14. Audition de M. Thierry Franck, sous-directeur des assurances à la direction du Trésor au ministère des Finances (7 juin 2001)

M. Marcel Deneux, Président - Nous recevons M. Thierry Franck, sous-directeur des assurances.

Le Président rappelle le protocole de publicité des travaux de la commission d'enquête et fait prêter serment à M. Thierry Franck .

Vous êtes venu vous exprimer sur un problème qui intéresse notre commission : les inondations de la Somme. Je pense que la manière la plus simple de procéder consiste à vous laisser la parole dans un premier temps. Nous allons vous écouter puis nous vous poserons des questions ensuite. Vous avez la parole.

M. Thierry Franck - Merci, Monsieur le Président. Vous m'aviez envoyé quelques questions en préparation de notre discussion. Je vais rapidement y répondre.

Le premier point de mon exposé concernera l'évaluation des dégâts provoqués par les inondations de la Somme. Il s'agit de resituer cet événement par rapport aux catastrophes passées que nous avons déjà connues en France. Aujourd'hui il est encore très difficile d'estimer les dégâts en raison de la spécificité de cette inondation : sa longueur. L'évaluation n'est pas possible tant que l'eau ne se sera pas complètement retirée. Même lorsque cela sera le cas, l'estimation restera assez délicate pour certaines habitations en raison de la durée inhabituelle de l'inondation. A ce jour, nous disposons d'une fourchette d'estimation assez large pour les risques assurés, comprise entre 600 millions et un milliard de francs. Je parle uniquement de risques assurés car je ne possède pas d'estimation sur les sinistres non assurés.

Par rapport aux autres catastrophes de la catégorie inondation, celle de la Somme est significative mais reste inférieure à la moyenne. Je vais vous citer quelques exemples récents que nous avons encore en mémoire. L'inondation de Nîmes, en 1988, avait causé 1,9 milliards de francs de dégâts assurés. Vaison-la-Romaine, en 1992, avait coûté 1,6 milliards de francs. En novembre 1999, l'inondation dans l'Aude, l'Hérault, les Pyrénées-Orientales et le Tarn avait représenté 2 milliards de francs de dégâts assurés. Ceci peut vous donner un ordre de grandeur. Pourquoi cette inondation spectaculaire de la Somme est-elle a priori d'un coût moins élevé ? Cela s'explique notamment par le fait que le nombre de communes concernées est comparativement moins important. Par exemple, en Bretagne, au cours de l'hiver 2000-2001, 326 communes ont été affectées par un tel sinistre. Ce nombre est moins important dans la Somme avec 107 communes concernées. Par ailleurs, les inondations de plaine occasionnent en règle générale beaucoup moins de dégâts que les pluies torrentielles de montagne. Ceci étant, il est probable que le coût par sinistré de l'inondation de la Somme sera plus élevé que la moyenne, la longue durée d'une crue provoquant des dommages plus importants. Même si cela reste encore incertain, on peut penser que le coût sera d'environ 150.000 francs par sinistré alors que sur les douze dernières années, le coût moyen d'un sinistre se situait à 33.000 francs par personne. J'ai également oublié de citer le coût de la l'inondation la plus récente avant la Somme, celle de Bretagne. Elle a, pour sa part, représenté 450 millions de francs de sinistres assurés.

L'inondation de la Somme se trouve donc en deçà du coût moyen des inondations, qui se situe à 1,5 milliards de francs. Cependant, les inondations ne constituent pas le principal poste de dépense du régime des catastrophes naturelles. Le poste le plus important est lié à la sécheresse et plus spécifiquement au risque de subsidence. Ce phénomène concerne les habitations en sols argileux. Pour vous donner un ordre de grandeur, entre 1989 et 2000, son coût s'est élevé à 22 milliards de francs alors que les inondations n'ont coûté que 12,7 milliards de francs pendant la même période.

