M. Patrick LELEU, président-directeur général de Noos

Il y a différentes manières d'atteindre les objectifs démocratiques soulignés par Claude Berda. Noos s'attache ainsi particulièrement à trois critères de choix fondamentaux relatifs à ce que veut le public : la qualité de l'offre, la clarté de l'offre et le prix.

La qualité de l'offre s'exprime en tant qu'adéquation de celle-ci aux centres d'intérêts des clients. Ceux-ci demandent contenus et diversité. Les thèmes les plus demandés sont, en ordre décroissant, le cinéma (64 %), le documentaire (47 %)-- avec la variété de thèmes que cela recouvre, et qui se consomme différemment au long de la vie, le sport (37 %), l'information (37 %), puis un décrochage vers tous les thèmes auxquels on peut penser, dont la jeunesse.

Nous offrons donc 13 chaînes cinéma, 12 chaînes documentaires, 8 chaînes de sport, 11 chaînes d'information, plus des éléments dérivés. Avec la distribution de plus de 145 chaînes et services interactifs, nous avons la faiblesse de penser que le compte y est. Ce n'est donc pas là que se situe le goulet d'étranglement, si ce n'est que l'observation de la consommation de l'Internet haut débit, tellement différente de la consommation télévisuelle, nous montre que les générations montantes nous réservent des surprises.

La clarté de l'offre, en revanche, pose un problème.

Les clients actuels du câble apprécient la liberté et la souplesse. Noos leur dit qu'ils ont le choix et qu'ils peuvent en changer autant qu'ils le veulent. Cela est fidélisant et valorisant, mais ne correspond qu'au segment de clientèle qui existe déjà aujourd'hui.

Un deuxième segment de clientèle est composé d'un ensemble de personnes qui ne se sentent pas à l'aise dans le choix, qui n'ont pas encore fait le pas vers la télévision payante, parfois parce qu'elle est trop chère. Nous allons mener un certain nombre d'initiatives de façon à guider cette catégorie de clientèle vers la télévision payante, en lui préparant des choix ciblés.

Le troisième critère de sélection est le prix. Nous considérons que le budget prévisionnel mensuel par foyer est de 25 € par foyer parisien et de 20 € par foyer de province, à savoir les grandes villes de province. Ces estimations concernent des revenus de 3 000 €. Aujourd'hui, nos clients dépensent a minima 37 € pour 15 chaînes de qualité qui vivent bien du point de vue économique. Il faut bien entendu choyer ces clients, mais également aller vers les segments suivants, ceux de 20 à 25 €.

Ces constatations pécuniaires peuvent expliquer les tensions qui sont apparues entre les câblo-opérateurs et les éditeurs de chaînes. Il faut se préparer à un univers fondé sur un prix nouveau.

Cela nous rapproche de la TNT : en dispersant les moyens de distribution, va-t-on aboutir à une meilleure efficacité économique, qui demande au contraire de la concentration ?

Comment voyons-nous donc l'évolution de l'offre dans un futur un peu plus lointain ?

La personnalisation de la télévision est une tendance très forte : on veut consommer le programme que l'on veut, quand on veut. Internet fait, de ce point de vue, un travail énorme pour montrer que cela est possible : le monolithisme des chaînes va s'en trouver ébréché, nous devons en tenir compte.

La norme IP qui triomphe sur Internet va finir par avoir ses déclinaisons sur la télévision, ou bien celle-ci va être obligée de s'adapter. Dans cette grande convergence téléphonique, peu importe le support, pourvu que l'on ait l'ivresse.

Dans cet environnement, la TNT va être un concurrent redoutable. Il va y avoir une telle emphase médiatique sur cette révolution que cela va marquer les esprits et les éditeurs vont mettre des budgets publicitaires considérables. Tout cela va formater les repères de nos clients face à la télévision.

Mais c'est aussi un tigre de papier : une offre étroite de 36 chaînes déterminées ne peut aller vers ce besoin de variété des clients.

Il y a, de plus, des choses qu'il ne faut pas faire, comme tuer un paysage au nom d'une nouveauté, qui demeure néanmoins indispensable. Pour assurer le succès de la TNT, on compte beaucoup trop sur le câble ce qui semble une mauvaise inspiration globale. Nous luttons donc techniquement contre un décret « must carry ».

Mais ceci n'est que l'écume des choses : il reste deux principales erreurs à éviter.

La première serait de détruire définitivement la tolérance du public à l'idée de payer la télévision.

La seconde serait de mettre un distributeur déjà puissant, lié à un groupe d'édition, en position dominante de contrôle sur deux des trois réseaux de distribution.

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