II. LA MISE EN oeUVRE DE LA NOUVELLE POLITIQUE DE DÉFENSE

Dans le cadre de ses contacts, la délégation a abordé sous trois angles la mie en oeuvre de la politique de défense américaine : la poursuite du programme de défense antimissile, l'implication du Pentagone dans la mission de défense du territoire national, et les priorités d'un budget militaire en forte progression.

A. UN PROGRAMME « ROBUSTE » ET AMBITIEUX DE DÉFENSE ANTIMISSILE

Les événements du 11 septembre 2001, en soulignant la vulnérabilité du territoire national américain, ont renforcé la détermination des autorités politiques et leur permettent d'accroître les budgets dévolus à l'édification d'un système de défense antimissile ( Missile Defense ). L'hypothèque du traité américano-russe ABM ( Anti Ballistic Missiles) de 1972, interdisant le déploiement d'un système protégeant l'intégralité du territoire national, a été levée avec le retrait unilatéral des Etats-Unis de ce traité, annoncé le 13 décembre 2001.

Tous les éléments sont donc réunis pour concourir à une accélération du programme antimissile, mais seule va réellement démarrer la construction d'un radar et d'un site d'intercepteurs terrestres en Alaska, en vue de se doter d'une « capacité d'urgence » vers la fin de l'année 2004. Le flou subsiste sur l'architecture d'ensemble du système, que l'actuelle administration veut beaucoup plus ambitieuse et « robuste » que celle envisagée sous la présidence Clinton. Les échéances de déploiement des différents éléments de la Missile Defense et l'efficacité des techniques d'interception envisagées demeurent également incertaines.

Si la disparition du traité ABM constitue pour Washington une victoire symbolique très importante, le degré d'urgence et la place de la Missile defense dans un effort de défense en forte progression doivent être relativisés.

1. Une détermination renforcée face à la menace des armes de destruction massive

Les attaques du 11 septembre 2001 ont tragiquement montré que la menace balistique n'était pas la plus plausible, ni la plus immédiate, et depuis lors, une nouvelle analyse officielle ( National intelligence estimate 2002 ) a conclu que les capacités balistiques des pays préoccupants se développaient à un rythme moins rapide qu'on ne le craignait.

Pour autant, la démonstration de la vulnérabilité du territoire américain a créé un profond traumatisme. La protection du territoire national ( homeland defense ) devient plus que jamais un impératif absolu, en particulier face aux pays de « l'axe du mal » dotés d'armes de destruction massive. Si la menace terroriste s'est matérialisée avec force, les autorités politiques s'attachent à souligner qu'elle n'exclut en rien la menace balistique , tout aussi inacceptable et dont il faut également se protéger au plus vite.

Dans un rapport d'information établi au printemps 2000 4 ( * ) , et qui portait sur le projet de National missile defense (NMD) de l'administration Clinton, la commission des Affaires étrangères et de la défense avait exposé les ressorts extrêmement puissants qui actionnaient la marche en avant des projets de défense antimissile. Elle avait considéré qu'il s'agissait là avant tout d'un impératif politique, fortement lié à la psychologie américaine, bien plus que d'une nécessité militaire.

Au cours de son séjour à Washington deux années plus tard, la délégation a vérifié que ce constat était toujours valable, et que les évènements n'avaient pu que le conforter.

Comme il y a deux ans, plusieurs responsables politiques ont rappelé qu'il était du devoir du président et du gouvernement de tout mettre en oeuvre pour protéger le peuple américain . Quel citoyen américain pourrait admettre que les autorités de son pays l'abandonnent sous la menace de missiles emportant des armes de destruction massive, alors qu'il existe une possibilité, à l'aide des technologies les plus modernes, d'édifier un rempart contre un tel danger ? Du reste, certains commentateurs signalent que, selon des sondages, une majorité d'Américains se croient dès maintenant protégés par un tel système, et que beaucoup d'entre eux s'étonneraient s'ils apprenaient qu'il n'en est rien et que l'on débat encore de l'opportunité de sa mise au point.

Le contexte actuel conforte également la conviction des Etats-Unis que les choix relatifs à leur sécurité ne peuvent être entravés par des engagements multilatéraux ou des contraintes diplomatiques d'aucune sorte, et que seul l'intérêt national commande.

Par ailleurs, si des débats existaient sur l'état des capacités balistiques des différents pays préoccupants, sur l'échéance à laquelle leurs missiles pourraient atteindre les Etats-Unis et sur la possibilité que ces pays parviennent à placer des armes de destruction massive sur ces missiles, les attaques du 11 septembre 2001 les ont plutôt atténués face à l'idée simple selon laquelle nul ne peut déterminer la probabilité d'une agression balistique et qu'il est urgent de préparer l'édification d'une défense efficace, sans attendre la révélation au grand jour de la détention et encore moins de l'usage, par lesdits pays, de ces capacités.

Ainsi, alors qu'au cours des premiers mois du mandat du président Bush, plusieurs leaders démocrates du Sénat, notamment MM. Daschle, Biden, et Levin, avaient exprimé des critiques vis à vis des projets de Missile defense et de la volonté d'abroger le traité ABM, force est de constater que le contexte de l'après 11 septembre les a conduit à fait taire la plupart de leurs réserves. Par ailleurs, l'administration démocrate elle-même avait soutenu le principe de la nécessité d'une défense antimissile et avait tenté de négocier avec Moscou une révision du traité ABM, en vue il est vrai d'un système plus réduit, et en partie sous la pression de la majorité républicaine du Congrès.

Enfin, la forte augmentation des crédits de la défense évite au Pentagone d'avoir à arbitrer entre ses différents programmes majeurs, qui sont tous maintenus et accélérés. Le contexte budgétaire est donc favorable à la Missile defense , bien que cette dernière ne bénéficie que d'une part relativement modeste de la « manne », avec une dotation pour 2003 se montant, comme en 2002, à 7,8 milliards de dollars, contre 5,3 milliards de dollars en 2001.

* 4 Rapport d'information du Sénat n°417 (1999-2000) - Les enjeux de la défense nationale antimissile aux Etats-Unis, par M. Xavier de Villepin.

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