Le second point de mon exposé portera sur le bilan financier global du régime des catastrophes naturelles et, plus généralement, son fonctionnement. Ce dispositif repose avant tout sur les mécanismes de marché : l'assurance est réalisée par les sociétés d'assurance. L'assurance sur les catastrophes naturelles est obligatoirement accessoire à celle portant sur les habitations. Les sociétés sont libres de se réassurer ou de ne pas le faire. Elles sont également libres de se réassurer auprès de la Caisse Centrale de Réassurance ou auprès d'un autre établissement. Quelques-unes, principalement d'origine étrangère, le font ailleurs. Mais pour l'essentiel, les sociétés d'assurance se réassurent auprès de la Caisse Centrale de Réassurance. Cette dernière joue le rôle normal et traditionnel de réassureur. Néanmoins, le dispositif est encadré par les pouvoirs publics, qui apportent la garantie de l'Etat à cette caisse. Ils décident également du taux de prime qui doit lui être payé. Le deuxième rôle des pouvoirs publics réside dans la déclaration de catastrophe naturelle. Les maires préparent des dossiers qui passent par la préfecture puis sont transférés au ministère de l'Intérieur. Une commission interministérielle statue, d'un point de vue technique, afin de déterminer s'il y a état de catastrophe naturelle. Enfin, un arrêté est publié spécifiant toutes les communes concernées. Pour des catastrophes d'une certaine ampleur, telle que l'inondation de la Somme, qui ont un impact particulier sur les personnes, la pratique est maintenant assez bien établie. Les assureurs, lorsqu'il n'existe pas de doute sur le caractère de catastrophe naturelle, proposent en règle générale des avances, sans attendre l'expertise finale.

En termes financiers je vais vous citer quelques ordres de grandeur pour les compagnies d'assurance. En 1999, l'ensemble des primes qu'elles ont encaissé au titre des catastrophes naturelles s'élevait à environ 780 millions d'euros. Sur cette somme, les sociétés ont cédé 364 millions d'euros de prime aux réassureurs, c'est-à-dire, pour l'essentiel, à la Caisse Centrale de Réassurance. Pour les sinistres de l'année 1999, exceptionnelle par le nombre de catastrophes naturelles de grande importance qui s'y sont produites, les assureurs ont directement payé ou mis en provision avant le paiement un montant de 1.045 millions d'euros. Au total, pour l'ensemble des sociétés d'assurance françaises, on aboutit à un résultat technique, qui correspond au résultat d'exploitation des entreprises traditionnelles, de 21 millions d'euros. Par exemple, l'année précédente, il s'élevait à moins 23 millions d'euros. A la fin des années 1990, on peut donc constater que globalement, le régime des compagnies d'assurance est tout juste équilibré en terme d'exploitation. Evidemment, la Caisse Centrale de Réassurance, notamment au cours de l'année 1999 a comblé la différence existant entre les charges conséquentes et les primes reçues. Sa situation s'est donc sensiblement détériorée au cours de l'année 2000 et la garantie de l'Etat a dû être mise en oeuvre.

M. le Président - Pour quel montant ?

M. Thierry Franck -La somme finale est encore difficile à préciser au million d'euros près car les sinistres ne sont pas encore tous décomptés. Normalement, le coût pour l'Etat devrait avoisiner les 400 millions d'euros. C'est la première fois que cette clause a joué depuis l'instauration du régime sur les catastrophes naturelles.

Le Gouvernement a pris des mesures pour pallier à des dérives au sein de ce régime. Des mesures techniques ont été adoptées afin d'améliorer la mesure de l'intensité de l'anormalité du phénomène de sécheresse préalablement à l'éventuelle déclaration de catastrophe naturelle. A l'avenir, le régime sera probablement un peu moins généreux pour le risque de subsidence car nous avons amélioré l'évaluation du caractère exceptionnel de l'événement. Au-delà de cette mesure, nous sommes évidemment attentifs à l'évolution des sinistres et des catastrophes naturelles. Il est aujourd'hui difficile d'affirmer que leur fréquence et leur intensité augmentent. Pour l'instant, nous ne pouvons pas prétendre détenir une preuve scientifique de l'accroissement de ces risques. Je crois également savoir que si les météorologues ont quelques présomptions concernant une future modification du climat qui viendrait accroître les évènements d'intensité extrême, rien n'est encore démontré. Mais nous restons attentifs à ce point.

