6. M. Jean-Yves Autexier, sénateur de Paris

L'introduction d'une concurrence débridée sur le marché de l'électricité en Europe conduira irrémédiablement à sacrifier les investissements à long terme et donc à l'abandon de l'énergie nucléaire. Alors que le programme électronucléaire a permis à la France un taux d'indépendance énergétique supérieur à 50 %, un prix de kWh extrêmement compétitif avec peu d'émission de CO2. Ce type d'investissement non rentable à court terme ne peut pas attirer un opérateur privé : Siemens et ABB se sont défaits de leurs activités nucléaires au profit de la Cogema.

La Grande-Bretagne des années quatre-vingt-dix avec la ruée vers le gaz, a obligé Tony Blair à geler les autorisations pour de nouvelles centrales en raison des risques du tout gaz.

Les investissements énergétiques de court et moyen terme seront donc privilégiés, si on n'y prend pas garde, et une priorité sera donnée au gaz ou au charbon, avec les conséquences que nous savons : difficultés d'approvisionnement, dépendance et effet de serre.

La seule solution pour répondre à ces défis passe par une politique beaucoup plus volontariste en ce qui concerne l'énergie nucléaire. La France ne doit plus tergiverser et lancer le programme EPR, tout en trouvant un terrain d'entente avec les États-Unis pour leur nouveau réacteur AP600.

Seuls les États peuvent initier une telle stratégie industrielle. La Commission européenne confirme dans son Livre Vert l'intérêt de l'énergie nucléaire tout en précisant que l'abandon des centrales existantes en Europe équivaudrait à une hausse de 12 % des émissions de CO2. Elle recommande aux États membres le renouvellement du parc des centrales existantes et aux autres, hostiles au nucléaire, de ne pas empêcher les pays qui le souhaitent d'y recourir, à condition bien sûr de garantir la sécurité nucléaire de tous les citoyens d'Europe. Et personne mieux que l'État ne peut garantir cette sécurité. La directive électricité laisse aux pouvoirs publics la possibilité d'influencer, voire de contraindre, les investissements. Selon l'article 3 : les États membres peuvent imposer aux entreprises du secteur de l'électricité des obligations de service public qui portent sur la sécurité (y compris sécurité d'approvisionnement), la régularité, la qualité, les prix de fournitures, ainsi que la protection de l'environnement. C'est à chacun de définir les obligations de service public. Les gouvernements, les Parlements doivent mieux contrôler les organes de régulation, comme la Commission de régulation de l'électricité pour la France.

Une fois la sécurité renforcée, la puissance énergétique passe par une politique de recherche ambitieuse, que seuls les États peuvent impulser (la France se doit de relancer le programme EURATOM).

Dans les faits, et malgré la directive, le marché français est ouvert à 2 % -compétitivité d'EDF oblige- et à 3 % en Allemagne où l'ouverture est censée être totale. L'État garant d'une libéralisation maîtrisée n'empêche en rien les électriciens d'avoir une ambition internationale. Une entreprise comme EDF a fait des progrès considérables en termes de productivité, mais doit se développer en Europe : en Italie, en Grande-Bretagne. Certains pensent qu'EDF devra ouvrir son capital pour continuer dans cette voie. C'est à voir. Les ressources d'EDF sont suffisantes à son développement, mais il est nécessaire que l'entreprise augmente sa rentabilité en introduisant en Bourse ses filiales comme London Electricity. Ce qui est sûr, c'est que l'État doit rester l'actionnaire majoritaire considérant les investissements de long terme, et la sécurité qui nécessite une surveillance constante de la puissance publique.

M. Henri Revol

Sans refaire le débat, mais dans une maison qui fait la loi, dire que : « de n'avoir pas fait la loi ça ne gêne personne », c'est un peu ennuyeux. Je prends en exemple Powernext : malgré la disposition interdisant le trading, ça existe quand même et ça fonctionne ! On m'a expliqué ce matin que cette bourse électrique « est créée par une interprétation hardie de la loi »...

M. Christian Bataille

La création de Powernext par dérogation à la loi est scandaleuse. Il faut espérer un changement de majorité pour régulariser tout cela. Mais je m'opposerai à cette régularisation législative. Les hauts personnages de l'électricité et du gaz font ce qu'ils veulent, et la loi c'est nous, pas eux !

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