4. Quels doivent être les objectifs environnementaux de l'Union de demain ?

En dépit des critiques qu'on peut lui opposer, il faut reconnaître que le bilan de trente années de politique commune est globalement positif. Elle a permis de constituer un socle réglementaire solide, proposant un modèle exigeant de préservation de l'environnement et de développement durable.

• L'Union doit désormais s'attacher, en premier lieu, à faire partager ce modèle aux pays candidats à l'adhésion, qui connaissaient une situation écologique très dégradée et pour lesquels l'adoption des normes européennes constitue un défi d'une grande ampleur. Les négociations d'adhésion montrent que c'est en matière d'environnement qu'on enregistre le plus grand nombre de demandes de dérogations, l'intégration de l'acquis communautaire requérant non seulement la transposition de textes complexes mais, plus encore, la réalisation longue et coûteuse d'infrastructures.

La Communauté a un rôle fondamental à jouer, notamment au travers des programmes bilatéraux, tels les programmes PHARE et LIFE, et via les fonds d'aide à la pré-adhésion (ISPA) qui permettent précisément le financement d'opérations en matière d'environnement.

• Au-delà de l'espace géographique européen, l'ambition de la Communauté doit être aussi de sensibiliser ses partenaires du monde entier à l'intérêt qui s'attache à la protection de l'environnement et des ressources naturelles. La tâche est difficile, comme l'ont montré les débats menés lors de la réunion de la 4 ème Conférence de l'OMC à Doha, du 9 au 13 novembre dernier. La reconnaissance - très timide, il est vrai - du souci environnemental dans le développement du commerce mondial est une première étape. Elle permettra d'aller vers un véritable système de gouvernance mondial dans le domaine de l'environnement, objectif que l'Union doit avoir à coeur de faire partager, demain, au reste du monde.

• Ces perspectives internationales doivent aussi la conduire à mieux structurer la politique environnementale à l'intérieur de ses frontières. Le corpus législatif est désormais dense et complexe. L'efficacité du dispositif commande qu'il soit respecté par les Etats membres et qu'une meilleure répartition des tâches soit désormais opérée entre les acteurs. L'Union doit continuer à élaborer des stratégies globales permettant d'orienter les politiques nationales dans la bonne direction. Mais, sous peine de se décrédibiliser, elle doit éviter d'intervenir ensuite jusqu'au niveau de la mise en oeuvre détaillée des mesures à prendre, sauf à laisser entendre que les Etats membres et les opinions publiques n'ont pas la maturité suffisante pour arrêter les dispositifs utiles.

La difficulté réside dans la délimitation de la ligne de partage : certains domaines sont à l'évidence communautaires, d'autres moins clairement. On se trouve donc dans l'impossibilité matérielle de dresser, a priori, une liste précise des compétences de chacun. La bonne manière de procéder consisterait à disposer d'un organe spécifique capable d'apprécier, secteur par secteur, voire texte par texte, quel serait le niveau d'intervention le plus pertinent pour atteindre l'objectif visé. C'est à ce stade de la réflexion que l'intérêt de disposer d'une seconde chambre ayant pour vocation de veiller au respect du principe de subsidiarité prend toute son ampleur.

• La prochaine révision des textes devrait être l'occasion de revoir la rédaction de l'article 174 du traité afin qu'il reflète, avec plus de netteté, la répartition des rôles et les limites à poser à l'action communautaire pour qu'elle soit incontestable. Certes, les dispositions actuelles obligent déjà, par deux fois, la Communauté à prendre en compte la diversité des situations environnementales à travers le territoire de l'Union. On voit bien, dans ce texte, la trace de la recherche d'un compromis entre deux groupes de pays dont les conceptions environnementales différaient : une Europe du Nord, très impliquée dans l'écologie, une Europe du Sud, moins prospère, pour laquelle un fort niveau d'exigence aurait entraîné des investissements considérables.

L'article 174 gagnerait toutefois en clarté s'il était ainsi modifié :

- § 1 : objectifs assignés à la politique communautaire de l'environnement.

Les objectifs visés sont d'une part « la préservation, la protection et l'amélioration de la qualité de l'environnement », de même que « l'utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles ». Ceux-ci sont incontestables.

Ils incluent d'autre part « la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l'environnement » . Nous avons vu combien cette mission était importante.

Mais on trouve aussi « la protection de la santé des personnes » et ce point paraît moins convaincant. La santé des personnes n'est pas un objectif de la politique de l'environnement, il sera la conséquence de celle-ci si elle est bien menée. L'action de l'Union en matière de santé publique figure déjà au Titre XIII du Traité : pourquoi devrait-on en faire mention dans le Titre XIX, sauf à renforcer la complexité des choses ? Nous proposerions donc de supprimer cette disposition.