En tout état de cause, le régime a été malmené en raison de la sécheresse et de l'année exceptionnelle qu'a constitué 1999. D'autres mesures ont donc été prises. La première est uniquement d'ordre financier. Elle a consisté à relever le taux de prime « catastrophes naturelles » d'un tiers, passant de 9 à 12 %. Nous avons également supprimé la participation du régime aux dépenses d'administration des sociétés d'assurance, ce qui représente une économie de 53 millions d'euros par an. Mais la mesure financière la plus importante reste l'augmentation du taux de prime.

Par ailleurs, le deuxième volet de la réforme correspond à l'introduction d'incitations à la prévention avec la modulation des franchises depuis le 1 er janvier 2001 -réévaluation de son montant en fonction du nombre de sinistres et de l'existence ou non d'un PPR. Je viens donc de vous citer l'essentiel des dispositions prises. Aujourd'hui, il est encore un peu tôt pour juger si cet ajustement est suffisant. On peut néanmoins noter que la situation de la Caisse Centrale de Réassurance devrait s'améliorer significativement cette année. Il semble que l'on retrouve une situation satisfaisante. Concernant la prévention des risques, nous constatons depuis le début de l'année une multiplication considérable des plans de prévention des risques. Les crédits pour les PPR ont quadruplé entre 1997 et 2000. Cette année, ils s'élèvent à 100 millions de francs. Les assureurs financent les plans de prévention par l'intermédiaire du fonds de prévention des risques majeurs. Dans la Somme, les règles de modulation des franchises ont manifestement stimulé la prescription de plans de prévention dans le département. Ce mouvement est loin d'être achevé. Aujourd'hui, un tiers des communes particulièrement sujettes à des risques naturels bénéficient d'un plan de prévention des risques. Il reste donc encore du chemin à parcourir. A ce stade, nous restons attentifs à l'évolution du régime. Il n'est pas envisagé de réforme supplémentaire à court terme.

Dans vos questions préparatoires, vous mentionnez le rapport de la Cour des Comptes. Une partie de ses recommandations a déjà été mise en oeuvre. Cependant, une proposition n'a pas été retenue par le gouvernement. Il s'agit de la modulation des primes en fonction du risque. Cette décision s'explique par deux raisons : une raison de principe et une raison pratique. La première tient au fait que ce régime d'assurances catastrophes naturelles repose sur un mécanisme de solidarité nationale. Il est vrai qu'un ménage parisien habitant au troisième étage d'un immeuble est très peu susceptible de subir une catastrophe naturelle. Ce ménage est donc a priori moins sujet que des personnes en milieu rural, qui habitent à proximité d'une rivière. Mais le législateur a choisi en 1982 d'introduire dans le dispositif une certaine solidarité entre les personnes plus ou moins sujettes au risque de catastrophe naturelle. Il existe également une raison d'ordre pratique : pour être véritablement efficace, la modulation doit être extrêmement précise. En d'autres termes, un système de bonus-malus ne fonctionnerait pas car il n'y a pas suffisamment de sinistres pour que le système renseigne correctement les risques. Il faudrait que ces derniers soient analysés habitation par habitation, ce qui occasionnerait des dépenses extrêmement élevées.

