N° 273

SÉNAT

SESSION ORDINAIRE DE 2001-2002

Rattaché au procès-verbal de la séance du 21 février 2002

Enregistré à la Présidence du Sénat le 26 mars 2002

RAPPORT D'INFORMATION

FAIT

au nom de la commission des Affaires économiques et du Plan (1) et du groupe d'étude  « Poste et télécommunications » (2) sur le bilan de la loi n° 96-659 de réglementation des télécommunications ,

Par M. Pierre HÉRISSON,

Sénateur.

(1) Cette commission est composée de : M. Gérard Larcher, président ; MM. Jean-Paul Emorine, Marcel Deneux, Gérard César, Pierre Hérisson, Jean-Marc Pastor, Mme Odette Terrade, vice-présidents ; MM. Bernard Joly, Jean-Paul Émin, Patrick Lassourd, Bernard Piras, secrétaires ; MM. Jean-Paul Alduy, Pierre André, Philippe Arnaud, Gérard Bailly, Bernard Barraux, Mme Marie-France Beaufils, MM. Michel Bécot, Jean-Pierre Bel, Jacques Bellanger, Jean Besson, Claude Biwer, Jean Bizet, Jean Boyer, Mme Yolande Boyer, MM. Dominique Braye, Marcel-Pierre Cleach, Yves Coquelle, Gérard Cornu, Roland Courtaud, Philippe Darniche, Gérard Delfau, Rodolphe Désiré, Yves Detraigne, Mme Evelyne Didier, MM. Michel Doublet, Paul Dubrule, Bernard Dussaut, André Ferrand, Hilaire Flandre, François Fortassin, Christian Gaudin, Mme Gisèle Gautier, MM. Alain Gérard, François Gerbaud, Charles Ginésy, Francis Grignon, Louis Grillot, Georges Gruillot, Charles Guené, Mme Odette Herviaux, MM. Alain Journet, Joseph Kerguéris, Gérard Le Cam, Jean-François Le Grand, André Lejeune, Philippe Leroy, Jean-Yves Mano, Max Marest, René Monory, Paul Natali, Jean Pépin, Daniel Percheron, Ladislas Poniatowski, Jean-Pierre Raffarin, Daniel Raoul, Paul Raoult, Daniel Reiner, Charles Revet, Henri Revol, Roger Rinchet, Claude Saunier, Bruno Sido, Daniel Soulage, Michel Teston, Pierre-Yvon Trémel, André Trillard, Jean-Pierre Vial.

(2) Ce groupe d'étude est composé de : M. Pierre Hérisson, président ; MM. Gérard Larcher, Georges Gruillot, Pierre-Yvon Trémel, Jacques Bellanger, François Trucy, Philippe Adnot, Paul Girod, vice-présidents ; M. Max Marest, Mme Marie-France Beaufils, secrétaires ; MM. Pierre André, Michel Bécot, Paul Blanc, Jean Boyer, Jean-Claude Carle, Marcel Debarge, Robert Del Picchia, Gérard Delfau, Michel Doublet, Christian Gaudin, François Gerbaud, Joseph Kerguéris, Pierre Laffitte, Serge Lagauche, Lucien Lanier, Patrick Lassourd, Joseph Ostermann, Jean-Marc Pastor, Charles Revet, Yves Rispat, Daniel Soulage, Jean-Pierre Sueur, Jean-Pierre Vial.

Postes et télécommunications

RÉSUMÉ DU RAPPORT :

BILAN DES TROIS OBJECTIFS DE LA LOI DE 1996
ET PROPOSITIONS

• 1 ER OBJECTIF : UNE CONCURRENCE EQUILIBRÉE

1- CONSTAT

1-1) Le développement de la concurrence en France : un triple bénéfice

1-1-1) Pour les consommateurs

La loi du 26 juillet 1996 avait prévu 1 ( * ) des « baisses globales des tarifs pour l'ensemble des catégories d'utilisateurs », qui se sont réalisées. Le rapport détaille les fortes baisses de tarifs sur la téléphonie fixe et mobile et pour l'accès Internet, qui ont largement compensé la hausse de l'abonnement fixe. Au-delà des prix, la concurrence a entraîné le développement des services à l'abonné et la diversification des technologies et des usages .

