II. DES PROCÉDURES JUDICIAIRES ESSENTIELLEMENT LIQUIDATIVES QUI CONDUISENT À S'INTERROGER SUR LA PERTINENCE DU CRITÈRE D'OUVERTURE ET À ENVISAGER QUELQUES ASSOUPLISSEMENTS

Lorsque l'action préventive ou le règlement amiable n'ont pu être mis en oeuvre en temps utile ou que ces tentatives ont échoué pour aboutir à la cessation des paiements, la phase judiciaire prend le relais.

La matérialisation de la cessation des paiements, c'est-à-dire aux termes de l'article 3 de la loi du 25 janvier 1985 devenu l'article L. 621-1 du code de commerce « l'impossibilité de faire face au passif exigible avec l'actif disponible », en constitue le facteur déclencheur ; sa déclaration au tribunal est obligatoire et incombe au débiteur dans un délai de quinze jours, le défaut de déclaration ou la déclaration tardive étant une cause de faillite personnelle en vertu de l'article 189-5° de la même loi (article L. 625-5 du code de commerce 36 ( * ) ).

La constatation de la cessation des paiements entraîne l'ouverture de la procédure de redressement ou de liquidation. Le tribunal recherche si l'entreprise considérée relève du régime général ou du régime simplifié 37 ( * ) . En général, n'étant pas en mesure d'évaluer les chances de redressement de l'entreprise dès le jugement d'ouverture, le tribunal ouvre, à titre provisoire, un redressement judiciaire et ne se prononce sur son sort (plan de redressement avec continuation ou cession ; liquidation) qu'à l'issue de la période d'observation ayant permis d'établir un bilan économique et social de l'entreprise. Depuis la loi du 10 juin 1994 cependant, le tribunal peut prononcer immédiatement la liquidation lorsque l'entreprise a cessé toute activité ou lorsque le redressement est manifestement impossible.

Notons que la procédure de liquidation immédiate est très fréquemment mise en oeuvre, sanctionnant le caractère irrémédiable de la situation de l'entreprise au jour du jugement d'ouverture : l'issue liquidative s'impose d'emblée. Plus généralement, la phase judiciaire se solde dans la très grande majorité des cas par une liquidation : les statistiques révèlent la pérennité du phénomène et les différentes réformes n'ont manifestement pas permis d'inverser la tendance ce qui conduit à s'interroger sur la pertinence du critère d'ouverture et sur la nécessité de différencier les procédures applicables, le caractère complexe et onéreux du régime en vigueur contrastant souvent avec la faiblesse des actifs.

A. LE CARACTÈRE ESSENTIELLEMENT LIQUIDATIF DES PROCÉDURES COLLECTIVES

L'annuaire statistique établi par le ministère de la justice révèle que le nombre de jugements d'ouverture d'une procédure de redressement ou de liquidation judiciaires enregistré en 1998, de l'ordre de 50.000, correspond à celui enregistré au début de la décennie. Rappelons que ce nombre, stabilisé aux alentours de 10.000 jusqu'au premier choc pétrolier, a ensuite connu une forte progression et un mouvement d'accélération :

15.000 en 1975, 20.000 en 1980, 25.000 dès 1984, 30.000 en 1987, 35.000 en 1988, 40.000 en 1989 et plus de 50.000 en 1991.

Après un creux en 1994, le nombre de jugements d'ouverture a connu une progression continue pour atteindre un sommet en 1997 ; sur cette période, cette progression s'est cependant effectuée à un rythme annuel se réduisant de plus de moitié chaque année. 1998 marque une rupture dans cette évolution, avec une nette inversion de tendance qui se solde par une diminution substantielle en valeur absolue. Ce mouvement à la baisse fondé sur une amélioration de l'environnement économique s'est confirmé en 1999. Pour cette dernière année statistique disponible, la Chancellerie évalue à moins de 47.000 le nombre de jugements d'ouverture ou de liquidations immédiates, soit une baisse de 6,8 %.

1. Des procédures concluant dans la très grande majorité des cas à la liquidation de l'entreprise

Depuis 1994, le nombre de plans de redressement prononcés oscille entre 6.000 et 8.600 par an. Sur cette période, les décisions concluant à la liquidation sont chaque année six à sept fois plus nombreuses que celles envisageant la survie de l'entreprise , le plan de redressement pouvant conduire à la continuation ou à la cession partielle ou totale de cette dernière. Notons qu'au début de la décennie, ce rapport était encore supérieur, s'établissant entre huit et dix : la tendance est donc à la réduction de l'écart, l'amélioration de l'environnement économique au cours des dernières années expliquant sans doute un renforcement des perspectives de redressement des entreprises en difficulté. Selon l'INSEE, le mouvement de réduction du nombre de défaillances d'entreprises jugées s'est poursuivi en 2000 mais une inversion de tendance se dessine depuis le printemps 2001, ce retournement affectant plus particulièrement les entreprises de plus de cinquante salariés.

Selon les données disponibles jusqu'en 1999, le nombre de décisions de liquidation demeure cependant massivement plus élevé que celui des plans de redressement, les procédures collectives continuant à revêtir un caractère essentiellement liquidatif. Ainsi en 1998 et 1999, la proportion de liquidations prononcées s'établit-elle respectivement à 86,5 % et 87,5 %, soit une légère décrue par rapport au début des années 1990 où ce ratio s'élevait à plus de 90 %.

* 36 Art. L. 625-5 - « A toute époque de la procédure, le tribunal peut prononcer la faillite personnelle de toute personne mentionnée à l'article L. 625-1 contre laquelle a été relevé l'un des faits ci-après :

(...)

« 5° Avoir omis de faire, dans le délai de quinze jours, la déclaration de l'état de cessation des paiements. »

* 37 Sont soumises à la procédure simplifiée les petites et moyennes entreprises, c'est-à-dire celles qui emploient 50 salariés au plus et qui réalisent un chiffre d'affaires annuel inférieur à 20 millions de francs, ces deux critères étant cumulatifs. Cette procédure se caractérise par le fait que le tribunal territorialement compétent est celui du lieu de l'entreprise, par une durée maximale de la période d'observation inférieure à celle du régime général (8 mois au lieu de 20) et par un accroissement des pouvoirs du débiteur et un élargissement des missions du juge commissaire et du représentant des créanciers, aucun administrateur n'étant généralement nommé.

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