B. FACILITER L'ACCÈS AU DROIT

1. accompagner les familles.

La proposition de loi relative à l'autorité parentale, en cherchant à maintenir la coparentalité après le divorce, part du constat de la fragilité des liens des enfants avec leur père. Les statistiques (un quart des enfants sont concernés quelques années après le divorce) recouvrent en pratique une inégalité considérable devant le divorce selon le niveau socioculturel des familles. C'est ainsi que les pensions alimentaires les plus faibles ne sont souvent pas payées.

Outre que le divorce représente une véritable catastrophe économique pour un ménage, le rapport de l'Assemblée nationale sur la réforme du divorce a mis en évidence une forte corrélation entre l'aide juridictionnelle et la caractère conflictuel de la séparation. La culture de la médiation reste à acquérir dans un contexte où domine le combat judiciaire.

L'accompagnement des familles les plus fragiles ainsi que l'a souligné Mme Royal ne relève pas directement de ce texte mais plutôt de l'action sociale et de la protection de l'enfance. Votre rapporteur tient à souligner que des aménagements dans ce domaine lui paraissent indispensables pour l'effectivité de la réforme soumise aujourd'hui à l'examen du Sénat. En effet, les familles les plus aisées ont souvent su inventer des solutions sans attendre ce texte.

Votre rapporteur se félicite des mesures concrètes d'accompagnement rappelées par Mme Ségolène Royal lors de son audition :

- sur le logement ; le calcul de l'APL et les conditions d'accès au logement social, dans le calcul du plafond de ressources, prendront en considération les situations de résidence alternée ;

- sur la couverture sociale ; un enfant de parents séparés pourra être ayant droit de ses deux parents lorsqu'ils travaillent tous les deux ; en cas de séparation, les dispositions de la couverture maladie universelle sont étendues à toute personne ex-conjoint ou concubin d'un ayant droit ;

- sur l'action sociale, les caisses d'allocations familiales prendront en compte les situations des familles séparées ;

- sur le transport, les cartes de réduction de la SNCF prendront en compte les familles recomposées ;

- sur la vie scolaire, les deux parents seront pleinement associés à la vie scolaire de leur enfant (notamment avec de doubles envois des bulletins scolaires).

2. Mieux informer les couples et les familles.

L'accent doit être mis sur l'information des couples qui se préparent à être parents : une insertion dans le carnet de maternité remis à chaque femme enceinte sur les droits et devoirs que comporte l'autorité parentale ainsi que ses modalités d'exercice, une information par l'officier d'état civil au moment de la reconnaissance permettraient à ces couples de mieux prendre en compte l'intérêt de l'enfant.

Le rôle des caisses d'allocations familiales dans le renforcement de la médiation devrait être réaffirmé dans la mesure où ces lieux permettent de toucher et d'informer les familles.

CONCLUSION

Déplorées par les uns, saluées par les autres, les mutations que connaît actuellement la famille ne sont pas réversibles. Il appartient au législateur d'inventer des solutions pour les couples qui ont choisi de se situer hors de la sphère de protection définie par le droit sous la forme du mariage, et de les faire bénéficier d'un droit nouveau, à la fois protecteur et respectueux de la liberté et des choix individuels.

Concevant leur relation comme un pacte privé, les couples actuels sont demandeurs de droit dans leur relation aux enfants, en particulier les pères qui font le dur constat de leur absence de droits dans de nombreux cas.

De prime abord, ce texte apparaît comme un rééquilibrage au profit des pères , notamment dans la dévolution de l'autorité parentale et la résidence alternée. De fait, les interrogations sur le rôle actuel de l'homme dans la famille sont multiples : le chef de famille n'existe plus, le pourvoyeur n'est plus en situation de monopole, le géniteur lui-même est fortement ébranlé. De la défense du droit des femmes, nous serions passés à un besoin de reconnaissance du droit des pères.

C'est oublier que notre Délégation a dans ses compétences « l'égalité des chances entre les hommes et les femmes », et nous pouvons ici plutôt parler d'équilibre.