Revers de la médaille, la concurrence a complexifié le paysage, notamment pour la téléphonie mobile. Les études montrent un « degré d'ignorance » élevé du consommateur du contenu de ses contrats, des prix (paradoxalement surestimés pour le téléphone fixe), alors que 56% des utilisateurs de portable ne savent pas se servir de leur terminal. Le Gouvernement porte sa part de responsabilité dans cette confusion : deux mesures phares de la loi de 1996 pour le consommateur, l'annuaire universel et le « numéro personnel » (coordonnées téléphoniques qu'il est possible de conserver à vie malgré changements d'adresse et d'opérateur), n'ont pas été mises en oeuvre

1-1-2) Pour l'économie française

La concurrence a été un facteur de croissance et de compétitivité pour l'économie française : baisse des coûts pour les entreprises, stimulation de l'innovation, création de 15.000 emplois directs et doublement des investissements du secteur entre 1997 et 2000. La brutalité du retournement conjoncturel tempère mais n'annule pas ces gains.

1-1-3) L'acclimatation d'un nouveau mode de régulation : l'ART.

Vilipendée par les opposants de 1996, sous l'épée de Damoclès du rapport « Delebarre » de septembre 1997, qui voulait réduire ses pouvoirs, l'ART s'est affirmée. Elle a même servi de modèle à sa petite soeur la Commission de régulation de l'électricité (CRE), mise en place par le Gouvernement Jospin lors de l'ouverture du secteur de l'électricité à la concurrence. A part quelques organisation syndicales, il n'est plus guère de voix qui s'élèvent pour demander sa suppression ou sa fusion avec le CSA. Au contraire, un renforcement de ses pouvoirs -prévu par les directives européennes- est majoritairement souhaité.

1-2) Analyse comparée : la France a-t-elle fait moins bien que ses voisins pour l'ouverture à la concurrence ?

France Télécom a-t-il été privilégié sur le marché français, au détriment du développement du secteur, par un Gouvernement moins convaincu que celui de 1996 des bienfaits de la concurrence ?

1-2-1) Une question controversée

A cette question, les réponses sont particulièrement partagées. Ainsi France Télécom et la plupart des organisations syndicales estiment que l'ouverture à la concurrence a été brutale et rapide et jugent que ni l'ART ni le Gouvernement n'ont épargné l'opérateur historique. S'agissant du dégroupage 2 ( * ) de la boucle locale, le président de France Télécom a coutume d'employer une métaphore qui illustre quel choc culturel il représente pour les salariés de l'entreprise : le dégroupage, c'est comme être obligé d'inviter à domicile son pire ennemi pour qu'il puisse devenir l'amant de sa propre femme !

A l'inverse, les opérateurs concurrents dénoncent la lenteur de mise en oeuvre de certaines réglementations, l'ineffectivité de décisions importantes du régulateur, voire les manoeuvres dilatoires de l'opérateur historique. Certains concurrents n'hésitent pas à comparer la France à un « pays exotique » en matière de concurrence, voire à remettre en cause la viabilité économique intrinsèque de la concurrence dans de telles conditions.

1-2-2) Une position moyenne en Europe et des lacunes partagées

Dans un souci d'objectivité, le rapport a exploité deux analyses comparatives indépendantes, celle de la Commission européenne portant sur les 15 Etats membres et une expertise de l'IDATE sur le degré concurrentiel des différents segments des trois principaux marchés européens, pour arriver à la conclusion suivante : la France , élève moyen de la classe européenne pour l'ouverture à la concurrence, avec quelque « points noirs concurrentiels » n'est pas totalement « hors des clous » par rapport à ses voisins, à quelques exceptions près (scandinaves, Grande Bretagne).

Les points noirs concurrentiels en France sont détaillés, chiffres à l'appui (sont plus particulièrement examinés : l'absence de concurrence sur l'ADSL, la lenteur de la mise en oeuvre du dégroupage de la boucle locale , la dominance de l'opérateur historique par segment de marché... ).

