TROISIÈME PARTIE
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LE FONDS DE RÉSERVE DES RETRAITES :
L'AVENIR HYPOTHÉQUÉ

Le 21 mars 2000, le Premier ministre dévoilait les projets du Gouvernement sur la question des retraites.

A cette occasion, il rappelait à l'attention de l'opinion publique le fonds de réserve des retraites créé deux ans auparavant et désormais voué, dans l'attente d'une réforme remise à plus tard, à jouer un rôle éminent, voire exclusif, pour garantir l'avenir des retraites par répartition.

Pour crédibiliser un fonds qui, ne disposant que de 2 milliards de francs, demeurait très largement à l'état conceptuel, le Premier ministre se livra à une longue description des ressources pressenties pour l'abonder : excédents de la CNAVTS, excédents du FSV, excédents de C3S, produit de la taxe de 2 % sur les revenus du capital, don de la Caisse des dépôts et consignations, parts sociales des caisses d'épargne, etc.

L'addition de cette longue énumération aboutit à un chiffre rond et très symbolique : «mille milliards de francs».

Nombreux furent ceux qui, trouvant les ressources envisagées trop hétéroclites, doutèrent de l'évaluation, c'est-à-dire de l'aptitude du fonds de réserve à rassembler d'ici 2020 les «mille milliards de francs» annoncés.

Pour sa part, le Conseil d'Orientation des retraites jugea, le 27 septembre 2000, les ressources actuelles d'alimentation du fonds de réserve « incertaines et trop aléatoires ».

De telles critiques ne désarmèrent pas le Gouvernement qui opta pour la tactique du brocanteur de Marcel Pagnol : sans rabattre sur les «mille milliards de francs», il compléta la liste des recettes avec le produit de la vente des licences UMTS.

La bouffée d'oxygène que devait apporter au fonds de réserve le produit de licences UMTS s'est toutefois brutalement raréfiée, deux candidats, seulement, au lieu des quatre attendus, ayant participé aux attributions.

Mais, infiniment plus grave, depuis mars 2000, date de la déclaration du Premier ministre, la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001 puis les récentes annonces sur les modalités de financement de la future allocation personnalisée d'autonomie (APA) ont bouleversé le plan de financement du fonds de réserve.

Aussi, votre commission des Affaires sociales a-t-elle décidé, dans le cadre de ses investigations sur les fonds sociaux, d'analyser la situation actuelle et les perspectives du fonds de réserve.

Chargé de cette mission, votre rapporteur a opéré selon l'usage par voie de questionnaires adressés au Gouvernement et au Fonds de solidarité vieillesse mais également, en vertu des prérogatives dont disposent les rapporteurs des lois de financement de la sécurité sociale, au moyen d'un contrôle « sur pièces et sur place » tant au ministère de l'Emploi et de la Solidarité qu'au ministère de l'Economie et des Finances.

Les éléments recueillis à cette occasion sont apparus à votre rapporteur suffisamment importants et inquiétants quant aux perspectives financières du fonds de réserve, qu'il a tenu à en saisir sans délai Mme Yannick Moreau, présidente du Conseil d'orientation des retraites (COR), instance dans laquelle il a l'honneur, avec deux autres collègues, de représenter le Sénat.

Par une note en dix points, votre rapporteur a ainsi souhaité que les membres de ce Conseil soient pleinement informés afin qu'un débat s'engage sans retard au sein de cette instance qui associe les partenaires sociaux à la réflexion sur l'avenir des retraites.

Le Gouvernement, par l'intermédiaire de Mme Ségolène Royal 49 ( * ) a fait grief à votre rapporteur de « faire état d'un rapport qui n'a pas été encore communiqué au Gouvernement » .

De fait, votre rapporteur n'avait pas cru devoir transmettre au Gouvernement copie des correspondances qu'il adresse à la présidente du Conseil d'orientation des retraites au sein duquel siègent au demeurant quatre représentants de l'Etat.

Le présent rapport, adopté par la commission des Affaires sociales le 19 avril 2001, lui ayant été adressé, il appartient au Gouvernement d'y « répondre point par point » selon le souhait formulé par la ministre déléguée à la Famille, à l'Enfance et aux Personnes handicapées.

I. UNE TRANSPARENCE NÉCESSAIRE

« Dans un contexte très particulier, marqué par l'affaire dite de la « cagnotte », votre rapporteur général s'était rendu, en février 2000, à l'Agence comptable centrale du trésor (ACCT), afin notamment de contrôler les opérations effectuées au cours de la période complémentaire. Cette année, il a souhaité renouveler cet exercice d'examen des opérations de fin d'exercice et a procédé à cet effet à une visite de l'agence précitée, le 6 février dernier.

« Ce type de démarche mérite, en effet, d'être régulièrement renouvelé, tant il est vrai qu'au-delà des nécessaires réformes des textes en cours, s'agissant de l'ordonnance organique du 2 janvier 1959, la réalité de l'exercice du pouvoir budgétaire du Parlement ne pourra s'enraciner qu'à la condition que les parlementaires eux-mêmes fassent un usage régulier des prérogatives qui leur sont reconnues. »

Si votre commission des Affaires sociales avait eu la moindre hésitation à faire usage des prérogatives qui sont les siennes, les considérations, en forme d'invitation, du rapporteur général de la commission des Finances de l'Assemblée nationale auraient levé ses dernières réticences.

A. DÉMARCHE INITIALE : L'ENVOI DES QUESTIONNAIRES

Lors de sa séance du 30 janvier 2001, la commission des Affaires sociales a annoncé que, dans le cadre des activités de contrôle de l'application de la loi de financement de la sécurité sociale pour 2001, les trois rapporteurs de cette loi (équilibres généraux et assurance maladie, assurance vieillesse, famille) consacreraient leurs investigations en priorité aux « fonds sociaux ».

Aussi une série de questionnaires relatifs au fonds de réserve des retraites fut établi et adressé à la ministre de l'Emploi et de la Solidarité ainsi qu'au fonds de solidarité vieillesse (FSV).

1. Questionnaire à la ministre de l'Emploi et de la Solidarité

Le 5 février 2001, un questionnaire de 44 questions fut adressé à la Mme Elisabeth Guigou, ministre de l'Emploi et de la Solidarité. Jusqu'à cette date, hormis l'hypothèse énoncée par le Premier ministre le 21 mars 2000 que la somme de «mille milliards de francs» serait atteinte en 2020, les tenants et les aboutissants du fonds de réserve restaient obscurs.

Ces interrogations restées jusque-là sans réponse justifiaient l'envoi d'un questionnaire abordant les thèmes suivants :

-  l'évaluation des déficits des régimes de retraite à couvrir entre 2020 et 2040 ;

- la prise en compte ou non des régimes publics ou spéciaux ;

- l'évaluation détaillée des ressources du fonds de réserve d'ici 2020 ;

-  le traitement des déficits des régimes de retraite antérieurs à 2020 ;

- le fonctionnement du fonds de réserve à compter de 2020.

Ces questions, par leur nombre et leur variété, avaient vocation à couvrir l'ensemble des interrogations que suscite le fonds de réserve.

Les réponses de la ministre de l'Emploi et de la Solidarité en date du 8 mars 2001, qui sont jointes en annexe au présent rapport, n'ont pas été en mesure d'éclairer véritablement les enjeux du fonds de réserve que seules les notes remises par les administrations et les réponses apportées par le fonds de solidarité vieillesse ont pu, en définitive, clarifier.

* 49 Mme Ségolène Royal, Questions au Gouvernement, séance du 29 mars 2001, Journal Officiel Débats Sénat - p. 898.

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