C. UNE PLUS AMPLE GRADATION DES PROCÉDURES POUR UN TRAITEMENT DIFFÉRENCIÉ DES DIFFICULTÉS DES ENTREPRISES

Toujours avec le souci d'élargir les possibilités d'agir suffisamment tôt face aux difficultés qui surgissent et par ailleurs d'éviter les procédures longues et dispendieuses lorsque la situation est résolument désespérée et devenue impécunieuse, une plus ample gradation des procédures pourrait être envisagée. Il s'agirait d'une part de permettre à certaines conditions une ouverture anticipée de la phase judiciaire et, d'autre part, d'instaurer une procédure allégée et accélérée pour les cas d'impécuniosité avérée ou lorsque les actifs sont inférieurs à un montant très faible.

1. Une possibilité d'ouverture anticipée de la procédure pour renforcer les chances de succès d'un redressement

Alors qu'à présent l'ouverture de la phase judiciaire est subordonnée au constat de la cessation des paiements, il s'agirait de permettre au débiteur de réagir et de se placer sous la protection du juge pour tenter d'éviter d'en arriver à cette extrémité à un moment où les perspectives sont très sombres mais où la situation n'est pas désespérée. L'objectif est de faire en sorte qu'à défaut d'avoir pu recourir utilement aux procédures amiables la cessation des paiements ne débouche, comme cela est presque systématique aujourd'hui, sur une liquidation avec clôture pour insuffisance d'actif. Permettre une ouverture anticipée contribuerait à revivifier la procédure de redressement et, dans les hypothèses où l'issue de la liquidation ne pourrait être évitée, à assurer un meilleur dédommagement des créanciers .

L'instauration d'une telle possibilité nécessite la détermination d'un nouveau critère d'ouverture , distinct de celui de la cessation des paiements .

L'étude d'expertise propose un choix entre deux critères : le fait que « la continuité de l'exploitation est définitivement compromise » ou celui que « la situation de l'entreprise conduit inéluctablement à la cessation des paiements » 40 ( * ) . Ces deux notions constituent des notions intermédiaires entre celle de la cessation des paiements qui déclenche l'ouverture de la phase judiciaire et celle relative aux « difficultés de nature à compromettre la continuité de l'exploitation » qui, aux termes de l'article 34 de la loi du 1 er mars 1984 devenu l'article L. 611-2 du code de commerce, ouvre au président du tribunal de commerce la faculté de convoquer le dirigeant pour envisager les mesures propres à redresser la situation, ou les notions visées à l'article 35 de cette même loi désormais codifié à l'article L. 611-3 du code de commerce commandant l'ouverture d'une procédure de règlement amiable, c'est-à-dire le fait d'éprouver « une difficulté juridique, économique ou financière ou des besoins ne pouvant être couverts par un financement adapté aux possibilités de l'entreprise ». Comme le souligne le rapport établi en février 1999 par la Chambre de commerce et d'industrie de Paris 41 ( * ) , « on se rapprocherait opportunément des solutions retenues par certains droits étrangers » telles que « la notion d' insolvabilité imminente ou menaçante dans le nouveau code allemand ou celle d'entreprise menacée par des difficultés pouvant conduire à plus ou moins bref délai à une cessation des paiements en droit belge ».

L'étude fait valoir qu' « à ce stade, les chances de succès d'un plan de redressement de l'entreprise sont, sans nul doute, bien supérieures » et que « la liquidation judiciaire, lorsqu'il faut la prononcer, doit permettre un meilleur désintéressement des créanciers dans la mesure où (...) la période précédant immédiatement la cessation des paiements est généralement marquée par un accroissement spectaculaire du passif ».

Cette faculté nouvelle offerte au débiteur, lui permettant de bénéficier des garanties résultant de la procédure collective et en particulier de la suspension des poursuites, constituerait sans doute une forte incitation pour le chef d'entreprise à tenir une comptabilité prévisionnelle , bien utile pour prouver la réalité des difficultés rencontrées mais surtout de nature à l'éclairer suffisamment en amont, pour une meilleure prévention.

Cette nouvelle procédure devrait cependant être rigoureusement encadrée pour éviter tout détournement tendant à en faire une technique de gestion et un instrument de chantage vis-à-vis des créanciers. Il serait en particulier imaginable que cette procédure ne puisse être utilisée qu'après l'échec d'une tentative de règlement amiable, qu'elle fasse l'objet d'une enquête préalable et qu'elle se déroule sous le contrôle du parquet .

S'il convient de réviser le cadre des procédures collectives pour créer les outils destinés à renforcer la prévention, à favoriser les chances de redressement de l'entreprise et, lorsqu'elle est en définitive vouée à disparaître, à permettre le dédommagement effectif des créanciers, il apparaît également nécessaire d'opérer quelques simplifications par souci d'économie et pour un traitement plus rationnel et mieux adapté des difficultés des entreprises en état de cessation des paiements.

* 40 Rapport d'expertise, annexe 2, page 77.

* 41 Op. cit., page 31.

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