- § 2 : grands principes de l'action communautaire en matière d'environnement.

Il n'est pas inutile de rappeler ici que, en plus des principes de précaution, de prévention et de pollueur-payeur, la politique de l'Union doit également respecter le principe de subsidiarité .

- § 3 : conditions d'élaboration des dispositions communautaires.

On assigne déjà à la Communauté l'obligation de tenir compte « des données scientifiques et techniques disponibles », « des conditions de l'environnement » dans ses diverses régions et « du développement équilibré » de celles-ci. En outre, elle est censée mesurer les « avantages et charges qui peuvent résulter de l'action ou de l'absence d'action » : l'idée en est excellente, mais la formulation plus sujette à caution. Imagine-t-on vraiment que la Communauté puisse apprécier les conséquences de son abstention ? C'est pourquoi, nous trouverions plus constructif, et plus réaliste, de prévoir qu'elle établisse un rapport « coûts-avantages » entre son intervention et l'action directe des Etats membres avant de prendre des initiatives.

Le tableau comparatif retrace, ci-après, les propositions de modifications du Traité :

Traité instituant la Communauté européenne

Article 174

TEXTE ACTUEL

1. La politique de la Communauté dans le domaine de l'environnement contribue à la poursuite des objectifs suivants :

- la préservation, la protection et l'amélioration de la qualité de l'environnement,

- la protection de la santé des personnes,

- l'utilisation prudente et rationnelle des ressources naturelles,

- la promotion, sur le plan international, de mesures destinées à faire face aux problèmes régionaux ou planétaires de l'environnement.

2. La politique de la Communauté dans le domaine de l'environnement vise un niveau de protection élevé, en tenant compte de la diversité des situations dans les différentes régions de la Communauté. Elle est fondée sur les principes de précaution et d'action préventive, sur le principe de la correction, par priorité à la source, des atteintes à l'environnement et sur le principe du pollueur-payeur.

Dans ce contexte, les mesures d'harmonisation répondant aux exigences en matière de protection de l'environnement comportent, dans les cas appropriés, une clause de sauvegarde autorisant les Etats membres à prendre, pour des motifs environnementaux non économiques, des mesures provisoires soumises à une procédure communautaire de contrôle.

3. Dans l'élaboration de sa politique dans le domaine de l'environnement, la Communauté tient compte :

- des données scientifiques et techniques disponibles,

- des conditions de l'environnement dans les diverses régions de la Communauté,

- des avantages et des charges qui peuvent résulter de l'action ou de l'absence d'action,

- du développement économique et social de la Communauté dans son ensemble et du développement équilibré de ses régions.

4. Dans le cadre de leurs compétences respectives, la Communauté et les Etats membres coopèrent avec les pays tiers et les organisations internationales compétentes. Les modalités de la coopération de la Communauté peuvent faire l'objet d'accords entre celle-ci et les tierces parties concernées, qui sont négociés et conclus conformément à l'article 300.

L'alinéa précédent ne préjuge pas la compétence des Etats membres pour négocier dans les instances internationales et conclure des accords internationaux.

NOUVELLE REDACTION

Alinéa sans modification

Supprimé

... élevé, dans le respect du principe de subsidiarité et en tenant compte...

Alinéa sans modification

Alinéa sans modification

- du rapport coûts-avantages entre l'action communautaire et l'action des Etats membres

Alinéa sans modification

Alinéa sans modification

• Enfin, sur le strict plan de l'organisation interne des institutions, il serait sans doute utile de rationaliser le processus de décision. Le dernier Conseil Environnement du 29 octobre dernier a traité pas moins de vingt-deux points différents à son ordre du jour, d'inégale importance certes, mais concernant d'une manière ou d'une autre, l'ensemble des secteurs de la matière.

L'efficacité commanderait sans doute de réviser le mode opérationnel, suivant en cela les recommandations de M. Pierre Moscovici devant le Forum thématique de l'environnement, tenu le 6 novembre dernier à Paris : « ma conviction est que les questions environnementales sont éminemment transversales et mettent en jeu simultanément les compétences de plusieurs formations du Conseil. Par conséquent, si nous voulons dépasser les appels constants, mais parfois un peu rituels, du Conseil à promouvoir les politiques de développement durable, pour passer à une action plus concrète, il nous faudra revoir les méthodes de travail, notamment en décloisonnant ses différentes formations ».

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