Cette notion constitue d'ailleurs un des éléments clefs du rapport de la Cour des Comptes. Les mesures sur la prévention et les franchises vont évidemment dans ce sens. Cependant ce type de risque possède une caractéristique : la prévention relève pour un part importante des pouvoirs publics et non pas des assurés eux-mêmes. De ce point de vue, d'autres mécanismes jouent. Sur le marché de l'assurance qui n'est pas encadré réglementairement et où, notamment, il n'y a pas pour les sociétés d'assurance d'obligation d'assurer, les personnes qui s'offrent au risque sans prendre de mesures ne trouveront pas d'assureur tant qu'elles n'auront pas donné satisfaction en matière de prévention. Mais en matière de catastrophes naturelles, il y a obligation d'assurer à titre accessoire un bien lui-même assuré. Je connais l'exemple d'un assuré particulièrement exposé. Il s'agit d'un supermarché installé trop près d'une rivière. En 1999, il avait obtenu 100 millions de francs de primes de la part d'un assureur, qui ne voulait plus l'assurer. En toute logique, le supermarché aurait dû déménager mais il s'y refusait. Comme il ne trouvait plus d'assureur, le mécanisme du bureau central de tarification s'est enclenché. Si le bureau peut exiger qu'une société d'assurance accepte de couvrir le supermarché il est également habilité à prendre des mesures tarifaires compte tenu de la particularité du dossier. Il a renforcé les franchises, ce qui va rendre les conditions d'assurance économiquement non viables pour le supermarché et le poussera sans doute à déménager.

Par ailleurs, les assureurs eux-mêmes sont plus sensibles qu'auparavant au régime des catastrophes naturelles et ils commencent petit à petit à jouer un rôle plus actif. Ils réalisent une approche dossier par dossier, notamment par rapport aux entreprises. Ils ont donc une démarche plus active vis-à-vis des assurés. En conclusion, ce régime ne déresponsabilise pas financièrement les compagnies d'assurance.

Je crois que vous souhaitiez également avoir un aperçu des mécanismes existant dans d'autres pays. Le régime français des catastrophes naturelles constitue une sorte d'exception dans le monde actuel mais ne le sera sans doute plus dans le futur. Aujourd'hui, à ma connaissance, il existe des dispositifs du même type dans certains états des Etats-Unis particulièrement exposés à des risques naturels, notamment les ouragans. Mais ils sont un peu moins ambitieux que dans notre pays, puisqu'ils ne concernent qu'une seule catégorie de sinistres. Ce sont des programmes publics, qui se traduisent souvent par des subventions aux primes d'assurance. Mais en contrepartie, la couverture du risque est plafonné et ne porte pas sur les pertes d'exploitation. Ce mécanisme est donc limité.

Il est intéressant de noter que dans un pays comme l'Allemagne, les gens ont jusqu'à présent été peu assurés contre les risques de catastrophes naturelles. Mais le pays réfléchit actuellement à la mise en place d'un dispositif qui pourrait s'apparenter au nôtre. La Belgique va également bientôt annoncer son projet qui devrait être très proche du régime français. Il existe aussi des réflexions dans ce sens en Italie. Au Royaume-Uni, à ma connaissance, il n'existe pas de mécanisme public à ce jour, ce qui n'étonnera personne.

Je clos cet exposé pour vous laisser à présent poser des questions.

M. le Président - Je vous remercie monsieur le directeur. Je voudrais vous poser une question qui nous préoccupe. Qui prend la décision de ne plus assurer un bien qui a été inondé ? Comment est-elle signifiée à l'assuré ?

M. Thierry Franck - Le dispositif repose sur un mécanisme de marché. En d'autres termes, les assureurs sont individuellement libres d'accepter ou de refuser d'assurer une personne. Cependant, collectivement, il existe une obligation d'assurer, ce qui renvoie au système du bureau central de tarification, qui désigne un assureur et fixe un prix en tenant compte du risque.

Soit les pouvoirs publics compétents décident qu'une maison n'est plus habitable et dès lors la question ne se pose plus, soit les services de l'Etat la déclare habitable et l'habitant pourra automatiquement se faire assurer.

M. le Président - C'est une décision redoutable. La mise à l'index par rapport aux sociétés d'assurance peut éventuellement condamner l'existence d'un immeuble. Dans le cas d'inondation, est-il courant que des logements soient déclarés non habitables ?

