M. Roland CAYROL, directeur de recherche à la Fondation nationale des sciences politiques, directeur général de l'Institut CSA
Nous
avons réalisé le 16 janvier 2002 une enquête
auprès d'un échantillon national représentatif d'un
millier de personnes sur la position actuelle du public français
vis-à-vis de la télévision et des offres possibles pour la
télévision numérique terrestre.
- 74 % des Français nous disent qu'il n'y a pas toujours quelque
chose d'intéressant à voir à la télévision
et ils aimeraient bien avoir le choix, comme à la radio, entre des
télévisions nationales et des télévisions locales
par exemple (83 %) ;
- La télévision garde sa fonction de lien social : les
émissions vues sont au centre des discussions collectives pour 72 %
des personnes interrogées ;
- 32 % seraient d'accord pour payer plus cher la redevance ou un
abonnement, à condition qu'il y ait moins de publicité.
Partant du constat de l'insatisfaction de 74 % des Français, nous
nous sommes interrogés sur les points négatifs des programmes
offerts.
On constate que deux genres, les séries et fictions françaises et
les jeux, ne font pas recette. Sans doute est-ce parce que l'offre est
suffisante.
En revanche, il semblerait y avoir un public important pour « tout le
reste ».
Sur les documentaires et les programmes culturels qui arrivent au premier rang,
avec 41 % et 34 % des demandes, ce sondage nous rappelle qu'il n'y a
pas
des
publics, mais
un
public avec des goûts
diversifiés exprimés à des moments divers. Cela ne
signifie évidemment pas que les audiences des documentaires atteindront
celles des films, cela veut dire qu'une majorité du public souhaite,
à un moment ou à un autre, pouvoir regarder un documentaire, et
qu'à ce moment là ce choix ne lui est pas proposé.
Précisons que ces demandes sont très
« interclassistes » et
intergénérationnelles : on peut donc bien parler des
demandes
du
public en général.
- Presque 1 Français sur 2 (43 %) a déjà entendu
parler de la TNT, objet qui pourtant n'existe pas encore. Mais seulement
13 % savent réellement ce dont il s'agit. Ces personnes
réellement informées se trouvent en plus grand nombre parmi les
diplômés, les cadres, mais aussi les plus jeunes, très
intéressés par les nouvelles technologies.
Pour avoir accès à une dizaine de chaînes gratuites et
à des chaînes payantes, 30 % disent être prêts
à dépenser environ 1 300 francs. Cela illustre bien
sûr l'appétence pour de nouveaux programmes, mais soyons
prudents : seulement 8 % répondent un "oui" assuré,
« oui certainement ». Ceux-ci sont d'abord les jeunes, mais
aussi ceux qui sont déjà les mieux équipés en
matière d'audiovisuel, les abonnés de Canal Plus, du câble
... Ce qui confirme l'adage selon lequel on laboure mieux un terrain
déjà connu. Mais cela constitue à l'évidence un
problème si la TNT est censée partir à la
conquête... des autres.
- Sur les 30 % qui se disent prêts à s'équiper,
71 % d'entre eux (soit 21 % de l'ensemble des Français)
seraient prêts à payer plus de 100 francs par mois pour la
TNT, la moyenne étant de 185,50 francs - ce qui renforce
l'impression d'une forte attente.
Qu'attend-on des progrès techniques à la
télévision ?
Si la possibilité de recevoir des programmes sur son ordinateur
n'intéresse que 8 % des Français, celle de
bénéficier d'une meilleure qualité d'image et de son est
citée par 28 % d'entre eux.
Mais le choix permis dans la composition (54 %) et dans les heures de
diffusion des programmes (49 %) sont les vraies attentes fortes
révélées par le sondage : le vrai progrès, en
matière de télévision, ce doit décidément
être le choix, enfin permis aux téléspectateurs.
Sur ces nouvelles chaînes, que voudrait-on voir ?
Cela est équitablement partagé entre "plus de chaînes
thématiques" (47 %) et plus de "généralistes"
(45 %). Il est nouveau que les chaînes thématiques fassent un
aussi bon score de demande.
Les chaînes thématiques sont plébiscitées par
79 % des moins de 25 ans, et notamment par ceux qui sont les plus
équipés et qui savent donc le mieux de quoi il s'agit
techniquement.
Je conclurai en disant que nos données montrent un important
appétit pour de nouveaux programmes qui seraient très
variés, et offriraient une liberté de choix. Le coeur de cible
demande d'abord des chaînes thématiques. Mais la connaissance
réelle du phénomène TNT reste encore médiocre. Les
communicants ont encore beaucoup de travail devant eux !