DEUXIÈME PARTIE

LE PROGRAMME TRACE
ET L'ÉGALITÉ DES CHANCES HOMMES/FEMMES

Institué par la loi d'orientation du 29 juillet 1998 relative à la lutte contre les exclusions qui vise à garantir l'accès aux droits fondamentaux, le programme TRACE met en oeuvre pour les jeunes en grande difficulté l'une des priorités majeures : le droit à l'emploi. Il a pour ambition de répondre aux problèmes et aux attentes de ces jeunes en leur proposant un parcours individualisé afin de les faire accéder à l'emploi durable.

Le bilan qui suit s'attache à analyser le programme TRACE sous l'angle de l'égalité des chances entre garçons et filles, conformément au principe inscrit dans la loi à la suite d'un amendement du Sénat. Il repose sur les auditions auxquelles la délégation a procédé et sur l'exploitation des réponses à un questionnaire qu'elle a adressé aux missions locales d'insertion et aux permanences d'accueil, d'information et d'orientation (PAIO).

I. RAPPEL DU DISPOSITIF

A. UN ACCOMPAGNEMENT PERSONNALISÉ ET RENFORCÉ POUR L'INSERTION DES JEUNES DE 16 À 25 ANS EN GRANDE DIFFICULTÉ

Les grandes lignes du programme TRACE (trajet d'accès à l'emploi) ont été définies par l'article 5 de la loi n° 98-657 du 29 juillet 1998 2 ( * ) .

Son but est de permettre l'accès à l'emploi des jeunes de 16 à 25 ans qui sont les plus éloignés du marché du travail, grâce à un accompagnement personnalisé et renforcé 3 ( * ) dont on attend qu'il favorise un parcours d'insertion continu, adapté à chaque cas particulier, et utilisant, de manière cohérente, toutes les opportunités et les outils existants.

L'innovation est importante car il n'existait auparavant aucune structure de suivi pour ces jeunes « en galère », qui sont confrontés à un risque d'exclusion professionnelle et sociale, et dont le cheminement souvent chaotique vers l'insertion a impérieusement besoin d'être encadré.

L'objectif qui avait été fixé par le Gouvernement, à l'horizon de la fin de l'année 2000, était de proposer un accompagnement personnalisé à 110.000 jeunes en données cumulées (10.000 jeunes en 1998, 40.000 en 1999 et 60.000 en 2000), avec une priorité forte pour les jeunes issus des quartiers relevant de la politique de la ville et des zones de revitalisation rurale.

Le programme de prévention et de lutte contre la pauvreté et l'exclusion adopté en juillet 2001 par le Gouvernement a prévu un élargissement du programme TRACE dont les premières orientations ont fait l'objet d'une circulaire datée du 24 décembre dernier. Le rythme annuel des entrées est désormais porté à 120.000.

D'un point de vue institutionnel, le programme TRACE repose ( article 5-I ) sur un partenariat de l'Etat avec les régions et les partenaires locaux.

Il se traduit par l'articulation des actions qui relèvent de la compétence de l'Etat s'agissant des dispositifs visant l'accès direct à l'emploi (adaptation professionnelle, qualification et insertion des salariés et des demandeurs d'emploi dans le cadre du Fonds national de l'emploi -article L.322-1 du Code du travail) et de celles qui s'inscrivent dans le cadre de la formation professionnelle continue (article L.900-1) dont la compétence a été transférée aux régions (par l'article 82 de la loi de décentralisation du 7 janvier 1983 et, pour les jeunes de moins de 26 ans, par la loi quinquennale pour l'emploi du 20 décembre 1993). Une convention-cadre, conclue entre l'Etat et la région (ou la collectivité territoriale de Corse), précise les conditions de leur intervention conjointe.

La circulaire du 3 août 1999 sur la construction des parcours des jeunes du programme TRACE a demandé aux préfets de région et aux directions régionales du travail, de l'emploi et de la formation professionnelle (DRTEFP) d'inciter les régions à mettre en oeuvre des actions répondant aux besoins du public TRACE dans le cadre de leur compétence légale (par des actions spécifiques de mise à niveau s'agissant des savoirs de base ; en ouvrant aux jeunes de TRACE, et en les adaptant, les stages de formation pré-qualifiante et qualifiante ; en favorisant l'accès des jeunes aux actions de formation) 4 ( * ) .

