2. Des moyens matériels trop « justes »

Les juridictions commerciales ne disposent pas non plus de moyens matériels suffisants. Au motif que les juges consulaires ne sont pas des magistrats professionnels, le ministère de la justice se désintéresse des conditions dans lesquelles ils exercent leurs activités.

A Colmar, les bureaux pour accueillir les juges consulaires et une secrétaire sont fournis par la chambre de commerce et d'industrie. Le TGI se contente de payer l'eau et l'électricité ainsi que les cotisations chômage de ladite secrétaire.

A Mulhouse, le TGI met à la disposition des juges un seul bureau. L'association des juges consulaires a donc passé une convention avec la chambre de commerce et d'industrie de Mulhouse afin que cette dernière leur fournisse non seulement deux bureaux, mais aussi un fax et un téléphone ! Cette situation pose un problème déontologique.

Il y a quelques années, la cour des comptes avait consacré une partie de son rapport annuel aux crédits du ministère de la justice et avait dénoncé les participations financières des chambres de commerce et d'industrie dans le fonctionnement de la justice commerciale. Votre rapporteur regrette que la Chancellerie n'ait pas tenu compte de ces remarques et ne prenne pas en charge des frais qui lui reviennent incontestablement.

Deux autres exemples confirment le manque de considération de la Chancellerie à l'égard des juridictions commerciales.

D'abord, aucun effort n'est fait pour faciliter la tâche des juges consulaires. Ainsi, aussi bien à Mulhouse qu'à Colmar, les registres du commerce, du nantissement et de l'inscription des privilèges sont situés au tribunal d'instance. De même, alors que les juges sont amenés à effectuer de nombreuses recherches administratives, notamment pour disposer d'informations sur les sociétés sur lesquelles portent les litiges, ils ne disposent pas d'accès à « infogreffe », une base de données essentielle qui fournit ce type de renseignements. Ils sont donc obligés de se déplacer, ce qui retarde les procédures et n'est pas sans poser des problèmes de sécurité (perte de dossiers par exemple).

Votre rapporteur a pu constater que les seuls documents pris en charge par la Chancellerie étaient les codes, et pas toujours en quantité suffisante au regard du nombre des juges. Les autres publications (brochures, revues spécialisées, articles de doctrine) sont soit achetées par les juges sur leurs propres deniers, soit par les chambres de commerce et d'industrie qui les mettent à leur disposition.

Ensuite, les juges consulaires font l'objet d'une absence de reconnaissance financière de la part de la Chancellerie qui ne peut que décourager les vocations à devenir juge consulaire. Certes, ces derniers sont bénévoles, ils n'ont donc pas à tirer un profit financier de leurs activités. Toutefois, il est inadmissible que leurs fonctions aient pour eux un coût financier. Or, c'est bien la triste réalité. Contrairement aux juges des conseils de prud'hommes ou même aux juges consulaires de « vieille France » qui, eux, sont indemnisés de leurs frais réels, les juges consulaires ne sont pas défrayés de leurs frais professionnels. Ils bénéficient seulement d'une déduction fiscale limitée à 3.000 francs par an. Ainsi, ils doivent financer leur toge de juge ou encore les primes d'assurance qui couvrent les risques liés à leur activité, voire le parking à chaque fois qu'ils se rendent au tribunal.

Votre rapporteur spécial plaide donc pour la création d'une indemnité forfaitaire représentative de leurs frais annuels.

Les difficultés de fonctionnement de la chambre commerciale du TGI de Mulhouse

La situation de ce greffe se dégrade de manière régulière et inquiétante depuis plusieurs années sans que la diminution du nombre des affaires, qui est réelle depuis trois ans, permette de compenser de manière significative la charge de travail du personnel dont le rendement est naturellement « troublé » par sa nécessaire disponibilité aux exigences des 24 magistrats de la chambre.

La dégradation déplorée résulte directement de la diminution des effectifs, mais aussi de la multiplication des emplois à temps partiel et de l'usage de solutions provisoires telles que vacataires et greffiers placés. Il en découle en effet des périodes où le service fonctionne avec un personnel réduit au minimum (le mercredi notamment) ce qui induit une surcharge ponctuelle et une pression inutile pour les fonctionnaires présents, un investissement en heures de formation des personnels temporaires sans aucun retour et une lassitude accompagnée d'une démotivation, voire d'un découragement du personnel d'encadrement.

Trois aspects particuliers méritent d'être encore signalés :

- Les juges consulaires ont à leur disposition un bureau dans les locaux de la chambre de commerce et de l'industrie avec une secrétaire à mi-temps. Ce dispositif extérieur est indépendant du tribunal et a été mis en place par une convention conclue entre la compagnie des juges consulaires et la chambre de commerce et d'industrie.

Ce système, qui permet de soulager le greffe de certaines tâches (convocation des chefs d'entreprise dans le cadre de la prévention des difficultés des entreprises, frappe des rapports des juges commissaires) est un palliatif non négligeable à la défaillance du service public de la justice mais paraît contraire, en dehors d'un encadrement légal, aux critères d'une gestion orthodoxe du service public.

- Les juges consulaires, participent bénévolement à l'exécution du service public sans indemnités : il est remarquable de relever qu'ils doivent supporter les frais de stationnement de leur véhicule lorsqu'ils participent à des audiences de 4 ou 5 heures !

- La recherche d'une « justice commerciale » de qualité qui est poursuivie au tribunal de Mulhouse nécessite l'implication totale des juges consulaires ; l'extension des attributions de ces magistrats nécessite des moyens matériels et humains appropriés pour les exécuter mais aussi pour attirer et retenir des candidats sérieux et motivés.

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