pénurie s'est trouvée de surcroît aggravée par l'embellie démographique que connaît notre pays depuis cinq ans, mais également par les pressions constantes du Gouvernement pour dissuader le recours à la garde d'enfants à domicile. En réduisant drastiquement l'attractivité de l'AGED, le Gouvernement a en effet « recréé » artificiellement une pression sur les autres structures d'accueil de petite enfance.

(2) Des objectifs quantitatifs non tenus

Les objectifs assignés par le Premier ministre ont été précisés par la ministre de l'Emploi et de la Solidarité pour ce qui est de l'accueil collectif, dans le rapport annexé au projet de loi de financement de la sécurité sociale 157 ( * ) pour 2001 : « ce fonds, doté de 1,5 milliard de francs, permettra l'accueil de 30.000 à 40.000 enfants supplémentaires ».

Le rapporteur de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 de l'Assemblée nationale, Mme Marie-Françoise Clergeau, a confirmé cet objectif de « parvenir à accueillir 30.000 à 40.000 enfants supplémentaires ».

Il est douteux que ce dernier objectif puisse être atteint. En effet, le Gouvernement, de même que le rapporteur de l'Assemblée nationale, ne semblent pas s'être penchés sur les effets potentiels des possibilités ouvertes par le FIPE. En effet, à côté de la création de structures nouvelles, étaient éligibles à ce fonds l'aménagement et la transplantation de sites.

Ainsi, selon les résultats partiels disponibles, qui portent néanmoins sur plus de la moitié des crédits engagés au début de janvier 2001, la création de structures nouvelles ne représente que 48 % des projets et environ 35 % des places concernées.

Places financées selon le type de travaux

Nombre de projets

%

Nombre de places

%

Création

471

48

7.799

36

Aménagement

309

32

8.757

40

Transplantation

197

20

5.067

23

Source : CNAF

Les documents de la CNAF précisent que « la création nette de places est de 11.387 dont 7.799 au titre de la création de nouvelles structures et 3.588 pour des places supplémentaires créées à l'occasion de travaux d'aménagement et de transplantation ».

Une telle analyse permet de conclure que les objectifs annoncés par le Gouvernement ne seront pas atteints car cette tendance forte, fondée sur l'analyse de près de 60 % des crédits engagés, confirme que seulement une place sur deux financée par le FIPE est une place d'accueil supplémentaire.

Si le nombre de places d'accueil concernées par les moyens déployés au titre du FIPE pourrait avoisiner les 35.000 comme prévu, il ne devrait pas entraîner la création de plus de 18.000 places nouvelles.

Ces chiffres, qui ne sont pas négligeables, demeurent en revanche de faible portée au regard des besoins structurels, aggravés par l'évolution démographique récente. En effet, votre rapporteur a constaté ( voir ci-dessus ) que ce regain démographique pouvait générer une augmentation du flux des enfants en âge de solliciter une solution d'accueil de 40.000 places.

Bien évidemment, les familles de ces 40.000 enfants ne demanderont pas toutes une place d'accueil collectif. Néanmoins, l'effet conjugué du retard pris et des besoins nouveaux font du bilan des créations de places supplémentaires une réponse modeste.

(3) Des améliorations qualitatives

Pour autant, cet échec quantitatif relatif, malgré les efforts déployés pour afficher rapidement « un résultat », a permis néanmoins des améliorations d'ordre qualitatif.

Le premier point de ces avancées est naturellement la contrepartie de l'échec quantitatif mentionné ci-dessus. De nombreuses structures ont saisi l'opportunité ouverte par le FIPE, que ne leur permettait pas le dispositif de la loi Famille, pour améliorer significativement la qualité de l'environnement dans lequel sont accueillis les jeunes enfants.

Si les objectifs sanitaires de la Protection maternelle et infantile (PMI) constituent un socle solide au-dessous duquel il n'est pas possible de descendre, force est de reconnaître que certains structures ont vieilli durant parfois deux décennies d'activité.

Le FIPE a offert la possibilité de mener à bien des travaux d'amélioration, de mise aux normes qui in fine constituent une bonification de la qualité des prestations offertes aux familles.

Votre rapporteur considère que, tout en constituant une « fuite » par rapport aux objectifs quantitatifs annoncés par le Gouvernement, les projets d'amélioration constituent des réussites parmi les plus notables du FIPE.

Le second aspect des avancées qualitatives permises par le FIPE réside dans les éléments d'innovation des projets. L'aide apportée par le FIPE peut être en effet majorée au vu des éléments d'innovation apportés par les maîtres d'oeuvre à leurs projets.

Ces éléments susceptibles de donner lieu à majoration financière étaient au nombre de quatre :

- la création de lieux passerelles,

- des amplitudes horaires significatives,

- l'accueil d'enfants handicapés,

- l'accueil d'urgence.

Projets présentant une innovation

Source : CNAF

Les avancées en matière de lieux passerelles ou d'amplitude d'ouverture sont le plus souvent situées dans les projets relatifs aux structures « multi-accueil ».

Le nombre de projets contenant des amplitudes d'ouvertures significatives est à la fois encourageant et décevant.

Il est bien sûr encourageant car il témoigne de la prise de conscience de ce problème par les acteurs du secteur. Encore trop souvent, le mode d'accueil collectif constitue un luxe parce qu'il suppose, en raison de ses horaires trop stricts, l'usage d'un mode de garde complémentaire, particulièrement la « baby sitter » en fin de journée.

Il est cependant décevant car il ne touche qu'environ un projet sur quatre et rappelle encore une fois combien la souplesse du service doit être la priorité assignée aux pouvoirs publics et aux gestionnaires de ces établissements.

* 157 Rapport sur les orientations de la politique de santé et de la sécurité sociale et les objectifs qui déterminent les conditions générales de l'équilibre financier annexé à l'article premier de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001.

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