Mais les principales lacunes sont partagées , à des degrés divers, par l'ensemble des pays européens : nulle part le dégroupage ne démarre de façon satisfaisante, ni la BLR, qui se déploie avec retard, ne constitue une alternative réelle à l'ADSL, qui est partout un monopole de fait des opérateurs historiques. Si la boucle locale est plus ouverte au Royaume-Uni, pays qui a dix ans d'avance pour la libéralisation, c'est surtout grâce aux cablo-opérateurs, dont certains sont aujourd'hui fragilisés. L'aveuglement UMTS, largement distribué et alimenté par la rapacité budgétaire des Etats (y compris en France, où le Gouvernement n'a pas « dégainé » assez vite pou satisfaire son appétit), contribuera sans doute à la formation d'oligopoles dans plusieurs Etats membres.

En conclusion, le Gouvernement issu des urnes en 1997, s'il n'a pas fait preuve d'un zèle excessif, a quand même été un bon suiveur pour la libéralisation du marché. En définitive, il a relativement bien satisfait aux exigences concurrentielles de la loi de 1996.

2- PROPOSITIONS

Pour renforcer la dynamique concurrentielle, et prendre en compte la nouvelle réglementation européenne, qu'il analyse, le rapport avance plusieurs propositions :

2-1) Le consommateur : clarifier un environnement complexe

- mettre en oeuvre la portabilité des numéros, fixes et mobiles, (et donner la possibilité d'avoir réellement son « numéro personnel ») ;

- faire entrer en vigueur l'annuaire universel et le service de renseignements universels rassemblant toutes les coordonnées d'abonnés, quel que soit leur opérateur, fixe ou mobile.

2-2) L'équilibre concurrentiel : renforcer l'ART

- consolider son assiette et son indépendance financière par deux moyens : lui affecter des redevances payées par les opérateurs, comme la loi le permet, et négocier pluri-annuellement l'enveloppe budgétaire dévolue par l'Etat, en fonction de critères objectifs (volume du marché, indices d'activités de l'ART....) ;

- accentuer ses pouvoirs : son pouvoir d'information et de contrôle, en calquant ses droits en matière d'information comptable sur ceux de la CRE 3 ( * ) ; l'effectivité de ses décisions, en la dotant d'un pouvoir d'injonction sous astreinte pour la mise en oeuvre de ses décisions ;

- confirmer son coeur de compétence : la convergence technologique doit être traduite dans le droit, en particulier pour le (double) régime juridique des réseaux câblés, héritage désuet du passé. La régulation de tous les types réseaux, y compris câblés, doit revenir à l'ART, le CSA 4 ( * ) conservant quant à lui le contrôle des contenus.

2-3) Mettre en oeuvre le dégroupage de la boucle locale

Trois leviers existent pour accélérer sa mise en oeuvre effective : la Commission européenne, qui a mis la France en demeure à ce sujet en mars 2002, l'ART qui peut avoir, surtout avec les nouveaux pouvoirs qu'elle se verrait attribuer (injonctions....) une action déterminante, et l'Etat , actionnaire majoritaire de France Télécom, qui ne devrait pas se satisfaire de l'inertie de ce dernier à mettre en oeuvre le règlement européen et le décret gouvernemental sur ce sujet.

2-4) Rénover la procédure de « l'homologation tarifaire »

Sous des dehors techniques, l'homologation des tarifs de France Télécom, système actuellement assez lourd, est un véritable curseur de la concurrence. Après avoir envisagé toutes les solutions, le rapport propose, en cohérence avec les directives européennes, un système mixte de fixation d'objectifs tarifaires globaux et d'un maintien partiel de contrôles individuels ex ante , en fonction du degré concurrentiel des services concernés.

• 2 EME OBJECTIF : UN SERVICE PUBLIC CONSOLIDÉ

1- CONSTAT

1-1) Un pari réussi

Les opposants à la concurrence prédisaient la fin du service public, des grèves étaient menées au nom de sa défense. Aujourd'hui, le choix de 1996 (un service universel « fixe » accessible partout à des prix abordables, financé par tous les opérateurs et confié à France Télécom 5 ( * ) ) se trouve pleinement justifié . Ses acquis ont été préservés, son financement (415 millions d'euros en 2001) a été collectivement assuré.