M. Thierry Franck - J'ai cité l'exemple du supermarché...

M. le Président - C'est un exemple d'entreprise, mais qu'en est-il pour les habitations ?

M. Thierry Franck - Le mécanisme pour les habitations est le même que celui en vigueur pour le supermarché précédemment cité. Si, après plusieurs tentatives, une personne ne trouve aucun assureur, cela semble démontrer que son habitation présente un problème sérieux. En effet, les assureurs restent des commerçants et ils cherchent à réaliser des bénéfices. Si plusieurs assureurs refusent un client, nous pouvons présumer que l'habitation en question se trouve beaucoup trop exposée au risque. Cependant, l'assuré trouvera finalement un assureur puisque le bureau central de tarification y veille. Mais si les risques s'avèrent effectivement très élevés, il en subira le coût en terme de tarif et de franchise. Ce mécanisme à double détente permet de faire pression en faveur de la prévention mais il comporte, en dernier recours, un filet de sécurité. Logiquement, il devrait inciter les personnes à faire un choix : payer des tarifs d'assurance très élevés ou quitter leur logement.

M. Pierre Martin, Rapporteur - Vous venez de nous décrire le système existant pour le citoyen mais je souhaiterais savoir comment il fonctionne pour les communes. Le problème peut également se poser pour elles. Pourquoi, en effet, ne pas assurer certains biens communaux ? Cette question a-t-elle déjà été soulevée ? Comment les communes sont-elles assurées ? Peuvent-elles être assurées contre les catastrophes naturelles ?

M. le Président - Elles peuvent évidemment être assurées contre les catastrophes naturelles.

M. le Rapporteur - J'aimerais avoir des précisions car il semblerait que dans la circonstance on ne soit pas très sûr de ce point.

M. Thierry Franck - Il existe une subtilité : l'assurance catastrophe naturelle est un accessoire obligatoire de l'assurance dommage aux biens. Cependant, cette dernière n'est elle-même pas obligatoire. Dans les faits, pour les particuliers, la plupart d'entre eux la possèdent et sont donc automatiquement assurés contre les catastrophes naturelles. C'est en revanche moins courant pour les entreprises et les communes. Il semblerait que les communes n'ont pas toutes le réflexe d'assurer leurs biens. Nombre d'entre elles ne s'assurent pas et ne sont pas couvertes contre les catastrophes naturelles. Elles subissent donc de plein fouet les sinistres. A mes yeux, la plupart des collectivités locales devraient raisonner de la même manière que les particuliers. Mais ce n'est pas le cas. Je crois qu'effectivement certaines communes de la Somme ne sont pas assurées.

M. le Président - Qu'en est-il des biens non assurables ?

M. Thierry Franck - Effectivement, il existe quelques types de biens des collectivités locales qui ne sont pas assurables. Il s'agit principalement de la voirie. En effet, pour assurer un bien, il faut que l'assureur puisse valider son état. Or, il n'est pas imaginable de compter tous les nids de poule d'une voirie afin d'estimer son état de dégradation. Il en va de même pour les ouvrages d'art, les stations d'épuration, les jardins publics et les aires de jeu. Pour des raisons techniques, il n'est pas possible d'évaluer donc d'assurer ce type de biens. Mais l'essentiel des biens immobiliers des collectivités sont assurables.

M. Michel Souplet - Vous avez déjà partiellement répondu à la première question que je souhaitais poser. Nous allons nous trouver dans le cas de figure suivant dans le département de la Somme : des personnes vont retourner dans leurs maisons, or nous savons qu'elles devraient être démolies. Mais comme les gens souhaiteront à nouveau vivre chez eux, il va être excessivement difficile de leur expliquer qu'ils ne peuvent y rester. L'indemnité qui va leur être accordée va donc constituer une indemnité de reconstruction. Elle sera donc lourde. Sera-t-elle obligatoirement liée à la démolition ou permettra-t-on à ces personnes de reconstruire ailleurs sans contrepartie ?

Deuxième question, j'aimerais savoir si l'on connaît, au niveau national, la capitalisation totale des sociétés d'assurance. Combien représente-t-elle ?