Pour la mise en oeuvre du programme, l'Etat conclut en concertation avec les régions ( article 5-II ) des conventions d'objectif avec les missions locales pour l'insertion professionnelle et sociale des jeunes 5 ( * ) , les PAIO 6 ( * ) et l' Agence nationale pour l'emploi . Des conventions peuvent aussi être conclues avec les établissements, organismes ou associations qui dispensent l'enseignement général ou technologique, qui assurent la formation professionnelle ou qui préparent les jeunes à leur insertion dans la vie professionnelle et sociale et qui sont prévus à l'article L.982-2 du Code du travail, ainsi qu'avec les bureaux d'accueil individualisé vers l'emploi des femmes.

Les structures avec lesquelles des contrats d'objectif sont ainsi signés par le préfet de région jouent le rôle de pilote du programme TRACE. Elles animent un comité de pilotage qui comprend les organismes de l'Etat et des collectivités territoriales impliqués dans le dispositif (DDTEFP, DDASS...) et qui, outre son rôle de suivi, doit permettre le bon fonctionnement des partenariats indispensables avec les professionnels du secteur sanitaire et social, les associations, les acteurs de la politique de la ville en zone urbaine, et les entreprises engagées dans l'insertion des jeunes en difficulté.

Chargés de la construction des parcours des jeunes et de leur accompagnement, les opérateurs du programme sont de deux types : les principaux sont les opérateurs internes (missions locales, PAIO, ALE), les autres - opérateurs externes - sont des organismes de formation, d'insertion professionnelle, des foyers de jeunes travailleurs, des équipes de prévention choisis par le préfet de région, en accord avec le pilote, après appel à candidature et sélection sur des critères précis (savoir-faire en matière d'accompagnement des jeunes en difficulté ou d'intervention auprès des entreprises).

Pour reprendre la formulation générale des contrats d'objectif, la mobilisation des opérateurs et des autres acteurs locaux a pour but d'« apporter des réponses adaptées à l'ensemble des besoins des jeunes (formation, santé, logement, culture, loisirs, etc...) en vue de les conduire à l'emploi ».

Les contrats fixent les objectifs quantitatifs des actions d'accompagnement, leur durée maximale, qui ne peut excéder dix-huit mois (vingt-quatre mois désormais dans certains cas - cf.infra), sauf dérogation expresse du préfet, ainsi que la nature et l'importance des moyens dégagés par l'Etat pour leur mise en oeuvre.

Les actions d'accompagnement personnalisé et renforcé, qui doivent bénéficier en priorité aux jeunes sans qualification de niveau VI et V bis ( article 5-I ), comprennent notamment des mesures concernant la lutte contre l'illettrisme, l'acquisition accélérée d'une expérience professionnelle, l'orientation et la qualification ; elles peuvent être assorties, si nécessaire, de toute autre action, culturelle ou sportive par exemple, comme support pédagogique, l'objectif étant d'aider les jeunes à se « resociabiliser », à retrouver confiance en eux en vue de l'insertion professionnelle. A côté d'actions « classiques » axées sur le recrutement et la recherche d'emploi, certaines missions locales et PAIO recourent ainsi à des modules ou ateliers d'expression artistique, loisirs, nouvelles technologies ou multimédia.

Pendant son parcours d'insertion, le jeune bénéficie du statut attaché à la mesure qu'il suit (il est ainsi salarié quand il a un contrat de travail ou stagiaire de la formation professionnelle quand il est en formation). Il perçoit une rémunération et bénéficie de la couverture sociale correspondante. Pendant les autres périodes, c'est-à-dire hors contrat de travail ou formation, et pour éviter qu'il n'abandonne le programme d'insertion, il peut bénéficier d'aides financières et sa protection sociale est assurée. Il a en effet été prévu dans un tel but de « sécurisation » des jeunes du programme TRACE :

- que ceux qui rencontrent des difficultés matérielles, notamment en matière de logement, pendant les périodes durant lesquelles ils ne bénéficient pas d'une rémunération au titre d'un stage, d'un contrat de travail ou d'une autre action d'accompagnement personnalisé ont accès aux fonds départementaux ou locaux d'aide aux jeunes prévus articles 43-2 et 43-3 de la loi du 1 er décembre 1988 relative au revenu minimum d'insertion ; hors période rémunérée, les jeunes de TRACE peuvent en outre bénéficier d'une bourse d'accès à l'emploi depuis le 1 er janvier 2002 ( article 5-III ) ;

- que, dans les périodes où ils ne sont pas affiliés à un autre titre à un régime de sécurité sociale, les jeunes qui bénéficient de l'accompagnement personnalisé relèvent du régime général dans les conditions prévues aux articles L.962-1 et L.962-3 du Code du travail pour les stagiaires de la formation professionnelle ( article 5-IV ).

