III. DE SOLIDES ATOUTS GÂCHÉS PAR DES ATTITUDES ET DES CHOIX À CONTRE-COURANT

Pour Théodore Zeldin, doyen du St Anthony College à Oxford, auteur, notamment, d'une Histoire des passions françaises , les Français éprouvent certaines difficultés à se faire de leur pays une image nette et surtout sereine.

Cette mauvaise image que les Français ont d'eux-mêmes, soulignée par Théodore Zeldin lorsqu'il parle de « l'hypocondrie » de nos compatriotes et qu'il dit « vous inventez à la France des maux imaginaires, la moindre baisse de tension du tonus national vous convainc qu'elle est à l'article de la mort » , 23 ( * ) doit-elle nous conduire à nuancer certains propos alarmistes sur l'état de la France et de son image ?

La mission a souhaité ne pas se laisser aller à une exagération qui reviendrait à sous-estimer systématiquement les atouts dont la France dispose et à exagérer ses handicaps.

La France a des points forts, qui lui viennent de sa situation géographique, de son histoire, de sa culture, aussi, qui est un capital et a, plus que jamais, une valeur économique.

Faut-il pour autant considérer que la France serait une sorte de « malade imaginaire », qu'elle cultiverait une sorte « d'insatisfaction constitutive », sans fondements dans la réalité ?

Il y a bien, selon la mission, une sorte de mal français, depuis longtemps souligné par maints observateurs, mais auquel la mondialisation donne une nouvelle acuité.

Oscillant volontiers entre le doute et les certitudes, entre une certaine forme d'esprit chauvin et un sens de l'auto dénigrement, la France est tentée de s'appuyer sur son Histoire et l'universalité de sa culture pour essayer de suivre une voie singulière.

Cette affirmation de l'exception française, que l'on retrouve dans les discours de tous les gouvernements, a conduit, bien souvent, notre pays à prendre de multiples mesures ayant une incidence allant, sinon à contresens de l'évolution économique, du moins, dans une direction assez différente de celle des États avec lesquels il est en concurrence.

Cette propension à ramer à contre-courant, un certain nombre d'interlocuteurs de la mission l'ont fait remarquer pour en souligner les conséquences à terme.

Ainsi, M. Jean-Claude Trichet, Gouverneur de la Banque de France, a insisté sur la difficulté culturelle qu'éprouvait la France à prendre pleinement conscience de l'européanisation et de l'internationalisation de son économie, regrettant que se soit dissipé le consensus multipartisan, qui s'était dégagé dans les années 80 sur la nécessité d'adapter la France à son environnement économique.

Allant plus loin, M. Michel Pébereau, président de BNP Paribas, a souligné que, depuis dix ou vingt ans, la France avait eu tendance à multiplier les mesures fiscales de nature, notamment, à décourager les initiatives, alors que tous ses concurrents avaient, au contraire, récemment adopté des dispositifs visant à attirer les activités économiques à haute valeur ajoutée.

En fait, tout se passe comme si notre pays s'était ingénié, ces dernières années, à accumuler les mesures fiscales ou sociales - qu'elles concernent les personnes, les patrimoines, les entreprises - de nature à affaiblir ses atouts.

L'espèce de gaspillage auquel les Français résistent difficilement, résulte à la fois, objectivement, d'un alourdissement des charges pesant sur les agents économiques, mais aussi, de façon plus subjective, de la détérioration de l'image extérieure de notre pays comme espace économique favorable à l'épanouissement des initiatives.

Sensible au sentiment de gâchis ressenti par un certain nombre de ses interlocuteurs, la mission a considéré que les atouts réels de notre pays pourraient être bien mieux exploités, pour autant que les gouvernements parviendraient à faire évoluer la mentalité de nos compatriotes et à maîtriser l'évolution des prélèvements fiscaux et sociaux.

A. LES ATOUTS FRANÇAIS : DES DONS DE LA NATURE, DES TALENTS MULTIPLES

L'attractivité économique d'un territoire est un phénomène complexe qui mêle avantages naturels et acquis, sans pouvoir se résumer à la politique fiscale ou au coût du travail.

Même si ces derniers points interviennent de manière décisive dans les décisions d'investissements des entreprises, d'autres facteurs comme la géographie, les revenus de la population ou encore les infrastructures constituent autant d'éléments qualitatifs qui peuvent faire la différence.

Lors de son audition par la mission, M. Michel Pébereau, président de BNP-Paribas, a déclaré que les atouts de la France sont de trois ordres : une attractivité naturelle du fait de son climat, de son charme et de sa qualité de vie, les compétences et la capacité de travail de sa main-d'oeuvre, sa capacité d'épargne, enfin, tant en ce qui concerne les particuliers que les entreprises.

La multiplicité des critères nécessite donc d'avoir une approche globale.