A y regarder de plus près, c'est bien encore du droit des femmes dont il s'agit. Comme le souligne Irène Théry, les femmes ne tirent aucune victoire de la fragilité des liens entre les pères et leurs enfants (ce serait du reste souvent une victoire sans bataille) et se retrouvent fréquemment seules face à une responsabilité écrasante qui est celle de faire d'un enfant un adulte épanoui et un citoyen responsable.

La coparentalité après la séparation, c'est le prolongement évident du partage des tâches et de l'égalité des responsabilités.

Il n'est pas sûr que nous parvenions à retrouver l'idéal de la famille « close » et au vu de la diversité et de la complexité des situations, il est possible qu'en cherchant à inventer un nouveau droit commun de la famille, nous soyons en train d'inventer de nouveaux mythes familiaux, sous la forme du couple parental.

Il appartient en ce domaine au législateur d'accompagner les évolutions, parfois de les devancer et de faire en sorte qu'un exercice responsable et équilibré de la parentalité puisse être accessible au plus grand nombre.

RECOMMANDATIONS ADOPTÉES PAR LA DÉLÉGATION

Votre Délégation se félicite de la réforme de l'autorité parentale qui vise à resituer les responsabilités de chacun au sein du couple et de la famille.

Sur les principales dispositions de la proposition de loi, elle a adopté les recommandations suivantes :

1. Il est indispensable, compte tenu du caractère très libéral de la réforme envisagée, de promouvoir la reconnaissance conjointe anténatale

- par une meilleure information sur l'existence de cette démarche ;

- par une formalisation renforcée lors de son déroulement :

- par une formation adaptée des agents amenés à la recevoir ;

- en s'assurant qu'elle emporte bien des effets sur l'acte de naissance de l'enfant pour l'établissement de ses deux filiations;

- en permettant, sur ce fondement, l'établissement judiciaire d'une filiation paternelle dans les cas d'accouchement sous X .

2. Il est souhaitable de stabiliser la filiation des enfants nés hors mariage pour mettre en cohérence le nouveau droit de l'autorité parentale avec celui de la filiation

- en veillant à une application rigoureuse de l'article 57-1 du code civil qui prévoit l'information du parent ayant procédé le premier à la reconnaissance de l'enfant, sur la reconnaissance ultérieure de l'autre parent susceptible d'emporter l'exercice de l'autorité parentale ;

- en limitant les délais de contestation de paternité  et en harmonisant les délais avec ceux de la contestation paternelle dans le mariage pour l'auteur de la reconnaissance;

- en fermant aux tiers la contestation de paternité d'un enfant naturel jouissant d'une possession d'état conforme.

3. La culture de médiation doit être renforcée dans le traitement des questions familiales :

- en informant les familles sur l'existence de cette démarche et les possibilités qu'elle offre

- en favorisant le développement de la médiation extrajudiciaire, notamment en renforçant le rôle des caisses d'allocations familiales dans ce domaine

- en prévoyant un financement adapté au développement de ce mode de règlement des conflits

4. Votre Délégation insiste sur la nécessité de faire appliquer les décisions des juges, garants de l'intérêt de l'enfant :

- en intégrant dans les éléments pris en compte par le juge pour statuer sur les modalités de l'exercice de l'autorité parentale, le respect d'un éventuel premier jugement ;

- en refusant d' accepter des situations de fait préjudiciables à l'intérêt de l'enfant (notamment dans l'atteinte à l'autorité parentale que représente la non-présentation d'enfant) ;

- en favorisant l'accord des parents pour faciliter la révision d'une convention homologuée, sans exiger un motif grave.

5. Enfin l'effort doit être porté sur la traduction concrète de la coparentalité :

- par la mise en cohérence des situations des couples séparés avec le droit fiscal et social ;

- par un soutien au secteur associatif dans ses efforts en faveur des familles qui ont besoin d'être accompagnées dans l'éducation de leurs enfants .

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