Le récent « paquet » de directives communautaires conforte l' existence du service universel et du fonds servant à le financer, et l'arrêt de la Cour de Justice européenne du 6 décembre , loin de remettre en cause leur existence, au contraire jugée conforme aux directives et aux traités européens, ne contraint qu'à une révision de leurs modalités d'application.

1-2) Une mise en oeuvre décevante des volets sociaux et consuméristes

Les mesures socialement ambitieuses du service universel de la loi de 1996 ont tardé à être mises en vigueur : les tarifs téléphoniques « sociaux » pour les personnes en situation de précarité, concrétisation du principe fondamental d'égalité du service public, n'ont été instaurés... qu'en 2000 ! Quant à l'annuaire universel et au service de renseignements universels, prévus eux aussi par la loi de 1996, ce sont les Arlésiennes du service public ! Le décret devant organiser leur mise en oeuvre doit incessamment paraître depuis des années 6 ( * ) .

1-3) Un contenu figé

En dépit de la « clause de rendez-vous » fixée à juillet 2000 7 ( * ) pour l'élargissement du service universel, conformément au principe de mutabilité du service public, son contenu est resté figé depuis 1996 au seul service téléphonique fixe. Il ne reflète pas les évolutions technologiques ni les demandes sociales, alors que le nombre d'abonnés au mobile (37 millions) est supérieur au nombre de lignes téléphoniques fixes (34 millions).

1-4) Un financement en débat

Au delà de son périmètre, le mode de financement du service universel est en débat. Si nul ne remet en cause l'existence d'un service universel, opérateurs privés et fournisseurs d'accès à Internet, qui alimentent le fonds de service universel, contestent ses modalités de calcul et/ou son abondement par les acteurs de marché et non pas par l'Etat.

2- PROPOSITIONS

2-1) Une ambition à promouvoir au niveau européen: l'élargissement au haut débit

Malgré un soutien par l'Espagne, l'Italie, le Luxembourg, le Grèce et l'Irlande, la France n'a pas pu convaincre ses partenaires européens d'élargir dès 2002 le service universel. Mais l'article 15 de la nouvelle directive « service universel et droits des utilisateurs » prévoit le réexamen de son périmètre en mars 2004 . La France doit se fixer l'objectif de convaincre, à cette échéance, nos partenaires d'inclure une connexion Internet à haut débit dans le service universel. Les Etats membres pourraient se laisser persuader plus facilement, à cette date, avec la banalisation à prévoir de l'usage du haut débit et le développement de la concurrence sur ce segment de marché (notamment via les technologies non filaires, alors que l'ADSL est aujourd'hui dominé par les opérateurs historiques).

2-2) Des retouches pour le fonctionnement du fonds de service universel

Une retouche des modalités de recouvrement des contributions au fonds de service universel est rendue indispensable par le récent arrêt de la Cour de Justice. Le rapport propose corrélativement de changer l'assiette des contributions (les asseoir sur le chiffre d'affaires et non plus sur le volume de trafic) et les modalités de versement (à l'étude : un versement a posteriori, pour éviter le jeu complexe des contributions prévisionnelles et des régularisations).

2-3) Pour un élargissement ciblé à des prestations mobiles de base

S'il n'est pas enrichi au rythme des besoins sociaux, le service universel va dépérir. Le rapport propose d'inclure, sous forme de services additionnels à la téléphonie fixe , un service de base de téléphonie mobile (voix) dans le service universel, suivant un mécanisme nouveau : découpage régionalisé, avec un panachage de circonscriptions denses et moins denses ; cahiers des charges uniformes en terme de qualité de service et de couverture (par exemple les principaux axes de circulation et les lieux d'habitation) ; appels d'offre ouverts à tous les opérateurs ; financement mutualisé des surcoûts, sur la base du « pay or play ». En contrepartie, une exonération partielle ou totale au financement du fonds de service universel fixe pourrait être accordée aux opérateurs, au delà d'un certain niveau d'engagement.

