M. Patrick BALLARIN, directeur associé de Réservoir Prod

Nous sommes bien entendu tout à fait optimistes face à l'arrivée du numérique hertzien, qui nous paraît répondre à des attentes identifiées.

Nous avons la chance de côtoyer le public de près et la chance ou la malchance d'avoir la sanction des audiences tous les matins. Ces postes d'observation nous montrent que le public évolue de deux manières : à la fois vers une maturation et vers une sophistication des besoins ou attentes.

Les téléspectateurs font des choix, la fidélisation verticale depuis l'avant-journal de 20 h jusqu'au film de la soirée n'existe plus, nous devons nous accrocher à leur emploi du temps.

La contrainte éditoriale fait aussi que l'on ne peut plus tricher avec le public : si l'on veut qu'il revienne, il faut lui donner des produits de qualité et satisfaire ses exigences accrues.

Réservoir Prod produit des programmes dits "de société", des émissions très participatives, qui évoquent des problèmes réels de la vie quotidienne de la manière la plus authentique possible. Une émission comme "Ça se discute" a maintenant huit ans d'existence et ses audiences restent toujours aussi élevées.

Que peut apporter la télévision numérique terrestre à ces attentes et au besoin de lien social exprimé par les fortes audiences des émissions de société des chaînes généralistes ?

Elle permettra l'interactivité : on parle de consom-acteur, de télé-acteur, des téléwebbers, etc.

Grâce à elle, les gens pourront satisfaire leur besoin de participation, même si l'on ne sait pas encore à quel point.

Elle permettra la diversité. La télévision est actuellement un marché régi plus par l'offre que par la demande. Il y a bien sûr de fortes contraintes économiques et éditoriales, mais le téléspectateur français n'est pas différent du téléspectateur italien ou allemand, alors que notre offre de programmes est bien moins fragmentée. Le câble et le satellite offrent cette diversité, que ne pourra pas offrir la TNT, mais leur rapport qualité-prix montre clairement ses limites pour satisfaire la majorité de la population.

La TNT apportera gratuitement à tous les téléspectateurs français la diversité à laquelle ils aspirent.

On peut caractériser la naissance de la télévision numérique comme l'étape du passage du train à vapeur au train électrique : ce dernier est resté un bien collectif et n'a pas empêché les avions de voler.

Trois segments de marchés vont répondre à des attentes différentes. Des chaînes généralistes qui ont encore de beaux jours devant elles, des chaînes thématiques qui répondent à des besoins et des centres d'intérêts individualisés, et enfin des chaînes qui, soit seront adossées à des généralistes gratuites, soit seront totalement nouvelles.

Sans synergies avec des chaînes généralistes, ces dernières devront renoncer à l'information générale, au sport et aux fictions lourdes : il leur reste les séries, les documentaires, les reportages, les magazines de services, les spectacles, les arts, la culture, etc. ; il y a largement de quoi faire pour atteindre des objectifs d'audience économiquement satisfaits. Il s'agit d'offrir des programmes à des cibles comportementales qui ont besoin d'horaires décalés et de diversité de choix, qui seront des expansions des lignes éditoriales des chaînes généralistes ou des lignes éditoriales trop segmentantes pour figurer à l'heure actuelle sur les chaînes généralistes, ceci notamment pour les 15-34 ans.

Chez Réservoir-Prod, nous avons choisi de développer un projet dit « de société », d'accompagnement, dans lequel figurera un maximum d'interactivité et de participation des téléspectateurs. Cette chaîne aura une audience qui s'interprétera de manière globale, en incluant systématiquement celle provenant des déclinaisons sur le net ou des services interactifs.

Notre ligne éditoriale tentera de répondre à la fois à des besoins de lien social et de découverte.

Les maisons de production telles que la nôtre sont de moins en moins nombreuses sur le marché qui, comme tous les autres, connaît des phénomènes de concentration et de mondialisation.

Parmi les producteurs indépendants, nous sommes un des rares à exporter des formats originaux à l'étranger. La production indépendante doit pouvoir répondre aux attentes du public, et la télévision numérique de terre constitue une formidable opportunité de croissance pour ce secteur.

Les thèmes associés à ce dossier

Page mise à jour le

Partager cette page