L' article 5-V de la loi prévoit enfin que, chaque année, l'Etat et les collectivités territoriales concernées (régions et collectivité territoriale de Corse) doivent réaliser un bilan des actions engagées au titre du programme TRACE et que ce bilan doit obligatoirement mentionner le point de vue des bénéficiaires des actions et présenter une analyse des motifs pour lesquels les demandes d'accès aux actions d'accompagnement personnalisé ont été éventuellement rejetées.

On doit regretter que ces dispositions ne soient pas appliquées, d'autant que c'est à un amendement du Sénat que l'on devait de voir ainsi précisé dans la loi le contenu des bilans annuels comportant, notamment, une appréciation des intéressés.

* 2 Complété par un certain nombre de circulaires dont les circulaires DGEFP/DIIJ n° 98-33 du 23 octobre 1998 et DGEFP/DIIJ/DSS n° 99/30 du 3 août 1999 et, dernièrement, circulaire du 24 décembre 2001 prochainement complétée par une instruction technique (cf. annexes).

* 3 De la part de conseillers « référents ».

* 4 « Même lorsque les conseils régionaux n'ont pas contractualisé avec l'Etat sur le programme TRACE, l'accessibilité au programme régional de formation est réaffirmée, parfois favorisée par des mesures dérogatoires. Dans la plupart des cas, les régions ont renforcé leur offre, soit en augmentant leur possibilité d'accueil sur des actions pré-qualifiantes et d'orientation, soit en gérant de manière plus souple les flux d'entrées, soit enfin en concevant des offres originales » (DARES - Premières informations et premières synthèses - Août 2000).

Exemples de dispositifs régionaux d'accompagnement de TRACE portés à la connaissance de la délégation en réponse à son questionnaire :

- le Conseil régional d'Auvergne a mis en place un programme destiné prioritairement aux jeunes de TRACE qui prévoit le financement par la région d'actions de formation adaptées, souvent accompagnées de mesures d'évaluation et d'orientation ; en 2000, 1.789 jeunes ont bénéficié du programme (1.064 filles et 725 garçons) ; la région leur verse le cas échéant une indemnité pour leur permettre de suivre, dans les meilleures conditions possibles, les actions dans lesquelles ils s'engagent ; les jeunes dont le domicile est éloigné peuvent se voir accorder une aide à la mobilité versée par la structure d'accueil pour le compte de la région ; des visites médicales ou des actions en faveur de la santé leur sont également proposées.

- le Conseil régional de Midi-Pyrénées a retenu quatre axes d'intervention à destination des jeunes de TRACE : développer l'offre d'insertion professionnelle par l'économie (entreprises, chantiers d'insertion, associations intermédiaires sont sollicités par le biais des structures qui les regroupent à l'échelon régional pour proposer aux jeunes de TRACE une immersion en entreprise et les faire bénéficier d'un accès à l'emploi sous statut de contrat d'orientation et éventuellement d'autres contrats en alternance : 196 postes ont été prévus par le dispositif avec une aide régionale de 12.500 francs par poste pour une durée allant jusqu'à six mois) ; mobiliser les entreprises autour de l'emploi des jeunes avec l'Union patronale régionale de Midi-Pyrénées pour 32 jeunes en emploi sous statut de contrat d'orientation et autres contrats en alternance ; créer, avec les CFA, des modules préparatoires à l'entrée en apprentissage de 500 heures rémunérées sous statut de stagiaire de la formation professionnelle (100 jeunes) ; ouvrir et adapter l'offre de formation du programme régional de formation en réservant au moins 400 places sur des actions de formation adaptées -niveau V ou infra V- pré-qualifiantes et qualifiantes. La région a par ailleurs abondé le réseau des missions locales d'un million de francs correspondant au financement de l'équivalent de 4 postes à temps plein. Au total, 50 % des jeunes de TRACE bénéficient d'une action de formation du programme régional de formation (ventilation : 11 % actions qualifiantes, 89 % actions de préparation à l'emploi). Bilan du dispositif d'insertion par l'économie en 2000 : 66 % des sorties en emploi.

* 5 Visées à l'article 7 de la loi n° 89-905 du 19 décembre 1989 favorisant le retour à l'emploi et la lutte contre l'exclusion professionnelle.

* 6 Visées à l'article 4 de l'ordonnance n° 82-273 du 26 mars 1982 relative aux mesures destinées à assurer aux jeunes de 16 à 18 ans une qualification professionnelle et à faciliter leur insertion sociale.

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