• 3 EME OBJECTIF : L'AMÉNAGEMENT NUMÉRIQUE DU TERRITOIRE

1- CONSTAT

1-1) Un déséquilibre persistant

Malgré les acquis de la loi de 1996 (la péréquation géographique des tarifs sur une base nationale) et les perspectives qu'elle avait mises en place ( un élargissement progressif du service universel disponible sur tout le territoire et une méthode pour couvrir les zones d'ombre de la couverture mobile) une fracture numérique territoriale se dessine, qui est durement ressentie par les collectivités locales concernées. Les technologies s'accumulent dans les zones denses, les plus rentables, laissant à l'écart de leur déploiement dès aujourd'hui environ 20 % du territoire pour le GSM 8 ( * ) et, demain, entre 20 et 30% pour le haut débit (l'ADSL ayant la meilleure couverture).

1-2) Le rôle ambigu de l'Etat

Ayant tardé à réagir contre le creusement de ce fossé, l'Etat fixe des objectifs désordonnés mais parfois ambitieux, qu'il ne se donne pourtant pas les moyens de remplir. Ses « décisions » ou documents « programmatiques» - tel le projet de schéma de services collectifs 9 ( * ) - ne sont assortis ni d'un mode opératoire ni d'un plan de financement propre et révèlent plus un suivisme des modes du moment, voire un jeu de défausse, qu'une véritable vision prospective. L'élargissement des compétences des collectivités locales à l'installation de « fibres noires » de télécommunications, est, depuis son assouplissement (par ailleurs souhaitable) 10 ( * ) instrumentalisé par l'Etat pour organiser un exercice inavoué de ses missions de solidarité territoriale par les collectivités locales.

1-3) Le transfert de charge vers les collectivités locales

Conséquence inévitable de cette démission, on assiste à une décentralisation « clandestine » de l'aménagement numérique du territoire vers les collectivités locales : elles financeront au moins 43 millions d'euros pour finir la couverture mobile du territoire (2,3 millions d'euros en Corrèze, 3,1 millions en Haute Loire, 2,3 millions en Côte d'Or, et la liste est longue...) tandis que leur engagement pour l'installation de réseaux à haut débit pourrait atteindre 1,5 milliard d'euros , les crédits engagés dans le seul cadre des contrats de plan conclus en 2000 s'élevant déjà à au moins 518 millions d'euros . Dix huit régions, 35 départements et 60 agglomérations ou communautés de communes au moins sont engagés dans la mise en place de réseaux à haut débit. Dans certains budgets départementaux, le poste « réseau haut débit » équivaut aux dépenses engagées pour les infrastructures routières.

La méthode du Gouvernement emporte plusieurs inconvénients sérieux : le cadre juridique et financier n'étant pas fixé 11 ( * ) , les collectivités locales sont exposées à un risque juridique et économique ; cette décentralisation étant en fait et non en droit, ses principes n'ont pas été respectés : transfert de ressource par l'Etat équivalant au transfert de charge, bloc cohérent de compétence ou, au moins, désignation d'une collectivité « chef de file » pour porter les projets. Sa philosophie est contraire aux principes de solidarité de l'aménagement du territoire : les collectivités denses et donc « riches » en potentiel fiscal ont accès sans tarder et sans payer aux technologies, les autres doivent attendre et payer.

2- PROPOSITIONS

2-1) Clarifier un environnement brouillé

Comme le demandent nombre d'acteurs locaux, l'Etat doit enfin élaborer une cartographie précise des réseaux déjà déployés, ainsi qu'un recensement des sites utilisables (par exemple carte des points hauts) pour fixer l'environnement dans lequel interviennent les collectivités locales et éviter redondances et gaspillages.

Pour lever toute incertitude juridique et financière et harmoniser sa mise en oeuvre, les modalités d'application de l'article L.1511-6 du code général des collectivités territoriales doivent être précisées d'abord par décret en Conseil d'Etat , puis, ensuite, éventuellement par une circulaire d'application (et non l'inverse), cette dernière étant prise après une réelle concertation avec les acteurs concernés, au premier rang desquels les collectivités locales qui financent les projets.