C'est pourquoi la compétitivité d'une économie comme sa propension à attirer ou conserver les talents doivent être appréciées à l'aune de sa capacité à proposer le meilleur rapport entre les coûts de production (salaires, prélèvements obligatoires, coût du capital...) et les services collectifs qu'elle est en mesure d'offrir, ce que les économistes appellent les « externalités positives » (infrastructures, compétences...).

Compte tenu de ces différents critères, il apparaît que la France dispose d'atouts non négligeables pour gagner la mondialisation.

1. Un potentiel important dû à la géographie, l'histoire, une tradition industrielle, un vaste marché, des infrastructures performantes et un haut niveau de formation

Le poids de la géographie a toujours été important dans les choix d'implantation des activités économiques, mais celle-ci ne suffit pas à assurer l'attractivité d'un territoire. D'autres facteurs plus immatériels comme la tradition industrielle et entrepreneuriale jouent également un rôle important.

une tradition industrielle et entrepreneuriale

A cet égard, M. Christian Pierret, secrétaire d'État à l'Industrie, a déclaré lors de son audition que l'« économie française bénéficiait de nombreux atouts, parmi lesquels il convenait de citer une tradition industrielle ancienne, qui se traduisait par un esprit d'entreprise et des savoir-faire indéniables ».

On ne peut que souscrire aux propos du ministre concernant la tradition ancienne en France de développement industriel sans pour autant négliger les facteurs plus immédiats dont tiennent compte les investisseurs.

Une position centrale en Europe

La France, par sa position centrale en Europe, bénéficie d'un avantage particulier, comme l'a montré encore ces dernières années l'installation d'unités de production de la « Smart » en Lorraine ou celle de Toyota dans le Valenciennois.

On peut rappeler que le territoire national est traversé par la « banane bleue », qui constitue une zone de forte activité économique s'étendent du Sud-est de l'Angleterre à la Lombardie.

Un maillage serré d'infrastructures de communication

Ce territoire est desservi par un maillage serré de voies de communication qui associe l'ensemble des modes de transports, dont un réseau autoroutier, ainsi qu'un réseau de transport ferré à grande vitesse qui continue à s'étendre comme en témoigne l'inauguration, au mois de juin 2001, du TGV Méditerranée.

La France se rétrécit à grande vitesse : l'exemple du TGV Méditerranée

Source : SNCF

La taille du marché

L'enquête réalisée par le cabinet d'audit Ernst & Young 24 ( * ) sur « l'attractivité du site France » - et que son responsable, M. Jack Anderson, a présenté à la mission - souligne que l'importance du marché constitue à côté des critères géographiques et de qualité des infrastructures télécoms et des infrastructures de transports, le critère le plus important pour les investisseurs internationaux.

Enquête Ernst and Young

Selon vous, quels sont les atouts de la France
pour attirer les investissements des entreprises étrangères ?

Source : Ernst & Young, mai 2001.

La France, avec ses 60 millions d'habitants et son haut niveau de revenu moyen par habitant, constitue en effet un marché stratégique.

L'importance du critère géographique doit néanmoins être nuancée selon la nature des activités de l'entreprise. Si par la taille de son marché, la France constitue une étape obligée pour la diffusion des produits d'une grande entreprise internationale et donc pour l'implantation de la logistique nécessaire, cela ne signifie pas pour autant que le territoire national, constitue le lieu de production de ces produits.

Nombre de ces produits peuvent en effet être fabriqués ailleurs, puis importés. La décision de produire dans un pays tiendra compte de facteurs plus qualitatifs comme la qualification de la main-d'oeuvre et le coût du travail.

La Chambre de commerce américaine en France (« AmCham ») confirme peu ou prou les conclusions de l'enquête Ernst & Young.

Dans sa dernière enquête 25 ( * ) , elle a pu établir qu'aux yeux de la centaine de dirigeants d'entreprises américaines en France, quatre facteurs apparaissaient comme déterminants au regard d'une décision d'implantation ou d'investissement.

Baromètre « AmCham »

Comment situez-vous la France par rapport aux autres pays européens
sur les critères ci-dessus ?

LA FRANCE EST PARTICULIÈREMENT APPRÉCIÉE POUR SA SITUATION GÉOGRAPHIQUE, LA QUALIFICATION DE LA MAIN-D'oeUVRE, LA QUALITÉ DES INFRASTRUCTURES
ET LE CONTEXTE ÉCONOMIQUE

* 23 Théodore Zeldin : le pari de l'intelligence dans « Le Figaro » mars 2001

* 24 Enquête réalisée entre le 18 septembre et le 20 octobre 2000 auprès de 350 dirigeants de filiales françaises de groupes internationaux et actualisée en date du 16 mai 2001.

* 25 Baromètre AmCham 2000 : Le moral des investisseurs américains en France (novembre 2000).

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