3. M. Preben Munch, représentant de Bergen Energi

Bergen Energi se place dans le contexte de l'application des régulations, aux côtés des utilisateurs finaux. Le souci de notre société est de faire fonctionner au mieux le marché pour l'utilisateur final.

Il faut distinguer le courtier du trader. Le courtier n'achète ni ne revend de l'électricité, il fait se rencontrer l'acheteur et le vendeur. Le trader achète et revend, il gagne de l'argent selon la marge qu'il réalise. Bergen Energi est un courtier qui offre au consommateur les meilleures conditions en tenant compte de sa stratégie et de sa définition des risques.

La Norvège a été le premier pays d'Europe à procéder à la déréglementation du marché de l'énergie. Depuis dix ans, nous vivons dans un environnement ouvert et avons dû faire face au challenge de la déréglementation, où le rôle de la bourse est prédominant, Nord Pool l'a démontré depuis 1996, date de sa création, et nous nous réjouissons que Powernext nous ait choisis comme partenaire, voire comme modèle.

Il est important de souligner la volatilité de l'électricité. Avant, la logique d'achat voulait que le prix reste stable. Sur un marché dérégulé, le timing est très important pour obtenir le meilleur prix. Les acteurs doivent gérer le risque que représente cette volatilité, et mettre des garde-fous. Un marché qui fonctionne est capable de mettre en place des outils pour gérer ces risques. C'est pourquoi le cadre légal est un aspect important, comme le sont les tarifs de transport qui doivent rester transparents et inchangés (quelles que soient les distances). Avec EDF, le problème peut se poser en France pour les acteurs étrangers, surtout quand ils sont moins puissants. Sur un marché développé, l'écart de prix entre le marché de gros et le consommateur final est très étroit.

La France a de nombreux atouts dans ses institutions et dans son esprit d'ouverture. L'évolution de son marché est encourageante.

Le cadre législatif actuel est, par contre, contraignant. Certains acteurs étrangers peuvent être privilégiés par rapport aux acteurs français dans plusieurs domaines. Enfin, le non-accès à la bourse pour des utilisateurs finaux constitue un frein au marché. Un marché a besoin de fluidité, il ne peut pas être limité à certains traders. Les utilisateurs finaux, les utilisateurs d'énergie en France, doivent avoir accès à la bourse, c'est la condition du bon fonctionnement du marché.

4. M. Marc Hiegel, directeur de la stratégie et de la participation à la direction générale gaz et électricité de TotalFinaElf

Les compagnies pétrolières abordent l'ouverture à la concurrence avec optimisme, ce n'est pas une nouveauté pour nous, mais plutôt un facteur d'opportunités et de développement au bénéfice du consommateur.

La sécurité d'approvisionnement, qui a déjà fait l'objet d'un Livre Vert de l'Union européenne et d'un rapport récent du Sénat, et la flexibilité posent cependant plusieurs problèmes.

La flexibilité

Le modèle de développement des marchés gaziers européens est bien connu : les contrats à long terme entre les acheteurs et les fournisseurs ont fait leurs preuves en développant l'industrie gazière européenne et en permettant la mise en place de transport et de terminaux de réception du gaz. Le risque est partagé entre les acheteurs (risque volume) et les vendeurs (risque prix) qui acceptent que le prix du gaz reflète l'état du marché en restant compétitif avec les énergies concurrentes et substituables.

Mais ce modèle a ses limites : le manque de flexibilité sur les prix et sur les volumes, et la durée des contrats (de vingt à trente ans). Le gaz étant un combustible en très forte croissance, pour des raisons évidentes d'environnement, il convient donc d'améliorer la compétitivité du prix du gaz et sa sécurité d'approvisionnement pour les clients.

La dérégulation du marché européen apporte-t-elle une réponse suffisante à ces demandes ?

Oui, en ce qui concerne le coût car les fournisseurs étant en compétition, les prix baissent (voir les exemples de l'Allemagne et de la Grande-Bretagne).

En ce qui concerne la flexibilité, la réduction du long terme en marché spot nécessite des activités de trading, déjà réalisées aux États-Unis et au Royaume-Uni, mais balbutiantes en Europe continentale. Le trading apportera la flexibilité sur la durée des contrats et sur les risques par des mécanismes de couverture sur les quantités (grâce aux bourses d'échange) et sur les prix avec des nouvelles formules d'indexation.

Le trading est un métier difficile qui comporte des risques, la faillite d'Enron en est la preuve. L'existence de zones où existe du gaz librement accessible est nécessaire au développement du trading. S'il en existe sur la façade maritime au nord de l'Europe, le Sud n'en possède pas. TotalFinaElf prévoit d'en exploiter un dans le sud-ouest de la France, zone naturelle d'échange entre les ressources venant du nord de l'Europe et celles venant du Maghreb et qui a la capacité de stockage nécessaire. La France aurait ainsi un outil favorable au développement du trading et à l'ouverture du marché gazier.

La sécurité d'approvisionnement

50 % du gaz consommé par l'Union européenne arrive de Russie, d'Algérie et de Norvège. À l'horizon 2015, 70 % sera importé, toujours en provenance de ces pays producteurs, ainsi que de quelques autres situés sur la façade atlantique (Trinité et Tobago, Nigeria, Angola) ou du Moyen-Orient.

Pour favoriser l'arrivée de ces volumes nécessaires à l'Europe, les compagnies doivent agir à deux niveaux : le développement des champs gaziers dans les pays où existent les ressources (mais pas toujours les moyens de les exploiter) et l'aide au transport sur de longues distances (Sibérie, mer Caspienne), qui nécessite de gros investissements (des dizaines de milliards de dollars). La visibilité indispensable aux investisseurs n'est pas favorisée par la dérégulation qui privilégie le court terme. Il ne faut donc pas abandonner les contrats à long terme. Les compagnies pétrolières gazières ont un rôle à jouer en matière de sécurité d'approvisionnement (production, transport, savoir-faire...) et sont prêtes à investir à condition de disposer d'une visibilité minimale sur l'ouverture de leur marché.

En conclusion, la dérégulation est un atout, mais mal maîtrisée, elle pourrait accroître la dépendance de l'Europe et aller à l'encontre de l'objectif majeur de l'ouverture à la concurrence : la satisfaction des clients.

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