M. René TREGOUËT, sénateur, président du groupe de prospective du Sénat

Quelques observations concernant les résultats du sondage effectué par CSA et dont M. Cayrol nous a parlé : un chiffre peut « marquer », c'est quand la question suivante est posée : "Appréciez-vous la possibilité de recevoir les programmes de télévision sur un ordinateur ?". Seulement 8 % des Français sondés ont répondu "oui". Mais on aurait pu poser la question autrement et dire : "sur le même écran et avec la même convivialité qu'aujourd'hui, est-ce que vous vous préoccupez que cela passe par un tuner ou par un ordinateur ?". La réponse eût été certainement différente.

Cela signifie que, ce qui importe le plus aux consommateurs, c'est la finalité : ce qu'ils ne veulent pas, c'est être obligés de se mettre devant une machine qui leur rappelle d'abord beaucoup trop le travail ; ils tiennent avant tout à se détendre et à, si possible, ne pas se retrouver le soir chez eux devant un ordinateur, alors qu'ils y passent déjà une grande partie de leur temps dans le cadre du travail. On ne doit donc pas être surpris qu'il y ait seulement 8 % des Français qui répondent à la question telle que l'institut CSA l'a formulée.

Je crois ne pas me tromper en disant que le personnage le plus important dans toute notre problématique aujourd'hui, l'utilisateur, va faire des choix qui vont tenir compte de toutes les possibilités offertes simultanément par la montée en puissance de toutes les nouvelles technologies, et pas d'une seule parmi elle, la télévision. Nous en parlons depuis très longtemps, et nous y arrivons, il y a aujourd'hui convergence entre trois mondes qui ont marqué celui de nos parents et notre propre monde : celui du téléphone, celui du téléviseur et, plus récemment, celui de l'ordinateur. Ces mondes sont en train de se fondre. Je le vois dans les laboratoires que j'ai l'honneur de visiter un petit peu partout dans le monde.

Depuis quelques semaines arrivent sur le marché français de nouvelles cartes graphiques qui permettent à tout un chacun de voir très facilement la télévision et des films sur son ordinateur. De nombreux jeunes chargent ainsi sur leurs ordinateurs des films trouvés sur des sites américains et les visionnent en DVIX. Ils n'attendent pas leur sortie en DVD (dont nous sommes, à juste titre, si fiers en France ; le problème est que beaucoup de jeunes n'ont pas les moyens de s'en acheter quand bon leur semble).

Des habitudes sont ainsi prises, et notamment, ce qui est nouveau, la possibilité de se déconnecter totalement du temps. Il faut bien voir qu'à l'avenir les gens ne vont plus vouloir qu'on commande leur temps et qu'on en soit les maîtres. Or l'avenir, c'est aujourd'hui car vous pouvez d'ores et déjà, pour un prix modeste, gérer votre temps : je pense par exemple à la fonction « arrêt sur image » d'une émission de télévision en cours d'enregistrement avec la possibilité de regarder un programme en direct avec la souplesse du différé (c'est-à-dire « régler » un retard sur le direct avec sa télécommande, retard que l'on peut ensuite rattraper). De nouvelles libertés de visionnage des émissions annoncent un bouleversement de la façon de regarder la télévision.

Nous sommes donc à un virage. Il ne faut pas oublier que nous n'avons pas la capacité d'imposer au client nos desiderata, mais que c'est lui qui fera le choix. Il faut donc bien réfléchir avant d'agir et notamment en ce qui concerne la TNT. A ma connaissance 35 chaînes environ y seraient programmées alors que dans le même temps nous avons en France des propositions alternatives aux faisceaux hertziens. Je pense en particulier aux propositions satellitaires de qualité et fort concurrentes, sur lesquelles les téléspectateurs peuvent recevoir des centaines de chaînes.

Autre sujet de réflexion : l'équipement du câblage dans lequel nous avons pris un énorme retard par rapport à nos voisins, et particulièrement l'Allemagne où trente-cinq millions d'habitants peuvent accéder au câble contre 3,5 millions d'habitants chez nous. C'est un grave problème quand on sait que l'accès au haut débit sera aussi discriminant pour notre économie du futur que l'est aujourd'hui l'accès à la société consumériste.

Il faut donc que l'on soit bien clair devant les choix qui s'offrent à nous : soit nous choisissons des canaux qui ne vont permettre que l'accès à la télévision. Soit nous choisissons dès maintenant la complémentarité qui, elle aussi, grâce au large débit permettra, et sans limite, de disposer des spectaculaires possibilités offertes par la fusion des trois mondes dont je vous ai parlés. Il faut que les capacités publiques fassent un effort hors du commun dans ce domaine, pour pouvoir faire en sorte d'accéder de façon puissante au câble sur l'ensemble de France. Ce que je vous dis aujourd'hui, je l'ai fait dans mon département du Rhône qui a aujourd'hui la plus grande plaque optique de France et sur laquelle il va y avoir bientôt plus d'un million de personnes qui vont pouvoir se connecter. Même le plus petit village est maintenant alimenté en fibre optique.

Il y a d'un côté ce que l'on est capable de mettre aujourd'hui sur une seule fibre optique, et qui dépasse parfois l'imagination, et, de l'autre, les possibilités offertes par la TNT, et ses inévitables limitations techniques.

C'est du futur de nos concitoyens dont nous parlons et que nous devons préparer dans les meilleures conditions : il faut non seulement faire en sorte que le plus grand nombre d'entre eux puisse accéder aux loisirs, mais aussi qu'ils puissent, aussi et surtout, accéder aux métiers du futur.

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