2-2) Avouer la décentralisation de l'aménagement numérique du territoire

La décentralisation de fait de l'équipement des zones peu denses du territoire en infrastructures de télécommunications doit sortir de la clandestinité, pour respecter enfin les principes des lois de décentralisation : transfert de ressources équivalant au transfert de charge (par exemple via un partage d'un impôt d'Etat), clarification des responsabilités , par exemple en posant le principe de l'instauration d'une collectivité « chef de file » par projet.

Parallèlement, les collectivités devraient se voir reconnaître des droits plus en rapport avec leur implication dans le secteur des télécommunications. Ainsi, plutôt que d'avoir à subir l'impuissance de l'Etat à voir mis en oeuvre l'itinérance locale entre réseaux mobiles dans les zones qui ne seront couvertes, grâce à l'argent public local, que par un seul réseau, il serait légitime qu'un texte de loi les autorise à exiger des opérateurs concernés la mise en oeuvre de cette itinérance, solution optimale au regard des bénéfices pour les consommateurs et de la rentabilisation des investissements publics.

2-3) Normaliser enfin la fiscalité locale de France Télécom

La perception par l'Etat 12 ( * ) des impôts locaux de France Télécom (pour 710 millions d'euros) est une anomalie héritée du passé , source de distorsion concurrentielle, pour laquelle la France fait l'objet d'une procédure d'infraction à Bruxelles. Le retour au droit commun d'une perception par les collectivités locales doit être organisé au plus vite, selon deux principes : une normalisation aussi poussée que possible pour les 15.000 collectivités locales concernées par un établissement de France Télécom ; une préservation des ressources du fonds national de péréquation de la taxe professionnelle, via un écrêtement, en priorité des surplus de recettes qui seraient « hors moyenne » (cas particuliers d'une augmentation drastique du produit de la taxe professionnelle).

L'objectif du Gouvernement d'une « neutralité fiscale » de cette réforme pour l'Etat est illégitime et la viderait de son sens, car elle reviendrait à reprendre d'une main ce qu'on s'apprêtait à restituer tardivement de l'autre. L'Etat, en tant qu'actionnaire de France Télécom, a reçu, depuis 1998, - et sans compter les quelque 12 milliards d'euros de recettes de privatisation- 600 millions d'euros par an de dividendes, auxquels s'ajoutent les 619 millions d'euros versés en 2001 au titre des licences UMTS. Il ne peut donc s'estimer lésé par le retour au droit commun de la fiscalité locale de France Télécom, qui n'est qu'un volet, tardivement mis en oeuvre, d'une réforme plus globale du statut de l'entreprise qui n'a pas, loin de là, lésé ses intérêts.

* 1 Article L. 35-3 du code des postes et télécommunications.

* 2 Permettant l'utilisation des derniers mètres du réseau téléphonique de France Télécom par ses concurrents, pour permettre un accès à l'abonné. Voir lexique joint en annexe.

* 3 Commission de régulation de l'électricité

* 4 Conseil supérieur de l'audiovisuel

* 5 Même si la loi prévoit que tout opérateur peut être prestataire de service universel, à condition d'en respecter les obligations et notamment la présence en tous points du territoire

* 6 La directive de 1998 (prétexte à la non parution du décret concerné) n'ayant été transposée qu'en juillet 2001...

* 7 La procédure de révision commençait par le dépôt d'un rapport, au plus tard quatre ans après le vote de la loi, en fait remis seulement en février 2002 et ne proposant aucun élargissement du service universel.

* 8 D'après les mesures in situ réalisées par les départements avec la méthodologie mise au point par l'ART

* 9 Projet de schéma de services collectifs de l'information et de la communication, disponible sur le site www.datar.gouv.fr

* 10 Voir les développements du chapitre 3 consacrés à ce sujet.

* 11 Et en particulier le décret d'application de l'article L.1511-6 du code général des collectivités territoriales, fixant notamment les zones dans lesquelles des réductions peuvent être consenties sur les prix de location des infrastructures de télécommunications aux opérateurs, n'étant pas publié

* 12 Et marginalement (1/3) par le fonds national de péréquation de la taxe professionnelle

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