M. Hilaire Flandre - Ma première question porte sur l'évolution de la prime catastrophe naturelle depuis la création du régime. Vous nous avez dit que le taux était passé de 9 à 12 %. A l'origine, il me semble qu'il était de 6 %. Cela semble démontrer que la montée en puissance du régime engendre un certain laxisme dans la déclaration de catastrophe naturelle. Qu'en pensez-vous ?

Deuxième question, pensez-vous que la création d'un système d'assurance récolte dans le régime agricole peut soulager le régime catastrophe naturelle ?

M. Thierry Franck - Pour répondre à la première question de Monsieur Souplet, il faut distinguer deux cas. Dans le premier cas, si on constate un danger pour la vie humaine, les habitants sont expropriés par l'Etat et indemnisés par l'Etat au titre de l'expropriation. Le régime des catastrophes naturelles n'est alors plus concerné. Mais dans l'autre cas, les contrats d'assurance, en règle générale, remboursent le montant correspondant à la réparation des dommages, dans la limite de la valeur du bien réparé.

M. le Rapporteur - Mais qu'en est-il du terrain ?

M. Michel Souplet - Le prix du terrain dans ces zones est en train de s'effondrer : il a brusquement été divisé par trois.

M. Thierry Franck - Effectivement, si mes propos s'appliquent au bâti, on peut penser que pour le terrain il reste globalement un coût subsistant pour l'assuré. Nous ne pouvons nier qu'il existe des coûts de friction qui ne sont pas négligeables.

Je ne comprends pas ce que vous entendez par le terme « capitalisation » dans votre deuxième question.

M. Michel Souplet - Vous avez dit par exemple que le résultat financier de l'ensemble des produits financiers s'élevait à 100 millions d'euros, par rapport à 780 millions d'euros d'encaissements. A quel volume de capitalisation correspondent ces 100 millions d'euros ?

M. Thierry Franck - Je n'ai pas le chiffre précis que vous demandez, à savoir l'ensemble, en régime de croisière, des provisions sur les sinistres. Mon ordre de grandeur est très approximatif. Comme ce sont des risques à développement court, les assureurs doivent avoir en provision environ un an de sinistres. En outre, le chiffre peut varier considérablement d'une année sur l'autre et aller du simple au double. Je ne connais pas la réponse exacte mais je pourrais vous la communiquer ultérieurement.

M. Hilaire Flandre - Il s'agit simplement de faire la balance entre les entrées et les sorties.

M. Thierry Franck - Concernant la question de monsieur Flandre, le premier taux, à la mise en place du régime, s'élevait à 6 %. Les personnes ayant réalisé les estimations de l'époque se sont rendu compte assez rapidement qu'elles avaient pêché par optimisme. Il y a notamment eu des inondations conséquentes dès 1982 et 1983, ce qui a immédiatement déséquilibré le système. Nous sommes donc très vite passés à 9 %, dès 1983.

M. Hilaire Flandre - N'avez-vous pas le sentiment que l'on déclare maintenant plus facilement des évènements comme catastrophes naturelles par rapport au début des années 80 ?

M. Thierry Franck - Cela correspond sans doute à deux phénomènes. Initialement, certaines communes ne constituaient sans doute pas de dossiers alors qu'elles auraient pu le faire. Un tel dispositif nécessitait une information des élus et une mise en place progressive avant d'atteindre son régime de croisière. Mais il me semble qu'il est à présent suffisamment connu depuis plusieurs années.

Par ailleurs, nous avons effectivement constaté une dérive du risque de subsidence. Nous ne l'avions pas anticipée. Nous avons clairement le sentiment que des exagérations ont eu lieu petit à petit car nous ne disposions pas d'une technique suffisamment fine pour déterminer l'intensité exceptionnelle de l'événement. Aujourd'hui, nous possédons une telle méthode et elle est assez efficace. Des départements et des communes avaient, semble-t-il, pris l'habitude d'un certain laxisme en raison de ce problème technique.

M. le Président - Merci monsieur le directeur pour ces précisions.

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